Le Drame du Loch Nowih | Séraphin de Costemore

La soirée est un peu fraîche pour la période, mais la foule rassemblée pour l'occasion réchauffe l'atmosphère. Fébrile, Cécil ne l'est qu'à moitié, il ne peut ceci dit pas en dire autant de la plupart de ses collègues. Seule Moira, une aînée, est plus calme que lui. Elle a presque l'air ennuyée.
Peut être que, comme lui, elle se demande pourquoi elle a accepté de participer à la pièce. Pourquoi elle a accepté de voir le premier rôle donné à une jeune femme sans talent.

Ce n'est pas uniquement la jalousie qui parle. Cécil sait reconnaître quand c'est son orgueil qui se plaint, ou quand sa contrariété est justifiée. Le rôle principal a bel et bien été attribué à une jeune coordinatrice mignonne comme tout, certes, mais aux expressions figées, dignes des Lombre les plus éteints.

Et encore.

La pièce, quoique relatant une tragique histoire d'amour basique, avait du potentiel. Certaines scènes qu'ils ont répété sont même assez spectaculaires, l'ambiance renforcée par leur présence sur les rives du Loch Nowih et du château en arrière plan. De celles là, Cécil est fier, d'autant qu'il a obtenu de magnifié sa propre sortie.
Pour le reste-... Il n'est pas certain de se vanter de ce travail. Les répétitions – surtout les dernières – ont été laborieuses. Oh, Hailey a-.. Probablement fait de son mieux. Avec ses sourires figés et sa mine naturellement ennuyeuse, il est évident qu'elle a fourni des efforts, mais-...

Rien n'y fait.
Quand la pièce s'ouvre sur ses pleurs, ceux-ci retentissent aussi faux que lors de leur première répétition.

En coulisse, Cécil soupire, lance un regard aux autres artistes dont certaines roulent déjà des yeux. Il faudra du courage pour redresser la barre, et si le défi ne lui plaît pas tant que ça, pour sa paye, pour le public et pour son image, il est prêt à le relever. Au moins jusqu'à l'entracte, jusqu'à la mort de son personnage.

Eplorée par la mystérieuse disparation de son fiancé, sur les rives du Loch Nowih, Enéa vient s'y recueillir quotidiennement et prier l'esprit des eaux de lui rendre son amour. Une nuit, alors que la brume se lève et qu'Enea est réveillée par un rêve très vif, elle se rend à son lieu habituel et est rejointe par un magnifique et mystérieux Gallame.
Celui-ci la salue d'une gracieuse révérence et porte la broche de Malcolm, son fiancé disparu. Elle ne peut malheureusement rester plus longtemps en ces lieux car la brume s'épaissit et le pokemon la presse de quitter les lieux.

Le lendemain, le Lord Mcgregor, soupirant d'Enea vient à nouveau la supplier de l'épouser. Ce n'est pas la première fois qu'il lui rend visite, et sous la pression sociale, la jeune femme ne peut que reculer l'inéluctable. Sans refuser de l'épouser, elle lui fait la demande de plusieurs cadeaux de mariage originaux : un poignard dont le manche aura été taillé dans la corne de son Galopa favori, serti d'une pierre précieuse venant d'un Magirêve chromatique, un miroir fait à partir d'un Archéomire dont la surface serait si pure qu'elle révélerait même la face cachée de la Lune et une cape façonnée à partir du cuir d'un Keckleon, capable de dissimuler son porteur aux yeux de tous.
Chaque requête prend du temps à être réalisée, laissant le temps à Enéa de retrouver tous les soirs le Gallame mystérieux. Celui-ci la traite avec beaucoup de douceur, comme le ferait un humain et la jeune femme a des doutes quant à son identité. Ceux-ci se confirment lorsque, après avoir demandé l'assistance de sa dame de compagnie, Alison – capable de jouer d'un instrument de musique –, pour jouer la musique sur laquelle elle et Malcolm dansaient ensemble régulièrement, le Gallame lui fait faire une pirouette connue d'eux seuls.

Hailey a manqué de trébucher alors que le pokemon la faisait tourner. C'est in-extremis que le Gallame la rattrape, prend la pause, prétend que tout ceci est normal.
Il est plus difficile pour la jeune femme de faire semblant, mais celle-ci affiche un sourire mal assuré dans tous les cas.

Enéa est sous le choc, perdue et sans voix. Alison, derrière, trottine vers sa maîtresse et lui rappelle qu'elle a en sa possession le miroir offert par Lord Mcgregor, celui capable de révéler jusqu'à la face cachée de la Lune. Celui capable de révéler toutes les vérités.

Hailey papillonne des yeux alors que Ruby la presse d'un geste de tendre l'objet vers le Gallame. Tous deux parviennent à rendre l'échange naturel, mais un « Ah... Oui... » échappe à l'actrice principal. Dans les coulisses, les yeux roulent vers l'infini et au delà.

Le doute est levé lorsque dans le miroir, Enéa voit le reflet de Malcolm. Son fiancé, son Amour a été changé en pokemon, maudit par une force mystérieuse. La jeune femme le presse de questions qui restent sans réponse. Privé de parole, Malcolm ne peut que secouer piteusement la tête. Maintenant qu'il est reconnu, il retire sa broche et l'offre à sa promise. La brume commence alors à se lever à nouveau et le Gallame presse son amour et Alison de rentrer rapidement chez elles alors qu'il est avalé par la brume.
Le lendemain, Lord Mcgregor rejoint Enéa, fier de lui, fier de ses présents. Il lui apporte son dernier cadeau : la cape en cuir de Kéckleon qui brille d'un joli vert émeraude. C'est poliment, presque froidement que la jeune femme le remercie et le gratifie d'une révérence.

Hailey était censée attraper la cape, l'attacher d'elle même autour de son cou avec la broche offerte par le Gallame, mais elle se fige dans sa révérence, lance un regard perdu vers Cécil qui se contente de pencher la tête sur le côté, sourire indulgent aux lèvres, toujours dans le personnage.

Que sa promise est timide ! Alexander Mcgregor s'approche d'elle, lui passe la cape sur les épaules, lui assure qu'avec lui, elle n'a pas à faire de manières. Ils sont, après tout, amené à se cotoyer. Elle est, après tout, amené à devenir sa femme, et la mère de ses enfants. Enéa se fige alors qu'elle sort la broche de Malcolm de la poche de sa robe. Elle la serre fort dans sa main, attire malgré elle l'attention de son fiancé qui lui demande innocemment de quoi il s'agit.
Lorsque la réponse ne vient pas, Lord Mcgregor se saisit de son poignet, lui ouvre les doigts, le sourire bien plus menaçant que précédemment. Alexander est un homme autoritaire, belliqueux. Reconnaissant la broche comme celle de son rival – qu'il présumait mort – il étouffe un rire hautain, s'en empare et assure que désormais, sa promise n'aura plus à se contenter de babioles sans valeur. C'est sa broche à lui qu'il finit par lui offrir, arborant les armoiries de son clan.

Sans ménagement, comme on passerait un collier à un chien, il finit par l'accrocher aux vêtements d'Enéa sans lui demander son accord. La broche de Malcolm ne lui est pas rendue. Le mariage aura lieu le plus tôt possible, maintenant que les requêtes de la jeune femme ont toutes été remplies.
C'est ce qui est prévu.

Mais Enéa s'enfuit le jour même. Ses présents en poche, dissimulé par le pouvoir de la cape, elle se soustrait à la garde rapprochée prévue par son fiancé, soucieux de la garder sous contrôle jusqu'à lui passer la bague au doigt. Elle ne compte pas se marier, pas avec un homme qu'elle n'aime pas. Pas avec un homme capable de sacrifier l'une de ses fidèles créatures pour un simple poignard.
Mais elle sait comment s'en servir ! Grâce au concours d'Alison, la légende du Loch lui a été révélée : le Loch est habité par une Fée des eaux, une enchanteresse charmeuse d'hommes. Si elle peut lui arracher le cœur, alors, la malédiction de son bien-aimé se lèvera.

C'est, du moins, son seul espoir.

Malheureusement, alors qu'elle atteint les rives du Loch, Enéa n'est pas seule. Alexander Mcgregor l'a précédée, se bat en duel avec Malcolm.

Reprendre l'escrime n'a, au début, pas été tâche aisée, mais le Gallame était un expert. Avec ses précieux conseils, ils ont pu chorégraphier un duel dynamique. S'il n'est pas particulièrement réaliste ou représentatif d'un vrai combat à l'épée, il n'en reste pas moins spectaculaire. Entre pirouettes et cabrioles, le suspens est maintenu jusqu'au bout.

L'avantage est peu à peu pris par Malcolm qui reste digne et composé face aux assauts de plus en plus rageurs du Lord Mcgregor. Ce dernier, vexé, touché dans son orgueil, s'élance avec de plus en plus de frénésie dans son combat, perd peu à peu du terrain jusqu'à se retrouver au sol, essoufflé et désarmé, à la merci de son ennemi.
Enéan intervient alors, se jette au bras de Malcolm et supplie Mcgregor d'accepter sa défaite, d'accepter de la laisser partir.

La tirade a plus d'émotions que lors des répétitions, Cécil en serait presque impressionné, en sourirait s'il ne devait pas rester dans son rôle.

Furieux, bafoué, insulté, le Lord se relève. Il a perdu de sa superbe, mais pas de son agressivité. C'est avec véhémence qu'il hurle, insulte Malcolm, traite Enéa de folle de vouloir forniquer avec une bête.
Puis il se calme. En apparence du moins. Mielleux, il susurre à la jeune femme qu'elle reste sa promise, qu'il la sauvera de cette hérésie.
La courtoisie voudrait qu'après avoir perdu un duel dans les règles de l'art, il se retire, mais Malcolm en face de lui n'est pas – plus – un homme, Alexander n'a pas à respecter ces règles. Il siffle.

La musique qui accompagne la pièce se fait soudain silencieuse. Discrets, des violons commencent à grincer, menaçants. Les percussions prennent alors le relais au rythme des rugissements de Karcasse qui s'approche.

Emblème de la famille Mcgregor, c'est un imposant Drakkarmin qui rejoint son maître, l'air un peu trop satisfait de son embuscade. Fier de lui, il présente le dragon, explique comment ses parents ont été occis, comment il l'a dressé depuis sa sortie de l'oeuf pour en faire la plus docile des créatures.
Enéa lui hurle qu'il est cruel. Il lui rétorque qu'ainsi va le monde.

Le combat des deux pokemons fourmille d'attaques plus spectaculaires que vraiment létales. Les deux pokemons se tournent autour, Karcasse gronde alors que Gallame doit jouer l'humain en proie aux mâchoires d'un dragon. Son instinct de pokemon est mis à rude épreuve, mais il joue le chevalier à la perfection.

Le combat est rude, mais la Justice doit l'emporter.
Au terme d'un rude affrontement, le Drakkarmin s'effondre sous le regard horrifié d'Enéa. Puis Alexander frappe.

Un coup en traître. Un coup de lâche. La dignité et la noblesse d'âme ne viennent malheureusement pas avec le sang. Si le dragon a été occis, Malcolm tombe alors qu'Alexander s'acharne sur lui, prêt à le tuer pour récupérer sa femme.
Puis il se fige.

Dans son dos, Enéa l'a poignardé. Ses supplications n'auraient pas suffi. La voilà en larmes, les mains tâchées de sang. Doucement, Alexander se retourne vers elle, surpris. Elle se recule, il titube vers elle, tend une main tremblante. Ses derniers mots lui échappent « Je... Je vous aimais... ».

Il chute.

La lumière s'éteint alors sur cette scène, les rideaux sont tirés alors que l'entracte est annoncé. Cécil se redresse, aide Karcasse à en faire de même, le félicite pour sa performance avant de féliciter celle du Gallame.
Il est plus difficile d'être sincère pour Hailey, mais la gamine tremble, alors il lui prend la main pour la rassurer, lui assure qu'elle a fait du bon travail.

Il aimerait lui dire de se faire injecter une âme pour avoir un peu plus d'expressions à disposition, mais honnêtement, pendant l'entracte, ça ne ferait que la rendre encore plus rigide dans son jeu d'actrice.
Dans les coulisses le metteur en scène rejoint sa troupe, enlace la jeune femme et la couvre de compliments. Les rumeurs vont bon train, mais celle qui argue qu'ils couchent ensemble et probablement la plus véridique.

Cécil soupire.
Au moins, sa partie à lui est finie.

Le reste de la pièce suit comment Enéa est accusée du meurtre d'Alexander Mcgregor mais parvient à s'échapper grâce à la complicité de sa dame de compagnie afin de retrouver un Malcolm blessé sur les rives du Loch.
Puis, elle finit par rencontrer l'Enchanteresse des eaux alors qu'elle refuse pour la première fois de quitter son aimé alors que la brume se lève.

Moira et son Moyade font de l'excellent travail. La dame sait faire monter la tension. Jouant avec le rythme de la musique qui se fait grinçante à son approche, elle se tient sur la tête de son imposant pokemon qui flotte à la surface de l'eau.
Au début, on ne distingue que les Feu Follets qui les accompagnent et luisent autour d'eux dans la brume ambiante. Puis leur silhouette d'abord informe qui ne laisse pas deviner leur identité.

A mesure qu'elle s'approche, Moira laisse glisser quelques gloussements avant d'éclater d'un rire mauvais. Quand enfin elle apparaît sur scène, c'est avec de grands gestes qu'elle présente son personnage. La Fée des eaux est extravagantes sous son interprétation. Elle assure qu'elle rendra sa forme à Malcolm lorsqu'il acceptera de l'épouser.

Bien sûr, le Gallame refuse, et il faut menacer la vie d'Enéa pour qu'il finisse par plier. L'Enchanteresse saisit Enéa par les cheveux, ricane alors que Malcolm tente de la sauver. L'affrontement qui suit est piteux. Le Moyade danse plus qu'il n'affronte son adversaire alors que Gallame feint la faiblesse – après tout, son personnage a été grièvement blessé –.

Quand, épuisé, il s'effondre, la sorcière lui propose une dernière fois son cruel marché : il l'épouse, elle lui rend sa forme originelle et Enéa vit. Loin d'eux, certes, mais c'est déjà ça de pris.

Le trait d'humour n'était pas prévu.
Le public en rit pourtant.
La tension n'en est pourtant en rien effacée.

Défait, Malcolm capitule.
Il tend une main désespérée vers son amour avant de la rabattre tout contre son cœur et de baisser la tête. Il renonce, il ne peut supporter de voir le sang de sa bien aimée couler.
Enéa est libérée, reste un instant interdite.

Elle a oublié son texte.
Au pire moment.

Cécil est prêt à débouler pour la secouer, quitte à prétendre que le fantôme de Mcgregor la hantera à jamais.
Heureusement, les autres acteurs savent improviser.

D'un rire amusé, la Fée des eaux s'approche de la jeune femme et la repousse d'une pichenette sur le nez, l'enjoint avec un air un peu trop guillemet de les laisser. Oh, clairement, elle ne voudrait pas être là lorsque Malcolm reprendra sa véritable apparence : c'est qu'elle voudrait un peu d'intimité pour consommer leur union.

La blague est grivoise, toujours pas prévue.
Certains rient à l'audace qu'ils pensent scriptée.

Enéa balbutie sous la confusion et le désespoir. Malcolm baisse la tête, honteux et défait alors que l'Enchanteresse se rapproche de lui. Qu'elle tourne bien le dos à Enéa.

A défaut de se rappeler de son texte, Hailey se souvient enfin de ce qu'elle doit faire.

« Non ! » Son crie déchire la scène. Enéa sort le poignard offert par Mcgregor, toujours tâché de son sang. La pierre de Magirêve luit dans la nuit alors que la jeune femme se rue sur la Nymphe. Elle est arrêtée par le Moyade, repoussée et rejetée au sol sans grâce.
Furieuse, la Fée des eaux lui assure qu'elle comptait l'épargner. Au passé. Elle ordonne à son spectre de l'achever, de lui faire rejoindre celui qu'elle aurait du épouser si elle voulait rester en vie.

Malcolm s'interpose.
L'obscurité recouvre alors entièrement la scène.
Puis deux voix fusent à l'unisson.

Le reste n'est qu'un monologue des lamentations d'Enéa. Hailey l'a travaillée, Cécil en est témoin. Peut être aurait-elle pu plus s'entraîner, mais si son niveau n'est que 'correct', il voit bien qu'il y a du progrès.

Juste pas assez à son goût.
Ni au goût des autres actrices à ses côtés.

Ses sanglots sont-... Embarrassants, au mieux, mais au moins ne tarde-t-elle pas à atteindre le moment fatidique. Celui où elle contemple le poignard. Se lamente d'avoir déjà ôté une vie pour au final ne pas atteindre son objectif. Avant de prendre la sienne.

Sur la scène, ne reste debout que Moira et son Moyade. Elle pleure avec la retenue due à son rôle – une enchanteresse toute puissante ne sanglote pas comme une adolescente éplorée –, mais est déjà bien plus convaincante dans sa douleur.
Elle soupire près du Gallame, appelle le nom de Malcolm.

Avec l'aide de son Moyade, elle tire les corps vers l'eau. La lumière s'éteint sur l'histoire, pour de bon cette fois.

Lorsqu'elle se rallume, c'est sur le metteur en scène qui remercie le public de sa présence, les acteurs de leur travail. Chacun leur tour, par groupe de trois, ils viennent tirer leur révérence sur scène.
Le public applaudit avec assez d'entrain, la pièce aurait put être mieux, mais elle aurait put être bien pire.

Quand vient son tour, Cécil salue avec Karcasse et Ruby – l'actrice d'Alison –. La tête lui tourne un peu, mais il met ça sur le compte de la lumière trop forte sur scène.
Puis, après un rappel où ils se trouvent tous sur scène pour quelques mots du metteur en scène, tout finit enfin. Dans les coulisses, Cécil récupère ses affaires, glisse un pull par dessus son costume dont le pantalon sombre semble assez passe-partout et s'éclipse après avoir salué ses collègues.

Il est épuisé, elles le sont aussi. Certaines d'entre elles ont déjà pris le large, d'autres discutent en petits groupes. Assurément sont-elles en train de pester sur la performance d'Hailey... Qui n'est nulle part en vue.
Oh, elle a probablement rejoint les bras de celui qui l'a pistonné. Ce spectacle, les moyens mis en place, c'était pour elle. Si Cécil a de quoi cracher, il ne le fera pas trop fort. Le pécule versé était plus que généreux pour une représentation du genre. L'amant d'Hailey devait vouloir la voir sur le devant de la scène. Vraiment. Beaucoup. Quitte à payer une petite fortune une troupe d'acteurs et de coordinateurs pour l'accompagner.

C'est du moins la théorie de Moira.
Qu'il partage, certes oui.

Mais ce n'est plus son problème.

S'éloignant de la scène, Cécil repère non loin l'une des quelques baraques à snacks de l'endroit, ouvertes spécialement aussi tard pour l'occasion. Il y a déjà quelques clients devant, faisant la queue, mais l'odeur qui s'en échappe est assez alléchante pour que Cécil décide que patienter vaudrait le temps d'attente.
Puis-... Il n'a pas participer un concours. Si le trac lui a coupé la faim avant, son estomac se rappelle à ses bonnes grâces. Le stress n'est pas le même, le kalosien se sent capable d'avaler quelque chose. Peut être même de se poser quelque part pour profiter de l'endroit.

Ou de simplement rentrer chez lui.
C'est qu'il trouve qu'il fait frais, tout de même.

Perdu dans ses pensées, comptant l'argent dont il aura besoin pour s'acheter de quoi se sustenter, Cécil ne sent pas une présence dans son dos. N'y prête pas attention tout du moins : les gens font la queue, il n'a pas à se retourner pour vérifier qui vient attendre derrière lui.
C'est bien pour ça que lorsqu'une voix s'élève derrière lui, cette dernière lui arrache un sursaut et un « Han ! » surpris alors qu'il se retourne vivement.

« ... Séraphin ? » incrédule, sourcils froncés, ce n'est pas qu'il lui coûte de reconnaître son ancien compagnon d'infortune derrière lui, mais la surprise le fait un instant douter. Pourtant, c'est bien le médecin qui se tient là, qui lui attrape une main pour la secouer vivement.
Perplexe, Cécil se laisse faire, juge que c'est une manière comme une autre de se saluer, aimerait lui dire qu'il ne s'attendait pas non plus à le croiser ici. Mais oh, ne lui avait-il pas informé être devenu mécène ?

Le coordinateur suppose que c'est là une raison suffisante, un hasard qu'il ignore encore s'il doit juger comme positif ou négatif. Alors il esquisse un sourire mal assuré qui se teinte d'une discrète grimace lorsque le compliment lui est offert.
Oh. Est-ce si difficile de garder ses lèvres fermées s'il doit se forcer à dire quelque chose de bienveillant. D'autant qu'étant donné le chaos que cette pièce avait été à monter, il n'est pas certain de vouloir entendre des 'c'était joli' ou 'bon', comme si l'on jugeait le dessin d'un enfant trop enthousiaste.

Cécil peste intérieurement, soupire, ouvre la bouche pour rétorquer, mais le médecin est plus prompt. C'est en kalosien que Séraphin reprend, une langue qui a le mérite de retarder la contrariété du coordinateur.
Ce dernier croise les bras, arque un sourcil avant de se détendre à mesure que les mots lui parviennent. Oh. C'est déjà plus convaincant. Il veut bien croire que le manque de dynamisme de l'acte 2 vient de la présence d'un antagoniste bien trop tard dans l'intrigue. Lord Mcgregor avait au moins le mérite d'apparaître en plusieurs instances pour rythmer la pièce.

« Oh, ravi que ma prestation vous ait plu. » répond-t-il dans la même langue, visiblement plus satisfait que précédemment. Les compliments font toujours plaisir, mais c'est surtout qu'on lui dise qu'il ait manqué au reste de la pièce qui brosse l'orgueil de Cécil dans le bon sens.
C'est peut être un peu sec ceci dit. Le kalosien se mord la lèvre, soupire lourdement et jette un œil aux gens qui patientent devant eux. Il reste encore un peu de temps avant que ce ne soit son tour, et garder le silence pourrait s'avérer embarrassant.

Pas qu'il n'y survivrait pas.
Mais oh, il a tant à dire.

La voix qui, jusqu'à présent, lui soufflait de ne pas se plaindre, d'être reconnaissant de la générosité du sponsor de cette pièce, de ne pas manquer de respect à ses collègues, se retrouve bien vite étouffée par un fiel bien trop heureux d'avoir trouvé un confident.
La vérité doit être rétablie. Et si Hailey n'est probablement pas la première fautive quant à la distribution des rôles, elle aurait pu se désister en faveur d'une meilleur actrice.

Ruby aurait fait une très bonne Enéa.
Lui même aurait fait une meilleure Enéa.

« Ca n'a pas été de la tarte, il a fallu se battre pour conserver certaines scènes, notamment celle du duel. »

Par acquis de conscience, Cécil n'en dit pas plus. C'est là, son ultime ligne de décence : si son interlocuteur mord à l'hameçon et lui pose plus de questions, alors il ne tarira pas de critiques sur l'amateurisme de certains.
Oh, il s'en sentirait presque coupable, si une partie de lui ne jugeait pas que dans ce milieu, il faut savoir assumer ses erreurs et accepter qu'une mauvaise prestation soit jugée, critiquée et partagée à la moindre occasion. On ne peut pas récolter les lauriers et l'admiration de ses pairs en ne sachant pas comment pleurer sur scène.

Cécil se rassure.
Il n'est pas une commère.

La preuve, il propose même un changement de sujet.

« Vous êtes venu seul, Séraphin ? Ou accompagné de votre mentor ? »

Car c'est bien ce qu'est monsieur Flannacan pour lui, n'est ce pas ? Un mentor dans le milieu de l'art ?
Curieux, Cécil jette un regard vers les spectateurs restants sur la rive du Loch. Peine perdue, il ne reconnaîtrait personne à cette distance

Séraphin s'offusque de la révélation qu'il lui a fait, mord à l'hameçon, arrache un sourire à Cécil qui se sentirait presque coupable. Presque. L'envie de partager les ragots est forte, sa volonté d'être raisonnable moins. Alors il pince les lèvres, hoche la tête gravement avant que son interlocuteur ne l'informe qu'il a effectivement accompagné le charmant monsieur Flannacan à la représentation. Le vieil homme est pourtant introuvable à vue d'oeil.
Déçu, Cécil se résigne, lâche une boutade du tac-au-tac lorsque Séraphin lui demande si c'est évident que ça de ne pas être venu seul.

« Vous ne donnez pas l'air d'un amateur de pièces de théâtre. » c'est distrait qu'il prononce ces mots. Sincère mais sans malice, il se fourvoie peut être mais le médecin n'a pas l'air d'apprécier l'art. Pas ce type là. Encore moins s'il s'agit d'une représentation sur l'amour. Le public est généralement composé de femmes et de leurs époux accompagnateurs.
Peut être aurait-il pu croiser la fameuse Berthille Flannacan. Une peine, vraiment, d'avoir perdu le mécène de vue. Lorsque Séraphin lui souffle qu'il savait comment était le vieil homme, le coordinateur hausse les épaules à son tour, esquisse un sourire et hoche légèrement la tête.

Il n'a pas la prétention de connaître monsieur Flannacan, mais lors de leur rencontre, il lui avait bel et bien donné l'impression d'être une véritable boule d'énergie, à disparaître en cuisine et marcher vite. Très vite.
Alors là dessus, il peut bien être d'accord avec son ancien compagnon d'infortune.

Le reste de la conversation prend une tournure plus inattendue ceci dit. C'est que, s'il avait prévu de continuer à discuter – pour une fois, la conversation semblait se dérouler assez fluidement, sans commentaire désagréable ou voleur d'oeuf en vue – que Séraphin l'invite directement à passer au moins une partie de la soirée en sa compagnie ?
Oh, s'il ne savait pas mieux, il se ferait des idées. Mais Cécil fait mine de se tâter plus taquin que parce qu'il hésite réellement. La mise en place de cette pièce a été chaotique et épuisante. Pas assez pour le réduire au silence pour autant. Et son interlocuteur est nouveau dans le milieu, ne lui ferait-il pas une fleur à lui apprendre comment ça fonctionne ?

Absolument pas.
Il veut juste se plaindre.
Se cache derrière de jolies excuses.

« Je suis libre. Je comptais justement m'acheter de quoi manger et m'installer pour profiter de l'endroit. » explique-t-il tranquillement, acceptant indirectement l'invitation.
L'une des personnes devant eux récupère sa commande. La file avance, mais ce n'est pas encore leur tour. Alors, toujours en kalosien pour garder un semblant d'intimité et de confidence, Cécil reprend alors là où il en était resté.

« Pour répondre à votre question, les scènes de combats en général. » il pince des lèvres, grimace, l'air de dire 'c'est pas malin quand même. « C'est une histoire d'amour, le metteur en scène voulait que rien ne vienne distraire le public de la romance. »
Il hausse les épaules. La véritable raison est qu'Enéa n'était pas un personnage capable de se battre et qu'Hailey n'en aurait pas été capable non plus. Ne pas l'avoir sur le devant de la scène semblait être un soucis pour le réalisateur.

L'inverse en était un pour le reste de la troupe.

« Mais il fallait rythmer la pièce, alors j'ai insisté pour les miennes. Sans compter que le Lord disparaissant au beau milieu de la pièce sans véritable affrontement ? Ca aurait été anticlimax. » Oh, évidemment, il a fallu que le coup final soit délivré par l'actrice principale, mais au moins avait-il pu magnifier son départ.
Avoir Lord Mcgregor, si insistant, une menace constante lors du premier acte décider de simplement se suicider par désespoir en apprenant la vérité ? Ce n'était ni logique, ni satisfaisant. « Il y avait ça, et également l'entrée en scène de Moira – l'Enchanteresse – qui a du batailler pour donner du poids à son personnage. »
Cécil hausse les épaules, s'assure qu'ils avancent bien dans la file lorsqu'un nouveau client reçoit sa commande – il n'y a plus que deux personnes devant eux – et reprend dans un soupir. « Si vous voulez mon avis, l'Enchanteresse est arrivée bien trop tard dans l'intrigue, mais au moins a-t-elle pu sauver les pots cassés. »

Lorsque Séraphin admet que le personnage de Moira avait du caractère, Cécil ne peut que hocher vigoureusement la tête, ravi qu'un membre du public le reconnaisse. Paradoxalement un peu déçu que malgré les efforts du reste de la troupe, qu'un spectateur se rende compte des lacunes de la pièce. Mais il n'y peut rien, ne compte pas défendre l'entièreté du travail fourni, il a assez bataillé contre la majorité des décisions pour ne pas vouloir les encenser en face de quelqu'un d'autre.
Au deuxième commentaire, il oserait arguer qu'avec un metteur en scène plus flexible, ils auraient y faire quelque chose, l'oeuvre avait du potentiel. Néanmoins, encore une fois, il songe que ça ne vaut pas forcément le coup de tatillonner sur ce genre de détails. Alors il se contente de hausser les épaules, souffler un « Les aléas du métier... »

La dernière question, en revanche, celle qui attire l'attention de Cécil, lui fait arquer un sourcil. Oh, sa première impression était donc la bonne. Pas un grand amateur de pièces romantiques. Ou d'oeuvres romantiques en général. C'était – lui semblait-il – un destin courant pour les amants maudits.
Mais Cécil n'a pas le loisir de lui répondre, pas tout de suite. Leur tour arrive et il se concentre sur le vendeur. Son choix est rapide : malgré la variété de choix, Cécil demande une bouteille d'eau et une barquette de potatoes afin de pouvoir se caler le temps de rentrer à l'auberge. Le prix est moins honteux qu'il ne le pensait.

Séraphin n'est pas aussi prompt.
Semble un peu perdu.

Heureusement, la commande du coordinateur lui laisse un peu plus de temps pour se décider et si Cécil s'éloigne un peu de la fil d'attente, c'est non loin qu'il trouve un petit muret pour s'asseoir lui laisser le temps de le rejoindre. Mâchonnant l'une des patates grillées et croquantes, Cécil l'observe le rejoindre avant de prendre une gorgée d'eau.
Une fois le médecin à ses côtés, Cécil pose sa barquette entre eux plus par politesse que parce qu'il pense que Séraphin-celui-qui-loge-dans-un-hôtel-de-luxe veuille se servir d'un snack du genre. Ca ne l'empêche de l'inviter à se servir s'il le souhaite, une habitude qu'il tient de son enfance.

« Pour répondre à votre question... » reprend-il en refermant sa bouteille. « La mort tragique des amants maudits est plutôt courante dans ce genre de drames. C'est un schéma simple que beaucoup reprennent en y ajoutant leur propre vision. » le charme des drames lui échappe un peu. Cécil préfère les tragédies et la vertus exutoire qu'elles peuvent avoir. Les drames romantiques, aussi bien écrits soient-t-ils – pas celui là donc – lui laissent bien souvent un goût amer d'inachevé.

« Mais si je veux être entièrement honnête avec vous, ce n'est pas l'unique raison de la 'romance plate' de cette pièce, pour reprendre vos termes. » et là, c'est le vif du sujet. Cécil laisse un peu planer le suspens, se sert d'une nouvelle patate. Peu à peu, son appétit s'ouvre.
Puis il s'humecte les lèvres, reprend un peu plus sur le ton de la confidence. Pas qu'il craigne que quelqu'un comprenne le kalosien aux alentours, il n'y a, de toute façon, personne autour d'eux. C'est simplement pour l'ambiance de la conversation.

« En fait, cette pièce n'était pas adressée à son public. » l'air grave, voir solennel, Cécil hoche doucement la tête pour donner plus de poids à la révélation qui suit. « Gardez ça pour vous, Séraphin, ose-t-il même rajouter, mais il est plus que probable que la personne ayant financé cette pièce se soit entiché de l'actrice principale. »
Prenant une pause, Cécil prend un nouvelle gorgée d'eau, balaye l'endroit du regard. S'il doutait que l'une de ses collègues soit restée sur place, il reconnaît Moira à son costume qu'elle n'a pas enlevé et son Moyade à ses côtés. Elle est loin mais effectue de grands gestes alors qu'elle parle à un couple, elle semble passer un bon moment.

« Dans ce genre de productions, les premiers rôles sont donnés soit à des actrices connues qui ont déjà fait leurs preuves, soit à... » il effectue un vague geste de la main en reposant son attention sur Séraphin, convaincu d'avoir été clair dans son sous-entendu. « Et vu le massacre qu'ont été les répétitions, il n'y a pas moyen qu'elle ait obtenu ce rôle grâce à son incroyable talent. »

Contrarié ? A peine.
Mais oh, ils auraient pu faire tellement mieux...

C'est avec une certaine nonchalance que Cécil écoute les réactions de Séraphin. Il ne doute pas un instant que ce dernier ait déjà eu affaire à ce genre de ragots, c'est après tout courant dans-... N'importe quel milieu en fait.
D'aussi loin qu'il puisse se souvenir, Cécil le sait : les histoires de cul et de sexe sont absolument partout et font plus tourner le monde qu'elles ne le devraient. … Peut être encore plus dans son milieu. Une part de lui s'en amuse, lui souffle que s'il se trouvait un amant dans le milieu, il serait propulsé sur le devant de la scène comme Hailey sans même avoir à travaillé. L'autre partie de lui, plus pragmatique et plus digne en grimace de dégout.

Il a son amour propre.
Pas comme la gamine minaudant sous les compliments.

Cependant, quelque chose contrarie le médecin, et alors que Cécil enfourne une nouvelle pomme de terre dans sa bouche, il ne peut échapper qu'un « Mmh ? » curieux, signe qu'il l'écoute toujours.
Mais Séraphin prend son temps, assez pour que le coordinateur finisse sa bouchée et décide d'en prendre une autre, laissant le temps à son compère de finir ce qu'il a dans la bouche.

Quand enfin vient son explication, cependant, Cécil ne peut s'empêcher de hausser les sourcils de perplexité. Un instant, il cherche à trouver dans l'expression de Séraphin un tic, quelque chose qui viendrait lui prouver qu'il s'agit là d'un sarcasme mais-... Oh, il a sincèrement l'air confus.
Clignant des yeux, le kalosien le laisse finir, fronce un instant les sourcils, peine à croire qu'une personne s'étant engagé dans le mécénat lui pose à lui ce genre de questions. N'a-t-il pas un mentor pour ça ? oh, mais monsieur Flannacan n'a pas l'air d'être le genre d'homme à approuver ce genre d'histoires.

Et en parler aux autres-... Cécil n'a sur les nobles que des préjugés ou presque. L'un des plus tenaces est qu'il s'agit en général d'un panier de Krabby. Alors il finit par pincer les lèvres, hoche doucement la tête pour signifier qu'il a bien entendu ce qu'on lui dit, puis la secoue dans un soupir. Oh, il comptait partager des ragots, il ignorait que ce serait là les premiers de Séraphin.

« Elle a eu ce qu'elle voulait. » C'est un regard perçant qu'il pose sur son interlocuteur, prêt à jauger si ce dernier finit par comprendre, ou se moque de lui. « Elle a eu son premier rôle, supporté par toute une troupe d'artistes. Les critiques, ça s'achète, et celles qui ne le seront pas pourront être considérées comme de simples 'différences de goûts'. Dans le pire des cas, son jeu d'actrice sera jugé avec clémence parce qu'elle est jeune et nouvelle sur la scène. »
Le coordinateur hausse les épaules, observe la patate grillées dans sa main et l'y laisse pour reprendre. « Au final, c'est ce qu'on retiendra : 'une jeune actrice décroche son premier rôle à ses débuts sur scène, incroyable.' Et si elle est assez maligne pour garder son mécène, étant donné les moyens qu'il a déployé, ça ne sera pas son unique premier rôle. »

Il prend une pause, laisse l'information reposer alors qu'il mange une nouvelle bouchée. Ceci fait, il soupire, esquisse un sourire et reprend. « Elle n'aura peut être pas la côte auprès des autres acteurs et coordinatrices, mais au final, ce n'est pas ce qui importe : même le plus dissident des coordinateurs doit suivre la tendance et les mécènes s'il ne veut pas disparaître. » il parle en connaissance de cause, se mord l'intérieur de la lèvre, contrarié aux souvenirs de compromis qu'il a fait par le passé. Des paroles de son agent, de son orgueil parfois malmené pour avoir une place sous les projecteurs. Puis il hausse les épaules.

Il n'est pas le plus à plaindre.

« Alors si son présumé amant est un nom important de la noblesse kérosienne, d'autres nobles suivront ce qu'il dit même si ce qu'il dit est faux, ne serait-ce que pour lui plaire. Et c'est comme ça qu'on élève une artiste sans talent aux sommets de la gloire. » Un peu fataliste, un peu amusé par l'ironie des choses, il finit par conclure. « Et les autres artistes suivront. Ne serait-ce que pour profiter de son succès.. Pour être honnête, si ce n'était pas pour le salaire reçu, moi même je n'aurai pas participé... Et je ne peux pas parler en leurs noms, mais certaines de mes collègues ont probablement eu la même réflexion. »

Cécil soupire, pas particulièrement fier, pas particulièrement honteux non plus. Juste un peu dépité. Son travail n'est pas alimentaire, pas encore. Il n'a pas à se plaindre : jouer un méchant est toujours un peu amusant, même dans ce genre de pièces. Une part de lui aurait tout de même souhaité avoir fait ça par passion.

Mais oh, ça fait un moment qu'il a appris que la passion seule ne nourrit pas son homme.

Le premier commentaire de son comparse lui arrache un rire. Cécil a presque l'impression d'entendre ses propres désillusions à son entrée dans le monde de la coordination : à quoi bon tenter de percer dans le milieu si ceux qui réussissent sont ceux qui ont le bras assez long ?
Pour lui la raison fut assez claire : par rancune. Il ne sait en revanche pas quoi dire à Séraphin pour nuancer ses propos. Si ses mots sonnent comme une boutade, le coordinateur y décèle une pointe de déception et se mord la lèvre.

Mais si Séraphin est appelé à rester mécène...
N'est-il pas mieux qu'il apprenne tout de suite ce qui se trame dans les coulisses ?

C'est un nouveau « Mh ? » perplexe qui accueille la tape amicale sur son épaule. Légèrement rigide, maladroite. Cécil ne peut s'empêcher d'observer la main qui l'a touché, un peu confus du geste. Tente-t-on de le consoler ? A-t-il sonné si pessimiste dans sa manière d'expliquer les choses ? A bien y réfléchir, peut être que présenter le monde du spectacle et des concours de la sorte a donné la mauvaise impression.
Le kalosion pince les lèvres, interdit, songe qu'il doit un peu rectifier le tir. Il n'a jamais aimé entendre parler ses ainées avec cet air désabusé, fière d'écraser les espoirs des nouveaux et nouvelles venues à grand renfort de réalisme.

Il s'en voudrait d'être devenu pareil.

Alors il prend un gorgée d'eau, laisse finir Séraphin et attend son tour pour reprendre la parole et clarifier un peu le sujet.

Manque de s'étouffer.

Quelle candeur, quel ingénu. Si Cécil rattrape les apparences et ne recrache pas sa gorgée, ça ne l'empêche pas de tousser. Pour un peu, il en rirait mais son amusement s'étrangle lorsque Séraphin reprend. Si son offre peut sembler généreuse, la fin lui laisse un arrière goût amer. Oh, il le fusillerait du regard s'il n'était pas toujours en train de se remettre du dernier commentaire.
Si le médecin ne lui avait pas donné un coup de coude comme on le fait après une plaisanterie.

Cécil est perplexe, ne saisit pas vraiment où la plaisanterie s'arrête et où il devrait commencer à se sentir vexé. S'il devrait se sentir vexé tout court en fait. Mais ce n'était pas lui qui décide, ses sentiments remontent seuls à la surface.
Alors, à défaut de pouvoir les refouler, le moins qu'il puisse faire est tenter de contrôler son outrage.

« Je ne suis pas là pour vous dépouiller. » est la première chose qu'il souhaite clarifier. Son orgueil éraflé, Cécil détesterait qu'on le prenne pour un artiste vénal, un qui ne se lierait d'amitié qu'avec un intérêt en tête. « Et je pensais vous avoir déjà dit que je ne voulais pas de votre argent. »

Froid, sec, le coordinateur claque la langue dans sa bouche, regrette presque immédiatement d'avoir ramené le sujet sur la table. Alors il pince les lèvres, hésite un instant, un bref instant avant de se redresser et de reposer son attention sur son comparse. « Ecoutez-... » une excuse roule le long de sa langue mais se meurt avant de franchir la barrière de ses lèvres. Pourtant, Cécil n'abandonne pas, étouffe un soupir et reprend sur un ton radoucit.

« Je sais-... Que je viens de vous expliquer le contraire, mais tous les artistes ne sont pas comme ça. » c'est un début d'explication, le reste lui vient plus ou moins naturellement. « Beaucoup perçoivent ce qu'on fait comme du brassage d'air, un instant, il dévisage Séraphin, convaincu que ce dernier partage au moins en parti cette vision des choses. Pour certains, ils n'ont pas tort, mais pour les autres ? Nous avons des choses à dire. Des messages à faire passer. »

Cécil hésite un instant, pince les lèvres et attrape l'une de ses mèches pour jouer avec du bout des doigts, rivant un instant ses yeux au sol. Ce n'est pas un discours qu'il aime tenir. Trop habitué à ce qu'il ne soit pas pris au sérieux, à ce qu'on lui reproche d'être dramatique, ou exagéré.

Son père lui a même rit au nez la première fois qu'il lui a expliqué.
Cette journée là fut longue.

Cécil soupire une nouvelle fois, secoue la tête et relève les yeux vers le médecin. Un instant, il hésite à reprendre la parole, à insister, clarifier et détailler sa pensée sur sa carrière. Vexé, il l'est toujours, peut être plus pour les mêmes raisons ceci dit.

« Jouer dans cette pièce était effectivement alimentaire et motivé par l'appât du gain, je l'avoue. » et il se sent étrangement coupable de l'admettre à voix haute. « Mais ce n'est pas tout ce qu'il y a. Ni pour moi, ni pour les autres. Tous les coordinateurs et coordinatrices que j'ai rencontré, ils avaient tous un rêve, quelque chose à raconter. Quelque chose pour inspirer les gens, pour leur faire du bien, ou les faire réfléchir. La pièce de ce soir ne vous a peut être pas parlé – à moi non plus – mais ça restait un message d'amour-... »

Peut être en a-t-il trop dit. Peut être s'est-il trop emporté. Alors Cécil inspire, détourne un instant les yeux. Son message à lui n'est probablement pas passé, alors finalement, il lui faut bien conclure.

« Tout ça pour dire que-.. J'apprécie votre ofrre mais-.. Ca m'ennuierait que vous pensiez que je me tiens là ici, à discuter avec vous, uniquement parce que vous êtes riche. » siffle-t-il.

Après son discours, Cécil s'était attendu à bien des choses. Des rires, des remontrances peut être. Une manière de lui faire comprendre qu'il prenait les choses bien trop à cœur, ou, au contraire, une réponse pour changer directement de sujet.
Il s'était attendu à bien des choses.

Mais certainement pas à des excuses.

Ainsi, lorsque Séraphin prend la parole après un moment de silence, les épaules du coordinateur s'affaissent. De surprise, peut être même de regret. Si son interlocuteur en arrive à lui présenter ses excuses, est-ce parce qu'il a été trop virulent ? Cécil est confus, interdit. Sourcils froncés, il observe le médecin, ses expressions, tente d'y déceler une trace d'ironie ou quelque chose qui pourrait lui donner raison, alimenter la colère qui commence déjà à fondre.

C'est que sans elle, Cécil se sent bien vulnérable.
Pourtant, il ne cherche pas à la retenir.

Séraphin dit que c'était bien mérité, et si le kalosien est celui qui a lancé les hostilités, il arguerait volontiers que peut être – peut être – il a été un peu trop véhément. Il ne pipe mot cependant, pas assez pressé de faire montre de faiblesse devant un inconnu pas si inconnu, pas pressé de tendre la perche pour se faire battre.
Contrairement à Séraphin.

Ce dernier lui offre une confession qui, si elle ne le surprend pas outre mesure de par sa teneur, le laisse d'autant plus perplexe par le fait qu'elle lui ait été faite en premier lieu. Un instant, Cécil tente de harponner son regard, abandonne lorsqu'il le voit si concentré à l'éviter et déglutit. Par mimétisme, il observe à son tour les alentours, approuve monsieur Flannacan en silence mais ne parvient pas à blâmer les actions du médecin.
Sont-elles au moins condamnable ? Il a vu et entendu bien pire, alors il ne le pense pas même si le comportement 'coupable' de son interlocuteur porte à croire que lui considère que si.

Curieux. Il en a connu avec moins de scrupules.

L'entente de son nom le fait se redresser très vite, curieux et un peu surpris. Lui qui s'était perdu dans ses pensées se mord l'intérieur de la joue en voyant son interlocuteur se déplacer et se tenir devant lui.
Assis sur un muret alors que Séraphin est debout ? Oh, l'impression d'être un petit enfant face aux remontrances de son père lui donne de mauvais frissons dans le dos qui le poussent à se relever. Il est-... Toujours plus petit, même comme ça. Mais au moins peut-il soutenir son regard de manière adéquate.

Il n'y avait pourtant pas besoin de se tenir autant sur la défensive : Séraphin s'excuse, encore une fois. Proprement. Promet de faire plus attention et désormais, Cécil se sent réellement honteux. Oh, si on lui demande pardon, c'est qu'il n'y avait pas de quoi s'énerver. Il ne pense pas non plus s'être vraiment courroucé, mais pour pousser quelqu'un à lui faire des excuses ? Est-il allé trop loin ?
Par réflexe, son regard baisse, ses lèvres se pincent et dans sa tête, les méninges tournent furieusement pour comprendre la situation. Cette réflexion est néanmoins arrêtée lorsque le médecin exige des excuses de sa part. Et oh, Cécil arguerait que lui n'a rien fait pour le blesser, qu'il n'a fait que clarifier ses intentions et défendre son intégrité.

Mais il se retient.
Heureusement.

La suite du discours de Séraphin lui fait comprendre que-... Lui aussi a été vexé. La situation est assez rare pour qu'il la trouve inédite. Ce n'est pas la première qu'on lui demande des excuses – oh, il avait été forcé de demander pardon à Dom un bon grand nombre de fois, qu'il soit fautif ou pas – et ça le contrarie.
Le kalosien se sent acculé, comme un gosse pris la main dans le sac. Quel sac ? Il l'ignore, ce ne serait pas la première fois qu'on l'accuse à tort.

Sauf qu'il n'est pas vraiment accusé.
C'était une erreur de communication, n'est ce pas ?

La main que Séraphin lui tend le prouve : il souhaite des excuses pour laisser ça derrière eux. Rouge d'embarras, Cécil déglutit, pince un instant ses lèvres, hésite à attraper la main de son interlocuteur. Sans joindre le geste à la parole, ça sonne comme une erreur, mais sa gorge lui semble soudainement bien sèche.
Ce ne serait pas la première fois qu'il s'excuserait pourtant. Même avec sincérité. Encore que le bougre n'en est pas certain. Son esprit divague un instant, cherche un échappatoire en faisant mine de fouiller ses souvenirs à la recherche d'un précédent.

« Hé bien je-... Ce n'est pas ce que je pensais.. » parvient-il à bredouiller un peu piteusement. Oh, il se détesterait presque de sonner aussi hésitant. Ce n'est pas sorcier pourtant. Tout le monde fait des excuses, n'est ce pas ? Oh... Peut être pas tout le monde. Mais Séraphin venait de le faire. Avec sincérité – il l'espérait –. Alors-...
Une part de lui lutte toujours 'Je n'ai rien fait de mal. Ce n'est pas de ma faute s'il a mal compris.' siffle-t-elle, insidieuse. La faire taire est-... Plus compliqué que prévu.

Alors Cécil finit par se saisir de la main tendue. Gentiment, des deux siennes, il la presse entre ses doigts. « Je ne doutais pas de votre sincérité.. » un bon début. Son regard vient chercher celui de son compagnon d'infortune. S'il peut douter de beaucoup de chose chez lui, il n'avait pas songé un instant qu'il essayait de l'acheter. « Je ne voulais pas que vous doutiez de la même. » conclut-il.
Le ton employé et sa voix un peu tremblante le rendraient presque malade. Est-ce si difficile de s'exprimer ? Il n'y peut rien, c'est qu'il se sent horriblement vulnérable. Horriblement mis à nu, découvert, près à recevoir un retour de flammes à tout instant.
Et il ne s'est même pas encore excusé.

Alors Cécil déglutit, presse encore la main serrée – le contraste de chaleur entre eux l'amuserait presque – et ne la relâche pas directement. « Alors-... Je m'excuse également. »

C'est dit. Il relâche la poigne de son vis-à-vis, déglutit et laisse vagabonder son regard ailleurs. Une manière de relâcher la pression, il se sent stupide d'avoir autant peiné à prononcer quelques mots qui sont venus si naturellement à Séraphin. Ce dernier aurait pu le houspiller, il aurait presque préféré se disputer à-...
Mais c'est un presque. Parce que désormais, il se sent un peu soulagé que la situation n'ait pas déraillé. Il se sent aussi un peu bête, passe une main nerveuse dans sa nuque : comment reprend-on une conversation après ça ?

Agir comme si de rien n'était après avoir fait redescendre la vapeur d'une dispute, ça, il sait faire. Ironique un peu, il s'en rend compte. Mais malgré ses efforts, rien ne lui vient. Ou plutôt, rien n'ose franchir la barrière de ses lèvres : 'Haha, j'ai pas l'habitude de ce genre de choses' n'est décemment pas quelque chose qu'il souhaite partager.

« N'insistez pas. » siffle Cécil du tac-au-tac lorsque Séraphin le taquine sur son expression. Oh, il est le premier à sentir les rougeurs sur ses joues et à savoir qu'il est bien plus crispé qu'il ne devrait l'être pas besoin de le lui faire remarquer. Un homme gracieux l'aurait compris, mais oh, il faut croire que le médecin ne l'était pas, gracieux.
Pester intérieurement l'aide faire baisser un peu plus la tension, esquisser même un sourire témoignant d'un certain amusement. Voilà une plaisanterie qu'un ami ferait.

Le sont-ils ?
Cécil ne s'avancera pas sur la question.

Ce n'est pas quelque chose qui se décide sur un coup de tête, il ne s'attardera pas là dessus. Préfère se contenter de se frotter les joues dans l'espoir de faire partir plus vite sa gêne. Peine perdue. Celle-ci se dissipe un peu trop lentement à son goût.
Contrairement à l'ambiance qui s'allège bien vite. Séraphin lui propose de marcher un peu, maintenant que tout ce chapitre est clôt et la proposition est acceptée. Après tout, ils sont tous les deux désormais debout, se rasseoir au même endroit ne lui dit trop rien, alors que se dégourdir les jambes semble un bon plan.

Alors Cécil rattrape sa barquette de patates qui n'est toujours pas vide, juge un peu Séraphin qui jette la sienne encore à moitié remplie de baies mais ne dit rien. Peut être n'étaient-elles pas fraîches. Lui refuse de gaspiller sa nourriture, la garde à la main et se sert alors que le médecin lui propose de rentrer en ville.
Encore mâchonnant, le kalosien se contente de hocher la tête afin de ne pas parler bouche pleine. Ils ont déjà pris le chemin du retour lorsque Cécil peut se permettre d'articuler un « Faisons-ça. ». S'il est un peu déçu de ne pas avoir pu croiser monsieur Flannacan et échanger quelques mots avec lui, il se console : il n'est plus si certain qu'auparavant qu'il ne croisera plus Séraphin, ce qui impliquait en soi plus d'opportunités de croiser le charmant vieil homme.

Le silence qui s'installe entre eux alors qu'ils marchent n'est – pour la première fois – pas pesant. Il est naturel, léger, brisé uniquement par le bruit plastique le barquette de Cécil et de lui mâchant des pommes de terre parfois craquantes.
C'est un peu reposant, un peu surprenant aussi. Le coordinateur songe que c'est bien la première fois que rien ne les fait courir ou se disputer – mettons de côté l'accrochage un peu plus tôt –, un changement plus que bienvenu.

Enfin, il finit son maigre repas, songe qu'il en aurait bien mangé un peu plus, s'essuie les mains avec l'une des serviettes fournies par le commerce et garde ses déchets en main jusqu'à la prochaine poubelle.
Et s'il laisse s'étirer le silence un peu plus entre eux, aussi serein soit ce dernier, Cécil finit par le briser.

« Par rapport à ce que vous avez dit, plus tôt... » avance-t-il doucement, un regard curieux posé sur le médecin. C'est qu'il ne voudrait pas relancer le débat, mais après coup, la confession le chagrine plus qu'elle ne chiffonne. « C'est par hasard que vous avez choisi le milieu de l'art pour devenir mécène ? »
Dans son ton, aucune animosité, juste une interrogation sincère. « Etant médecin vous auriez pu-... » il hésite un instant, se rend compte qu'à part dans son domaine, il ne s'y connaît pas trop, finit tout de même par poursuivre dans sa lancée. « Vous auriez peut être pu devenir sponsor d'une école, ou quelque chose dans le genre où vous auriez été plus à l'aise ? » Quelque chose qui lui aurait plus plu aussi.

Séraphin se fige. Cécil ne le remarque qu'après avoir trouvé de quoi se débarrasser de ses déchets que le côté de la route. Alors qu'il s'attendait à retrouver son compagnon d'infortune à ses côtés, il se surprend d'être seul, se retourne pour l'observer dans une position penaude.
Le médecin émet un rire sans amusement qui fait froncer les sourcils au coordinateur. A-t-il dit quelque chose d'idiot ? Non, étant donné la réaction de Séraphin, la question l'a simplement pris au dépourvu.

Et à sa première réponse, Cécil ne comprend pas en quoi.

Imiter ses pairs n'est pas quelque chose que lui recommanderait, mais c'est un réflexe assez courant pour ne pas y voir là quelque chose d'embarrassant. Alors le bougre est perplexe, hésite à presser son interlocuteur de plus de questions afin d'obtenir plus d'informations et d'y voir plus clair.
Il n'en a pas besoin, mais la suite le laisse perplexe. D'autant plus lorsque Séraphin se remet en marche, presse même le pas pour le semer.

« Attendez, quoi ? » lui échappe alors qu'il doit trottiner pour rattraper Séraphin qui a pris un peu d'avance. Qui s'arrête brusquement. Cécil peste intérieurement, se stoppe avec un cran de retard et se retrouve devant son ancien compagnon d'infortune qui se répand alors en explications.
C'est qu'il parle vite.

Et oh, il vient de comprendre.

Le reste des bafouillements lui échappe à moitié, principalement parce que dans son embarras et sa panique, le médecin mélange les deux langues.
De tout façon, le bougre est concentré ailleurs. Lèvres pincées, voir mordues, Cécil réprime un rire. Il le retient du mieux qu'il peut, se morigène que ce n'est pas correct de s'amuser de ce genre de déclaration. Encore moins lorsque Séraphin met un point d'honneur à se trouver des excuses et à lui expliquer la chose plus en détails.

Mais c'est bien ça qui l'amuse.
Et Cécil craque.

Pas longtemps. Mais son rire lui échappe en deux saccades qu'il ne parvient à étouffer même avec le renfort de sa main. Oh, il n'ose pas affronter le regard de Séraphin, mais ne souhaite pas non plus lui faire croire qu'il s'amuse de sa déconvenue.
Enfin, si, un peu.

« Désolé, désolé.. » articule-t-il entre deux gloussements silencieux. Quelle ironie que ce genre d'excuses ne lui cause pas plus de soucis à être prononcées. Crispé, il essaie de prendre de longues inspirations, bien souvent perturbées par de nouveaux rires. « Je vous promets, je ne me moque pas ! » essaie-t-il de se justifier.
Il lui faut pourtant un moment pour se calmer. Et de longues inspirations pour reprendre son souffle.

Et même comme ça, son sourire n'a pas disparu.
Gamin.

« Navré, c'est votre manière de vous expliquer qui-... » il ne finit sa phrase qu'avec un vague geste de la main. Sans doute que si Séraphin n'avait pas autant paniqué pour le rassurer sur ses intentions, alors n'aurait-il pas rit. Pas autant du moins.
Pour autant, soucieux de le rassurer, Cécil s'humecte les lèvres. « Mais si c'est là l'un de vos objectifs, je pourrais vous aider, siffle-t-il, pensif. Et vous présenter des collègues, si vous le souhaitez. »

Une manière de faire la paix. Il ne condamne pas forcément les relations entre coordinatrices et leurs mécènes, n'y voit même pas de soucis lorsque l'histoire ne vient pas piétiner le travail des autres. Et oh, s'il est convaincu que l'amour fait faire bien des choses, il veut bien donner le bénéfice du doute à Séraphin qui vient de lui assure que ses intentions ne s'apparentaient absolument pas à ce qu'il lui avait raconté plus tôt.
Amusant.

Moins pour le médecin dont le célibat semble peser lourd sur sa vie. Il peut comprendre. Mais celui-ci affiche une mine bougonne, lui déclare qu'il ne serait que justice qu'il se livre à son tour. Il ne voit pas en quoi, hausse les sourcils puis les épaules.

« Vous pouvez toujours me poser des questions si vous voulez en savoir plus. Je verrai si j'y répondrai. » pragmatique, quoique le ton taquin, Cécil n'a clairement ni l'envie ni la hâte de partager quelque chose qui pourrait lui porter préjudice. D'autant qu'il considère bien que ses excuses d'un peu plus tôt, si pénibles à formuler, valent bien le cirque auquel il a eu le droit à l'instant.
Pour autant, clore la conversation ne l'intéresse pas non plus. Il y a d'autres histoires sur lesquelles s'étendre. Des qui ne lui donneraient pas envie de baragouiner très vite pour se sortir de l'embarras.

Oh. Cet épisode là ne sortira pas de sa mémoire.

La proposition de jouer les entremetteurs est acceptée malgré l'orgueil blessé de Séraphin qui s'offusque de le voir critiquer sa manière de s'expliquer. Oh, le coordinateur aurait de quoi redire sur ce sujet, mais l'expression de son ancien compagnon d'infortune l'enjoint de pas tatillonner.
Bon prince, Cécil laisse passer, prend même note de se renseigner sur de potentielles coordinatrices célibataires auxquelles il pourrait présenter le médecin. Espèce qu'il ne s'agit pas là d'une erreur et que ce dernier saura aussi bien se tenir qu'il le prétend.

Mais oh, il n'a pas le temps de s'attarder sur cette soudaine crainte. Séraphin s'insurge de sa réticence à communiquer et à se confier. Exagéré, théâtral, le voilà une main sur le cœur, parlant déjà de fiançailles, déclare qu'il est blessé de voir sa requête ainsi écartée.
Amusé, le kalosien arque un sourcil, étire un sourire et secoue la tête. « Que voulez-vous? Je vous croyez déjà informé, je n'étais pas fréquentable. »

Même s'il pense qu'être à l'origine d'un mariage vaut plus un remerciement de la part de Séraphin, qu'un dédommagement de la sienne.

Ceci dit, ça n'empêche pas son comparse de tout de même poser sa question. Une qu'il ne trouve pas particulièrement intime, qui n'appelle pas à une confidence du niveau de celle du médecin. Cécil fait la moue, pensif, prend le temps de réfléchir.

« Je-... Prends une douche. » est la première chose qui lui vient naturellement. Bien sûr, prendre une douche n'est pas toujours possible – dans ce genre de situations par exemple –, mais pouvoir se sortir de costumes parfois inconfortable et faire ruisseler de l'eau sur son corps pour balayer la sueur ? Un délice.
« Et sinon, si on s'entend bien avec la troupe alors, on va boire un coup pour fêter une bonne représentation. Ou se consoler d'un échec » Si un bref rire lui échappe, Cécil finit par pencher la tête sur le côté, l'air relativement déçu.
Aucun lien n'avait véritablement été crée avec ses collègues actuelles. Mise à part pester sur Hailey et le favoritisme qu'elle avait reçu, aucune complicité ne s'était tissée entre lui et les autres. Sauf avec Moira peut être, mais cette dernière n'avait pas attendu bien longtemps avant de s'éclipser rejoindre des connaissances.

Et lui n'avait pas souhaité traîné plus longtemps dans les parages.
Sans Séraphin, il serait peut être même déjà sous un jet d'eau chaude.

Cependant, la mention d'alcool lui fait s'humecter les lèvres, émettre un soupir de regret. « Ahh, c'est dommage pour ce soir, j'aurais bien pris une bière. »
C'est qu'il aurait presque l'air solennel, presque peiné. Mais un sourire en coin et un léger coup de coude à Séraphin témoignent de son amusement. Loin d'être abattu, il reprend. « Mais vous qui mentionniez nos aventures et nos confidences, vous m'accompagneriez bien prendre un verre, n'est-ce pas ? En souvenir du bon vieux temps ? »

En souvenir du bon vieux temps, pas du mauvais vieux temps. Cécil n'y pense plus à cet instant, se contente d'adresser un sourire plein d'espoir vers son ancien compagnon d'infortune. C'est qu'il n'aime pas boire seul. Et finalement, malgré quelques accrochages, il n'est plus si certain de pas vouloir côtoyer le médecin.
Ne vient-il pas de lui promettre de l'aider en amour ? Pour ça, il faudrait qu'il en apprenne plus sur lui, pour mieux le vendre auprès de ses collègues et-..

Oh, mais trompe-t-il ?
C'est juste une bonne excuse pour boire.

Le comportement de son comparse lui arrache un rire.

S'il ne doute pas que Séraphin puisse lui refuser son offre – il n'a pas le profil de l'écumeur de bars – le voir autant exagérer son hésitation lui laisse deviner avant l'heure sa réponse. Alors le voir se tapoter le menton, le taquiner sur le fait de ne pas être fréquentable et peser le pour et le contre l'amuse plus que ça ne devrait.

« Parce qu'il faut prendre des risques dans la vie ? » lui souffle-t-il du tac-au-tac lorsqu'il lui demande pourquoi il l'accompagner.
Si on lui avait dit qu'il finirait par badiner avec le médecin de cette façon, il ne l'aurait pas cru. Pourtant, c'est le cœur léger et la rancune aux abonnés absents qu'il accueille le coup de coude amical et allonge le pas en même temps que Séraphin accélère.

Ce dernier l'informe qu'il a entendu parler d'une taverne traditionnelle – il comprend artisanale – pas très loin, qu'ils pourraient s'arrêter là bas, et faute de mieux, Cécil acquiesce du chef. Il n'est un résident, il ne sait pas quel endroit allie au mieux le rapport qualité-prix. Et puis, un instant, il craint que Séraphin-bien-propre-sur-lui le traîne dans un 'simili bar', plus café que véritable taverne. Un endroit distingué pour les nobles.
Le kalosien se tient prêt à se résigner et à accepter la situation si elle venait à être décevante. Se promet de se venger plus tard si ça devait arriver, et traîner Séraphin dans le pire bouï-bouï qu'il puisse trouver, quitte à en pâtir également.

L'idée l'amuse autant qu'elle le surprend.
C'est qu'il n'avait pas forcément prévu de planifier une deuxième sortie sans que la première ne soit achevée.

Perplexe, le coordinateur se perd un instant dans ses pensées, laisse le soin à son guide de fortune de se repérer avec les différents panneaux disposés dans la rue et lui demande après un court instant s'il s'en sort.
Doué d'un piètre sens de l'observation, si Cécil préfère laisser la responsabilité de les guider à son compagnon d'infortune – ne souhaite pas se perdre dans une ville inconnue –, il jette tout de même un œil aux indications.

Il grimace.
N'y comprend pas grand chose.

Heureusement, le médecin semble savoir ce qu'il fait, et alors que Cécil s'était attardé sur les panneaux dans l'espoir de comprendre la direction, ce dernier trottine pour retrouver les côtés de Séraphin qui l'informe qu'il lui laisse gérer la commande.

Oh.
Il ne devrait pas.
Cécil se sermonne, réprime une envie de chaos.

Sourire un peu trop grand et pourtant clairement pincé pour l'amoindrir, le kalosien hoche la tête, ravi de pouvoir commander ce qu'il veut – enterre la crainte de trouver l'exact opposé de ce qu'il recherche –, fait tout de même un effort pour s'adapter un minimum à son accompagnateur.

« Comptez sur moi ! Dites moi simplement si vous préférez le doux ou l'amer. »

Il pourrait s'attarder sur les différentes bières et leurs différents goûts. Leurs teintes, leurs degrés d'alcool et tout le reste. Il pourrait, mais il n'est clairement pas un expert, a uniquement assez de bases pour pouvoir commander de quoi boire et en être satisfait.

Lorsqu'ils arrivent à destination, après quelques minutes de marche de trivialités échangées – surprenant – Cécil est assez agréablement surprise d'effectivement reconnaître la devanture de ce qui pourrait être un bar. Aucune vengeance n'aura à être exercé à l'encontre du médecin.

Séraphin n'a vraiment pas l'air d'être un habitué. Il ne pense pas prendre trop de risques en s'avançant là dessus. Avec ses pulls et ses chemises de premier de la classe – son idée de porter une blouse de médecin en pleine ville hors de ses heures de travail – Séraphin n'a pas l'air à sa place devant la taverne.
Ni même à l'intérieur en fait.

Pourtant, tous deux restes là, et Cécil lui fait signe de leur trouver un endroit où s'asseoir. L'endroit n'est que moyennement rempli, probablement parce qu'ils sont encore en semaines. La lumière, relativement sombre et tamisée donne l'impression d'avoir pénétré dans un autre monde. Il y a, sur le côté de la salle, un grand billard, et contre un mur du fond, un jeu de fléchettes. De l'autre côté, le jukebox crachotte une musique un peu rock, assez forte pour être entendu dans tout l'endroit, pas assez pour couvrir le brouhaha incessant des conversations.
Au centre, enfin, se trouve le comptoir auquel travaillent deux barmen, chacun de leur côté. Cécil s'en approche, commande rapidement deux bouteilles : une rousse fruitée pour lui, une autre qui lui semble le mieux convenir aux gouts de Séraphin. Ce sera l'épreuve du feu.

Après un bref remerciement, il tâche de retrouver le médecin dans la salle, ne tarde pas à l'apercevoir un peu en retrait : le bougre n'a pas l'air dans son élément...
Sans plus de cérémonie, Cécil le rejoint, l'informe que les commandes sont passées avant de s'installer en face de lui, l'air satisfait et enjoué.

« J'ai pris ce que je pensais qui vous plairait le plus. » lui souffle-t-il, tapotant la table du bout des doigts. « Si ça ne vous plaît pas, vous pourrez goûter la mienne ! » Et si celle-ci ne lui plaisait pas non plus-... Le kalosien hausse les épaules, ils peuvent toujours commander autre chose.

« Vous ne venez pas souvent dans ce genre d'endroits, n'est-ce pas ? » demande-t-il distraitement. Ce-... N'est pas vraiment une question. Si Séraphin lui affirmait le contraire, il en serait bien surpris, mais c'est une manière comme une autre de reprendre la conversation.

Séraphin s'insurge, s'offusque et lui assure qu'il est un habitué de ce genre d'endroits. La réaction arrache un sourire au kalosien qui, s'il aimerait lui donner le bénéfice du doute ne serait-ce que par amitié, ne peut décemment pas le trouver crédible.
Encore moi lorsqu'il observe avec une visible perplexité ce qu'on leur sert à table. Il n'y a pourtant là rien de sorcier : deux bouteilles, deux verres et un bol de cacahuètes bien salées pour leur donner encore plus soif. Du marketing, vraiment.

Alors, après avoir remercié à l'unisson le serveur, Séraphin finit par admettre la vérité. Que c'est peut être, peut être, la première fois qu'il vient dans un bar. Cécil se demande quel genre d'endroit pouvait-il bien fréquenter dans sa jeunesse avec ses amis, si les nobles ont des endroits inconnus de la plèbe où passer du temps. L'idée est amusante, peut être un peu vexante même, alors le coordinateur la balaye, hoche la tête gravement lorsque Séraphin reprend ses mots.

« Et je vous en félicite. » c'est presque solennel qu'il prononce ces mots.

A bien y réfléchir, Séraphin n'a peut être pas d'endroits secrets réservés aux gens riches – pas qu'il doute que ça existe, théorie du complot go vrrr –, mais-... Le bougre en face de lui n'a simplement pas l'air des plus sociable.
Avec son air de premier de la classe et sa maladresse, Cécil doute que son compagnon d'infortune ait eu un jour un gros groupe de 'potes' avec qui passer du temps. Il se trompe peut être, mais si ça avait été le cas, il ne serait probablement pas retrouvé seul avec un homme pouvait être son père pour voir une pièce de théâtre qui ne l'intéressait pas.

Il n'aurait peut être pas non plus besoin de chercher une demoiselle ailleurs que dans son cercle de proches.
Oh, Cécil gratte quelque chose du bout du doigt mais est bien vite sorti de ses pensées en regardant le médecin les servir. Le coordinateur papillonne un instant des yeux en l'observant faire... Oh, non, il est désormais certain qu'il n'a jamais fréquenté d'endroits cools de toute sa vie.

Horrifié, Cécil crispe un sourire sur son visage et se retient de crier que ce n'est pas comme ça qu'on sert une bière, qu'il y a des manières de faire et que celle-ci n'en est pas une. Mais Séraphin s'amuse, plaisante et taquine. Et oh, il pourrait s'énerver sur beaucoup de chose, mais son cœur n'est plus à l'agressivité, pas après ce qu'il s'est passé un peu plus tôt.
Alors il inspire longuement, décrispe sa mâchoire et se remet dans le bain. Puis que le médecin promet de l'écouter, alors il pourra lui apprendre comment on profite des choses. Et ce n'est certainement pas en servant autant de mousse que de bière.

Alors, quand Séraphin lève son verre, demander à quoi trinquer, Cécil n'hésite qu'un instant avant de s'emparer du sien – le cœur un peu lourd et un peu peiné – avant de porter un toast.

« Hé bien, je suppose que votre première fois dans un bar vaut bien la peine d'y trinquer, alors, à votre première fois ! » et il entrechoque leurs verres sans plus de cérémonie. Par coutume, il prend une gorgée, quitte à se mousser le nez, mais ne tarde pas à attraper l'une des serviettes laissées sur la table pour s'essuyer rapidement. « Mais vous avez encore beaucoup à apprendre, rajoute-t-il en s'humectant les lèvres. Notamment, comment servir de la bière. »
Sa voix n'est pas teintée de reproches contrairement à ce à quoi il aurait pu s'attendre venant de lui même. C'est que, il y a quelque chose d'attendrissant devant un homme qui fait ses premiers pas dans un univers qu'il n'a jamais connu. Séraphin a beau être maladroit, Cécil ne peut lui retirer qu'au moins, il essaie. Alors rapidement, il lui explique pour la prochaine fois qu'en inclinant le verre, il y a moins de mousse, rendant l'exercice de boire moins salissant.

Si son verre n'avait pas encore été rempli, nul doute qu'il aurait joint le geste à la parole. A la place, il se propose de servir la prochaine fois avant de lancer un coup d'oeil vers la bouteille du médecin.

« Ca vous convient ? » finit-il par lui demander, un sourcil levé, désignant la boisson du menton. C'est qu'il serait un peu peiné si ça ne lui plaisait pas. Boire seul est triste, mais boire avec quelqu'un qui ne boit pas, l'est encore plus.
Alors Cécil se tient prêt à échanger les boissons, à en chercher une autre s'il le faut, prenant son rôle de mentor plus au sérieux que prévu. C'est qu'il ne voudrait pas non plus dégoûter l'homme en face de lui de ce genre de sorties, ce serait fâcheux pour sa vie sociale.

Une fois les préparatifs arrangés, l'ambiance plus détendue et la conversations reprise sur des faits triviaux, celle-ci finit par dériver d'une manière ou d'une autre, et alors que le thème des pokemons arrive sur la table, le coordinateur se redresse un peu. « D'ailleurs- ! Comment va votre Mucuscule ? » adorable bête, toute petite, toute baveuse-... Oh-... Oh. L'anecdote lui rappelle son pull fichu, inévitablement également, celui de Séraphin. Celui qu'il n'a pas sur lui actuellement tout de suite.

Quelque part, il espère que le sujet ne dérivera pas là dessus.

Le Mucuscule va bien, n'a apparemment pas – encore ? – de nom et a hérité d'un plus grand lieu de vie. Cécil hoche la tête doucement, ne peut s'empêcher de se demander si Séraphin ne pourrait simplement pas le laisser en liberté malgré la bave, au moins dans son jardin. Il n'a cependant pas le loisir de lui poser la question car la conversation dérive un peu sur un autre sujet, un qui lui fait relever la tête de sa boisson.
A ses yeux, ce n'est pas sorcier d'entraîner un pokemon, même très simple quand on n'a pas l'ambition de devenir dresseur : ces petites créatures sont, pour la plupart, très instinctives lorsqu'il s'agit de se renforcer d'elles même.

Et de ce dont il se souvient, ce n'est pas pour en faire une bête d'arène que Séraphin a adopté le dragon-limace. Même si, pour être honnête, Cécil aurait bien du mal à se rappeler toutes les explications données par le médecin. A la place, il laisse se lamenter sur son manque d'expérience, s'apprête à lui proposer son aide mais se coupe lorsque la balle lui est renvoyée et que Séraphin vide son verre d'une traite.
C'est par réflexe que le kalosien laisse échapper un sifflement impressionné. « Vous avez une bonne descente. » lui annonce-t-il avant de hocher la tête, solennel, approuvant son compagnon d'infortune. Et comme il ne souhaite pas être en reste, il l'imite, finissant son propre verre d'une traite.

L'amertume de la bière lui arrache une brève grimace alors que l'alcool ingéré bien trop rapidement lui fait un instant tourner la tête. Il en faudra plus pour le rendre euphorique, mais ça ne l'empêche pas de laisser échapper un petit rire quand Séraphin lui annonce avoir oublié sa question.

« Ca ne devait pas être très important... » siffle-t-il, se faisant un devoir de remplir à son tour leurs verres respectifs – cette fois-ci sans mousse –  avant de faire glisser celui de son compagnon d'infortune vers lui. Il ne perd pas de temps à prendre une nouvelle gorgée, puis, alors qu'il repose son verre et s'humecte les lèvres, il prend enfin le temps de répondre. « Bichou est devenu énorme. » l'informe-t-il, l'air aussi dubitatif que lorsqu'il s'était rendu compte à quelle vitesse le Tauros avait grandi.
Il ne se prive pas pour lui raconter, à grand renfort de gestes des mains, qu'en quelques jours seulement, le bovin avait triplé de volume. « Et je crois bien qu'il n'a pas fini de grandir ! » déclare-t-il, l'air grave avant de s'étaler un peu plus sur le sujet. Passée la surprise, il avait rapidement appris à apprécier la nouvelle carrure du Tauros, à appréhender sa nouvelle force aussi : le bébé – car il en restait toujours un – avait beau avoir l'air simplet, il n'en apprenait pas moins vite pour autant.

« C'est pour ça, reprend Cécil après l'interlude sur Bichou, si vous avez besoin de conseils pour votre Mucuscule, je peux peut être vous aider. »

Loin d'être un expert en type dragon, Cécil songe tout de même que tous les bébés pokemons ont besoin globalement de la même chose : de l'attention, de l'affection et de l'exercice. Alors il ne pense pas trop s'avancer lorsqu'il affirme pouvoir lui être d'un quelconque secours.
A nouveau, il prend une gorgée de son verre, laisse la bière traîner un instant sur sa langue avant de déglutir.
Si Séraphin a oublié la question qu'il voulait poser, Cécil au contraire se souvient d'une interrogation qu'il avait eu la première fois qu'il avait posé les yeux sur la petite limace.

« Ah, c'est un peu embarrassant mais-, il se mord la lèvre, hésite un bref instant avant de juger que sa curiosité méritait bien d'être assouvie après tout ce temps. La dernière fois, vous m'aviez expliqué pourquoi vous avez voulu adopter un Mucuscule, mais-.. » oh, il est un peu plus difficile d'admettre des lacunes en langue – probablement en sciences également – et le coordinateur s'arrête une nouvelle fois.
Un peu gêné, il ignore comment tourner sa phrase pour ne pas trop avoir l'air idiot. Séraphin avait l'air si passionné d'en parler qu'il n'avait pas osé l'interrompre la dernière fois, alors que lui avait décroché dès le début. Pourtant, oh, il aimerait tout même comprendre !

Alors Cécil se jette à l'eau, encouragé par un peu d'alcool dans le sang. Il hausse les épaules, un peu penaud et finit simplement par admettre « J'ai pas compris. »
Et c'est un peu gênant. Ca le fait un peu rosir, le met un peu sur la défensive malgré lui. Il se défend vaguement, souffle qu'en kérosien, c'est plus difficile de tout saisir surtout quand ça n'est pas dans son domaine d'expertise. Finit par se taire et tracer les rebords de son verre du bout d'un doigt.