Now everyone can see me burning | Séraphin de Costemore

Ça bourdonne dans sa tête alors qu'il dirige l'échauffement de sa troupe. Ca bourdonne et ça tourne, le trac fait souvent cet effet. Alors Cécil inspire, expire et s'étire, vérifiant si Karcasse suit bien ses mouvements sous le regard attentif de Maush.
Il fait chaud sous le maquillage et son costume. Ses lèvres sont sèches et son ventre est noué. C'est-... Désagréable, mais le kalosien à l'habitude. Alors c'est avec un feint entrain qu'il motive ses pokemons. Si seul le dragon se produira sur scène avec lui, il trouve important que les autres participent à la séance. Qu'ils apprennent, qu'ils se soutiennent...

Il faut nourrir l'esprit d'équipe.

Et Cécil est fier d'eux. Si certains ont du mal à suivre à cause de leur jeune âge, la plupart fait de son mieux et les aînés sont là pour les guider. Seul Fripouy s'est éloigné du groupe pour s'échauffer et s'entraîner à sa manière.
En d'autres circonstances, Cécil serait intervenu. En d'autres circonstances, il aurait cherché une activité pour l'inclure au reste du groupe. Mais ils ont autre chose à faire. Et c'est peut être bien pour ça que si l'Elekid se tient à distance, il ne perturbe pas non plus les autres.

Son cœur se réchauffe.
Il fait vraiment chaud.

Le coordinateur inspire, expire. Il ferme les yeux un instant. Inspire et expire, les rouvre. Rien ne semble suffisant pour remplir ses poumons et cela commence à devenir fâcheux. ''Commence'', seulement ?

Inspire. Et. Expire.
Il doit s'asseoir.

Ca fait des années qu'il observe le même spectacle. Maush en serait presque blasé si ce qu'il voyait ne l'inquiétait pas autant. La détermination de Cécil l'a toujours impressionné. Lui a toujours fait un peu peur. Surtout quand celle-ci tourne à l'auto-destruction. Maush n'est peut qu'un pokemon, mais il a deux têtes et un cœur gros comme ça.
Ses deux paires d'yeux ne quittent que rarement les mouvements de son coordinateurs, et seulement pour s'assurer que l'Axoloto nouveau né n'aille pas mâchouiller le câble de trop. Quelque chose ne va pas, mais quelque chose ne va jamais ces derniers temps et ça le rend fou d'être le seul à le remarquer.

Peut être l'est-il vraiment.
Fou.

Mais il n'y croit pas. Il sait Cécil têtu, assez pour vaincre certains de ses malaises. Mais le temps où il trouvait que c'était une bonne chose est révolu. Maintenant, son dresseur a les cheveux blancs. Ses mains tremblent plus qu'elles ne le devraient. Ses yeux se perdent plus qu'avant. Et son corps n'est plus aussi robuste qu'avant.
Si la roche s'érode, les humains aussi et Cécil se présente bien trop volontairement aux intempéries.

Et encore une fois.

Les signes sont subtiles pour les autres, mais Maush le remarque immédiatement. Cécil est en retard sur la routine, de quelques secondes à peine, des secondes alarmantes. Ses gestes sont moins amples et son regard, d'habitude concentré, semble chercher quelque chose.
Maush pousse alors Archibald vers Machaon et s'élance aussi vite que ses muscles de mollusque lui permettent de propulser son caillou. Concentré sur son objectif, il ne fait pas attention à la lumière qui inonde la salle, aux cris de surprise qui échappent à ses compagnons. Il pense simplement qu'ils ont compris ce qu'il se passe alors que lui même se sent pousser des ailes. Il a l'impression que sa conscience s'unifie et se multiplie en même temps.

Si la sensation est étrange, il n'y prête que peu d'attention : il veut surtout être là pour rattraper Cécil avant que celui-ci ne touche le sol. A aucun moment sa petite taille n'entre en ligne de compte. Il veut simplement être là.

Et là, il l'est.

Quelque chose a changé. Cécil a l'air si petit maintenant qu'il le tient contre lui. C'est la première chose qu'il remarque, et si une part de lui se surprend à remarquer que non seulement il tient son coordinateur entre ses griffes, mais qu'en plus, il peut voir lesdites griffes, Maush s'alarme surtout d'avoir eu raison.
Cécil est tombé. Il ne bouge plus. Il a les yeux fermés. Et alors qu'une froide terreur s'installe dans les coulisses et que les choses commencent à s'agiter, le Golgopathe n'a qu'un réflexe : protéger Cécil.

C'est une muraille de pokemons qui se dresse entre Cécil et le reste du monde. Maush n'est pas le seul à faire barrage de son corps. Dans un instinct de mimétisme, les autres membres de l'équipe se sont rassemblés autour d'eux, suivant le comportement de leur aîné pour protéger le coordinateur de n'importe quel danger pouvant lui nuire.
Ce n'est pas raisonnable, pourtant, chaque personne tentant de s'approcher leur semble être une menace. Jusqu'à ce qu'une voix familière s'élève dans une langue qui n'est familière que pour certains d'entre eux.

Maush, interpellé, ne relève qu'à peine la tête pour, soucieux de cacher la faiblesse de son humain jusqu'au bout, mais lorsqu'il reconnaît Séraphin qui traverse l'attroupement des employés de l'arène, il se détend. A peine, suffisamment pour intimer à Karcasse et Fripouy de ne pas s'en prendre à lui.
C'est une chance, dans le cas contraire, les rangers auraient dû intervenir pour les endormir avant que les secours ne puissent prendre en charge le kalosien. A la place, Séraphin prend les choses en charge.

Si Maush est réticent, que tout son corps tremble à l'idée de laisser qui que ce soit approcher de Cécil, il autorise le médecin à le toucher, se retient de ne pas resserrer sa prise sur le petit corps inconscient. Le Golgopathe laisse échapper quelques sont gutturaux à l'attention du Kerosien comme pour essayer de lui expliquer ce qu'il s'est passé et rapidement, il est suivi des piaillements du reste de l'équipe.
Derrière, on interpelle le médecin, lui demande s'il peut en profiter pour rappeler toutes les bêtes afin de sécuriser la zone. C'est une tâche-... Relativement aisée. Certains résistent à l'appel de leur pokeball mais un grognement du Golgopathe est généralement suffisant pour les convaincre.

En ce qui le concerne en revanche-...
Il refuse.
Rien n'y fait, il ne lâchera pas Cécil et il n'ira nulle part. Il faudra s'accommoder de sa présence.

Quant à Cécil...

Son esprit est ailleurs, erre dans des souvenirs modifiés, mélangés, peut être même, erronés. Influencé par les bruits qu'il perçoit, il est difficile de donner sens à ce qu'il 'voit'. A la place, ses instincts le font se concentrer sur ce qui semble le plus tangible en cet instant précis et sa main se resserre automatiquement sur ce qui vient de l'attraper.
Quand le contact est rompu ceci dit, Cécil se sent chuter. C'est bref et très intense, assez pour lui donner l'impression de sursauter. Assez pour lui faire ouvrir les yeux.

Aveuglé un instant, le kalosien grogne et remue faiblement entre des bras inconnus. Il papillonne des yeux, cherche un repère avant que son regard ne se pose sur l'imposante masse qui le domine. Si le monde tourne encore légèrement autour de lui, ses idées s'acheminent de plus en plus vite et de plus en plus claires. « Maush .. ? » murmure-t-il avec une pointe d'admiration.
Mais s'il a envie de sourire, l'air grave de son compagnon de toujours l'en dissuade. De même qu'il le dissuade d'essayer de se relever ou ne serait-ce même que de bouger. Le Golgopathe le maintient fermement alors qu'autour de lui, Cécil remarque qu'il ne s'agit pas de son équipe mais bien d'autres humains.

Il grimace.
Voilà des complications dont il se serait bien passé.

Incapable de ne serait-ce que se redresser, Cécil tourne la tête pour apercevoir un visage bien familier. Un qu'il s'attendait à voir, mais dans d'autres circonstances. « Ah-... Séraphin ? ». S'il est confus sur le déroulé des événements c'est d'abord et surtout par déni. C'est qu'il a bien une idée ce ce qu'il s'est passé, mais a-t-il vraiment besoin de s'attarder alors que le soucis est terminé ? D'aucun dirait que oui, mais il assure que non.
Alors quand un homme s'approche de lui pour 'l'ausculter et prendre sa tension', Cécil grimace brièvement avant d'afficher un sourire professionnel.

Il aurait presque l'air crédible.

« Tout va bien, qu'il déclare avec un aplomb surprenant étant donné sa position. Mon ami est médecin, je suis sûr qu'il peut s'en occuper ! » Et oh, il le dit avec un peu trop d'entrain pour le type de situation dans lequel il se trouve.

Maush souffle son mécontentement et sa désapprobation, secoue la tête et fixe Séraphin avec de gros yeux.

Si l'on accède à la demande de Cécil, ce dernier ne trouve pas le complice qu'il espérait en la personne de Séraphin. Certes celui-ce l'ausculte à la place des secouristes, mais il le met également en garde.
Contrarié, le kalosien se laisse faire mais son esprit ne reste pas en reste. C'est comme s'il ne s'était jamais rien passé – il met un point d'honneur à ignorer les résultats, il ne sait de toute façon pas les lire – et essaie de trouver un argument. Alors, quand son ami demande à Maush de s'assurer qu'il atterrisse bien dans l'ambulance, Cécil proteste.

« Je vous assure, c'est passé, tout va bi-.. » mais la fin de sa phrase se meurt dans sa gorge. C'est avec la désapprobation d'un parent que Séraphin le dévisage et Cécil comprend qu'aucune aide ne viendra de ce côté là. Intérieurement, il bougonne et refuse de voir la réalité en face. C'est encore pire quand Maush hoche vigoureusement la tête à la requête du médecin et resserre sa prise pour lui pour les relever tous les deux.

« Maush ! Repose moi ! J'ai une représentation à faire ! »

Et oh, Arceus, il a plus d'énergie à revendre qu'il ne devrait. Cécil peste, bagarre et se tortille comme il le peut pour échapper à la prise de son compagnon de toujours. Rien n'y fait, et ses protestations finissent par mourir comme les précédentes quand le Golgopathe laisse échapper un grondement guttural. Un son nouveau, surprenant, qui fige le coordinateur sur place.

Alors seulement Cécil se résigne.

Il aimerait se réjouir de l'évolution de Maush, de son développement et de sa nouvelle force – au fond, il en est heureux – mais tout ce qui lui échappe sont des pesteries.

« Ugh, pourquoi tu es devenu si graaand... » se plaint-il piteusement alors qu'on l'emmène à l'extérieur.
Là, Cécil pose ses mains sur son visage, ignore délibérément leur tremblement et étouffe un énorme soupir. Il est mortifié. Il n'a aucun moyen d'échapper à cette situation. Pire encore, il y a des témoins. Des gens qu'il connaît, d'autres qu'il ne connaît pas.

Tous parleront.
Que dira-t-on de lui ?

Le bougre geint intérieurement, et à défaut de pouvoir s'échapper, il se tourne contre Maush pour se dissimuler à la vue de tous. Son entrain feint disparu, ne reste plus que le désespoir d'être perçu comme inapte et impotent.

Quelle honte.

Et sa représentation annulée à cause de gens en faisant trop. Cécil peste. Ce n'est pas si grave. Il se sent bien, un peu d'eau et un peu de sucre et il serait reparti. Un retard l'aurait mis mal à l'aise, mais une annulation ?

Il est détruit.
Furieux.

Épuisé aussi, mais ça l'énerve encore plus.

Finalement, Maush prend place dans l'ambulance, Cécil désormais sur ses genoux qui arrêté de se débattre et qui ne bouge plus. Pour un peu, il en pleurerait. Mais si le rideau ne s'est pas ouvert pour lui aujourd'hui, il est tout de même devant un public.

…
Quelle honte.
Il aimerait en mourir.

Cécil reste prostré, interdit. Il déteste la position dans laquelle il se trouve. Il déteste de se retrouver enfermé sans aucune porte de sortie. L'idée de sauter hors de l'ambulance à un feu rouge lui a effleuré l'esprit mais sans aide et ainsi retenu prisonnier par Maush ? Ce n'est même pas la peine d'y songer.
Alors à la place, il se morfond, se recroqueville un peu plus contre Maush qui, malgré la rancoeur qu'il porte actuellement, n'a de cesse d'être son pilier.

A leur côté, il sent la présence de Séraphin, mais ce dernier est aussi mutin que lui. Le silence n'est pas pour lui déplaire. Cécil est épuisé, abattu. Il a honte et aucune manière de couvrir ça. Aucune envie non plus. Seule une bile amère brûle dans son ventre alors que ses dents se referment sur sa lèvre inférieure.
Tout est gâché. Sa réputation, sa carrière, son art. S'il n'est plus capable de gérer ce genre de problème, s'il n'est plus capable d'assurer une représentation aussi basique alors-... Que lui reste-t-il ?

Il déglutit difficilement.
Renifle piteusement.
Et mord d'avantage sa lèvre inférieure.

Pitoyable, pathétique. Il a beau pleurer en silence, les larmes coulent d'elle même et il déteste encore plus sa situation. N'était-ce pas suffisant de gâcher sa réputation, Séraphin devait-il également le voir au plus bas ? Faible et impotent.
Ses bras enlacés autour de lui même se resserrent un peu plus. C'est avec une détermination rageuse que Cécil ravale ses sanglots, sa fierté prenant le pas sur tout le reste. Mais pour combien de temps ?

Quand Séraphin prend la parole, Cécil retient sa respiration. Confus, en colère, il aimerait bondir et hurler. S'il s'excuse, pourquoi ne l'a-t-il pas laissé finir son spectacle ? S'il reconnaît avoir eu tort, pourquoi lui infliger une telle humiliation ?
N'est-il pas médecin ? N'aurait-il pas pu gérer ça avec plus de discrétion ? Cécil bout et maltraite d'autant plus sa lèvre inférieure qu'il sent ses yeux piquer davantage.

Il sait.
Il sait mais il refuse de l'accepter.

Pour son bien ? Quel bien peut être avoir s'il n'est plus capable de faire ce pourquoi il s'est donné corps et âme toute sa vie ? Autant qu'il disparaisse avec panache. Mourir sur scène comme le dit si bien la chanson. Un artiste jusqu'au bout, consumé par sa patient.

Mais rien de tout cela ne sort de sa bouche meurtrie. Ni son désespoir, ni sa colère, encore moins sa rancoeur. Parce que quand Cécil se sent assez furieux pour répliquer à Séraphin, quand il parvient enfin à se redresser à lui faire face, prêt à ignorer qu'il a un visage pitoyablement rougi et gonflé, et à ouvrir la bouche, rien ne sort.
S'il fusille Séraphin du regard un bref instant, toute cette rage s'effondre bien vite devant la mine déconfite du médecin. Sa répartie est à sec, la honte qu'il ressent lui revient comme un boomerang et l'abat.

Il n'a pas de venin à distribuer. Juste des plaintes. Et lorsqu'il se rend compte en les marmonnant, il les étouffe à moitié. « Vous auriez pu attendre. » est bien la seule chose qui franchit le barrage de ses lèvres avant qu'il ne fulmine davantage intérieurement.
Mais s'il a besoin d'un support, hors de question de se laisser aller contre Maush. Il lui en veut aussi et se libère de son étreinte. Le Golgopathe ne résiste, de toute façon, dans l'ambulance, Cécil ne peut pas aller bien loin.

Piteux, le pokemon baisse la tête. C'est que cela fait bien un moment que la colère de Maush a fait place à l'inquiétude. Il n'éprouve aucun remord, mais voir son coordinateur dans cet état serre son cœur.

Il aimerait le secouer.

Le reste du voyage se fait dans un silence amer, dans un laps de temps suffisamment long pour que la colère de Cécil laisse place à un sentiment beaucoup moins utile et beaucoup plus désagréable. La honte.
Bien que déjà présente, celle-ci grignote peu à peu la bile dans son estomac qui se retourne. Il aimerait rester en colère mais il est fatigué. Et honteux. Tellement honteux. Alors il ne cherche pas à rompre le silence, tourne le dos aux deux personnes qui s'inquiètent le plus pour lui et s'enferme dans son mutisme.

De ça aussi, il a honte.
Mais sa fierté l'empêche d'y remédier.

Quand enfin on le laisse sortir, il grimace quand Maush le rattrape. « Je peux marcher seul. » peste-t-il, mais le Golgopathe n'en démord pas. Et le bougre a désormais quatre bras pour s'assurer que le coordinateur ne lui échappe pas. C'est rageant. D'autant plus lorsqu'on lui présente un fauteuil roulant.
Il n'est pas à ce point incapable. Cécil voit rouge, songe un instant à donner un coup de pied à la chaise pour l'envoyer valser. Pour tout envoyer valser, mais Maush l'attrape et le force à s'asseoir. Et finalement, il se laisse faire.

Une part de lui aimerait se recroqueviller à nouveau pour se cacher à la vue de tous. Il a l'impression que tous les regards sont posés sur lui. Qu'on le reconnaît.

Qu'on le juge.

Ça lui donne la nausée. Le fauteuil roulant n'est peut être pas une si mauvaise idée, s'il n'était pas le déclencheur de son malaise. Alors Cécil inspire, expire et se redresse.
Très bien, s'il doit se donner en spectacle, autant apparenter la dignité. Il n'en a pas moins envie d'imploser à l'intérieur, mais les autres n'ont pas à le savoir.

De manière surprenante, ce n'est pas Séraphin qui se place derrière lui pour pousser le fauteuil. Le médecin se tient en retrait, et si Cécil n'ose pas le regarder en face, il sent la distance entre eux. Il aimerait ne pas s'en plaindre, mais ça aussi, ça le contrarie. A la place, c'est Maush qui s'occupe de lui sans rechigner. Il n'y aurait de toute manière aucun moyen de le faire pénétrer l'enceinte de l'hôpital sans le Golgopathe. Il se serait dérobé bien avant si ce n'était pas de son plus vieil ami.

Et alors qu'il rumine, une vois hésitante le tire de ses pensées. L'oblige à confronter celui dont il fuyait le regard depuis un certain temps. La question le prend au dépourvu, décrispe son visage. D'une expression renfrognée, ses lèvres s'arrondissent et ses sourcils se haussent faiblement.

Séraphin est piteusement sérieux, solennel. Cécil ne s'y attendait et son expression s'adoucit le temps qu'il comprenne les paroles du médecin. L'accompagner ? C'est qu'il n'avait même pas pensé que Séraphin resterait en arrière pour être honnête.
Alors Cécil détourne le regard, gêné d'avoir à formuler sa pensée tout haut. Pendant un instant, il songe même à lui dire de rester là s'il y tient tant, pour quelle autre raison lui poserait-il la question ?

« C'est toi qui m'a amené ici. Je ne laisserai aucun autre médecin s'occuper de moi. »

C'est dit sur le ton de la pesterie. Il est contrarié d'être là, contrarié de se retrouver vulnérable devant tant de monde et encore plus contrarié de devoir admettre qu'il ne veut pas y aller seul.

Pour un peu, il se lèverait pour s'en aller sans demander son reste, mais Maush est vigilant, et l'une de ses pattes agrippe doucement la manche de Séraphin pour l'entraîner avec lui.

Le commentaire de Séraphin lui arrache un claquement de langue vaguement irrité. Dans d'autres circonstances, il en aurait ri. Dans d'autres circonstances, il aurait surenchérit. Là, le mieux qu'il puisse faire c'est garder le silence et soupirer, une main devant la bouche.
Une part de lui aimerait passer à autre chose, s'amuser des piques, s'émerveiller de l'évolution de Maush, mais s'il s'en rend compte, tout ce qu'il arrive à ressentir, c'est de l'aigreur. Il ne veut pas être là, il déteste cet endroit, les murs trop blancs, les gens malades, blessés et le personnel médical. Il déteste cette odeur aseptisée et les bruits de pleurs qu'il croit deviner au loin.

Quand Séraphin le laisse pour s'imposer en tant que médecin, Cécil déchante. Un instant, il songe se lever et prendre les jambes à son cou. Il le pourrait, après tout, il ne se sent pas mal, il va même bien, beaucoup mieux ! Il s'apprête même à le faire, se redresse, s'extirpe du fauteuil roulant pour sa grande évasion.
Mais alors que son regard se perd rêver vers la sortie de l'hôpital, quelque chose le retient, et ce n'est pas Maush. Oh, bien sûr le pokemon se tient prêt à agir. Avec sa nouvelle carrure et ses quatre bras, il n'a aucun doute quant à sa capacité à retenir son humain. Il aimerait simplement éviter de le faire.

Non.

C'est un sentiment bien étrange qui cloue Cécil sur place. Pas vraiment de la culpabilité, ni des remords. Quelque chose dans le comportement, dans la voix de Séraphin l'empêche de passer à l'acte. Cette supplication, cette inquiétude... Cette soudaine familiarité. Cécil se dandine d'un pied à l'autre et soupire lorsque Maush tente de le faire se rasseoir. « Non. » déclare-t-il sobrement en secouant la tête. « Je vais y aller, mais j'ai besoin de marcher. » siffle-t-il à son compagnon de toujours.
Et c'est beaucoup plus que ce que le Golgopathe pouvait espérer de la part de son dresseur. Alors, même si c'est à contre-coeur, il laisse la chaise de côté se positionne simplement à ceux de Cécil. Peu importe que celui-ci peste en se rendant à l'accueil, lui assure qu'il n'est pas fait de cristal, qu'il va très bien et que ce n'était qu'un malaise passager, Maush ne le quitte pas d'une semelle.

Cécil s'inscrit donc à contre cœur, peste intérieurement tout du long, n'adresse que l'ombre d'un sourire à la secrétaire qui en a déjà vu bien d'autres puisqu'elle ne réagit même pas à son maquillage coulant, puis il s'éloigne et attend.
Les bras croisés, contre un mur, Maush comme son ombre, Cécil patiente et s'impatiente. Il croise les bras et tapote du pied.

Il veut sortir.
Il veut sortir tout de suite et pour quelle raison stupide ne le fait-il pas ? N'est-il pas un adulte ? Il va très bien, il doute sincèrement que qui qui ce soit s'embête à le poursuivre alors qu'il y a tellement de patients en attente de soins bien plus urgents que les soins.

Mais il y en a bien un qui en serait capable.
Du moins, Cécil aime le croire. et déteste l'admettre.

Il veut partir, mais il veut qu'on prenne soin de lui aussi, qu'on s'inquiète sans juger. Qu'on soit doux...
Pas dans un hôpital, mais ailleurs.
Et oh, il déteste s'en rendre compte.

Il déteste être ici.

Alors c'est renfrogné et irrité qu'il accueille le retour de Séraphin. « C'est bon ? » lui demande-t-il impatient, prêt à partir, à s'éclipser, n'importe où tant que c'est ailleurs.

Oubliant un léger détail.
Il n'a pas encore été ausculté.

C'est un long soupir agacé qui lui échappe. Des constantes, une prise de sang ? Est-ce vraiment nécessaire ? On lui en déjà fait et ça n'a déjà servi à rien. Doit-il vraiment à nouveau se plier à ce cirque ?
Encore une fois, l'idée de simplement tourner les talons le tiraille, mais maintenant que Séraphin est de retour, en blouse blanche et prêt à faire son devoir, il est trop tard. Alors Cécil secoue simplement la tête lorsqu'une infirmière tente de lui présenter le fauteuil roulant.

Il ne veut pas y retourner, être perçu comme fragile et faible. Il n'est pas en sucre. Dans d'autres circonstances, il se serait montré charmant envers la dame qui ne fait que son travail. Mais la situation l'irrite plus que de raison et ne lui permet que d'être puérilement contrariant. Alors il croise les bras, impatient et se laisse simplement guider vers le boxe.

C'est long.
Long pour rien, se dit-il.

Ceci dit, quand Séraphin lui demande s'il lui fait confiance, quelque chose dans sa voix le prend au dépourvu. Est-ce cette nouvelle manière qu'il a de le tutoyer, est-ce parce qu'il le lui a murmuré comme on confie quelque chose à un proche ? Est-ce simplement la teneur de la question ?

Lui fait-il confiance ?

Et une part de lui, contrariée et aigrie aimerait répondre que non, qu'il l'a déjà abandonné et que rien ne l'empêche de le refaire, qu'honnêtement, il ferait plus confiance à un Séviper qu'à lui. Juste pour faire mal. Juste pour se cacher.
Mais aucun fiel ne roule sur sa langue. A la place, Cécil dévisage un bref instant Séraphin, l'air confus avant de déglutir et de hocher sobrement la tête. Un geste subtil, très bref qu'il s'empresse de faire oublier en pénétrant le box d'un pas vif.

C'est humiliant.
D'autant plus que la question le touche.

Alors Cécil se concentre sur autre chose, sur la salle, le bureau, les chaises posées devant, les outils de médecin, l'armoire positionnée près de la fenêtre. Son regard s'attarde quelques secondes sur cette dernière alors que Maush le pousse gentiment vers le lit, comme s'il n'était pas capable d'y aller seul.

Mais il ne l'est pas.
Le Golgopathe a bien raison.

C'est donc renfrogné que Cécil s'installe. Il s'assoit, ses jambes battant l'air trahissent sa nervosité et marmonne « Finissons-en. Le plus vite c'est fait, le plus vite je pourrais sortir » parce que, si ce n'était pas assez clair, il veut partir. Vite. Et autant que Séraphin le sache – dans l'hypothèse où il ne l'ait pas déjà compris –.
Mordant l'intérieur de sa joue, Cécil se tient prêt à suivre les instructions données. Tout ceci continue de lui sembler exagéré, mais autant terminer cette mascarade.

Cécil claque la langue et peste. Séraphin a-t-il vraiment besoin qu'il se déshabille pour lui prendre la tension ? Mais la réponse est évidente, son sang doit être prélevé, ses constantes étudiées. Alors si le bougre soupire et fronce les sourcils, c'est défait qu'il se retourne et passe ses mains dans son dos pour ouvrir son costume.
L'opération est un peu difficile mais il finit par y arriver sans accroc et en quelques instants, Cécil se retrouve torse nu devant Séraphin, plus vulnérable que jamais. S'il a moins l'air renfrogné c'est simplement parce qu'il est résigné.

Pourvu que ça finisse vite.

Frémissant légèrement au contact des gants de Séraphin sur sa peau, Cécil détourne la tête pour ne pas voir l'aiguille pénétrer sa peau. S'il ne voit pas, ça n'existe pas et il n'aura pas à grimacer sous la douleur de la prise de sang. C'est donc avec une certaine surprise qu'il admire le petit coton posé là où l'aiguille est passée.

Il n'a rien senti.

Ça le détend un peu. Un étape en moins avant sa remise en liberté. Pour le reste, il se plie simplement aux directives du médecin. Parfois, certaines d'entre elles sont accueillies par des pesteries ou des grimaces, mais à ce stade, Cécil ne le fait que pour maintenir les apparences.
Quand il doit s'allonger, sa jambe droite tressaute nerveusement. Du coin de l'oeil, il suit les mouvements de Séraphin qui ramène une imposante machine à ses côtés en psalmodiant une incantation de docteur. Cécil soupire, hume son accord quand le kerosien lui explique l'utilité de sa formule.

Il n'y comprend pas grande chose et ne cherche pas à en comprendre davantage.

Quand enfin la visite semble se conclure, le coordinateur soupire de soulagement. C'est plus léger qu'il repasse son costume – c'est qu'il commençait à se sentir froid – et c'est d'un bond qu'il quitte le lit pour repartir.
Sauf que Séraphin tire un tabouret et se rassoit près de lui et Cécil se décompose. Prêt à plaider sa cause pour prendre l'air, il se laisse simplement retomber sur le lit quand le médecin prend la parole et le questionne.

Il pince des lèvres, jette un regard à Maush quand celui-ci acquiesce. Un instant, il considère ne pas répondre, simplement arguer qu'on lui a déjà fait passer des examens, que ça n'a rien changé et qu'il ne voit pas pourquoi il devrait se soumettre à nouveau à cette corvée. Mais quand il pose les yeux sur son ami, la tête sur le lit comme lui même abattu, il soupire.
Ses jambes battent toujours dans le vite, simplement moins vite, et sa main gauche vient se perdre dans sa nuque alors qu'il fixe le plafond pour réunir ses idées.

« Je sais pas vraiment, siffle-t-il de manière un peu trop désinvolte ça fait longtemps, avant que je parte de Kalos même.. » conclut-il en laissant retomber sa main sur sa cuisse. Il soupire, voit du coin de l'oeil que Maush confirme ses dires et repose un regard fatigué sur Séraphin.

Ce dernier aussi a l'air épuisé, installé de cette façon.

« J'ai déjà fait des examens, Séraphin, ça n'a pas changé grand chose, il hausse les épaules, comme peu concerné par l'affaire. Il suffit juste que je prenne une pause de quelques jours, il n'y a pas besoin d'aller aussi loin, vraiment. »

Ennuyé de se retrouver à l'hôpital, Cécil le serait d'autant plus si Séraphin mettait le nez dans son histoire. Ironique, pour quelqu'un ayant demandé à n'être vu que par lui.

Quelle idée d'avoir sympathisé avec un médecin.

Cécil détourne le regard, plus calme mais toujours aussi pressé d'en finir.

Cécil fait la moue. Que Séraphin le sermonne n'est pas surprenant mais ça l'ennuie quand même. 'ce n'est pas normal', mais ça reste son quotidien, ça l'est devenu pour lui. Il ne cherche pourtant pas à surenchérir et contre-argumenter. Aussi têtu et fier soit-il, il doute pouvoir vaincre sur le terrain de Séraphin. A la place, il soupire de concert avec son ami avant de sursauter quand celui-ci se redresse brusquement.
Le coordinateur écarquille des yeux, la déclaration a au moins le mérite de lui arracher un sourire, le premier d'une journée déjà bien trop longue à son goût. S'il doute sincèrement avoir un jour des réponses sur sa condition qu'il a déjà acceptée, la plaisanterie du médecin est une bouffée d'air frais.

Puis vient l'invitation.
Et visiblement, elle les prend tous les deux au dépourvu.

Le temps que l'information remonte jusqu'au cerveau, Cécil sent la pointe de ses oreille s'échauffer. Il n'y a pas à s'emballer, Séraphin s'empresse de dissiper tous les malentendus en vomissant une explication très justifiable, et pourtant, son cœur rate un battement.
Un instant, un court instant, Cécil considère la possibilité de passer quelques jours avec Séraphin, et pendant ces brefs secondes, il ne s'imagine pas forcément comme son patient. Plutôt comme un ami... Un colocataire...

Il s'empêche de divaguer plus loin.
Balaye l'idée d'un soufflement de nez.

S'il veut prendre l'air amusé, il n'y arrive qu'à un moitié et surtout parce qu'il remarque le manège de Séraphin. C'est vers Maush qu'il conclut ses explications. Ce n'est pas foncièrement une mauvaise idée que de s'allier avec le Golgopathe, ce dernier semble même plutôt d'accord avec l'idée d'un repos forcé. Un qui soit surveillé par un autre être humain et pas uniquement par le bon vouloir du coordinateur.
Cécil en revanche, n'est pas plus emballé que ça. Passer du temps en compagnie de Séraphin ne le dérange pas, mais-... Pas comme ça.

Pas sur un terrain qui n'est pas le sien. Pas en tant que patient. Pas en tant qu'être dépendant de lui. Alors il secoue la tête et soupire.

« C'est gentil Séraphin, j'apprécie l'intention, mais je ne peux pas accepter, » souffle-t-il avec douceur. Touché, il l'est vraiment, peut être plus qu'il n'aimerait l'admettre, mais oh, il est bien trop fier. « Tu n'as pas à prendre cette responsabilité, et-... Vraiment, j'ai des pokemons en bas âge, tu veux vraiment avoir une garderie chez toi ? » et comme pour balayer l'idée, Cécil ricane doucement et détourne le regard avant de descendre du lit. « Je ne peux pas t'imposer ça. »

« Je ferais attention, je n'ai pas envie d'avoir une autre représentation annulée comme aujourd'hui, ce n'est pas bon pour l'image... » qu'il marmonne avec une certaine aigreur, prêt à enfin repartir. Mais Maush s'est ébranlé. S'il ne bloque pas entièrement le chemin, il s'interpose à moitié, entrechoquant ses griffes entre elles à la manière d'un humain gêné. Son regard passe de Séraphin à Cécil et vice versa.

Mais ce n'est que lorsque Cécil prononce un 'ça va aller' pour le rassurer que la créature se redresse plus sérieusement et secoue la tête. Il ne le croit pas, et il faudra plus que des promesses vides pour le convaincre cette fois-ci.

Maush n'en démord pas, cette fois-ci, il n'est pas seul à mettre Cécil au pied du mur.

Cécil est désarmé. Désemparé même. Il aimerait plaisanter, passer à autre chose, balayer les inquiétudes de ses deux compagnons d'un revers de la main, mais il en est incapable. C'est encore pire quand Séraphin lui demande s'il te plaît.
Il n'est pas certain qu'il soit celui sur le point de se prosterner. C'est une supplique de lui adresse Séraphin, une qui le touche en plein cœur et le fait déglutir difficilement.

Il n'a pas l'habitude.

Il s'humecte les lèvres et détourne le regard. Embarrassé par la préoccupation et la douceur de son ami. C'est chaleureux, mais ça le brûle. Il aimerait s'enfuir pour ne plus être perçu, pas comme ça, pas sous un jour aussi peu flatteur, mais les issus sont condamnées. Séraphin a ouvert les bras, fait barrage de son corps et Maush le rejoint.
Cécil soupire, se frotte le cou et cherche quelque chose où il pourrait fixer son regard. Mais rien n'y fait, ses yeux retrouvent bien vite ceux de Séraphin. Il est cruel dit-il, et s'il esquisse une plaisanterie, son sourire n'atteint pas ses yeux.

S'estompe même bien vite.

Cécil ne comprend pas. Vraiment, il lui fait une fleur en lui retirant la responsabilité, alors, pourquoi Séraphin semble-t-il si abattu ? Ce n'est pas si grave s'il va se reposer ailleurs, panser ses blessures à l'abri des regards et qu'ils se retrouvent une fois en pleine forme ? C'est même le meilleur plan.

« C'est-... » il titube et trébuche sur ses mots, s'humecte les lèvres et cherche un argument. A la place, il sent juste ses yeux le picoter désagréablement. « Vraiment, je suis touché-... » mais il ne peut pas être vu comme ça. Ça ne peut pas  être la nouvelle image par laquelle le perçoit Séraphin, cette simple idée le mortifie.
Il se dandine passe ses deux mains dans son cou et cherche un appui. Mais personne à part lui dans cette pièce ne comprend.

Enfin, Maush comprend probablement.
La raison ne lui semble seulement pas assez valable.

Cécil soupire. Plus il y pense, plus les coins de ses lèvres s'abaissent. Son nez rougit à vu d'oeil et lorsqu'il le comprend, le kalosien se détourne pour ne pas qu'on puisse le voir en face. « Ah... Désolé... » et il renifle.

C'est humiliant.
Il aimerait en mourir.

Ce n'est pas la colère et la frustration qui le submergent cette fois-ci mais un autre sentiment autrement plus difficile à supporter ou même à expliquer.

« Quelle indignité... » murmure-t-il en esquissant l'ébauche d'un rire. Il essaie d'en plaisanter, minimiser les larmes qu'il tente bon gré mal gré de dissimuler, en vain. « C'est-... Pas l'image que je suis censé donner... »
Et si son sourire tremblant ne s'efface pas, Cécil est mortifié. Honteux et mortifié. « Comment je suis censé garder la face si, un léger trémolo vient couper sa phrase. Si tu me regardes ça comme ça, Séraphin ? »

Puis, après une légère pose pour maintenir un semblant de contrôle sur sa respiration, Cécil réitère. « Comment je suis censé te dire non, si tu me le demandes comme ça ? »

Si Cécil déteste se savoir dans cet état, il est moins reconnaissant d'une chose : que son visage soit déjà rougit quand Séraphin reprend la parole. Il n'ose pourtant pas le regarder en face même s'il l'entend se rapprocher.
Il se sent démuni, la tendresse sincère dans la voix de Séraphin le prend totalement au dépourvu et il ne sait quoi lui répondre. Alors il garde le silence. Il comprend que Séraphin cherche à le rassurer et à calmer ses doutes, mais, il ne parvient pas à se tranquilliser entièrement.

Au moins ne hoquette-t-il pas dans ses sanglots.

Un exploit, vraiment, parce que si une part de lui attendait la permission de se laisser aller sans nuire à son image, une autre, plus imposante, se décompose à l'idée d'être aussi pitoyable. Il est pourtant trop tard pour faire marche arrière. Le mieux qu'il puisse faire, c'est inspirer profondément, ravaler ses larmes et essayer de faire bonne figure malgré les bonnes paroles du médecin.

Il n'a pas besoin de garder la face ?
Bien sûr que si.

Mais son esprit de contradiction n'a pas le temps de trouver la parade. S'il s'était détourné pour cacher sa faiblesse, Séraphin ignore son besoin de pudeur et se dresse en face de lui, et Cécil ne peut qu'ouvrir la bouche en une question muette avant de se retrouver plaqué contre son ami.

Son esprit cesse de fonctionner l'espace d'un instant.

Un instant suffisant pour que son corps prenne la relève par instinct. Si l'étreinte de Séraphin est maladroite, elle n'en est pas moins chaleureuse. Les bras de Cécil s'enroule dans son dos, l'un de ses mains s'agrippe à l'épaule de Séraphin.
Il est peut être un peu trop tard pour jouer les durs. Le kalosien se déteste d'être apparu vulnérable au point d'avoir déclenché cette réaction venant de Séraphin, mais oh-... Ce n'est pas désagréable. Et s'il n'ose pas éclater en sanglot contre l'épaule de son ami, Cécil n'hésite pas longtemps avant d'y enfouir son visage.


Depuis combien de temps n'avait-il pas étreint quelqu'un ?
Depuis combien de temps en avait-il besoin ?

Entre les bras de Séraphin, Cécil se détend peu à peu. Un peu coupable, un peu rassuré, le câlin fait son effet même s'il n'ose pas acquiescer à la proposition du médecin.
La tendresse du moment est alors souligné par un troisième acteur. Aussi ému que Cécil, Maush s'approche des deux hommes pour les enlacer à son tour de ses quatre bras griffus. Il fait attention, ne sert pas trop fort et ravale lui aussi un petit sanglot. Doucement, il gargouille quelque chose qui ne peut être traduit que par une déclaration d'affection qui arrache un rire à Cécil, plongé contre l'épaule de Séraphin.

Il se sent plus léger comme ça.
Assez pour donner une réponse convenable.

« ... D'accord... Tu l'auras voulu.. » Une ultime manière de se défendre. C'est peu convaincant, d'autant que le coordinateur ne se détache pas immédiatement de Séraphin.

C'est qu'il aimerait le remercier.
Mais il ne sait pas comment, et les mots ne viennent pas.

Le cœur de Cécil râte un battement.

Le visage entre les mains de Séraphin, les yeux plongés dans les siens, Cécil se fige. Il sent les pouces du médecin effleurer délicatement ses joues pour essuyer ses larmes, laissant derrière eux une sensation de chaleur.
Mais ce qui stoppe le cœur de l'artiste, c'est la déclaration de Séraphin. Une qui lui coupe le souffle et le laisse sans voix.

Alors, quand Séraphin se détache complètement de lui, Cécil se laisse faire, bras ballants et tête vide. Il ne réfléchit pas, n'arrive pas à traiter l'information et reste immobile. Doucement, son cœur recommence à battre, mais bien trop vite, comme pour rattraper les battements perdus. A tel point que c'est Maush qui récupère les serviettes pour son dresseur, puis le pull généreusement offert.
Ce n'est que lorsque Séraphin quitte la pièce que Cécil se permet de bouger. Prenant une grande inspiration pour palier à son impression de s'étouffer, il effleure d'une main tremblante l'un de ses joues.

Confus, incertain, il vient chercher du regard une explication dans celui de Maush. Dénué de parole, le Golgopathe se contente de le fixer avec une tendre affection et une pointe de compassion avant de lui tendre un mouchoir dont Cécil se saisit hésitant.
Un instant, il fixe le morceau de papier, comme si celui-ci détenait les réponses à ses questions.

« Maush... Dans quoi je me suis embarqué ? » murmure-t-il piteusement avant de se moucher.

Le temps n'est plus aux larmes, mais Arceus sait à quel point la déclaration l'a agité. Alors pour reprendre un semblant de contenance, Cécil se dirige d'un pas tremblant vers le lavabo pour se nettoyer le visage.

Quel idiot de réagir comme une adolescente à ses premiers émois.
Et quel idiot ce Séraphin de dire des choses pareilles !

Encore rouge d'émotions – il ne mettra pas de nom dessus –, Cécil se concentre sur l'eau froide qu'il applique sur son visage dans l'optique de se réveiller complètement. Il peste intérieurement, sur sa faiblesse, son cœur stupidement tendre et sur Séraphin qui ne sait décidément pas ce qu'il dit.

Parce qu'il s'agit de ça, n'est ce pas ? Cet idiot de médecin devrait voir son visage placarder dans les magazines avec une légende précisant ''Ne faites pas comme lui.''
C'est ça. C'est exactement ce qu'il devrait se passer.

Mais aussi contrarié soit-il, aussi contrarié aimerait-il être, Cécil ne peut s'empêcher de sourire. C'est encore pire quand Maush lui tend le pull de Séraphin. Le kalosien n'a pas l'intention de refuser, frileux comme il est, mais quand il passe le vêtement, il s'attarde un peu plus qu'il ne le devrait.
C'est un peu comme une deuxième étreinte.

Qu'il est bête.

Pour se réveiller définitivement, Cécil vient claquer son propre visage, pas assez fort pour laisser une marque, assez pour le remuer, puis se retourne vers le Golgopathe pour lui tendre un sourire hésitant.

« Pardon Maush, je t'en fais voir de toutes les couleurs... loin de s'en formaliser, le Golgopathe tapote gentiment l'épaule du coordinateur Hé, tu as grandi... Tu es magnifique.. » Ironique avec le nom qu'il lui a donné. Mais ça fait longtemps que celui-ci a perdu sa signification.
Plus maître de lui même, Cécil vient enlacer son compagnon de toujours pour s'excuser à nouveau silencieusement. Et avant de se détacher, il murmure « Maush, s'il te plaît... Continue de veiller sur moi.. » mais ça, il n'a même pas besoin de le demander.

Ainsi, quand Cécil émerge du box et atteint l'accueil, seul ses yeux encore rougis trahissent le tourbillon d'émotions l'aillant assailli plus tôt. Cécil est plus frais, plus souriant, prêt à prétendre que rien ne s'est passé et définitivement ravi de quitter l'hôpital. Lorsqu'il rejoint Séraphin, c'est avec entrain qu'il déclare un « On y va ? »

Il n'est pas sûr que ce soit une bonne idée.
Mais oh, Cécil a toujours été impulsif.