Odile, regarde qui est venue te voir !La tête de la Brutalibré noire se tourne, et quand ses yeux rencontre les miens, je les vois se remplir d'étoiles. Je ne sais pas trop où me mettre. Est-ce que je dois être flattée ? Je n'ai jamais eu d'admirateur Pokémon, et désormais, voilà que le rapace me tourne autour - avec une rare élégance, dois-je l'avouer.
Je n'avais jamais été à la SPP auparavant. J'en avais entendu parler, certes - et ce n'était pas le genre de choses que je connaissais à Strana, mais je n'y avais pas mis les pieds. Par manque de temps... de patience... d'intérêt, peut-être ? J'aime Lisa et Milyy de tout mon cœur. Je me suis même attachée au drôle de poisson qui barbote dans ma salle de bain, mais je suis loin d'être une ohanienne à la générosité infinie.
C'est une collègue qui m'a parlé d'Odile. Cette superbe oiselle au plumage sombre, nommée d'après le ballet que j'aime autant que je le hais. Odile est apparemment une grande fan du Lakmécygne (quelle ironie) et m'aurait vue à la télé. Comment elle a su me reconnaître, je n'en sais rien. Je trouve mon visage terriblement passe-partout. Elle a peut-être remarqué autre chose. Si elle est si bonne danseuse qu'on me l'a dit, elle sait sûrement reconnaître l'une de ses semblables.
D'ailleurs, il semblerait que la Brutalibré ait une démonstration à me faire. Alors je m'assois sagement dans un coin et la laisse se mettre en action. Elle commence par taper des mains et exige un grand silence de la part des autres Pokémon et des bénévoles, ce qui me fait doucement rire et me vaut un regard furieux de la part de l'artiste. Bien. Je me tais alors. C'est qu'elle a ses exigences, mademoiselle Odile...
Puis, une fois le calme obtenu, elle se redresse sur la pointe de ses serres, imitant à la perfection les pointes d'une ballerine. Elle semble si légère... on croirait qu'elle ne pèse guère plus qu'un Roucool. Pourtant, la force et l'altitude de ses sauts ne laisse aucun doute. Ses jambes sont puissantes et sculptées pour bondir. C'est toujours en délicatesse qu'elle atterrit, sans le moindre bruit, aidée de ses ailes comme une grande cape noire. Elle tourbillonne encore quelques instants, dans un nuage de plumes duveteuses, avant de s'arrêter.
Les plumes retombent et dévoilent Odile, figée dans une superbe arabesque.
C'était magnifique !Ces mots, je les ai murmurés dans ma langue natale tant Odile m'a fait oublier mon Kerosien. Pourtant, elle semble avoir compris mon intention, probablement à mon sourire ou à mes mains jointes, prêtes à l'applaudir. Alors, la voilà radieuse. Elle a obtenu l'approbation d'une vraie ballerine, probablement ce dont elle rêvait depuis que l'amour de la danse lui était venu.
En quelque sorte, j'ai accompli ma bonne action. Alors que la Brutalibré s'est éloignée pour se faire féliciter par les bénévoles, je fais déjà demi-tour, profitant du calme pour m'éclipser. C'était sans compter sur la fameuse collègue qui m'avait tirée ici... qui jaillit de nulle-part pour se poster devant moi.
Alors, tu vas l'adopter, pas vrai ?Ses yeux brillent comme mille étoiles et son sourire est plein d'espoir. Mon visage, en revanche, trahit ma confusion. Je ne suis pas venue dans l'idée d'adopter, non, et cette même idée ne m'a pas traversée depuis mon arrivée.
Pourtant... quand je jette un œil derrière moi, je tombe nez à nez avec Odile. Elle a dû entendre la question, car son regard est figé sur moi. Je ne saurais dire quelle émotion la traverse. De l'espoir ? De la tristesse ? De la détermination ?
C'est... c'est vraiment ce que tu veux ?Sans broncher, la Brutalibré répond d'un hochement de tête sec. Bien... est-ce que je peux vraiment dire non à une telle ardeur ? J'accepte, Odile bondit de joie et évidemment, atterrit tout en légèreté. Même quand ses émotions la submergent, elle ne cesse jamais d'être parfaite. Peut-être ferait-elle une meilleure ballerine que moi.