Jouons à faire semblant [solo]

Clitis...Ou 'Kuritisu' est un caillou, mais pas vraiment. Cela fait plusieurs minutes qu'Aurora le fixe sans rien dire ou sans rien faire. Le Corayon de Galar a décidé de jouer le mort mais d'après ce qu'a comprit la fillette, c'est normal. Alors elle attends juste le moment où il décidera enfin d'arrêter. Mais peut-être que lui aussi attends qu'elle arrête de le fixer comme ça. C'est compliqué tout ça, alors Aurora penche la tête sur le coté, elle est confuse.

Sortir, sortir. S'il-te-plaît, petit spectre. Chantonne-t-elle à voix basse pour que personne ne l'entende briser la loi du silence qu'elle s'auto-inflige.

Après un long, très long moment d'hésitation, elle se décide à tapoter le petit caillou mort depuis longtemps. Elle se demande comment il était, quand il était vivant, ce Corayon. Sans doute tout rose, d'après Madame Charlotte c'est la couleur naturelle de leurs cousins les Corayon 'vivants'. Mais lui, il n'a pas eut la chance d'être vivant très longtemps. Du moins, c'est ce que s'imagine Aurora. Une vie courte pour que l'âme du pokémon ne veuille pas s'en aller et devienne un spectre. À Yukimenoko, les Onee-san racontaient tout le temps des histoires de fantômes. Certaines croyaient même que leurs camarades mortes venaient les hanter la nuit sous forme de pokémon.

Aurora n'avait jamais vraiment prêté attention à ces histoires. Jusqu'à ce que les vilains garçons du lycée de Doon veuille l’entraîner dans la forêt Eagal. Elle avait aussi demandé au conteur si elle pouvait parler aux spectres. Peut-être, avait-il dit, il avait entendu l'histoire d'un garçon qui pouvait le faire en tout cas. Alors une idée s'était frayé un chemin dans sa tête. Elle allait explorer la forêt Eagal toute seule -Molly était sans-doute trop peureuse ou trop sage pour l'accompagner, mais il lui fallait un guide. Un spectre. Imouto n'était pas un spectre, enfin, pas encore.Elle ne pouvait pas faire le travail et en plus, elle était même un peu peureuse.

Mais ce caillou mort, là, qui faisait semblant d'être encore plus mort, lui, il pourrait la guider ! Peut-être même qu'elle pourrait le cacher dans son sac et l'emmener au collège sans avoir à l'enfermer dans une pokéball ou à le faire attendre à l'entrée. Puis une fois les cours finit, elle irait voir dans la forêt. Le reste du plan était assez flou mais c'était déjà pour la petite poupée une immense projection de s'imaginer désobéir aux règles imposées. Parfois, elle se ravisait, se disait que c'était mal, très mal d'enfreindre les règles et qu'elle n'était pas faite pour ça, mais sa fascination pour les spectres revenaient au galop et elle recommençait à réfléchir à son plan.

Petit spectre, s'il-te-plaît, besoin toi... Tenta-t-elle une dernière fois avant de s'imposer le silence.

Si les spectres pouvaient parler, est-ce qu'il comprenait ce qu'elle lui disait. Elle essaya de se concentrer sur le pauvre Corayon de Galar immobile. Il lui sembla ressentir un drôle d'effet. Il ne jouait pas, non. C'est comme quand Sachiko-sensei lui apprenait à être une bonne Geisha. Il se terrait dans le silence pour ne pas se faire embêter. Il faisait la sourde oreille, il faisait comme si Aurora n'existait pas. C'était embêtant. De plus, il était temps pour la petite poupée de partir. Madame Charlotte ramenait les enfants à l'orphelinat.

Elle se releva, déçue. De toute façon, ses petites jambes commençaient à lui faire mal à force d'être accroupie. Elle allait devoir partir sans son guide. À moins que... Encore une entorse à son règlement personnel, elle prit une initiative étonnante. Le petit caillou plus mort que mort fut saisit délicatement entre deux mains blanches porcelaines et Aurora vint s'approcher tout aussi doucement de Madame Charlotte. Elle resta immobile un instant, attendant que cette dernière la remarque, comme à son habitude.

Oh, Aurora ? Qu'y-a-t-il ma chérie ? Demande la jeune femme en lui adressant un doux sourire. C'est peut-être une idée que se fait la poupée mais depuis que Madame Charlotte a ses bébés qui grandissent dans le ventre, elle est encore plus douce que d'habitude, comme si c'était possible.

Sans se poser plus de question, elle tends le Corayon de Galar à sa figure maternelle.

Adopter. Dit-elle simplement.

À peine eut-elle prononcer ces mots que Kuritisu décide enfin de sortir de son antre et de faire une entrée magistrale. Ses cornes fantomatiques ressortent et ses yeux s'éclairent à nouveau de vie, le tout dans une lumière violacée menaçante. Puis...

Puis plus rien.

Aurora reste muette, les yeux pétillants d'adoration tandis que Charlotte, surprise, tremble encore un peu. C'est qu'avec ces pokémons spectre, on ne sait jamais. Farceur ou franchement méchant, allez savoir. Mais Aurora semble totalement à l'aise avec ce drôle de Corayon. C'est l'essentiel, non ? Enfin, il faut tout de même lui dire explicitement oui, sinon, elle ira le reposer à regret là où elle l'a trouver et les deux êtres ne deviendront jamais amis.

Aurora, quand à elle, croit comprendre pourquoi son Corayon fantôme a décidé de pointer le bout de son nez au moment où elle affirmait vouloir l'adopter. C'est...Une sorte de joie diffuse qui émane du pokémon, tout ces enfants ont l'air si gentils en comparaison de ses 'anciens maîtres', peut-être n'aura-t-il plus à faire le mort aussi souvent. Si Aurora le comprends ou l'imagine, elle ne le sait pas trop.

Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle à sous la main son guide pour la forêt Eagal. Et cela lui arracherait presque un sourire si une poupée ne devait pas rester neutre.

EPSILON