LILY ROSE HAMILTON

Histoire

Hamilton. Un nom qui pèse lourd parmi l'élite de la société de Keros grâce à sa longue lignée de riches aristocrates et sa promiscuité avec la famille royale. Une fierté au sein du groupe de partisans monarchistes du mouvement Legacy. Une renommée qui, bien qu’elle apporte un style de vie des plus luxueux à ses descendants, occasionne un fardeau supplémentaire en lien avec la quête d’excellence. Le respect de l’étiquette est indispensable, ne laissant pas la moindre frivolité entachée la parfaite image que la descendance c’est efforcé de maintenir au fil des ans. Sans aller jusqu'à dire que ma naissance est une erreur, il est vrai que pour mes parents la petite dernière n'aspire à rien de prestigieux sinon qu’à servir de monnaie d’échange pour un mariage futur. Déjà, ils ont deux enfants plus âgés à s’occuper et dont l'avenir ne laisse place à aucun doute sur leur futur rôle dans la haute noblesse de Keros.

Le premier né, un fils intelligent et ambitieux, voyait les portes du succès de l'entreprise familiale s'ouvrir devant lui sans aucun effort apparent puisqu'il était tout naturel que cela lui revienne en succession. Les affaires prospéraient admirablement bien comme en témoigne leur énorme fortune. Tirant profit de leur position avantageuse, autant dans la politique que sur le marché économique de la région, ils s'étaient attribué une place de choix dans la capitale de Keros. Pour sécuriser davantage leur emprise au sein de l'élite, la deuxième née était l'arme secrète.

Belle et élégante, elle n'a eu que les meilleurs tuteurs du pays depuis sa prime jeunesse. Aux yeux de ma mère, ma sœur aînée est l'exemple vivant de ce que devrait être une parfaite dame de la société. Respectueuse des traditions et conventions, Madame Hamilton ne cesse de chanter les louanges du passé sous le règne de la Reine Lisabelle et déplore la dégradation des mœurs d'aujourd'hui. Elle mène d'une main de fer et d'un regard glacial son royaume domestique, insistant pour qu'on tienne compte de ses exigences et qu'on les respecte. La conscience de classe étant primordiale, elle attache une importance exagérée aux caractéristiques et aux attributs de chacune des couches sociales et tend à les considérer comme des stigmates immuables. Voilà pourquoi l'éducation parfaite de sa fille aînée à frôler l'obsession. Avec le temps, cette attention soutenue a fini par monter à la tête de ma sœur, se complaisant dans cette supériorité qu'on lui a tant offerte, d'où son snobisme imbuvable qui m’irrite immanquablement à chacune de nos rencontre. Impossible d'échapper à une remarque mesquine ou à une moue dédaigneuse. Ce qui, par chance n'arrive pas fréquemment.

Vous l'aurez deviné, je suis en quelque sorte le Moumouton noir de la lignée respectable des Hamilton. Trop occupé à former le prochain héritier, mon père ne m’accorde aucune attention. De par ma situation de femme, je ne représente aucun investissement intéressant sur le long terme. Cet homme est prompt à avoir des opinions tranchées sur ce sujet et il serait impossible de lui faire changer, grand bien même vous seriez Arceus en personne. Du côté de ma mère, l'instinct maternel reste à l'état embryonnaire. Cette femme ne s'intéresse à ses enfants que modérément et dans la mesure où quelqu'un d'autre se charge de toutes les tâches matérielles. Comme la majeure partie de son énergie est accaparée à sa première fille, je ne l'intéresse que modérément. Une sorte de garantie si quelque chose devait arriver à ma sœur... Toute ma vie, j'ai dû suivre des règles strictes. Ces normes font partie du mode de vie des Hamilton qui veillent à les honorer à la lettre, prêts à juger au moindre faux pas. De ce fait, il est extrêmement mal vu d’y manquer. Depuis mon enfance, on m’a enseigné la gestuelle, le parler, l’habillement, l’usage des couverts et les arts de la table. Mais le plus important à mon attention à toujours été de ne pas être égoïste. D’aussi loin que je me souvienne, j'ai dû cacher mes propres envies... pour combler les attentes des autres. Je fais partie de cette famille que pour atteindre un objectif bien précis : celui de faire prospérer les intérêts des Hamilton. Que ce soit lorsque ma chambrière termine de me coiffer et de m’habiller pour l’école, lorsque le majordome me sert un petit déjeuner à la portion méticuleusement mesuré ou lorsque mes gardes du corps suivent chacun de mes pas tel une ombre ; je n’ai jamais rien par moi-même. Jamais choisi mon style vestimentaire, mes repas ou mon itinéraire. Ma vie est une chorégraphie coordonnée où la marionnette que je suis n’a qu’à suivre docilement la cadence. Quatorze longues années à sentir le sol se dérober sous mes pieds sans chercher à amortir ma chute.

Le plus difficile dans cette communauté ce n’est pas l’hypocrisie ou les faux semblants, mais la profonde solitude que l’on ressent à n’avoir aucun allié ou au mieux une personne de confiance. Que ce soit dans la résidence secondaire à Bronswick, le manoir à Tartan ou la villégiature à Lallands, je passe le peu de temps libre que j’ai en compagnie de Méli et Mélo. Bien entendu, ils sont irremplaçables à mes yeux et je ne pourrais espérer meilleure compagnons dans cette atmosphère étouffante qu’est mon domicile. Néanmoins, si je devais formuler un seul souhait ce serait de partager une amitié avec un autre être humain, quelqu’un qui ne me blâmera pas et ne me jugera pas. Un véritable ami qui serait là pour m’accompagner, rendre le fardeau moins lourd. Qu’il ne fasse pas partie de vie pour faire les choses à ma place, ni pour me pousser à faire ce que je ne veux pas. Un jour, peut-être…