Tous les Pokémon vont au Ciel [Mission Allan]

Après une brève analyse du corps, Allan détourne les yeux et se redresse. Époussetant négligemment le sable collé à ses genoux, il soupire. Lorsqu'on lui a annoncé les prémices de sa mission, il n'y croyait pas vraiment. Une vague de suicides de pokemons ? Et puis quoi encore ! Pourtant le dossier qu'on lui avait donné ne mentait pas et les témoignages étaient foisonnant.

Allan étouffe un nouveau soupir et se détourne du Goupix écrasé au sol. Celui là ne porte pas de collier, le ranger en déduit qu'il s'agissait d'un pokemon sauvage, il n'aura donc à prévenir personne de la mauvaise nouvelle. La vision n'en est pas moins attristante. Son regard se porte alors vers le haut de la Falaise, à la recherche d'une quelconque réponse.
Il n'est pas sans ignorer la triste réputation de l'endroit, de l'incendie qui a ravagé le village Teine. Un recoin de son esprit ne peut s'empêcher de lui murmurer qu'il s'agit d'une malédiction. Une théorie que certains se plaisent à partager. Allan, quant à lui, la chasse bien vite de son esprit. Il n'est pas là pour participer à une quelconque chasse aux sorcières mais bel et bien pour trouver la véritable cause de ces tragédies.

Ainsi, et parce qu'il n'est pas légiste, Allan abandonne définitivement la carcasse du renardeau. Si la pauvre créature a été empoisonnée ou rendue folle par une quelconque capacité, il n'est pas en mesure de le savoir. En revanche, il peut toujours tenter de chercher une trace d'un pokemon qui n'aurait rien à faire ici. Ou d'une activité illégale. Il ne pouvait définitivement pas exclure la possibilité qu'un signal inaudible à l'oreille humaine soit à l'origine de ces accidents.

Le bruit des vagues n'a rien d'apaisant. Allan peste doucement entre ses dents alors qu'il vagabonde plus qu'il n'investigue. Un miracle, c'est effectivement ce dont il aurait besoin pour avancer. Au loin, les silhouettes de ses collègues le laissent deviner qu'il n'est pas le seul dans cette situation. Il ne sait pas réellement s'il doit trouver cela rassurant ou pas. Il penche pour la deuxième option.
Dépité, il s'approche de la parois de la Falaise Mistral, convaincu d'y avoir vu quelque chose de suspect avant de se rendre compte qu'il ne s'agit que d'un simple reflet. Décevant, mais pas surprenant. Allan se gratte alors l'oreille du bout du doigt, d'abord gêné par un vrombissement qu'il attribue au mélange du remous de l'océan, des piaillements des Goélises et de sa contrariété de ne pas savoir où chercher.

Quelques secondes plus tard, il n'entend plus rien. Rien d'alarmant donc. Allan ne remarque rien d'autre de bien étrange. Pas de pokemon sanguinaire. Pas de signes apparents d'une activité humaine illicite. C'est un peu frustrant mais il ne se décourage pas. Il n'est pas étranger aux enquêtes qui piétinent et se trouve être bien trop têtu pour renoncer si facilement.
Son regard oscille alors entre l'océan, la carcasse de Goupix – vérifiant ainsi si une quelconque créature inconnue venait s'en repaître, c'était improbable compte tenu du nombre d'humains présents sur les lieux mais pas impossible – et la Falaise implacable. A défaut de meilleure idée, il renifle même dans l'espoir de sentir quelque chose de différent. Mais seul l'embrun salé de la mer lui parvient. Décevant, mais pas désagréable.

Allan s'arrête alors un instant, main sur le menton, pensif. Si Fido avait été avec lui, il lui aurait probablement demandé d'user de son flair. Bagel et lui n'avaient pas encore tissé de véritable liens et si le Mustébouée savait se montrer enjoué et volontaire, le ranger avait du mal à l'imaginer renifler la truffe au sol. Ceci dit-...
Allan pince les lèvres, pesant le pour et le contre. A gauche, l'océan, à droite, la Falaise Mistral et devant et derrière, la plage. Bagel ne pourrait ni chuter ni se noyer s'il l'appelait avec lui sur la plage. Et si quelque chose semblait suspect, il aurait le temps de le rappeler dans sa pokéball avant qu'un drame ne se produise. Ca-... Valait le coup, probablement.

Ainsi, ignorant au mieux les quelques réticences qu'il pouvait avoir, il fait apparaître son pokemon sur le sable humide. Sans surprise, la belette laisse échapper un cri d'excitation à l'idée de se retrouver à l'air libre aussi près de son élément naturel. Bagel fait quelques tour sur lui même avant de poser un regard sur Allan s'étant accroupi devant lui.
Le bougre a encore du mal à s'exprimer face à un pokemon avec lequel il ne se sent pas totalement familier, mais il fait de son mieux. La créature est intelligente – il tente de s'en convaincre – et s'il lui demande de se concentrer sur un son ou une odeur qui lui semblerait suspect, il espère que son partenaire comprenne.

Un pokemon canin, dressé à ce genre d'exercices, aurait probablement mieux fait l'affaire, mais faute de mieux, Allan croise les doigts. Bagel a l'air d'avoir compris son travail. La belette a fermé les yeux. Truffe levée au ciel, il semble se concentrer pour percevoir quelque chose, n'importe quoi qui ne soit pas les cris des Goélises au loin.

Allan, quant à lui, attend patiemment et en silence le verdict. Lui même tente de se concentrer par mimétisme, comme si ses efforts pouvaient s'ajouter à ceux de Bagel. Quelle idée.

Si Allan a des doutes sur les capacités de son partenaire à trouver une piste, ce dernier a à cœur de lui prouver qu'il a tort. Après un certain temps à renifler dans tous les sens, Bagel se dresse soudainement. A-t-il senti quelque chose ? Apparemment pas.
La truffe du Mustébouée a cessé de remuer mais la bête tend désormais l'oreille. Complexe, curieux, Allan tente de faire de même mais son ouïe n'est clairement pas à la hauteur de celle du pokemon. Alors il se résigne, suit des yeux la belette alors qu'elle suit une piste qu'il ne peut percevoir. Il esquisse quelque pas, tente de ne pas déconcentrer Bagel dans sa mission.

Puis il pâlit.

Bagel couine, se contorsionne comme en proie à une mauvaise attaque Onde Folie. Allan sent ses muscles se crisper et la surprise le paralyse un bref instant. Pourtant, son inquiétude lui permet de se reprendre et il se jette à la rencontre de son pokemon lorsque celui-ci revient vers lui en panique.
A genoux dans le sable, Allan adresse quelques caresses tremblantes et mots de réconfort au Mustébouée dans l'espoir de le calmer. La bête est terrifiée, il ne faut pas être devin pour le comprendre et Allan est d'autant plus perplexe que ses sens humains ne perçoivent rien.

Dans l'absolu, demander à Bagel d'y retourner pour tenter de retrouver l'origine du problème serait le plus efficace mais-... Un sentiment de culpabilité l'étreint en voyant le pokemon trembler contre lui. Ils ne s'entendent pas forcément toujours, mais leur équipe n'est pas assez bancale et lui pas assez insensible pour lui infliger ça une seconde fois.
Allan pince alors les lèvres, flatte le crâne de Bagel une dernière fois et le félicite de son courage dans un murmure avant de se redresser. Il hésite à rappeler la bête dans sa pokéball, mais sa priorité est d'attirer l'attention sur ce qu'il vient de se passer. Alors il hèle l'un de ses collègues les plus proches et l'invite à se rapprocher d'un geste du bras. Rapidement, il lui résume la situation, lui délimite vaguement la zone à investiguer avant de se concentrer à nouveau sur Bagel.

Le pokemon tremble encore, jette des coups d'oeil anxieux vers l'endroit maudit. Allan sait que son concours serait des plus utiles mais-... Non. Il récupère sa pokéball et adresse un sourire reconnaissant à son pokemon.

« Bien joué bonhomme, je te rappelle si j'ai encore besoin de toi. »

Pour l'instant, il peut encore espérer trouver une piste sans avoir à infliger ça à son partenaire. Alors, il s'avance, hésite un instant sur la marche à suivre puis se décide enfin à chercher. Avec l'aide de son collègue, il inspecte d'abord la parois rocheuse dans l'espoir de trouver-... Une grotte peut être, ou un relief étrange, quelque chose. Le sol n'est pas négligé non plus, mais Allan concentre ses recherches d'une potentielle trappe ou d'un piège près de l'endroit où Bagel s'est contorsionné.

Il y passera des heures s'il le faut, mais désormais, il a confirmation que le problème se situe ici !

C'est sceptique et déterminé qu'Allan continue ses recherches. Il avance jusqu'à ce que la plage ne soit plus qu'une fine ligne de sable encore sec, ses chaussures sont déjà à moitié trempées, mais s'il peste intérieurement, il ne s'arrête pas.
Il n'a certes pas l'instinct de Bagel, mais lui aussi sent quelque chose. Ce n'est pas une odeur, mais un vague vrombissement à l'oreille et un début de migraine. Allan n'est pas médecin, mais il pense bien que ce n'est pas normal que de tels symptômes se déclenchent seuls comme ça. Alors, s'humectant les lèvres un poil nerveusement, il continue. Pour l'instant, rien ne l'entrave dans ses mouvements et un coup d'oeil lui apprend que deux de ses collègues sont à portée de voix. Tout ira bien.

Fort de ces pensées, Allan persiste et désormais, le sable fait plus office de boue que de véritable plage. Il y a aussi quelques rochers glissants sur lesquels il doit parfois grimper pour ne pas se retrouver avec de l'eau jusqu'aux mollets. Enfin, au point où il en est... Puis la main qui suivait la paroi touche soudainement du vide. Allan s'arrête net. De loin, la crevasse était invisible à l'oeil nu, mais maintenant qu'il se situe juste à côté, difficile de la louper. Les maux de tête se sont graduellement intensifié et Allan en est désormais certain. Ce que Bagel a senti et ce que lui ressent maintenant sont deux phénomènes liés.
Alors il fronce les sourcils et s'oblige à respirer longuement avant de s'avancer. L'endroit sent l'iode et l'humidité. La petite grotte n'est pas très profonde et la lumière du soleil intensifiée par le reflet de l'eau l'illumine de moitié. L'endroit est-... Vraiment étroit pour une carrure comme la sienne. A tel point qu'Allan hésite à y pénétrer. En sortir en cas de danger se révélerait probablement périlleux. Cependant, si l'idée d'y envoyer son partenaire fait un bout de chemin dans sa tête, il s'y refuse. L'image du Mustebouée se tordant de douleur est suffisante pour ne pas avoir envie de lui infliger ça à nouveau. Alors Allan s'accroupit, les jambes à moitié dans l'eau – il n'est plus à ça près – et plisse les yeux pour tenter d'y voir plus clair.
Maintenant, le sang bat à ses temps douloureusement et une légère appréhension – la sienne ? Il ne se sent pas plus effrayé que ça pourtant – lui enserre la poitrine. Quelque chose ne va pas et son instinct lui hurle que la solution est là, à portée de main. Allan renifle donc, secoue la tête de dépit – le regrette presque instantanément – et inspire longuement pour se calmer et tenter d'apaiser ses maux de crâne. L'impression de sortir d'une soirée trop arrosée lui est d'autant plus agréable qu'il n'a pas touché à un verre d'alcool la veille. Quelle ironie !

Pourtant, après s'être résigné à finir trempé et écorché par la roche, Allan pénètre dans la petite grotte. Il s'éclaire avec l'aide d'une lanterne de poche offerte par l'association ranger, toujours utile dans ce genre de cas un peu périlleux. Par moment, pour mieux pouvoir se mouvoir et s'aider de ses mains, il la coince entre ses dents, mais pour être honnête, il n'a pas à aller bien loin pour trouver le problème.
C'est un Abra qu'il trouve là, si proche de la sortie mais dissimulé par les reliefs de la roche et les ombres de la caverne. La bête est en piteux état et irradie de douleur. Maintenant qu'il connaît la nature du problème, la migraine du ranger ne lui semble plus si mystérieuse. Il ne lui en faut pas plus non plus pour retracer les événements des derniers jours. Un Abra blessé – attaqué ? – piégé et perdu dans une grotte, émettant probablement des appels à l'aide ou des signaux de défense grâce à ses pouvoirs psychiques... Pas étonnant que les pokemons de la zone s'en soient retrouvés chamboulés...
Allan soupire. Les pokemons étaient des créatures fascinantes, à n'en pas douter, mais imaginer qu'une si petite bête était capable de-... Ca ? Même involontairement ? Le cadavre du Goupix écrasé au sol lui revient en mémoire et il grimace avant de tenter de se rapprocher.

Une vague nausée lui prend alors aux tripes et il devine que c'est là l'ultime défense du pokemon recroquevillé devant lui.
« Bien tenté p'tit père, mais t'es trop amoché pour me faire reculer maintenant. » qu'il lui murmure. « T'inquiète pas, je suis pas là pour te faire du mal. T'appelais à l'aide, non ? On va te sortir de là et te soigner, reste tranquille. »
Le ton se veut bienveillant. Allan ne sait pas s'il est convaincant mais la respiration de l'animal qui s'était accélérée semble se calmer. Il n'en est pas certain, mais on lui a dit que l'intelligence de certains pokemons étaient égales – voir surpassaient – celle des humains, alors croire que le Abra comprend ce qu'il dit ne lui semble pas incongru. Et si son mal de tête persiste, les nausées, elles, ont disparu. Alors le ranger inspire avant d'approcher ses mains.
Il ne touche pas encore l'animal, tente d'abord de jauger s'il peux y aller sans avoir à craindre d'y perdre un doigt, mais plus il s'avance, moins il souhaite perdre du temps. Ce qu'il voit d'ici le fait déjà grimacer. La bête n'est pas uniquement épuisée, c'est du sang qu'il voit là. Une bien vilaine blessure qu'il ne saurait pas à quoi attribuer. A t'elle été mordue ? Si c'est le cas, c'est probablement un miracle qu'elle ait survécu tout ce temps ici, seule, sans nourriture ni eau potable.
C'est à ce moment là que le ranger décide qu'il ne peut pas la sortir d'ici seul. Dans d'autres circonstances, il n'aurait pas craint de la bouger, mais là ? Il se sait brute, il pourrait faire plus de mal que de bien. Alors, après avoir soufflé encore quelques mots de réconfort et demandé à la bête de ne pas bouger et de l'attendre – enfin, où serait-elle allée dans tous les cas ? – l'homme s'extirpe avec quelques peines de la grotte pour appeler du renfort.

Heureusement pour lui, sa voix est forte et porte loin. Il réclame des soins et explique en quelques mots concis la situation. Quand les renforts arrivent, ce n'est pas lui qui pénètre à nouveau dans la grotte mais une collègue plus menue et plus à même de gérer la situation.
S'écoulent alors de longues minutes avant qu'elle ne ressorte avec le petit monstre bandé. Son visage est blême et l'inquiétude se lit dans son regard. Allan comprend. Les efforts déployés par le pokemon pour se protéger ou réclamer de l'aide n'ont clairement pas aidé sa situation et désormais, si les migraines sont sur le point de s'évanouir, la créature semble comme-... Dégonflée.

« Pauvre bête-... » s'entend-il murmurer. Néanmoins, il est confiant. Si le petit pokemon a pu survivre dans telles conditions durant ces quelques jours, maintenant qu'il est pris en charge par des infirmiers compétents, tout irait probablement pour le mieux.

Et puis-... L'affaire semble désormais résolue. Pour être sûr, il continue ses recherches sur la plage, mais après avoir sorti Bagel de sa pokeball pour vérifier la situation, plus rien ne semble perturber les sens de son partenaire et le Mustébouée a tôt fait d'en oublier sa mission pour patauger dans l'eau et Allan ne se sent pas le cœur de le rabrouer...