Quelle absurdité...
Se rendre à l'opéra de Tartan pour y voir la Princesse des Lakmècygne comme une famille royale respectable le ferait était d'un stupide absolu. Ils avaient l'immense honneur d'occuper l'un des balcons les plus douillets et les mieux situés pour assister au spectacle. Mais tout ce que Lazulite faisait, c'était de regarder la foule grouillante en bas pour éviter de croiser le regard de Louis.
Lorsque le public fut plongé dans la pénombre peu avant le commencement du spectacle, ce fut un grand soulagement pour le jeune homme qui sentit s'évanouir le regard et l'aura de son beau-père à son encontre. Il se retint de soupirer de soulagement et osa enfin relever les yeux pour observer la scène, des danseuses et des danseurs s'y produisaient avec élégance. Rien de bien intéressant, le temps passait trop lentement au goût de Lazulite qui leva les yeux au ciel, ne pouvant se retenir cette fois de soupirer d'ennui, ce qui lui valut un méchant coup de canne dans les côtes de la part de son adorable mère.
Un peu de dignité ! Pesta-t-elle silencieusement.
Le jeune Tsarévitch ne répliqua rien, trouvant inutile et malvenu de provoquer une dispute dans de telles circonstances. Après tout, un «
shlyuha » lancé tel un venin de Séviper pouvait rapidement causer le bordel au sein de la « famille » Lanskoï, et Louis se ferait une joie de lui faire payer ses paroles plus tard. Non, cette fois il se tiendrait à carreau, au moins par respect pour les artistes, autant chanteurs, danseurs que musiciens. Son regard revint donc sur scène pour l'arpenter du air hagard avant d'avoir le souffle coupé en la voyant...
...La princesse Lakmécygne.
Sa longue chevelure blonde comme le blé et ses yeux Lila. Toute vêtue de plumes blanches, on dirait un ange d'Arkæ. Ou l'un des innombrables Saints à son service. Sankta Zaria, peut-être, mère de toutes beautés en ce monde. Et pourtant, elle a l'air si fragile, d'ici, difficile de sentir son aura mais... Le peu qu'il reçoit lui paraît instable, aussi fragile que du cristal, peut-être déjà brisé.
Il déglutit avec difficulté. L'amour au premier regard, c'est des conneries. La phrase se répète en boucle dans sa tête, ce n'est que dans les contes de fées que ça arrive et pourtant, cette chaleur désagréable dans sa poitrine et cette impression de Papillusion dans le ventre...
...Comme avec Piotr.
Blyat... Souffle-t-il d'une voix si faible que personne ne l'entends à travers la musique et les chants.
Son regard ne peut quitter la danseuse, il reste fasciné par chacun de ses mouvements. Son aura est si douce, si élégante et pourtant si chétive. Elle l'envoûte, même en fermant les yeux et en ne se concentrant que sur cette aura fugace et lointaine, il peut sentir chacun de ses mouvements. Si il était aussi croyant que sa mère, il parlerait sans doute du retour sur terre de Sankta Zaria tant il la trouve belle, aussi bien son aura que son apparence.
Cette gamine est d'un pataud... Souffle pourtant Louis à son épouse.
Ils auraient mieux fait d'en prendre une plus jeune et plus gracieuse.Lazulite serre les dents et les poings. Et malgré toute la force dont il fait preuve pour se calmer face à l'aura perverse et méprisante de son beau-père, il ne peut s'empêcher de répliquer.
Nous savons tous deux comment vous appréciez la jeunesse raffinée, cher « père ». Siffle-t-il froidement.
Pourriez-vous maintenant vous taire pour que nous puissions profiter du spectacle ?La montée de colère dans l'aura de Louis lui fait presque immédiatement regretter sa rébellion et pourtant, il ne baisse pas les yeux quand ceux furieux de ce dernier viennent se poser sur lui. Il ne dit rien, mais d'un simple regard, il lui fait comprendre.
Ça, tu me le paiera...Lazulite réprime un frisson d'angoisse et préfère se reconcentrer sur le ballet. Ses mains ne peuvent pourtant s'empêcher de trembler. Peut-être a-t-il fait une erreur en haussant la voix. Et si Louis se rendait compte que son cœur bat encore pour une autre personne, qu'arriverait-il a cette pauvre danseuse dont il ignore tout ? Il se mord la lèvre inférieure. Non, il faut qu'il fasse comme si de rien était. C'est donc crispé qu'il finit la séance, évitant comme il peut du regard cette danseuse qui l'envoute tant.
La pièce se termine, la fin est triste bien sûr et elle arrache un sourire amer au Tsarévitch. Toutes les histoires d'amour finissent mal, il en est convaincu. Il doit encore supporter une séance de thé avec le directeur de l'Opéra en sentant encore l'aura de Louis le coller comme les tentacules d'un Viskuse. Franchement, il ne prête pas attention à ce qui se raconte, mais son air flegmatique ne change pas de d'habitude donc rien de suspect. Le temps lui paraît interminable avant qu'enfin, sa mère ne décide de prendre congé du vieil homme ennuyeux. Évidemment, courbette, baise-main et tout le tintouin sont au rendez-vous. Pour Lazulite, c'est devenu un automatisme à force de répéter son rôle de petit prince bien sage.
La route du retour se fait dans un silence lourd, le jeune homme réprime ses tremblements comme il peut. Dire qu'il est mal à l'aise serait un euphémisme car en plus du regard de Louis qui pesait sur ses épaules, il avait maintenant celui de Sneg' qui le jugeait d'un air méprisant. Elle lisait en lui comment dans un livre ouvert et ce qu'elle y voyait ne devait pas lui plaire.
Tant mieux.
La suite serait plus facile à orchestrer.
Une fois rentré au manoir, Lazulité, suivit par sa chaperonne, s'enferme dans sa chambre et vient toiser du regard le Gardevoir immobile, comme si il la défiait. Après un long silence, il prends une grande inspiration et se désigne d'une main.
Sneg', Prescience. Déclare-t-il d'une voix volontairement trop autoritaire au goût du pokémon qui n'hésite pas une seconde à obéir.
La douleur est terrible, elle s'empare de son crâne et le fait chavirer, tomber à genoux. La nausée lui fait vomir sa bile sur le sol et il sent un liquide chaud et métallique couler de son nez. Sneg' n'arrête pourtant pas son manège en si bon chemin, elle compte bien détruire le jeune homme pour son impertinence. Tant mieux, il doit se vider l'esprit, oublier cette jeune femme qui a fait battre son cœur et si la seule solution pour cela est de souffrir, il l'accepte sans broncher.
Combien de temps dure son calvaire avant qu'enfin, le Gardevoir ne cesse sa vague psychique et ne le laisse tomber lourdement à terre ? Aucune idée. Combien de temps encore se passe avant qu'il n'entende la porte grincer et des pas lourds se diriger vers lui ? Pas plus d'idées.
Tss... Petit con, tu crois vraiment que ça va te sauver la peau ?Ah, c'est Louis.
Lazulite se déteste soudain, il s'est mit lui-même dans une position de faiblesse, incapable de bouger, épuisé et encore souffrant. Ce connard n'a plus qu'à se servir à présent et il n'y pourras rien. Enfin, pas que ça change quelques choses aux fois d'avants mais tout de même. Puis il se résigne dans un ricanement silencieux.
Comme si il avait encore suffisamment de fierté pour faire la fine bouche.
Finalement, il espère ne jamais revoir cette pauvre ballerine. Elle mérite largement mieux que de croiser sa route. Il peut dire ça sans même la connaître. Il n'a pas envie de briser d'avantage cette aura de cristal si belle et si fragile.
Puis de toute façon, l'amour au premier regard, ça n'existe pas.