Mimigal meurtrier et romans d'amour [ft.Lydia Reid]

Il s'était bêtement fait surprendre par la pluie. Il est vrai qu'en sortant de la gare, le temps était nuageux mais il n'y avait pas vraiment porté attention, trop occupé à essayer de calmer son mal de tête. Résultat : il marchait à grands pas rapides sous cette averse à la recherche d'un endroit où se mettre à l'abri et repartir le temps d'une accalmie. Ce n'était pas le moment d'être trempé jusqu'aux os pour tomber malade, alors quand il vit cette petite librairie, il s'y engouffra rapidement.

La clochette d'entrée sonna lorsque la porte s'ouvrit, Bérézina quitta les bras de son dresseur pour aller sautiller un peu partout et avant même que ce dernier n'ait le temps de lui dire de faire attention à ne pas salir tout autour de lui, il fut attaqué.

Par un Mimigal.

L'attaque surprise rappela en lui d'anciens réflexes militaires et en un rapide coup de poing calculé, l'araignée vint s'écraser un peu plus loin dans la boutique. Il y eut un grand silence avant qu'Aaron ne se décide à observer son bras attaqué. Ah mince, la manche de sa veste était déchirée, heureusement, plus de peur que de mal. Le Mimigal n'avait pas eut le temps de mordre ou d'empoisonner. Toujours est-il que le champion se demandait bien ce que pouvait foutre un pokémon pareil dans cette librairie.

Il regarda rapidement autour de lui à la recherche d'un potentiel tenancier des lieux et ne trouva qu'un gamin roux androgyne à l'air un peu idiot. Sans doute son air un peu idiot était-il dû au fait qu'il avait vu son pokémon parcourir la moitié de la librairie par distance aérienne, propulsé à coup de poing.

Puis-je savoir la raison de cette attaque ? Demanda calmement Aaron en fronçant les sourcils. Votre clientèle subit-elle unanimement ce traitement ou est-ce moi qui pose problème en particulier ?

Si sa question était calmement posée, son visage trahissait encore un peu l'incrédulité de la situation. Enfin, peu importe, il était là pour s'abriter de la pluie, pas pour parler lecture. Principalement parce que les romans d'amour bien mielleux n'étaient pas une des passions dont Aaron était le plus fier, il n'aimait donc en conséquence pas parler de livre et préférait dire que ce n'était pas son truc plutôt que d'avouer la honteuse vérité.

C'est d'un air flegmatique qu'il vint récupérer Bérézina et s'assurer qu'il n'avait pas fait trop de dégâts. Mis à part les traces de pas mouillées sur le bois du plancher, rien de bien grave. Rassuré sur ce fait, ses yeux dévièrent sur le contenu des étagères pleines de livre. L'une d'entre-elle attira son attention, plus précisément un livre en particulier. « Le mariage de la Princesse », cela faisait une éternité qu'il ne l'avait pas lu – notamment parce que Griselda avait dû l'embarquer avec elle lors de son déménagement à Tartan.

C'est presque automatiquement qu'il se retrouva à en feuilleter les pages avec nostalgie. Cependant, son regard fut à nouveau attiré par un autre livre, du même auteur, Abraham Davidson. « La princesse et le Lindorm », il reposa « Le mariage de la princesse » pour feuilleter sa nouvelle trouvaille. Et c'était...

Du saphisme ? S'étonna-t-il à haute voix. On vous autorise à vendre ça de nos jours ? Un regard en coin vers le libraire. Et bien, les choses ont bien changés. Soupira-t-il. Mais j'imagine que c'est moi qui suis trop vieux pour comprendre.

Ou les jeunes qui sont trop cons... L'un ou l'autre, peut-être les deux.

Surement les deux.

Ça pourrait peut-être plaire à Griselda cependant...
 

Aaron feuilletait tranquillement quelques pages du roman saphiste qu’il avait choisi en se demandant si il pouvait en faire cadeau à sa fille quand la réponse du libraire quand au comportement de son Mimigal l’arrêta net dans son activité et lui fit écarquiller les yeux. Sérieusement ? Non, mais il avait bien entendu, là ? Ce n’était pas une blague ? L’aîné dévisagea le jeune éphèbe d’un air incrédule puis, gardant toujours le livre sous la main, il s’approcha à grand pas de lui.

Et sans lui laisser le temps de dire quoique ce soit, il lui foutu la tarte de sa vie.

Voilà, ça c’est fait. Souffla Aaron en secouant sa main. Cela vous arrive souvent d’insulter gratuitement votre clientèle ?

Pour être franc, il l’aurait peut-être prit à la rigolade si le jeune homme avait sorti le terme « homosexuel » mais le terme « pédés », par contre, ça ne passait clairement pas. Il l’avait en travers de la gorge, mais il n’en dit rien. Ce serait légèrement hypocrite de sa part de corriger ce gamin sur un terme respectueux à utiliser pour qualifier ce genre de personne. Puis quelque part… La blague n’était pas très drôle.

Après une grande inspiration-expiration, le vieil homme reprit parole.

Concernant le contenu de votre librairie, je vais être tout à fait honnête : cela ne me plaît pas. Mais je n’ai pas mon mot à dire là-dessus. Le monde change, que cela me plaise ou non. Après une longue période de silence, il lâcha tout de même à contrecœur : J’admets cependant que vous avez les tripes de tenir tête au gouvernement actuel en commercialisant ce genre d’œuvre. Vous avez tout mon respect pour cela.

Tout ce qui pouvait faire chier ce cher McThistle ne pouvait que lui faire plaisir après tout. Son visage se défit peu à peu de cet air grognon qu’avait enclenché le mot « pédés » pour retrouver son calme habituel. Il déposa calmement l’exemplaire de « La princesse et le Lindorm » sur le comptoir et vint chercher de quoi régler l’addition dans la poche de sa veste.

Voyez-vous, malgré tout le désaccord du monde que j’entretient avec votre communauté… Car vous êtes bien un « pédé » vous-même, je suppose… Je respecte ma fille et son saphisme, rien ne pourras me faire changer d’avis sur l’amour que je lui porte, aussi dois-je admettre que cet ouvrage consisterait sans doute un cadeau intéressant pour elle.

Déposant la somme exact de son achat sur le comptoir, il en profita pour jeter un œil par la vitrine et grogna légèrement en constatant qu’il pleuvait toujours autant. Il se pinça l’arrête du nez avant de se tourner vers le rouquin.

Je n’ai pas vraiment d’autre choix que d’attendre ici une potentielle accalmie. J’espère que vous accepterez ma présence prolongée malgré les débuts tumultueux de notre relation. Après tout, en tant que champion de cette ville, il ne faudrait pas que j’ébruite vos petites… « cachotteries » ? N’est-ce pas ?