Did it hurt when you fell from heaven? [ft.Megara Beliaïev]

Bordel.

Voilà qu’Aliénor Lanskoï, dans toute sa bonté, avait décidé de devenir mécène de la troupe dont elle avait tant aimé la prestation. Si Louis avait fait les cents pas dans le grand salon pour essayer de la convaincre de s’abstenir, qu’ils n’étaient qu’une bande de charlatans et qu’ils dansaient aussi bien que des Spoink ivres, Lazulite s’était contenté de rester muet, serrant silencieusement les poings à chaque pique envoyé envers la danseuse principale.

Puis la décision avait été prise, sans appel. Aliénor comptait de par cet acte, passer pour une femme de lettre et donc, de par ce fait, faire passer son fils comme tel et séduire la diaspora Stranaïte. La récente disparition de la Tsarine laissait perplexe beaucoup de monde et nombreux étaient ceux qui attendaient son retour. Aliénor comptait bien annihiler leurs espoirs de par ces nombreuses tactiques. Lazulite porterait bientôt la couronne de Strana, elle en était certaine.

Les voilà donc de retour à Tartan avec un Louis en pleine séance de commentaires dédaigneux et un Lazulite réticent qui trainait des pieds à l’idée de revoir la charmante princesse Lakmécygne. Finalement, arrivés sur place, Lazulite n’eut pas vraiment besoin d’excuse pour se dérober. Il lança un regard implorant à sa mère tandis que la nausée le gagnait à vitesse grand V.

Mère, je… J’ai vraiment besoin de m’éclipser… Tout de suite… Murmura-t-il en plaçant pudiquement une main devant sa bouche et en toussotant légèrement.

Un rapide regard de la part de la vieille femme. L’envie de vomir devait se lire sur son visage car elle ne se contenta que d’un « tss » ainsi que d’un signe dédaigneux de la tête. Qu’il aille où il veuille du moment qu’il revienne au bon moment. Bien évidemment, Sneg’ serait là pour l’escorter et s’arranger pour qu’il ne se dérobe pas à son rôle de Tsarévitch.

Le chemin vers les toilettes de l’Opéra fut rapide et il arriva juste à temps pour y déverser le contenu de son estomac, il lui fallu bien quelques minutes pour se reprendre et encore plus de minutes pour se rincer la bouche et se débarrasser du goût acre qui y régnait. Sneg’ commençait à s’impatienter, Lazulite se décida donc à lui balancer Masha dans les pattes pour la distraire, lui laissant le temps de remettre un peu d’ordre dans sa tenue avant de ressortir des toilettes, plus apaisé mais toujours aussi réticent.

Il n’avait fait que quelques pas, les yeux perdus dans le vide, qu’il sentit un choc brusque qui faillit bien le faire tomber par terre. Il resta pourtant debout, à l’inverse de la personne qui s’était cogné contre lui et à qui il s’empressa de tendre la main.

Désolé, je ne regardais pas où j-…

Et merde, c’était elle, c’était le Lakmécygne blanc. Son air timide et son aura toute chamboulée la rendait encore plus adorable que sur scène. Lazulite resta donc un instant la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés avant de secouer légèrement la tête et d’aider la jeune femme à se relever. Il vint ensuite joindre ses mains et les serrer maladivement avec un sourire crispé.

Il pouvait sentir l’aura exaspéré de Sneg’ d’ici.

C-comme je disais, je… Ne regardais pas où j’allais. Pardonnez-moi…

Mieux valait s’éloigner d’elle et vite, si jamais Louis l’apercevait dans un tel état, il se douterait de quelque chose. Mais ça, c’était sans compter sur la seule et unique marche qu’il y avait entre le couloir et la halle d’entrée. La chute fut plus humiliante que douloureuse. Il resta un long moment face contre terre à questionner la volonté d’Arkæ avant de se relever d’un air pataud et d’émettre un petit rire gêné à l’attention de la demoiselle.

P-plus de peur que de mal, pas d’inquiétude, je… Je gère la situation, oui, tout va bien.

Bon, avec un peu de chance, elle ne reconnaitrait pas les signes de la famille impériale brodées sur ses vêtements et se dirait qu’il est juste un simple visiteur. Elle ne se dirait pas une seule seconde qu’ils devaient se rendre au même endroit et il pourrait s’en aller tranquillement de ce maudit endroit pendant que Sneg’ s’amusait avec Masha.

  Megara n'a pas exactement tout compris à ce que lui a expliqué le directeur. Peut-être des termes trop compliqués pour son kerosien commun. Peut-être avait-elle été trop dans la lune ce jour-là pour capter ce qu'il lui disait... tout ce qu'elle savait, c'est qu'il y avait un rendez-vous important pour la troupe, à ne surtout pas manquer.

Évidemment, il a fallu ce jour-là qu'elle dorme un peu trop longtemps, que Kitka détruise son réveil et que Lisa, pensant d'abord à sa santé, la laisse dormir paisiblement. Une recette misérable qui la force à courir dans les rues de Tartan à peine habillée, peinant à enfiler une chaussure à cloche-pied tandis que sa veste pendouille lamentablement sur son épaule gauche.

Tu parles d'une gracieuse ballerine. Si Ilya l'avait rencontrée comme ça et non sur scène, il n'aurait sûrement pas cherché à faire connaissance. Et la vieille dame fortunée qui l'attendait à l'opéra non plus, d'ailleurs. Elle sait qu'elle va se faire taper sur les doigts, hésite presque à retourner se cacher dans son appartement et se faire passer pour morte, mais voilà qui ne résoudrait rien. Et puis, le directeur n'est pas aussi violent et dangereux que la vieille Olga. Elle survivra à un blâme. Avec peine, mais elle survivra.

Poussant la porte du théâtre, elle entend déjà parler dans une pièce au fond du couloir. La réunion a commencé, comme elle le craignait. Raison de plus pour utiliser ses dernières forces pour sprinter, ce qu'elle se serait bien retenu de faire si elle avait su. Lisa tente bien de la prévenir, sentant venir la catastrophe avec ses pouvoirs psychiques... mais trop tard, un obstacle inattendu l'arrête en plein dans sa course, si bien qu'elle s'écrase au sol et grimaçant. Il lui faut quelques instants pour comprendre ce qu'il s'est passé en entendant balbutier.

L'autre accidenté est un jeune homme bien habillé. Ce n'est pas vraiment ce qu'il manque à Tartan mais ses yeux s'attardent un peu sur les broderies de son costume. Elle secoue la tête et oublie bien vite ce détail. Le choc à la tête l'a rendue encore plus étourdie qu'elle ne l'est, visiblement. Elle en a oublié de s'excuser à son tour.

Se relevant lentement avec l'aide de l'inconnu, elle tente de réarranger ses vêtements et ses cheveux, chamboulés par l'accident. Il est le premier à demander pardon. Lui non plus ne faisait pas attention. Mais Megara ne l'écoute pas, du moins, elle n'écoute pas ses mots, trop intriguée par cet accent qu'elle connait trop bien, car il n'est autre que le sien ?

Vous êtes Stranaïte ? chuchote-t-elle un peu trop fort dans sa langue natale. Réalisant son impolitesse, elle baisse la tête et se reprend, cette fois-ci dans un kerosien fort marqué, p-pardon. C'est très indiscret de ma part.

Mais sa tentative de reprendre ses esprits échoue en voyant dans quel état est ce pauvre jeune homme. Le visage rouge, l'oeil fuyant, il semble à deux doigts de tomber dans les Verpom. Toujours à se reprocher tous les maux du monde, Megara s'imagine déjà l'avoir cogné trop fort dans sa course. Et là, le stranaïte revient au grand galop, incapable de parler kerosien dans la panique.

V-vous allez bien ? Oh, vous avez l'air souffrant... vous devriez vous asseoir un instant...

Faute professionnelle, peut-être, mais Megara a déjà oublié la réunion. Et elle ne veut pas y repenser avant d'être certaine que l'inconnu soit rétabli.
 

Une Stranaïte, il ne manquait plus que ça. Lazulite déglutit et ne peut s’empêcher un ricanement emplit de gêne. Ce qui est fort peu courtois de sa part, aussi se rattrape-t-il donc en s’éclaircissant la gorge et en murmurant un discret « Pardon » en Stranaïte. Pourtant, la jeune femme semble vraiment se soucier de lui, ce qui serait adorable dans toute autre circonstances.

Mais que peut-il dire ? « Excusez-moi, je dois vraiment m’absenter, sinon mon Gardevoir va me tuer » ? Mouais… Bon, autant accepter l’offre de s’asseoir un instant, les canapés du hall d’accueil sont assez confortables après tout. C’est d’un pas hésitant qu’il suit le Lakmécygne blanc jusqu’à celle-ci. Il aimerait bien mettre un nom sur cette charmante tête blonde mais l’idée de trop s’attacher à elle et qu’elle finisse comme Piotr le terrorise.

Il peut lire dans son aura qu’elle s’en veut, qu’elle croit qu’elle est la cause de son état. Ce qui lui arrache un petit soupire et qui lui donne la motivation nécessaire pour essayer de se reprendre et lui dire d’une voix moins tremblante :

Ce n’est pas votre faute, v-vraiment… Il prends une grande inspiration avant de répondre à la question murmurée de la jeune femme. Et… Hum, oui, je suis Stranaïte. Plus ou moins.

Et accessoirement seul prétendant au trône de Strana, à présent.

Non, pas besoin de préciser ça...

Politesse chevaleresque oblige, il laisse la demoiselle s’asseoir en premier avant de la rejoindre, encore tout tremblant. Il se maudit intérieurement, si il pouvait faire preuve de son flegme habituel, là tout de suite, ce serait bien. Sneg’ ne va pas éternellement s’amuser avec Masha et quand elle remarquera le temps perdu, il risque de le payer très cher.

Actuellement, j’étais… Sur le point de rencontrer une troupe de danseurs mais… Il s’interrompt un instant, ne sachant trop quoi dire avant de retomber sur ses pattes en ajoutant : … Mais je me suis perdu, fort peu intelligent de ma part en effet, ah ah.

Il remarque le regard inquiet de la jeune femme et le croise un instant avant de détourner brusquement les yeux en se pinçant les lèvres pour éviter de lui sortir une vieille phrase stupide du genre « vous êtes ravissante, vous savez ? ». On est pas au Draining Kiss, ici, un peu de tenue, Lazulité ! Il ne se reconnait pas lui-même, il ne s’est jamais reconnu lui-même lorsqu’il était amoureux, même avec Piotr il avait l’air d’un abruti.

Pour une raison inconnue, cette pensée lui donne les larmes aux yeux. Sans doute à cause de l’angoisse qui monte. Il ne veut pas perdre cette inconnue comme il a perdu son amant, trop de peine. Il ne s’en relèverait pas.

Pourtant, il maudit ce qui s’échappe de sa bouche.

Je me nomme Lazulite Lanskoï. Ravi de vous rencontrer, même si les circonstances auraient pu être… Plus favorables. Puis-je… Enfin, sans indiscrétion… Comment vous appelez vous, Mademoiselle ?

La volonté d’apprendre à la connaitre et apparemment plus fort que son instinct de survie. Bravo, Lazulite, brillant ! Quel égoïste. C’est sans doute cette pensée qui le fait baisser les yeux et observer ses pieds, honteux.

Mais quel con…

 Au plus grand soulagement de Megara, le jeune homme accepte de s'asseoir. Même dans son malêtre, il insiste pour qu'elle prenne place en premier, et c'est avec les yeux au ciel mais un petit sourire qu'elle accepte. L'essentiel, c'est qu'il aille mieux, elle peut bien jouer le jeu du gentleman si ça le rassure.

Il avoue avoir lui aussi des origines stranaïtes. Le cœur de la ballerine s'emballe un peu, mais se calme en repensant à Ilya. À Genya, bien qu'elle n'ait pas eu l'occasion de beaucoup la connaître avant sa disparition. Deux jeunes gens venus eux aussi de la Mère Patrie, mais sans aucune mauvaises intentions à son égard.

Avec ses airs un peu sensibles et fragile - sans offense - monsieur n'a pas l'air de faire partie de la police secrète de Strana. C'est une pure coïncidence, une dont Megara devrait se ravir, car parler dans sa langue natale lui manque souvent.

Elle sursaute néanmoins lorsqu'il mentionne la raison de sa visite à l'opéra. Rencontrer une troupe de danseur ? Merde. La Réunion. Megara détourne les yeux, ouvre la bouche, tente de dire quelque chose mais la referme, bégaie, avant de soupirer et de grommeler avec un semblant d'assurance :

Oh, qu'ils aillent au diable avec leur réunion ! Je ne peux pas vous seul ici alors que vous êtes souffrant ! Ils attendront le temps qu'il faudra.

Elle peut voir du coin de l’œil Lisa remuer la queue avec agacement. Il n'approuve pas les décisions de sa dresseuse, mais il lui reste fidèle, ne contredit jamais ses décisions (à moins qu'elles ne soient dangereuses). Si elle a envie de jouer à la petite infirmière, qu'elle s'amuse, mais il lui fera bien comprendre "qu'il lui avait bien dit" si elle se plaint de se faire disputer.

L'inconnu finit par se présenter, probablement désolé des circonstances de leur rencontre. Megara laisse échapper un petit rire. En effet, il y a de meilleurs façons de faire connaissance que de se fracasser le crâne l'un contre l'autre. Elle aussi, pourrait au moins lui faire connaître son nom.

Megara Beliaiev. Je fais partie de la troupe de danseur que-... enfin, comme vous vous en doutez, je ne suis pas exactement en avance. Ne blâmez pas les autres, s'il vous plait, ils ne sont pas tous aussi bras cassés que moi, plaisante-t-elle à moitié.

Lazulite, lui, ne plaisante pas. Les yeux rivés au sol, Megara croit voir de la tristesse dans ses yeux. Revoilà l'inquiétude au grand galop. Sa main, dans un geste maternel, vient instinctivement se poser sur son front.

Lazulite, vous êtes brûlant ! crie-t-elle presque au contact de sa peau, vous sentez-vous fiévreux ? Vous ne devriez pas sortir dans un état pareil...

Lisa lève les yeux au ciel. S'il pouvait parler, il traiterait sûrement son amie d'idiote ou d'aveugle. Peut-être est-elle un peu des deux.
 

Lazulite ne peut s’empêcher de rougir d’avantage en entendant la jeune femme pester contre sa propre troupe et décider de rester à ses cotés car elle l’imagine souffrant. C’est gentil d’une part mais de l’autre, il ne souffre de rien du tout. Enfin, à moins qu’on compte le béguin comme une maladie parce que là, oui, il souffre énormément.

Allez, Lazulite, inspire, expire, contrôle-toi, c’est pas bien compliqué !

Peut-être mais c’était clairement plus simple quand il n’avait à faire qu’à des pimbêches et des vieux croutons de la cour Stranaïte. Tout dans l’aura de la jeune femme lui semble adorable, comme un petit oiseau à l’aile blessé qu’il a envie de recueillir au creux de ses mains pour le soigner. Et pendant ce temps, Sneg’ s’occupe de Masha mais lui lance de loin un regard sévère. Il a intérêt à se grouiller si il ne veut pas avoir la migraine, le petit con de Tsarévitch.

La jeune femme se présente à son tour. Megara. C’est un beau prénom pour une très belle personne. Enfin, soyons honnête, Lazulite ne trouve le prénom beau que parce que celle qui lui a volé son cœur le porte, avant, c’était l’indifférence la plus totale. Elle ne lui apprends rien concernant son appartenance à la troupe de danse, il le sait tellement qu’il a oublié la tronche de tous les autres membres qu’elle. Il tente de reprendre sourire, balayant autant qu’il peut l’idée que Louis puisse les surprendre.

V-vous savez… De toute la troupe, c’est vous que j’ai trouvé la plus graci-…

Impossible de continuer lorsqu’elle pose sa main sur son front. Il écarquille les yeux, incapable de dire quoique ce soit d’autre qu’un pitoyable « ah, euh, d’accords… ». Son esprit s’embrume rapidement, si bien qu’il doit faire un sacré effort pour suivre ce que dit Megara. Ah mince, elle pense vraiment qu’il a de la fièvre ? Cette aura toute inquiète est si adorable… Enfin, ce n’est pas la question, il doit la rassurer. Alors il vient délicatement saisir la main de Megara et il lui adresse un sourire timide.

Je… Non, ça va. Je n’ai pas de fièvre, je suis juste un peu… Nerveux ? Enfin, ça n’a pas d’importance, ne vous inquiétez pas pour moi s’il-vous-plaît. Je ne voudrais pas que vous ayez des ennuis à cause de moi.

Il ne parlait pas que d’une simple correction de la part du directeur de la troupe. L’idée que Louis se doute de quelque chose lui traînait dans la tête et lui causait une boule au ventre assez désagréable. Il maintint quand même son sourire, venant poser doucement sa deuxième main sur celle de Megara. Ses yeux se posèrent sur cette main si frêle, on aurait dit celle d’une poupée. Il avait peur de la briser au moindre faux mouvement. Où était-ce l’instant en lui-même qu’il avait peur de gâcher ? Allez savoir…

Vous êtes vraiment magnifique… Souffla-t-il.

Puis il se rendit compte de ce qu’il venait de dire et lâcha brusquement la main de Megara, se redressant presque d’un bond et laissant s’échapper un rire nerveux. De pire en pire, vraiment. Il maudit une nouvelle fois sa connerie monumentale et essaya de calmer sa respiration pour murmurer quelques excuses.

P-pardon, je… Je ne suis pas u-un… Un gros lourdaud venu vous draguer ou quoique ce soit… Je… J-je… J… Pitié, oubliez juste ce que vous venez d’entendre. Il baissa la tête, penaud. Même si c’est vrai…

Espèce de con de Lazulite.