Blackjack [solo]

Les spectres l'avaient prévenue. Un nouveau spécimen très intéressant était arrivé dans les sous-sols du manoir Cornwall. Un pokémon étrange, venu d'une contrée lointaine et oubliée disait les spectres. Aurora avait été intriguée, très intriguée même. Il va de soi que Dolorosa lui conseilla de ne pas y aller, elle fut bien la seule. Perceval attendait les ordres, Châtiment pensait que quelques accidents malheureux avec des pokémons ne ferait pas de mal à la jeune fille et le duo Lingtchi-Macbeth n'attendait que ça. Quelle décéption pour ces deux-là quand elle annonça qu'elle ne descendrait à la cave qu'accompagnée de Dolorosa. Cette dernière était devenue forte, Aurora savait que son coté maternel lui était profitable, elle ferait une meilleur protectrice que Châtiment.

Oh bien sûr, ce n'est pas parce que la jeune fille parlait avec les spectres et pouvait voir à travers leurs yeux qu'elle pouvait traverser les murs. Il lui fallut trouver l'entrée et attendre qu'un garde quitte son poste, alerté par le bruit que Maiko et Saule faisaient dans la pièce d'à coté pour entrer à toute vitesse dans cette pièce interdite et comprendre de quoi il en retournait. Elle envoya Ruby en éclaireuse. Tout semblait dégagé, il était midi à peu prêt et les sbires avaient laissé leurs besognes de cotés pour prendre leur déjeuner. Aurora se promit qu'une fois Lady, il ne laisserait pas ses sbires être si négligeant. Mais c'était une autre histoire.

Il fallut du temps pour le trouver, à travers les yeux de Ruby. Il était là, dans cette pièce, Ruby entendait sa voix et Aurora aussi par transmission de pensée. Une voix suave, qui fit frissonner Ruby. Un nom s'imprégna au fer rouge dans l'esprit de la jeune fille. 'Caleb Winters', l'homme qui avait tué sa propre fille après lui avoir fait subir l’innommable. Cette voix si mielleuse était la sienne, celle qu'il avait prit pour attirer sa fille dans la forêt, prétextant une balade entre père et fille. Ruby refusa de s'approcher du pokémon. Ce dernier le regardait d'un air moqueur, lui demandant de cette maudite voix ce qui n'allait pas. Aurora rappela aussitôt son amie auprès d'elle et lui ordonna de sortir des sous-sols. Elle lui avait déjà rendu un grand service en localisant le pokémon et la poupée ne voulait pas que son amie souffre d'avantage.

Il était vraiment vicieux, comme l'avait décrit les spectres. Il aimait faire souffrir en utilisant le passé, les regrets, les traumas, tous ce que les gens cachent d'habitude derrière une écorce bien solide. Même les sbires avaient peur de lui, pour preuve, ils l'avaient fichus dans un coin isolé de la cave en espérant que Cornwall oublie son existence. Son nom ? Blackjack, en référence à son pelage couleur charbon. Pour une raison qu'elle ignorait, elle trouvait le surnom particulièrement approprié au caractère de la bête. C'est en catimini, accompagnée de Dolorosa qu'Aurora s'aventura auprès du fameux Zorua « de l'antre d'Hoopa » ébène. Qu'il était beau, Aurora aurait été bien tentée d'enfouir sa main dans sa douce fourrure si elle ne connaissait pas le caractère de l'animal.

Un coup d'oeil sur elle et le Zorua en cage changea de forme. Aurora sursauta malgré elle, le spectre du Mononoke du soir d'Halloween. Tranquillement assise sur la cage, l'observant avec un sourire à moitié dissimulé sous ses cheveux longs et sales ainsi qu'un œil de Barpau la fixant avec insistance. Son kimono, déjà sale de bas, se mit soudain à ruisseler de sang, si bien qu'elle finit par baigner dans une grande flaque pourpre. Les yeux d'Aurora se perdirent dans le rouge du liquide et quand elle releva la tête, c'est pour constater avec dégoût que la moitié de la face du Mononoke avait laissé place à une bouillie de cervelle, d'os et d'autres dégueulasseries en tout genre.

C'était exactement ainsi qu'Aurora s'imaginait le cadavre de sa mère. Une balle en pleine tête, le crâne à moitié explosé et...Jeté à l'eau. Le Zorua sembla corriger cette dernière partie, la peau du spectre se boursoufla et ses lèvres devinrent bleutées, des algues se mêlèrent à ses cheveux longs et gras. Et toujours cet horrible sourire. L'albinos ne détourna pas le regard. En réalité, elle était plutôt fascinée. Elle demanda silencieusement au spectre si il pouvait lui montrer son père biologique, ce qui sembla surprendre le Zorua. Il reprit son apparence normale, frustré de devoir admettre qu'il ne pouvait pas. Tout simplement car il ne savait pas à quoi l'homme ressemblait, Aurora elle-même l'ignorant.

Pour reprendre un peu de fierté, il prit tout de même l'apparence de Lord Cornwall, semblable à celle du Mononoke. Le crâne explosé par un tir de pistolet, le même pistolet encore en main. Et ses bras, des bras tailladés profondément donc certaines plaies laissaient même voir l'os. Puis, voyant qu'il ne créait pas le sentiment escompté, il tenta autre chose, Peggy aux veines tranchées, Emilico-san, éventrée avec les jumeaux morts-nés serrés dans ses bras et finalement, Molly. Molly aux cordes vocales arrachées et aux yeux percés. Ce qui arracha à Aurora une grimace. Le Zorua, sous la forme de Molly, esquissa une grimace vicieuse. Il avait enfin mit le doigt là où ça faisait mal.

Mais loin de se laisser démonter, Aurora déclara tout simplement et très calmement à l'attention de Dolorosa :

Feu Follet.

Le cri du petit animal résonna dans toute la pièce qui, fort heureusement, était vide. Il était complètement affaibli, incapable de maintenir l'illusion. Il était au sol, la respiration sifflante, le regard remplit d'une émotion indescriptible. Quelque chose entre l'arrogance et la fustration. L'albinos s’approcha de sa cage et murmura tout aussi calmement qu'elle l'avait fait pour Dolorosa.

Tu sais faire beaucoup de mauvaises choses mais tu es faible.

L'arrogance disparut des yeux du Zorua, il cria, furieux et tenta de se relever pour attaquer. Aurora le regarda faire sans broncher puis quand il se calma enfin, elle continua.

Tu aimes faire souffrir les gens, pas vrai ? Je le sens dans ton aura, tu es furieux de ce qu'ils t'ont fait ici. Alors tu veux faire payer tous les humains... Ta créativité est remarquable.

Le Zorua ne savait plus quel comportement adopté et pencha la tête sur le coté. Il était confus. Ce qui arracha un petit rire cristallin à la jeune fille. Elle le félicita encore longtemps d'avoir lu dans son esprit puis finit par lui proposer d'une voix douce :

Travaille avec moi. Je ne suis peut-être qu'une humaine, mais je sais qui faire payer pour ce que tu as subit. Tu accomplira ta vengeance et j'accomplirais la mienne. Donnant-donnant. Qu'en penses-tu ?

Il est inutile de préciser la réponse du Zorua. Car bientôt, Aurora ouvrit sa cage et le prit doucement dans ses bras, le caressant avec une sorte d'étrange tendresse. Ce dernier parut satisfait, voir subjugué d'être enfin libre et tenu à remercier l'humaine. Il montra du museau un vieux tissu sombre entreposé sur l'une des tables en acier de la cave, là où figurait des pierres et d'autres objets en tout genre. Aurora reconnut une pierre nuit, ce devait être des objets d'évolution. Et le tissu, et bien il était pour Dolorosa. Cette dernière s'approcha lentement de l'artefact et l'effleura du bout de la patte. Par deux fois elle se mit à briller comme une étoile. Par deux fois elle changea de forme. Tout d'abords, les contours d'une nouvelle forme semblèrent se dessiner mais au contact de l'étrange tissu, elle se métamorphosa encore une fois.

Puis elle observa son nouveau corps avec stupéfaction. Elle était devenu un Noctunoir. Pas aussi grand que le gardien de la forêt Eagal mais elle devait bien mesurer au moins deux mètres cinquante. Elle se retourna vers Aurora comme si elle attendait un commentaire ou un ordre de sa part. La poupée se contenta de sourire et remercia chaleureusement Blackjack pour son coup de pouce. Il était temps de rentrer maintenant. Aurora avait un nouveau membre dans son équipe mais elle le prévint d'une chose.

Si jamais il s'en prenait encore à Ruby, elle lui prouverait que les spectres peuvent mourir une deuxième fois.

EPSILON