Histoire

« Prépares-toi pour le prochain concours, Darling, je veux que tu sois impeccable »

La coordination n'a jamais été sa passion, et pourtant c'est dans cet univers qu'elle a baigné toute son enfance. Sa mère lui a toujours rabâcher que son père avait foutu le camp alors qu'elle n'était qu'une petiote de trois Mepo. Rosemary n'a jamais trouvé à redire à ce scénario, après tout, ça devait être vrai, non ? Maman ne ment jamais puisqu'elle lui dit qu'elle est magnifique, belle comme un ange avec ses cheveux noirs de geais et sa mèche blanche comme une plume de Lakmécygne. Rose' veut y croire, elle s'en persuade, elle est la déesse de la beauté juvénile. Sinon pourquoi remporterait-elle tous les rubans aux concours de coordination auxquels elle participe ?

La coordination à Unys, c'est une sacrée affaire. Dés le plus jeune âge, on peut y participer. Même si ce n'est pas vraiment leurs propres idées que les enfants présentent au jury, plutôt celles de leurs parents. Des parents qui vivent souvent leurs rêves perdus au travers de leurs mioches. Rosemary le sait bien, elle n'est qu'un substitut pour sa mère. « Ne finit pas comme moi, Darling, ne laisse jamais la laideur prendre le dessus. Un coup de maquillage et hop, c'est reparti ! » Au fond, ça lui fait plaisir si ça rends sa mère heureuse. Parce que c'est la seule façon d'obtenir son affection, gagner les concours. Le reste, c'est strict comme une porte de prison, diète pour ne pas grossir, cours de danse intensifs pour rester la plus élégante du lot et maquillage à gogo pour rester la plus belle, comme la sorcière de Blanche-neige.

Maman n'a jamais vraiment fait preuve de tendresse en dehors de ces rares moments où un fier ruban marquait la poitrine de sa petite poupée chérie. Mais Rosemary, Rose' ou Mary' en fonction de l'humeur de sa mère, n'a jamais connu mieux. Elle était coupée du monde, perdue dans l'univers du luxe et de la mode. Parce que Papy est multimilliardaire et que malgré le divorce, il soutient toujours sa fille. D'ailleurs, le divorce, il n'attendait que ça. Non mais franchement, se marier avec une sorte de... De « roturier » ? Bah, une erreur de jeunesse. Mais bon, Papy s'en fout de Rosemary, il fait comme si elle n'existait pas. C'est le jouet de sa fille, pas le sien. Alors en dehors du luxe et des paillettes, la gamine, elle ne connaît pas grand chose.

Déscolarisée, pour mieux suivre la cadence. Une cadence qui accélère sans cesse. Ça devient un vrai challenge. Avec son fidèle Milobellus chromatique, elle remporte championnat sur championnat, pas une défaite à son actif. Une vraie vedette, elle fait la une de quelques magazines et ça, ça plaît à son orgueilleuse de mère. Le fruit de ses entrailles est d'une beauté sans pareil, alors à défaut d'être aussi belle qu'elle voudrait, elle s'amuse à jouer à la poupée. Sauf que ce qu'elle ne voit pas, c'est que la poupée, elle commence à s'user. Pourtant, elle fait de son mieux, Rosemary, elle essayes de toutes ses forces. Mais un jour, ça lâche, son corps lâche, les tendons de sa cheville lâchent. Elle ne pourra plus jamais danser comme avant.

Bah, qu'importe, elle peut toujours danser, même si ce n'est plus « comme avant », non ? La lueur d'espoirs se lit encore dans les yeux de sa mère. Sauf que voilà, ce n'est vraiment plus pareils, Rosemary a peur de la douleur que lui procure les entraînements, elle a peur de perdre d'avantage, elle a peur de perdre l'affection de sa mère. Elle a peur tout court. Et la peur l'empêche peu à peu d'être la meilleure à ce qu'elle fait. Paf, elle finit troisième au classement. Sa mère est furieuse, Rosemary reste comme une andouille devant la porte fermée de la maison. Encore maquillée, mais le maquillage a coulé à cause des larmes, elle a plus l'air d'un clown que d'une princesse maintenant.

La carrière de la petite dégringole au milieu de son adolescence. Plus jamais première, plus jamais la plus belle. Ce n'est pas normal, Rosemary a l'impression que le monde entier lui joue un mauvais tour, la garce qui a finit première était bien plus laide qu'elle ! Et sa prestation était d'un banal ! Elle avait fait bien mieux avec son Milobellus ! D'ailleurs, la relation entre la jeune fille et son pokémon se dégrade, elle rejette tout sur lui, c'est de sa faute, il fout tout en l'air, il n'est plus bon à rien. En fait, elle ne fait que reproduire le comportement de sa daronne. Parce que pour sa daronne, c'est Rosemary qui fout tout en l'air. Le rêve s'efface peu à peu pour Maman, plus d'étoiles dans les yeux, plus de rubans à afficher sur les murs et plus de coupes à entreposer dans les vitrines. Sa fille est devenue une bonne à rien. Une souillon. Et les souillon, on doit les traiter comme tel.

C'est là que la maltraitance commence, comme dans Cendrillon, elle devient la bonne à rien de service. On lui répète qu'elle est laide et bonne à rien mais Rosemary refuse d'y croire, peu importe que Maman ne l'aime plus, elle reste une princesse, une diva, une muse. C'est juste que si sa cheville n'avait pas lâché...Et ce Milobellus de malheur. D'ailleurs, il finit à la SPP, celui-là. On doit trouver un meilleur pokémon pour la demoiselle, mais la daronne se fiche d'elle et lui refile un Excelangue. On dit qu'il est gracieux et qu'il va parfaitement à la jeune Rosemary. Mais la jeune fille pleure à chaude larmes, ce pokémon est laid, trop laid. Et en plus, on le compare à elle. C'est vrai qu'il est gracieux, mais il ne ressemble à rien ! Comment oser donner un tel partenaire de danse à une princesse comme elle ?

Puis un jour, c'est le désastre. Un jour, Rosemary trouve l'une des candidates vraiment belle, enfin, pas plus belle qu'elle mais tout de même, une princesse aussi. La jeune fille s'appelle Mia et elle aussi a vu sa princesse. On les surprends dans les coulisses à s'embrasser tendrement l'une l'autre. Pour sa mère, s'en est trop. Un coup de fil rapide et c'est décidé. Cette petite pute ira voir ailleurs si j'y suis. Son père qui est supposé l'avoir laissé tomber vient la chercher et l'emmène dans un endroit paumé. Et l'Excelangue ? Elle peut l'oublier, elle ne mérite pas de pokémon, pas de rubans, pas de trophées. Cette garce est une erreur de la nature. Et le temps que son père vienne la chercher, elle s'en prends, des coups et des baffes. Mais elle reste forte, après tout, Cendrillon était une princesse et elle se faisait maltraiter aussi. Elle reste jolie, même avec cet hématome sur la joue.

Papa arrive enfin, avec Maman, ils s'engueulent. Maryrose apprends beaucoup, Papa ne voulait pas laisser sa fille à sa « tarée de femme », Papa n'a jamais voulu partir. Mais il était pauvre et dans ce monde, les riches ont toujours raison. Mais maintenant, il peut récupérer sa fille, il peut essayer de la sauver, de recoller les morceaux. Il l'espère vraiment et c'est les larmes aux yeux qu'il prends sa fille dans ses bras et la serre bien fort. C'est la première fois qu'on lui donne autant d'amour sans qu'elle ait remporté de rubans. Rosemary est confuse. Et ce n'est que le début. Ils partent pour Keros, une région de péquenauds comme mérite sa fille, crie sa mère. Rose' reste la tête haute malgré tout, elle est belle, elle est une princesse.

Puis c'est avec son père que les engueulades commencent. Rosemary se retrouve confrontée au monde ordinaire, plus question de luxe ou de paillettes. Son père travaille, il gagne un « bon salaire » mais ça n'a rien à voir avec la fortune de Maman. Puis sérieusement, Ranger ? Qui veut faire ça ? Il a beau avoir le grade le plus élevé et être admiré par ses collègues, Mary' fulmine, il est peut-être un chevalier mais il était censé être un roi de contes de fées. Et les rois, ça ne bosse pas au O'Donalds pour gagner sa vie ! Ça ne bosse pas tout court, ça offre à sa princesse de magnifiques robes et ça lui trouve un prince charmant. Un...Prince charmant ? Rosemary doute, elle n'est pas sûre d'en vouloir un. Les baisers et les cajoleries de Mia lui manque, même si c'était une rivale, c'était sa princesse charmante à elle.

Encore une dispute entre père et fille. Papa lâche sans le vouloir un « tu es bonne à rien, comme ta mère » et ça, Rose' ne l'accepte pas. Elle est belle, elle est merveilleuse, elle peut gagner tous les rubans de Keros si elle le veut. Sauf que son père refuse, plus de coordination pour elle. Elle veut se montrer utile ? Fort bien, qu'elle devienne ce qu'elle veut, qu'elle ait un métier qui soit utile aux autres et qu'elle redescende un peu sur terre. Bien sûr que son père regrette ses paroles, mais le défi est lancé et la jeune fille l'accepte. Fierté mal placé. Pas de coordination donc ? Elle va lui prouver qu'elle est meilleure que lui à son propre travail, elle va devenir Ranger et laminer sa réputation ! Et celle des autres apprentis-Rangers par la même occasion !

Elle entre à l'académie et c'est une nouvelle baffe dans la gueule qu'elle se prends. Personne ne lui donne le respect qui lui est dû, au contraire, on se fout de sa gueule. Une coordinatrice qui veut devenir Ranger, sérieusement ? Elle va faire quoi pendant les missions, danser la valse et agiter ses rubans ? Elle revient en pleurs à la maison dés sa première journée d'étude. Son père est là pour elle, il la prends dans ses bras, la console. Ce n'est pas grave, qu'il dit, ça viendra. Le respect ça se gagne, elle n'est peut-être plus une princesse mais elle peut devenir une guerrière, la meilleure de toutes. Papa croit en elle et ça lui fait bizarre, cet amour inconditionnel. Elle avait pourtant décidé de devenir Ranger pour l'humilier, il a oublié ?

Mais cet amour lui permets de ne pas abandonner. Elle revient le deuxième jour, puis le troisième, puis une semaine entière, un mois, puis deux... Elle veut devenir l’héroïne de sa propre histoire et pas une princesse à la con qui attends son prince charmant éternellement. Rosemary a changé, un peu, elle voit moins obtus, elle s'ouvre à un nouvel avenir. Mais elle reste arrogante, insupportable dirait certains. Peut-être qu'on peut la changer, peut-être pas... En tout cas, elle compte bien prouver au monde qu'elle continue d'exister, même si ce n'est pas sur les podiums de coordinations.