Si il regrette d'avoir laissé Genya derrière lui ? Bien sûr que oui !
Cela le hante depuis tout à l'heure, comme une boule au ventre. Il l'a entrevue rapidement, essayant de les rattraper, lui et Olivia. Mais la dernière chose qu'il voulait c'est être avec une sœur qui avait encore oublié une part d'elle-même.
Quand Olivia accepte son offre d'aller danser et fait bras dessus, bras dessous avec lui, il soupire d'un court soulagement. Soulagement interrompu par cette simple phrase. Si il veut parler, si il veut pleurer, il peut.
Il déglutit et secoue la tête.
Pas envie, pas maintenant. Jour de fête. Dit-il simplement.
Il descendent et arrivent dans la salle de bal, il balaye l'assemblée du regard. Si personne ne semble choqué de le voir au bras d'Olivia -merci encore Liliann pour ce maquillage parfait, il s'inquiète de ne pas voir sa sœur. Il serre un peu le bras d'Olivia contre lui et ne peut s'empêcher de trembler légèrement.
Genya n'est pas là. Murmure-t-il malgré lui.
Il s'en veut, il s'en veut horriblement maintenant que la colère est passée. Il faut penser à autre chose, vite. Il se hâte de rejoindre la piste de danse. Certains couples ont déjà commencé à danser, certains visages sont rosés par l'alcool. Il aurait dû se bourrer la gueule lui-aussi tiens.
On va danser. Dit-il d'une voix moins assurée qu'il ne l'aurait voulu. Tu va voir, facile !
Sans qu'Olivia ne s'y attendes, il relâche son étreinte sur son bras et fait volte-face. Il s'incline comme le veux la coutume stranaïte et fait un petit signe de la tête pour qu'Olivia fasse de même. La courbette de son camarade est clairement moins élégante mais elle n'en reste pas moins adorable.
Puis la valse peut commencer.
Évidemment, les premiers pas sont un désastre, le Stranaïte ne peut pas s'empêcher de pouffer de rire tout en guidant son ami. Il rougit un peu en lui posant une main bien ferme sur les hanches, mais bon, c'est la valse qui veut ça, non ?
Il y va doucement, lui montre les pas à effectuer, se fait marcher sur les pieds, rigole un bon coup. Ça ne fait pas très mal, le petit blond n'est pas très lourd. Et il commence à prendre le pli avec le rythme de la musique.
Il se penche quand le Stranaïte l'incite à se pencher et cesse de lui marcher dessus.
Compte, un, deux, trois. Un, deux, trois. Lui conseille son ami d'une voix douce. Puis quand il le sent enfin prêt, il le fait tourbillonner doucement et le rattrape tout aussi doucement, le pauvre ne doit même pas comprendre ce qu'il se passe mais Ilya trouve un charme à la situation.
Voilà, tu fais bien ! Félicite-t-il Olivia quand leur danse commence enfin à avoir un semblant de fluidité.
Il remarque certains regards braqués sur eux. Certains amusés, d'autres attendris. Il se demande si ça fera la une de quelques journaux tiens, le Tsarévitch danse avec une sombre inconnue. Il ricane intérieurement. Si seulement ils savaient. Mais ce moment n'appartient qu'à eux, à lui et Oliver, grimé en Olivia.
Ce n'est peut-être qu'une idée saugrenue, une bête utopie, vague vestige de la Strana Impériale, mais il se mets à rêver que leur 'couple' soit permit, que personne ne s'y oppose, que le Tsarévitch soit libre de se choisir un amant.
Il soupire, grisé par cette idée et lâche sans s'en rendre compte quelques mots qui embarrasseront sûrement 'sa cavalière'.
J'aime beaucoup ça. Murmure-t-il. Je voudrait que ça dure toujours.
Si Oliver fut un peu déçu qu'Ilya refuse de se confier, il pouvait comprendre. Il n'avait pas envie de ruiner cette belle soirée, pas plus qu'il ne pensait l'avoir fait en craquant plus tôt dans sa chambre. Et puis, lui aussi avait envie de finir la journée sur une note heureuse. Si Ilya l'avait voulu, il serait resté avec lui à l'étage et ils auraient discuté jusqu'à minuit. Il s'estimait déjà heureux d'être en sa compagnie quand il avait manqué de passer son samedi à ruminer sur des exercices de math.
Mais Ilya voulait danser. Oliver n'arrivait pas encore à saisir l'entièreté de la situation. C'était trop beau pour être vrai. Il devait mal comprendre. Pourtant, une petite part de lui priait pour qu'il n'ait rien pigé de travers, pour que ce bras auquel il s'accrochait comme un petit Capumain le mène bien jusqu'à la piste de danse, où tournoyaient déjà plusieurs couples. Au centre, Charlotte et Bartholomew avaient déjà ouvert le bal. Comme ils étaient beaux... le jeune garçon ne pouvait s'empêcher de les jalouser un peu.
Pas de Genya dans la salle, malheureusement. Oliver s'inquiéta un instant que cela attriste suffisamment son ami pour qu'il décide de retourner dans sa chambre, mais il effaça vite sa grimace. Sur une note plus positive, Lily, elle était bien là. Leurs regards se croisèrent, juste assez longtemps pour échanger des signes de main, avant qu'Ilya ne le traine - presque littéralement sur la piste. Alors il n'avait plus d'autre choix que de constater. Il allait vraiment danser. Il allait vraiment danser avec Ilya. Il se sentait fiévreux. Il n'y croyait pas. Il se mordit la joue pour essayer de se réveiller de ce rêve maudit avant de trop déchanter. Rien. Il mordit plus fort, s'arrêtant juste avant de se percer la peau, la douleur étant trop forte pour être fausse.
Il ne rêvait pas. C'était bien réel. La main d'Ilya dans la sienne était réelle. Elle semblait plus légère et délicate que jamais. Son sourire et ses mots étaient réels. Il avait l'air heureux, malgré la fatigue et la peine de ne pas voir sa sœur. La demi-assurance avec laquelle il l'avait invité- non, poussé à danser était adorable.
Le jeune homme s'inclina et Oliver resta un moment confus, yeux papillonnants dans l'espoir de comprendre ce qu'on attendait de lui. Un signe de tête le réveilla, lui qui était encore dans son petit monde rose bonbon, il comprit à peu près qu'il devait faire de même. Mais la courbette d'une demoiselle n'est pas la même que celle de son cavalier, n'est-ce pas ? Il jeta un œil autour de lui, vit une femme répondre à l'invitation de son compagnon et chercha à l'imiter. Oh il devait avoir l'air bête. Il n'en doutait pas. Son visage déjà bien rouge vira presque au pourpre par honte. Mais Ilya ne dit rien. Il sembla satisfait par cet effort.
Enfin, une nouvelle valse commença.
Oliver se sentit paniquer aux premiers mouvements. Malgré tout, il avait encore trop de mal à réaliser ce qu'il lui arrivait. Lui qui avait tant rêvé d'un jour comme ça, le voilà presque paralysé par la sensation d'une main sur ses hanches ! Son cœur battait si fort qu'il se demandait si Ilya ne pouvait pas l'entendre. Comme il aurait eu honte. Il lui accorda un regard. Un tout petit regard de rien du tout pour voir s'il était fâché de sa maladresse mais il ne pouvait pas voir son visage. Pas sans avoir envie de crier.
Il essaya de suivre la cadence - en vain. Les femmes de la haute autour de lui devaient bien se moquer. Quelle jeune fille de son âge et de son rang - à en croire sa robe, ne savait pas danser la valse ? Drôle de partenaire pour le tsarévitch, qui aurait pourtant pu inviter n'importe quelle demoiselle. Tsarévitch qui lui, semblait se moquer de ces pas de travers, qui ne manquèrent pas de le piétiner plus d'une fois sans qu'il le remarque tant sa "cavalière" était légère.
Il ralentit un moment et Oliver s'inquiéta d'avoir tout ruiné avec son incompétence. Il avait eu une chance de danser avec celui qu'il aimait et il avait tout fait voler en éclat avec ses deux pieds gauches. Il n'eut pas le temps de s'excuser néanmoins. Ilya voulait quelque chose d'autre de lui. Il se pencha un peu sur le côté et lui sourit. Un peu confus, Oliver l'imita. Il devait avoir l'air cloche, avec sa tête penchée comme celle d'un Voltoutou dans un mouvement exagéré. Pourtant, ça lui évite davantage d'accidents, apparemment. Au long de la musique, il se surprit à faire de moins en moins de bêtises. Ce n'était toujours pas "facile" comme le lui avait promis Ilya, mais il se surprit à sourire bêtement. Une pirouette peu contrôlée qui manqua de le faire tomber, suivie d'un compliment de la part de son prince charmant furent le dernier clou dans son cercueil. Il avait envie de pleurer parce que son sourire n'était plus assez pour contenir un cœur prêt à imploser.
Il se sentait ridicule à s'exciter de la sorte pour quelques éloges de rien du tout. On en revenait au Voltoutou, qui serait content d'être appelé un bon chienchien. C'était qu'il en avait si rarement l'habitude... il avait rarement l'habitude de se sentir aussi heureux en général. Sa main tenue pour celle d'Ilya était bien au chaud dans deux épaisseurs de gants, l'autre main, tenant sa taille, le chatouillait et lui envoyait des frissons au point où il devait se retenir pour ne pas glousser comme un gamin. La seule chose qu'il n'osait pas faire, c'était toujours de regarder ce maudit visage trop parfait pour son petit cœur de Canarticho. Mais vers lequel il leva instinctivement les yeux en entendant murmurer son cavalier.
En toute franchise, il était certain d'avoir mal entendu. Ou mal compris. Ces murmures ne lui étaient peut-être même pas adressés. Il l'aurait voulu, pourtant. Savoir qu'Ilya aimait danser avec lui, malgré ses débuts douteux et son manque flagrant d'élégance comparé aux autres demoiselles... il aurait été fier, heureux, même. Mais de quoi d'autre voudrait-il parler ? L'orchestre ? Le mariage ? Il appréciait peut-être leur jeu de déguisement ou alors... ou alors il aimer danser, tout simplement. S'ils n'avaient pas été entourés d'autant de monde, il aurait volontiers laissé sa tête reposer contre son épaule, et tant pis pour les codes de la valse. N'importe quoi pour cacher son visage écarlate quand il s'apprêta à lui répondre.
J-j'aime ça aussi... d-d-danser av-vec toi, chuchota-t-il tout aussi bas.
Il était honteux à l'idée que quelqu'un d'autre ait pu l'entendre à travers la musique. Il l'était déjà assez à l'idée de l'avoir dit de vive voix. C'était fou comme un peu de bonheur pouvait désinhiber.
Ilya a un sourire béa en entendant les mots murmurés par son ami. Il sent son cœur rempli d’allégresse. Ça lui ferait presque oublié le problème de Genya.
Presque.
Sans vraiment en avoir conscience et sans avoir pitié de la pauvre novice qu'est Olivia, Ilya se met à accélérer la cadence, forcement, ce n'est pas gracieux du coté de la danseuse qui s'en sort comme elle peut. On se moque gentiment.
La plupart des gens trouvent cela attendrissant. Peut-être seraient-ils moins attendrit si ils savaient la vérité.
Ilya, lui, doit se retenir. Il doit se retenir d'embrasser sa cavalière dans sa fougue effrénée, il doit se retenir de la serrer contre lui pour lui avouer des sentiments un peu trop politiquement incorrects. Il sait que ça n'arrivera que dans ses rêves.
Oliver aime peut-être les garçons, mais il n'aime pas les assassins. Et Ilya refuse de le tenir dans le secret si ils venaient à...être dans ce genre de relation.
Son sourire manque de s'effacer de son visage mais il se replonge dans l'instant présent. Maintenant tout de suite, Olivia ne sait rien, elle a ce qu'elle a toujours rêvé d'avoir : un prince charmant. Et c'est très bien comme ça.
Elle ne remarque pas que la personne avec laquelle elle danse n'est autre qu'une énième princesse en détresse. Non, elle danse avec le Tsarévitch. Elle a des étoiles dans les yeux, les joues rouges et un sourire timide aux lèvres. Adorable.
La tenir dans le mensonge est adorable.
Ilya est soudain prit d'une bouffée de chaleur, il s'arrête et prends de grandes inspirations. Il a la tête qui tourne, le bruit des gens qui parlent, la musique, les danseurs et tous ces regards rivés sur eux lui deviennent soudain insupportables.
Il tire sa cavalière par la main.
Tant pis pour la salle de bal, ils finiront leur dans ailleurs.
Ilya connaît le parfait endroit pour ça. Ils montent les escaliers, empruntes quelques passages et se retrouvent sur le balcon dont la vue donne sur tout Bronswick. Magnifique.
Là, enfin, Ilya peut respirer l'air frais de Février. Il remarque d'un coup d'oeil qu'Olivia tremble un peu alors il s'empresse de défaire sa cape de fourrure pour lui poser sur les épaules. Et il ne manque pas au passage de lui poser un doux baiser sur le front.
C'était amusant. Dit-il avec un sourire tendre. On peut continuer ici si tu veux.
Il n'y a pas de musique pour les guider dans leurs mouvements mais d'un autre coté, il n'y a personne pour se moquer du ridicule de leur danse. Ilya est prêt pour un nouveau tour de valse, il s'étire les bras et baille.
Un peu fatigué tout de même.
Il espère jusqu'Olivia...Enfin, Oliver ne lui demandera pas de parler de ses problèmes. Car le cas Genya lui trotte toujours au fond de la tête.
Pour son plus grand soulagement, Ilya ne releva pas ses quelques mots murmurés. Il se contenta de sourire. Probablement un sourire amusé, ou peut-être par gêne ou par politesse. Oliver aurait pu jurer qu'il était sincère, et pourtant... il n'arrivait pas à en faire sens. Mais peu importait, tant qu'ils s'amusaient.
Il poussa un petit gémissement de surprise en sentant la valse accélérer. Lui qui maîtrisait à peine les pas de danse se voyait obligé d'improviser, avec un succès plutôt subjectif. Au moins, les pieds de son cavalier étaient épargnés, mais il ne le fut pas des rires des spectateurs. Ils n'avait pas l'air méchants... ils avaient un petit sourire en coin, probablement qu'ils trouvaient mignonne cette petite bourgeoise qui dansait pour la première fois. Ça n'empêcha pas Oliver de se sentir un peu honteux. Il aurait aimé mieux faire. Peut-être qu'il ferait mieux la prochaine fois ? Si prochaine fois il y avait. Des occasions de valser avec le garçon qu'il aimait, grimés en prince et princesse ? Il pouvait rêver, ça n'arriverait pas. Alors... il en profiterait pendant que ça dure, même s'il pouvait encore sentir des regards dans son dos qui lui faisaient trembler l'échine.
Mais, trop tôt, la danse prit fin. Pas sur le point d'orgue de la partition, mais en plein milieu de celle-ci. Ilya s'était arrêté soudainement. Oliver laissa retomber ses bras, défait, pensant avoir fait une bêtise. Il s'apprêta même à s'excuser, avant que son ami ne lui redemande sa main, cette fois-ci pour l'emmener loin de la piste. Le jeune garçon accorda un dernier regard mélancolique à cette dernière. Il regrettait déjà ses derniers pas. Si seulement il en avait mieux profité, au lieu de se soucier du regard des autres... il soupira, mais garda un sourire serein à l'idée de toujours suivre son prince, peu importe où il le guiderait.
C'est sur un grand balcon aux décorations rococo qu'Ilya le traina. Et Oliver comprend pourquoi. De là-haut, la vue sur Bronswick était imprenable. Toutes ces lumières et ces phares appartenant aux voitures qui polluent l'air... de loin, on aurait cru voir danser des Muciole et des Lumivole. On pouvait aussi distinguer la silhouette de la cathédrale, noire sur le ciel sombre, se détachant comme une ombre. La vue était si belle que l'adolescent en aurait presque oublié le froid de Février. Il ne le remarqua que lorsque quelque chose lui tomba sur le dos. Une sensation de douceur et de chaleur, qui lui fit prendre conscience à quel point il tremblait avant d'être ainsi couvert. Confus, il jeta un œil par dessus son épaule et crut reconnaître... oui, c'était bien la cape de son prince qui reposait désormais sur ses épaules. Si ça n'avait pas suffi à le faire rougir, alors le baiser sur son front l'aurait fait.
Ne pas s'évanouir lui prit tous les efforts du monde. Comment Ilya pouvait-il l'embrasser comme si de rien était, et se remettre à observer le paysage sans se soucier de ses joues écarlates ? Voilà qu'il avait du mal à respirer, du mal à simplement absorber l'information. Ses mains tremblaient, non plus du froid mais de nervosité. Et Ilya, qui le regardait encore avec ses yeux de Pâtachiot... il ne devait avoir aucune idée du mal qu'il lui faisait. Un terrible pincement au cœur. Un genre de trop plein de joie ? Tout en ayant l'impression qu'il ne pourrait jamais atteindre dite joie. Sans qu'il ne s'en rende compte, ses yeux s'étaient déjà noyés.
J-je n-ne m-m-mérite p-pas ça... parvint-il à articuler malgré une voix cassée. Devant la confusion d'Ilya, il prit une grande inspiration avant de continuer, j-je suis un-un g-garçon. J-je... j-je ne d-devrais p-p-pas... m-mais... il n'en revenait pas de ce qu'il disait à haute voix. Ilya était bien la seule personne à laquelle il aurait osé confier ce genre de secret, m-m'hab-biller en p-princesse, d-danser av-avec toi et... et t-tout le reste, - il se garde bien de mentionner les baisers, ça... ça m-me rend heureux... t-trop heureux...
Il était heureux, alors pourquoi ces larmes ? De la honte ? De la peur ? De l'euphorie ? Un peu des trois, au final.
Tu... tu le p-penses, p-p-pas v-vrai ? Q-que j-je suis b-b-bizarre.
Il détourna le regard pour observer ses chaussures, ses belles chaussures toutes roses qu'il aurait volontiers "oublié" de rendre à Lily. Mais des chaussures qui n'auraient jamais dû être chaussées par des pieds d'homme. C'était toujours une vue plus agréable que celle du visage d'Ilya quand il lui avouerait le trouver anormal.
Le Stranaïte regarda d'un air inquiet 'sa compagne de danse' aux yeux larmoyants. L'avait-il vexé sans le vouloir ? Avait-il un peu trop profité du fait qu'il soit déguisé en fille pour lui faire vivre une infime part de son amour ? Ilya se mordit l'intérieur de la joue.
Il était définitivement trop égoïste. Quelque chose que Genya lui reprochait souvent sans qu'il sache trop pourquoi. Maintenant, il lui semblait comprendre, un peu. Je voulais pas t’embarrasser... Souffla-t-il avant qu'Ollie ne se mette à parler.
Il 'ne méritait pas ça'. Ilya fronça les sourcils, ce qui donna sans doute la sensation à son ami de devoir se justifier. Et cette justification énerva le Stranaïte sans qu'il ne comprenne vraiment pourquoi. Oui, Ollie aimait bien s'habiller en princesse et jouer les princesses, et alors ? Qui ça allait gêner profondément dans la vie ?
Cette ordure de Charles Dixon, peut-être ?
C'était sûrement lui qui avait enfoncé tout ce tas de conneries dans la tête de son fils. Lui et tous les autres cons du lycée qui s'amusaient à lâcher des insultes homophobes sans comprendre leur réelle portée parce qu'ils n'étaient encore que des petits cons. Je pense rien du tout, moi. J'aime Oliver autant qu'Olivia. Dit simplement le Stranaïte en desserrant les dents avant de prendre son ami dans les bras. Pour moi, t'es pas bizarre. Et on se fiche de ce que pense les autres. Il se redressa et essuya doucement une larme sur le visage d'Oliver en souriant d'un air bienveillant. On s'en fiche au moins pour ce soir.
Il resserra la cape autour des épaules de son ami, qui avait un peu glissé dans l'accolade. Le réconforter sans lui dire un 'je t'aime' franc et sans ambiguïté était un véritable challenge. Mais mettons qu'Oliver accepte ces mots ? Il faudrait lui expliquer la suite aussi. Et ça, Ilya n'était pas prêt.
Pas encore.
Il observa son ami des pieds à la tête avant que son sourire doux ne se transforme en sourire amusé. Il s'expliqua rapidement pour ne pas qu'Oliver le prenne mal. Surtout que la raison de son amusement était toute bête. Tu ressemble à une Tsarevna sur le point de te faire couronner comme ça. Il ne te manque plus que le collier et la couronne. Genya...
Il s'arrêta. Et merde, il avait parlé de Genya. Il s'était lancé lui-même dans son propre piège. Il soupira lourdement et continua tout de même d'un air qu'il voulait tout aussi entrain que tout à l'heure mais qui sentait clairement le réchauffé. Genya n'aura sûrement pas ton élégance à son couronnement.
Il n'expliqua pas à Oliver en plus de détails comme quoi il ne comptait pas devenir Tsar. Il en avait déjà trop dit à son goût et espérait que le petit blond prenne cette phrase pour une erreur d'interprétation ou quelque chose du genre. Au lieu de ça, il retourna s'accouder à la rambarde du balcon si élégant et regarda dans le vide. Mauvaise chose. Si tentant...
Je me demandes si elle va bien. J'aurais pas dû partir. Elle...Elle fait souvent des malaises quand elle utilise trop Dévorêve. Avoua-t-il d'une voix pleine de culpabilité. Mais quand elle se fait oublier, j'ai l'impression que c'est de ma faute alors... Je peux pas rester avec elle quand elle oublie trop parce que...
Sa voix se transforma en murmure.
...C'est comme regarder quelqu'un se noyer sans pouvoir rien faire.
Il avait définitivement flingué la bonne humeur festive. Bravo Ilya. Il se mit à se détester lui-même, ne pouvait-il donc pas offrir à Ollie une soirée de princesse sans ce genre de craquage à la noix ? C'était ridicule.
Déjà qu'il s'en voulait pour Genya, il s'en voulu doublement pour Oliver qui lui, n'avait rien demandé.
"Je ne voulais pas t'embrasser", hein ? Une phrase murmurée dans la panique, probablement, d'un Ilya croyait que c'était ça qui avait fait pleurer son ami. Mais à l'idée qu'il regrette son geste par pur dégoût, les larmes d'Oliver se firent plus grosses et lourdes. Il s'y attendait. Il s'y attendait vraiment à ce qu'Ilya le rejette sur l'instant.
Pourtant, rien de tout ça. Au contraire, ses traits s'adoucirent, et ses bras vinrent le serrer contre lui pour le rassurer. Un peu de chaleur que le jeune garçon accueillait volontiers, malgré la chaude cape sur son dos qui avait tendance à glisser de par ses épaules tombantes. Une chaleur qui était toujours la bienvenue, d'autant qu'elle venait d'une personne en particulier. Oliver se demandait comment il avait tenu seize ans sans ami pour partager des moments pareils.
Tête la première contre le torse de son prince, ce dernier ne remarqua pas comme son visage tira au rouge vif à ses mots. Il savait bien, pourtant, qu'il ne voulait rien dire de mal par "aimer". Juste de l'amitié. Peut-être un abus de langage de la part de quelqu'un qui apprenait encore le kerosien. Son cœur battait si fort, dans une drôle de sensation mi-agréable, mi-douloureuse, comme s'il allait exploser et pourtant... ça ne le dérangeait pas plus que ça. Cela posa même un petit sourire sur ses lèvres qu'il ne sut contrôler. Ilya avait toujours les bons mots, même s'il ne le faisait pas exprès et qu'Oliver les analysait un peu de trop près.
Il ne le trouvait pas "bizarre", il se fichait de l'avis des autres. Quelque chose dont l'adolescent aurait pu se douter, depuis le temps. Si son ami avait écouté les rumeurs, à l'époque, eh bien... ils ne seraient jamais devenus amis. Qui voudrait trainer avec la "sale petite pédale" du lycée ? Si seulement Ilya savait comme il était reconnaissant d'avoir cru en lui... même si au final, les rumeurs avaient raison, mais il ne l'exposerait pas à ça.
L'étreinte d'Ilya se défit, au grand dam d'Oliver qui se remit à trembler. En voyant cela, le jeune homme réajusta la fourrure sur ses épaules, ignorant probablement comme son ami aurait préféré rester l'un contre l'autre. Peut-être que scientifiquement, il lui tenait moins chaud, et il serait tombé malade à rester comme un idiot sur un balcon avec comme seul moyen de se réchauffer la chaleur d'un autre humain... mais il n'avait jamais eu l'esprit scientifique, alors qui s'en moquait ?
Un petit silence s'installa. Il n'était pas désagréable. À tendre l'oreille, on pouvait entendre la musique de bal, en bas, atténuée. On entendait également les bruits de la ville, les moteurs des voitures, leurs klaxon, les aboiements de Pokémon canins, ainsi qu'un léger vent faisant trembler les feuilles et les jambes du jeune garçon. Un silence brisé après un sourire d'Ilya qu'Oliver crut moqueur l'espace d'un instant. Il n'en était rien. Une tsarevna ? Encore un mot inconnu, mais le contexte était suffisant. C'était un genre de princesse, quelque part, non ? Un compliment, donc, aux yeux d'Oliver, qui sourit timidement et détourna le regard, un peu gêné. Si même Ilya trouvait qu'il faisait une bonne princesse...
Mais le ton de son ami se fit plus grave. Parler de royauté lui avait rappelé la pauvre Genya qu'ils avaient abandonné au repas. Oliver, lui, l'avait totalement oubliée. Mais évidemment, son jumeau ne pouvait pas la sortir de son esprit. Quelque chose qui le faisait incroyablement souffrir dernièrement, depuis qu'elle avait choisi d'oublier, oubliant son propre frère, s'oubliant elle-même. Le sourire d'Oliver retomba et sa gorge se noua. Sans un mot, il se contenta d'écouter les angoisses du tsarévitch. Il se sentait complètement impuissant face à son amnésie. Impuissant, et pourtant coupable, deux sentiments qui pouvaient paraître contradictoires mais qu'Oliver ne comprenait que trop bien, lui qui se sentait trop faible pour affronter le monde et se croyait toujours responsable de tous les malheurs du monde. Il aurait aimé avoir les mots, lui aussi, qui réchaufferaient le cœur d'Ilya, mais il n'avait jamais été quelqu'un de bavard, pour des raisons... évidentes. Il se contenta de se glisser près de lui, d'attraper son bras pour se tenir plus près et articula les seuls mots qui lui vinrent.
C'est p-pas ta f-f-faute...
Ca ne suffirait sûrement pas. Il sentit le besoin de justifier un peu, bien qu'hésitant.
M-moi aussi, j-je me sens souv-vent c-coup-coupable m-mais... on est... on est q-que d-des enfants...
Aux yeux de la loi, en tout cas. Ils approchaient la majorité, mais Oliver ne se sentait pas plus adulte qu'à seize ans. Ou l'année d'avant, et cætera. Comme un enfant, il ne savait pas quoi faire. Comment se faire aimer par son père ? Comment arrêter le harcèlement au lycée ? Comment arrêter d'aimer les garçons ? Il commençait juste à se demander s'il serait capable de faire quoi que ce soit.
Ollie ne trouve pas les mots pour le réconforter. Normal, il n'y en a pas. Cette culpabilité, cette impression de ne rien pouvoir faire pour empêcher l'inévitable, rien ne peut l'apaiser. Ilya ferme les yeux, l’étreinte de son cadet est tout de même la bienvenue.
Il se laisse reposer un peu sur lui, savoure la chaleur qui émane du corps de 'sa princesse'. Il soupire, mélange paradoxal de tristesse et de bien-être. Il se sent un peu apaisé.
Mais les mots d'Oliver viennent tout briser. on est q-que d-des enfants...
Ilya laisse s'échapper un hoquet de surprise et se dégage soudainement de l'emprise d'Ollie. Ce n'était pas un geste voulu, juste une réaction incontrôlée à ces paroles qu'il ne supporte pas. Il ne veut pas blesser son ami quand il le sait si prompt à interpréter de travers chacun de ses gestes. Ilya essaye de bredouiller des excuses.
Mais ce sont les larmes qui viennent avant tout. Je...Je suis plus un enfant. Depuis que Masha et Misha sont morts, je sais...Je sais plus ce que je suis... Avoue-t-il en baissant la tête.
Il ne sait pas pourquoi il parle de ses deux amis d'enfance. Deux amis qui lui manquent soudain terriblement. Si seulement ils avaient survécus, si seulement ils étaient avec eux à Keros. Mais non, il fallait que la guerre fasse son œuvre et que les enfants meurent en se faisant passer pour les enfants impériaux. Ça...ça fait quoi d'être un enfant ?
Ça fait tellement longtemps qu'il a oublié ce que 'enfance' voulait dire. Mais il a aussi vite comprit que les enfants 'normaux' ne sont pas censés faire ce qu'il a fait alors qu'il était encore un 'enfant'. Il se perds dans ses pensées, se demande comment s'appelait ce garçon roux qu'il a tué d'une balle en pleine poitrine et à qui il a prit son couteau de chasse.
Un couteau qui lui sert toujours, d'une bien triste façon. Mais ça, Oliver le sait.
Et d'ailleurs, ce dernier le regarde d'un air étrange. Mélange de détresse, d'incompréhension et de culpabilité. Sans réfléchir, le Stranaïte colle son front contre le sien et ferme ses yeux larmoyants. Un jour...Oui, un jour je te raconterais. Promesse.
Un jour mais pas tout de suite. Un jour, quand il aura tout foutu en l'air, il pourra se donner lui-même le coup de grâce. Mais pour l'instant, il apprécie encore un peu le mensonge où il s'est enfermé. Puis...C'est la soirée des mensonges, non ? Le Tsarévitch dansant avec sa belle petite bourgeoise. Oui, un beau mensonge.
Et en parlant de la petite Bourgeoise, elle frissonne, elle a froid. Ilya ne s'est pas rendu compte de ça, lui qui est habitué à des températures plus basses. Il essuie rapidement ses larmes et ramène rapidement son ami dans le petit salon qui donne sur le balcon. Il serre encore une fois son ami contre lui et murmure d'une voix encore lourde de tristesse, sur le ton d'un enfant qui réclamerait un bonbon à sa mère en faisant des yeux de Ponchiot. On...On peut encore danser un peu ? J'ai besoin... De penser à rien.
Le contraire l'aurait étonné, mais Oliver est tout de même déçu que ses mots ne parviennent pas à dérider son ami. Pire encore, il finit par se dégager violemment, comme s'il venait de se brûler contre la peau du jeune garçon. Inquiet, Oliver recula, déjà prêt à se confondre en excuses. Il ne savait pas ce qu'il avait fait de mal, ou du moins, ce qui aurait pu causer un telle réaction, mais l'intéressé s'explique vite. Cette fois, c'est lui qui a les larmes aux yeux.
En l'écoutant parler, Oliver baisse la tête. Il a gaffé. Gravement gaffé. Évidemment, comment était-il censé savoir qu'Ilya avait perdu des amis très jeune ? Comment aurait-il peu deviner que mentionner le simple sujet de l'enfance lui rappellerait ce souvenir ? Pas moyen, bien sûr, et pourtant, il regrettait tellement son geste. Il était trop tard pour se taire, malheureusement. Trop tard pour consoler Ilya. Ce dernier formula une question, tout juste bredouillée et que son ami eut du mal à comprendre. Ce que ça fait... d'être un enfant ? Il essaya de s'en souvenir. La moindre des choses aurait été de répondre, après tout. Mais son enfance à lui... n'avait pas été celle qu'on imaginerait d'un garçon de son âge. Pas de jeux avec les copains étant petit, pas de fête d'anniversaire ou de bêtises à l'école. Juste une grande solitude, parsemée de-ci de-là par des moments en famille se faisant de plus en plus rares et de plus en plus distants. Et quand vint le collège... Oliver pensait avoir perdu son enfance à ce moment-là. Du moins, il avait perdu la chance de vivre une enfance normale.
J-je... j-je sais pas... admit-il, défait et avec un ton aussi cassé que son camarade.
Il ne savait pas si Ilya l'avait entendu, mais une fois de plus, il tenta de le rassurer. Front contre front, un geste qui l'aurait furieusement fait rougir s'il n'avait pas été occupé à se noyer dans des sentiments désagréables, il lui fit une promesse. Celle de lui raconter. Lui raconter quoi, exactement ? Ses années à Strana ? Les fameux Misha et Masha ? Ces histoires ne semblaient pas belles, ni à dire, ni à entendre. Mais Oliver, lui aussi, fit une promesse en silence. Celle de l'écouter et de le croire, peu importe à quel point ça serait dur.
Encore un frisson... décidément, le vent de février ne lui faisait pas de faveurs. Évidemment, même dénué de cape, Ilya ne tremblait même pas. Il avait connu les forêts enneigées et la toundra, alors qu'est-ce qu'il pouvait se fiche d'une petite bise ? Lui aurait pu rester des heures ici, à contempler les quelques étoiles discernables à travers les nuages. Mais il remarqua bien les jambes grelottantes d'Oliver, qui claquait des dents malgré lui. Il s'en voulut un peu... il appréciait le lieu, la présence d'Ilya, mais son corps était trop faible. Il l'invita à retourner à l'intérieur, séchant au passage ses joues encore humides. Pauvre Ilya... Oliver aurait aimé pouvoir l'aider, mais tout ce qu'il faisait semblait empirer la situation.
Mais danser ? Ça, il pouvait le faire. Pas avec la plus grande grâce et la plus grande habileté, mais il pouvait bouger les pieds. C'est ce qu'il se disait, intérieurement, pour se convaincre qu'il rendait un service à un ami, comme si lui-même ne mourait pas d'envie de terminer une valse terminée trop tôt.
J-je... j-je p-peux f-f-faire ça... répondit-il d'une voix presque inaudible, camouflant un petit sourire.
Il était égoïste. Tristement égoïste. Mais à sa place, qui aurait refusé ? Non, cette danse ne guérirait pas tous les maux d'Ilya comme dans les contes de fées, mais l'essentiel, c'est de s'amuser, non ? Il répéta le même protocole : une main sur l'épaule - ou du moins, aussi qu'il le pouvait, l'autre sur l'avant-bras. Il ne frissonna pas moins que la première fois en sentant une main contre sa taille, mais au moins, il avait l'excuse du froid. C'était peut-être l'hiver aussi qui fait rendu ses joues toutes roses, tiens.
Il laissa Ilya mener, c'était lui, le tsarévitch, après tout. Cette fois-ci, il parvint à ne pas lui marcher dessus dès les premiers pas et se trouva... plutôt fier de lui, au point d'en sourire. Un sourire qui se changea vite en un rire bête en constatant le ridicule de la situation. D'ici, on n'entendait même plus la musique en bas. Ils dansaient dans le plus grand des silences, comme deux idiots. Des idiots heureux.
On d-doit av-avoir l'air c-comp-plètement b-bêtes, gloussa-t-il.
Bien sûr, ça ne l'empêcherait en rien de danser. Après tout, il n'y avait personne ici pour juger leurs pas ou pour décider si oui ou non, ils avaient l'air bêtes. Il n'y avait qu'eux pour se voir l'un l'autre, et Oliver aurait volontiers dansé toute la nuit.
Ilya fut grandement reconnaissant envers Ollie. Il ne s'en rendait peut-être pas compte mais cette valse était pour le Stranaïte bien plus qu'une simple danse. C'était...Comme un câlin en quelque sorte.
Enfin, ça marchait mieux qu'un câlin puisqu'il retrouva peu à peu le sourire au rythme de la faible musique que l'on entendait au loin depuis la salle de bal. Ça leur donnait au moins une sorte de cadence correct. Et Oliver...Olivia ? Qui se sentait toujours ridicule.
Ilya soupira, mi-blasé mi-amusé. Arrête de dire que t'es ridicule, tu l'es pas. Pour quelqu'un qui commence, c'est déjà super.
Il ne laissa pas à Ollie le loisir de répondre. Puisqu'il reprit d'une voix nostalgique, regrettant déjà la grande salle de bal et les yeux amusés et attendris pointés sur eux. On aura peut-être plus l'occasion de danser comme ça...
Tous avaient cru en la féminité d'Olivia, tous étaient tombés dans le piège de Liliann.
Il lui était tellement reconnaissant.
Mais cette année, il aurait dix-huit ans. Et les plans qu'il avait pour l'avenir – si l'on pouvait appeler ça des plans – n'étaient pas vraiment favorables à un nouvel événement de ce genre. Il eut un rictus triste mais se reprit immédiatement, les larmes et les plaintes pouvaient attendre. Il pouvait rattraper un peu la soirée d'Ollie, faire en sorte qu'il se souvienne de la danse et pas des crises de son ami pour une histoire de couronne ou de relation fraternelle bancale. Je pense pas refaire de soirée Legatienne comme ça... Souffla-t-il.
Oh, bien-sûr, il y aurait son 'couronnement' mais il ne s'y attarderait pas vraiment. Juste histoire de passer le flambeau à sa sœur et de se casser vite-fait. Il avait bien une autre annonce à faire avec son abdication mais il n'était pas encore sûr de trouver le courage de tout déballer. Enfin, il supposait qu'il verrait le moment venu. Merci, Oliver, c'était génial. Lui murmura-t-il avec un grand sourire, un sourire franc. Il n'avait pas besoin de se forcer pour ça. Il lui était reconnaissant, vraiment reconnaissant. C'est comme si on était des prince et princesse de conte de fée. C'est amusant mais...
Il ne continua pas sa phrase, sans doute par manque d'envie ou manque de courage. Mais il continua sa danse, gardant un rythme aisé pour Ollie. Milles choses lui traversaient l'esprit en ce moment et le pire, c'est qu'il ne pouvait même pas en dire un dixième à Ollie.
Et ce dixième de pensée d'Ilya ferait sans doute pleurer le pauvre garçon-fille. Il se contenta donc de dire d'une voix distraite :
Maman disait que les gens heureux ont toujours l'air bête.
C'est pour ça qu'elle trouvait que Genya et moi étions trop sérieux. Ne dit-il pas pour éviter de plomber encore une fois l'ambiance. Puis en vérité, il était heureux, comme il avait été heureux quand Grisha l'avait embrassé.
Son cœur battait la chamade et il voulait que cet instant dure éternellement. Mais toutes les bonnes choses avaient une fin.
Et comme dans le conte de Cendrillon, la grande horloge battit les douze coupes de minuit. Et toute l'illusion s'évapora.
Puis d'Olivia, juste un garçon maquillé en fille. Plus de Tsarévitch, juste un Stranaïte avec un costume de clown. La magie était partie, maintenant, il fallait se préparer et filer vite à la gare de Bronswick.
Oliver aurait sans doute des ennuis et cette pensée suffit à replonger Ilya dans sa morosité. Mais il garda son sourire. Pour faire semblant, pour rendre Ollie heureux malgré tout.
Toutes les bonnes choses ont une fin. Il en fut de même pour cette danse. Minuit sonna, mettant un terme à cette féérie. Oliver savait bien que cette valse ne serait pas éternelle. Qu'ils auraient éventuellement fini par fatiguer, que la soirée se terminerait... mais il ne put s'empêcher d'être déçu, laissa ses épaules tomber dans un grand soupir. Ilya avait raison : ils n'auraient sûrement plus jamais une occasion pareille, un fait qui lui déchirait le cœur. Au moins pouvait-il s'estimer heureux d'avoir pu réaliser ce rêve une fois dans sa vie.
Retourner aux quartiers de Lily fut une véritable course. Le dernier train pour Doon partirait dans un peu plus d'une demi-heure, il n'y avait pas de temps à perdre. Pourquoi le temps devait-il passer si vite quand on passait un bon moment ? Devant la porte, Oliver hésita. Une fois à l'intérieur, il changerait ses vêtements et sortirait en tant que lui-même et non plus Lady Olivia. Il voulait en profiter encore, ne serait-ce que quelques instants. Il aurait voulu en dire tant à Ilya, profitant de son déguisement, mais la limite entre réalité et jeu de rôle était peut-être trop fine.
Il lança un regard plaintif vers son ami, le suppliant presque silencieusement de le convaincre de rester, qu'on se moquait bien de ses parents qui se faisaient peut-être du souci et qui le disputeraient comme jamais à son retour. Qu'ils pourraient passer la nuit ensemble à parler jusqu'à ce que le jour se lève... il n'en dit rien. Pourtant, Oliver crut voir une étincelle de chagrin dans ses yeux. Lui non plus n'avait pas envie de mettre un terme à leur mascarade. Aucun n'osa le dire à voix haute. Peut-être étaient-ils tous les deux trop raisonnables.
Finn aurait probablement incité Oliver à rester toute la nuit... mais ce n'était pas de Finn qu'il était tombé amoureux.
Le cœur lourd, il finit par accepter son sort, lança un dernier regard au tsarévitch en tant qu'Olivia, avant de disparaître derrière la porte, juste à temps pour cacher quelques larmes de déception et de frustration. Il se débarrassa de la belle robe, défit le corset, remplaça ses bas blancs par un pantalon brun et ses belles chaussures roses par des souliers passe-partout. Un coup de démaquillant fit disparaître une bonne fois pour toutes les longs cils épais de la demoiselle et ses lèvres roses. Dans le miroir, il n'y avait plus que lui, Oliver, qui se sentait soudain bien seul. Mais il n'avait pas le temps de se morfondre, il avait un train à prendre.
Au moins, Ilya l'accompagnerait jusqu'à la gare, une promesse qui le fit doucement sourire. Bien sûr, il aurait préféré passer plus de temps ensemble... mais dix minutes étaient acceptables. Et passe une de ces dix minutes ne passa sans qu'il lui lance un regard timide en coin, profitant de ces derniers instants pour honorer son bel uniforme de ses mirettes. Peut-être l'avait-il remarqué, mais Oliver était bien trop dans sa petite bulle pour s'en rendre compte. Il fallut entendre siffler le train pour l'en sortir, malheureusement trop brusquement à son goût. Ils étaient arrivés juste à temps, la locomotive partirait dans quelques minutes. Juste le temps de se dire au revoir.
I-Ilya, j-je... trop d'idées en tête. Par laquelle commencer ? Il voulait le complimenter sur sa tenue, il voulait lui promettre de danser encore une fois, il voulait lui avouer ses sentiments honteux, il voulait... il voulait bien plus que ça, mais ça serait quelque chose qu'il n'oserait jamais formuler de vive voix. d-dis au revoir... à Lily et G-Genya, p-pour moi.
Il baissa la tête, déçu de ne pas avoir trouvé le courage de dire un fragment de ce qui lui était passé par le cœur. Il attendrait juste les au revoir de son ami avant de lui tourner le dos. Il s'attendait à quelques mots, un sourire, une rapide accolade, tout au plus. Certainement pas à sentir une main prendre la sienne, avant que deux lèvres ne s'y posent. Cette fois, pas de gant, juste sa peau qui trembla sous la chatouille. Est-ce que ça l'amusait, Ilya, de le faire rougir de la sorte ? Même sous les éclairages miteux de la gare, son teint pivoine était plutôt évident. Il grimaça pour retenir un sourire béat et se retourne plus vif que l'éclair pour partir se cacher dans le wagon. Il lui fallut... un bon moment pour se remettre de ses émotions, inspirant fort et expirant doucement. Une petite larme avait perlé dans le coin de son œil. De la joie ? De la tristesse ? Impossible de le dire. Il l'essuya avant de timidement passer la tête à travers l'encadrure de la porte une dernière fois.
Il ne voulait pas quitter son ami en le laissant croire qu'il l'avait vexé.
Hé, Ilya ? ... m-merci, p-pour auj-aujourd-d'hui.
Un autre coup de sifflet. Cette fois-ci, les portes allaient se fermer. Jusqu'à la fin, il fixa Ilya avec un sourire bête et dans les yeux un regard peut-être trop peu amical, mais il n'y fit pas attention. Trop vite, le train démarra, et la silhouette du Stranaïte se fit de plus en plus petite au loin, jusqu'à totalement disparaître. Oliver poussa un soupir, déçu et fatigué, mais son sourire ne disparut pas. Il savait déjà ce qu'il écrirait avant d'aller se coucher dans son journal, et ce malgré les remontrances qui l'attendaient à la maison.
"Aujourd'hui a été le plus beau jour de toute ma vie."
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'Dé de Fouille' :
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Sam 29 Oct - 19:48
Second Waltz.
@tag
notes
Il fixe le train qui part, muet. Il se sent soudain seul, terriblement seul.
La fête est terminée pour de bon, Olivia n'existe plus et Oliver est parti. Ilya est seul, seul avec la culpabilité et la détresse.
Il soupire, il ne reviendra pas à la salle de bal, il sait où il doit passer d'abords. La chambre de sa sœur est bien peuplée.
Les médecins sont là, on l'examine, on s'assure qu'elle va bien. Mais Ilya a l'habitude qu'elle fasse ce genre de malaise, alors il les chasse d'une voix pleine d'aigreur. Foutez le camps, vous ne pouvez pas guérir ce dont elle souffre.Grogne-t-il dans un Stranaïte glacial. Pas que les docteurs puissent comprendre, mais ils savent qu'ils ne sont pas les bienvenus.
Genya respire doucement, inconsciente, dans son lit. Hubert à ses cotés, observant les mouvements du cadet. Ilya libère Zaria, la Togekiss vient voler aux cotés du Corboss. Fontaine de Vie... Soupire-t-il avant de tirer un fauteuil au chevet du lit de Genya pour s'y affaler.
Comme ça, elle aura moins mal à la tête en se relevant le lendemain. Même si elle ne se souviendra pas de la moitié de ce qui est arrivé. Ilya contemple le visage détendu de sa sœur, elle paraît sereine dans son sommeil. Lui, il ne l'est pas. Il se demande où il a merdé pour en arriver là.
Pourquoi n'arrives-t-il pas à empêcher sa sœur de tout oublier ?
Il lui en veut... Non, c'est plutôt qu'il s'en veut de ne rien pouvoir faire. Il jette un regard désespéré à Hubert qui lui rends son regard, doux et compréhensif. C'est l'enfant de sa dresseuse, comment peut-il le haïr ? Tu va lui effacer la mémoire encore ? Demande Ilya d'une voix morne et épuisée. Après un long moment de silence, le Corboss hoche doucement la tête. Oui, elle oubliera. C'est bien, c'est mieux comme ça.
Ilya ne veut pas que Genya se rappelle d'à quel point il est un mauvais frère, un piètre aidant, une béquille de papier. Elle ne peut pas compter sur lui, elle le sait, elle l'abandonne en conséquence. Il le ressent dans tout son être.
Ilya a peur de ce que sera son monde sans Genya.
Alors il cache son visage entre ses mains et part doucement dans un sanglot silencieux. Hubert et Zaria volent à ses cotés, lui caresse les joues de leurs plumes, mais c'est inutiles.
Certaines larmes ne peuvent s'arrêter de couler.
Il est bien loin le souvenir d'Ilya et d'Olivia dansant ensemble au mariage de Charlotte Nightingale et de Bartholomew Braveheart. Il ne reste plus du Tsarévitch que le jeune homme en détresse voyant sa sœur sombrer peu à peu et l’entraîner avec elle.
Il a peur qu'un jour elle n'ai plus besoin de lui et l'abandonne. Il a peur qu'elle le déteste. Il a peur qu'elle le renie.