Mononoke [Event Halloween]

Si Emilico-san croit qu'elle est passée inaperçue en sortant du manoir, elle se fourre le doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Dés qu'Aurora l'a aperçue par la fenêtre, s'approchant...Non, s'engouffrant dans cet étrange brouillards, la petite poupée est descendue aussi vite que possible de sa chambre à dos de Pitrouille, Ruby à ses cotés. Et Lingtchi aussi, on ne sait jamais. Elle se trouve bien bête, la jeune albinos, cela fait une éternité qu'elle lutte contre l'étrange appel du brouillard et maintenant, elle doit s'y engouffrer pour retrouver la maman de ses petits frère et sœur. Cette dernière est vraiment une idiote, songe-t-elle une seconde à Okāsan ? Si il lui arrivait quelque chose, cette dernière serait dévastée !

Mais la poupée garde sa colère en elle-même. Elle peut comprendre aussi, le brouillard l'appelle. Le brouillard est envoûtant. Impossible de savoir les intentions de ces nimbes nuageuses. C'est comme si un millier de spectres voguait à l'intérieur. Aurora mentirait si elle disait ne pas être un peu intimidée. Lingtchi suffira-t-elle à combattre l'ennemi potentiel ? Elle ne sait pas trop. Elle hésite un instant, mais pas suffisamment pour sortir autrement qu'en robe de chambre. Ses pieds nus se posent sur le pavé de la terrasse du manoir, elle cherche Emilico-san des yeux, ne la trouve pas. Mince, si seulement elle se serait décidé plus tôt, elle pourrait la retrouver. Et avec cette brume étrange, impossible de percevoir les auras de quiconque.

Elle jette un coup d'oeil à Ruby qui n'a pas l'air plus enthousiaste qu'elle mais qui semble elle-aussi souffrir de l'appel des brumes. Quand à Lingtchi...Lingtchi attends qu'on lui demande de tailler les gens en pièce. C'est tout. Elle reste un long moment silencieuse, la petite poupée, immobile devant la brume. Emilico-san lui est totalement sortie de la tête. Quelque chose l'appelle et c'est de plus en plus irrésistible. Elle n'y tient plus.

Elle s'engouffre dans ce brouillard opaque, main dans la main avec son amie Brocélôme. Lingtchi les suit de loin, toujours curieuse. Elle semble dissipée, plus que d'habitude. Comme si il y avait trop de proies autour d'elle pour en choisir une en particulier. Mais cela fait bien longtemps qu'Aurora a arrêté de se soucier d'elle. Des sentiments étranges l'envahissent et elle serre de plus en plus la main de Ruby. Elle ne sait pas ce qui l'attends, pas le moins du monde.

Mais une part d'elle meurt d'envie de savoir de quoi il en retourne.  

EPSILON

Aurora a la tête qui tourne, l'envie de vomir et tous les sens en alerte. Elle ne sait plus qui est où est où est quoi. C'est un véritable bordel, ça tourne comme dans un manège et elle titube, zigzag dans ce drôle de brouillards pleins d'âmes de toutes sortes. On lui murmure des choses qu'elle n'écoute pas, elle cherche une silouette, celle d'Emilico-san. Elle en aperçoit une, féminine mais pas de trace de l'aura de la jeune femme... Avec tout ce monde ? Sans doute qu'elle est impossible à déceler. Pourtant c'est familier, tellement familier... Elle meurt d'envie d'y aller, elle accoure, mais quelque chose la stoppe.

Une main humaine. La main...Ce qui était censé être la main de Ruby. Une jolie petite fille un peu plus jeune et petite qu'elle, avec des améthystes et des cheveux rouges qui doivent lui valoir son nom la regarde avec insistance. Elle montre une direction dans la brume. Elle ramène Aurora à la réalité malgré le surréalisme de son apparence. C'est bien l'aura de Ruby. C'est juste...Elle d'avant. Elle suit son amie, se détourne de ces silhouettes qui étaient bien effrayantes finalement. Un petit cri dans la brume, c'est ce que suit Ruby. Elle rigole, elle se tourne vers Aurora, ses yeux humains son plein de joie.

C'est merveilleux, Lady est là-bas ! Je pensais que... Je ne pensais pas qu'elle pourrait revenir de 'là-bas'...

Aurora reste muette, encore sous le choc. Les voix ont cessés de la tourmenter, la présence de Ruby semble la protéger de tous ce foutu tintamarre. La voix humaine de Ruby est mélodieuse, enfantine. Et son apparence...Huit ans...Dix ans peut-être. Pauvre Ruby, elle est morte si jeune, Aurora sent son cœur se serrer. Elle se mets soudain à souhaiter que cette brume ne se dissipe jamais pour que la petite ait une nouvelle chance dans la vie. Mais les morts restent ce qu'ils sont : des cadavres et des spectres. Elle manque de bousculer Ruby quand celle-ci s'arrête pour se baisser et ramasser un petit pokémon au sol. Un Goupix. Elle le câline, le berce, il lui lape la joue. Ils semblent tellement heureux, tous les deux. Aurora esquisse un sourire.

Elle s'appelle Lady. C'était mon pokémon quand j'étais encore une petite fille. Tu peux la caresser si tu veux. Derrière les oreilles, elle adore ça.

Aurora s’exécute, le petit Goupix roucoule, il semble beaucoup apprécier le geste. Il a beau être un spectre, Aurora jurerait sentir la chaleur de son corps et de sa fourrure sous ses doigts. Jamais elle n'a vu d'esprits aussi tangible. La présence de Ruby et de Lady repousse les autres spectres, Aurora s'y attache donc comme à un radeau dans une tempête. Ruby finit par se coller contre Aurora et à la serrer contre elle tandis que Lady grimpe sur son épaule pour lécher la joue de la petite poupée. Elle est... Déstabilisée. Voilà que les larmes lui viennent aux yeux.

Ruby...Tu es tellement jolie... Murmure-t-elle dans sa langue natale. Une langue que Ruby a apprit à comprendre puisqu'elle glousse timidement.

Puis soudain, les voix du brouillard se font muettes, les auras qu'elle a senti auparavant viennent dans sa direction. À toute vitesse, comme des prédateurs se jetant sur leur proie. Pour la première fois depuis longtemps, Aurora tremble, quelque chose ne va pas avec ces auras. Elles ne sont pas bienveillantes mais elles sont familières. Horriblement familières. Ruby la serre un peu plus contre elle, ses sourcils se froncent, Lady grogne.

Ne t'inquiète pas, Aurora, je vais te protéger.

Où est Lingtchi quand on a besoin d'elle ? Ah, toujours à l'orée du brouillard a essayer d'attraper l'intangible. Quelle idiote. Aurora aurait dû emmener Perceval avec elle, il ne se serait pas laissé distraire aussi facilement.

EPSILON

Aurora tremble comme une feuille morte sous le vent d'automne. Entrer dans la brume n'était définitivement pas une bonne idée. Les autres spectres ne lui font pas peur et même l'homme dont elle a prit la vie ne s'approche pas d'elle, sans doute par crainte. Non, ce n'est pas cet esprit vengeur là qui ose briser le cercle protecteur de Ruby. C'est un spectre que la jeune albinos peine d'abords à reconnaître avant que ses traits se déforment sous l'effet de surprise.

Okāsan... Souffle-t-elle.

La jeune femme hoche la tête, un sourire désolé s'affiche sur son visage, elle caresse la joue de l'enfant mais contrairement au touché de Ruby et de Lady, sa main est glaciale. Quelque chose ne va pas dans son aura, mais la petite poupée peine tellement à percevoir celle-ci qu'elle ne sait pas exactement ce qui se trame dans l'esprit de ce spectre. Ruby tient bien fort la main de son amie, un regard noir posé sur cette étrange dame. Aurora se demande pourquoi mais elle fait confiance à son amie, si cette dernière se méfie, ce n'est pas sans raison.

Sayaka est une bombe à retardement.

Oh, ma douce petite Aiko. Comme tu as grandis, comme tu es belle.

Sa voix est comme un voile se balançant au gré du vent. Inconstante. Aurora ne sait pas si elle doit reculer ou rester sur place. En tout cas, elle ne bouge pas. La question qui fâche se pose bien vite, sortant des lèvres de la femme spectre suavement.

Oh, ma chérie. Dis-moi, ton père s’occupe bien de toi ? Est-il...Est-il triste pour moi ? Êtes-vous heureux ?

Aurora reste silencieuse. Elle a la gorge sèche, elle ne sait pas quoi répondre. Elle a peur des conséquences possibles si elle ouvrait la bouche. Et cet esprit n'est clairement pas normal, au fond, Aurora ressent une chose. Et cette chose est désagréable, elle repousse la main qui lui caresse 'tendrement' la joue et recule de quelques pas.

Vous...Okāsan, vous savez déjà, n'est-ce pas ?

L'esprit reste muet, silencieuse. Elle se recroqueville, son beau kimono devient sale et déchiré, usé par le temps. Sa peau prends une couleur pâle comme celle d'un cadavre et ses beaux cheveux d'encre finissent par cacher son visage de Geisha. Tout ce qu'Aurora peut voir du visage de sa mère biologique, c'est sa bouche, figé dans un rictus furieux. Elle montre les dents comme un Démolosse en furie.

Sale traître... Siffle-t-elle. Je t'aimais, Vassili, je t'adorais. Tu étais mon amour, mon seul espoir. Comment as-tu osé ?

Ses mains maintenant griffues comme les pattes d'un Mangriff viennent saisir brutalement les joues d'Aurora et elle rapproche son visage décharné de celui de la petite poupée. Elle tremble comme si c'était Sachiko-san qu'elle avait devant elle. Ce spectre a mariné dans la haine depuis bien trop longtemps. Elle a perdu la raison, son aura n'est que haine et froideur. Si jamais il y a eut une trace d'amour dans son regard, elle a rapidement disparut. Aurora entrevoit les yeux de sa mère à travers son rideau de cheveux couleur de geais. Ce sont des yeux vitreux, des yeux comme ceux d'un poisson mort. Elle frissonne, tente de se dégager mais n'y arrives pas. Le corps de Sayaka semble désarticulé comme celui d'une poupée cassée.

Elle n'a plus rien de beau, elle n'a plus rien d'élégant. On dirait... Le spectre d'une poupée abandonnée et détruite. Elle fait un peu penser à Lingtchi. Sauf qu'Aurora a du pouvoir sur Lingtchi, pas sur sa mère fantomatique. Ses griffes s'enfoncent dans les joues de l'albinos. Est-ce que...La douleur est-elle issue de son imagination ou est-elle bien réelle ? Aurora ne sait pas, elle n'arrives pas à penser rationnellement. Elle veut se sortir de cette emprise mais la Geisha déchue vient lui murmurer des mots glaçants à l'oreille.

Tue-le. Tue le traître en mon nom, ma fille. Je veux qu'il crève comme un Medhyèna !

Aurora balbutie des mots qui n'ont aucun sens. Elle ne connaît pas son père, elle ne connaît pas le nouveau nom qu'il s'est donné, elle ne sait rien de lui, absolument rien. Alors quoi ? Qu'est-ce qu'attends Sayaka ? Aurora est perdue, elle ne sait pas quoi dire. Ni quoi faire, alors elle recule à nouveau mais sa mère biologique ne lâche pas prise, elle semble même furieuse de constater qu'Aurora veut fuir.

Es-tu donc comme ton père ? Veux-tu aussi m'abandonner ?

Aurora jurerait que les griffes de sa mère s'enfoncent réellement dans ses joues pour y laisser des traces écarlates. Elle a l'impression de sentir le sang couler le long de son visage mais... Ce n'est qu'une impression pas vrai ? Inutile d'avoir peur de simples fantômes. Même si celui-là est particulièrement effrayant. Encore un pas en arrière, la femme rugit de rage et s'apprête à griffer sa fille mais Ruby s'interpose. Étonnement. La femme recule, surprise, confuse. Et Aurora et son amie spectre en profite pour courir se cacher dans la brume, plus loin, très loin. Le plus loin possible de cette femme rendue folle par la trahison du seul homme qu'elle ait jamais aimé.

Elle est loin pourtant, mais elle entends tout de même un murmure à son oreille.

Fuis donc, tu as ça dans le sang.

La poupée fait volte-face, affolée, mais rien, plus rien. Elle n'a plus que Ruby et Lady à ses cotés. Rassurée, elle enlace encore son amie et reprends son souffle. Jamais elle n'a tremblé comme elle tremble en ce moment même. Cet esprit était corrompu, pourri jusqu'à la moelle par la haine. Sayaka veut... Non, exige la mort de Vassili. Malgré l'accolade de Ruby, la petite poupée a la mauvaise impression qu'une part de la haine de sa mère s'est glissée dans son cœur. Car une rage contre son père biologique surgit lentement. Un lâche, un fuyard, un fourbe et un menteur. Elle aura sa peau.

Et elle purgera le monde entier des hommes comme lui.

EPSILON

La petite poupée reste tremblante, elle ne lâche pas la main de Ruby. De peur que...La 'chose' revienne. Pouvait-elle vraiment appeler 'ça' sa mère ? Ce n'est pourtant pas la première fois qu'elle fait face à des mauvais esprits mais elle reste troublée. C'est donc ce qu'est devenu sa génitrice dans l'au-delà, un esprit vengeur ? Un Mononoke, comme on les appellent à Kanto ? L'albinos, pensive et un peu peureuse aussi se laisse guider par la Brocélôme hors de la brume qui s'évanouit peu à peu. Le clair de lune vient baigner le jardin des Cornwall. Pas de trace d'Emilico-san et de toute façon, Aurora n'a plus le cœur à chercher la jeune femme.

Elle est cependant un peu surprise de voir un bel oiseau danser gracieusement comme les Geisha de Yukimenoko. La Geisha arrête sa danse, se tourne vers les spectatrices et s'incline, tout sourire. Aurora ne sait pas quoi faire, chasser l'oiseau ? Le remercier ? Ou juste... L'approcher ? Elle reste en plan pendant quelques secondes avant de finir par s'asseoir aux cotés de l'oiseau en compagnie de Ruby. Puis elle lui demande, elle lui demande d'une voix toujours un peu tremblante.

Pourquoi tu m'a montré tout ça ?

Le volatile semble comprendre le langage de Kanto puisqu'il réponds par la langue des spectres. Il...Enfin, elle lui a montré parce qu'elle le pouvait. Parce que c'est son pouvoir et qu'elle voulait faire de ce soir un soir spécial pour la jeune fille. Elle a invoqué les morts et a trouvé la petite Brocélôme si belle sous sa forme humaine. Mais elle s’excuse aussi, les invocations de l'au-delà ne sont pas sans risques. Elle a fait apparaître un esprit vengeur, elle ne le voulait pas. Elle voulait simplement que cette femme puisse voir sa fille, elle n'a pas vu sa corruption ni sa haine. Elle admets avoir été naïve. Aurora reste silencieuse quelques instants, elle tremble toujours mais elle se console en se disant que c'est à cause du froid. Elle n'est qu'en chemise de nuit après tout.

Merci... Finit-elle par dire, tout de même. J'avais besoin de voir ça.

Elle ne sait pas si elle parle de Ruby et de Lady ou de l'esprit détraqué de sa mère biologique. Cette dernière lui a donné une mission d'ailleurs, retrouver et tuer Vassili. Comme si c'était si facile... Aurora effleure ses joues, rien, pas de plaies ni de traces de griffures. Juste... Une peau lisse comme de la porcelaine. Elle se tourne à nouveau vers le Plumeline et lui adresse un petit sourire.

C'est ça ton art ? Faire revenir les morts ?

L'oiseau acquiesce fièrement, bombant le torse et lustrant son plumage sous le clair de lune. Il affirme qu'il peut le refaire si elle demande, mais que ce ne sera pas aussi...Et bien...Efficace. Ce n'est pas tous les jours que le monde des vivants et celui des morts se côtoient comme à Halloween ou Soraid. Elle pourra faire resurgir quelques ombres du passé tout au plus, mais pour un tel spectacle, il faudra attendre l'année prochaine. Aurora hoche la tête, elle commence à voir une utilité à ce talent.

Tu serais prête à utiliser ton art pour faire du mal aux gens ? Demande-t-elle de but en blanc.

L'oiseau semble surpris, puis se frotte le menton du bout de l'aile. Elle réfléchit, puis finit par dire un 'peu-être' pensif, du moment que c'est grandiose, du moment que c'est théatrale. Aurora devine alors que le spectacle du Mononoke ne lui a pas déplu et qu'elle aurait très bien pu la renvoyer dans l'au-delà si elle l'avait souhaité. Mais cet oiseau semble se repaître de la comédie comme de la tragédie humaine. La poupée peut sentir sa fascination. Elle approche doucement sa main du Plumeline pour lui caresser l'échine. Son plumage est tellement doux et tellement beau sous le clair de lune. Une vraie Geisha.

J'ai besoin de ton art alors. Tu accepterais de travailler avec moi ?

L'oiseau scrute l'aura de son interlocutrice, quelque chose l'intrigue. Comme une abysse insondable. Elle hoche la tête, intriguée. Elle se demande quel genre de tour cette petite va lui demander de pratiquer. Mais elle a hâte. Que ce soit terrible ou splendide, elle veut voir l'émotion humaine dans toute sa beauté, elle veut voir du grandiose. Et justement, du grandiose, Aurora semble bien prête à lui en offrir. Alors lorsque l'humaine appelle ses spectres, monte sur sa Pitrouille et retourne à la fenêtre de sa chambre, la Plumeline la rejoint à tir d'aile.

Elle s'est trouvé une drôle de mécène et elle a très hâte de voir de quoi il en retourne.

EPSILON