Trois petits chats

Cela faisait plusieurs jours que c'était ainsi, les nausées matinales, les migraines, la poitrine qui se gonfle et Dame Nature qui oublie de passer offrir son cadeau mensuel sanglant. Charlotte savait ce que cela voulait dire, et elle en était un peu étonnée à vrai dire. Une fois, une seule fois et ça avait suffit pour qu'elle se retrouve enceinte. Décidément, Bartholomew était un homme plein de surprises.

Au fil du temps, son ventre s'était arrondi et les orphelins regardaient ce petit miracle avec un air mi-émerveillé mi-inquiet. Charlotte les rassurait pourtant chaque jours, elle les aimeraient peu importe qu'elle ait ses propres enfants biologiques. Alors les plus petits venaient poser leurs mains sur le ventre rond de leur bienfaitrice et observait celui-ci avec curiosité.

Il y eut bien-sûr la fameuse radiographie qui fit pâlir la jeune future maman. Trois, ils étaient trois petits marmots cachés dans son ventre. L'infirmière avait beau plaisanter sur la situation, la jeune femme était crispée et Bartholomew vint vite la consoler, remarquant son état emplit de détresse. Il la prit dans ses bras en lui demandant calmement ce qui la mettait dans tout ses états, trouvant le fait d'avoir des triplets merveilleux.

Mais...Ce..Ce n'est pas toi qui va accoucher. Bredouilla la jeune femme, une main sur son ventre peuplé de trois petits Grimalin qui n'attendaient qu'à naître pour semer le chaos. À bien y calculer, les enfants naîtraient en octobre, le cauchemars de l'accouchement se passerait en octobre. Des amies de la jeune femme lui avaient raconté des choses terribles sur leurs propres accouchements, des blessures, de la dépression, une convalescence. Tout cela n'annonçait rien de bon. Mais elle tint bon, après tout, le stress était mauvais pour le...Enfin, les bébés.

L'échographie révéla qu'il s'agissait d'un garçon et de deux filles. Les futurs parents se mirent à réfléchir à des prénoms. Charlotte se mit d'accords avec Bartholomew pour que leurs enfants aient à la fois un prénom kerosien et un alolien. Le gallien tenait à ses racines et voulait transmettre cette part d'héritage à ses enfants. Charlotte n'y voyait aucun inconvénient mais insista tout de même pour que les prénoms utilisés lors de leur vie civile soient kerosiens, ça leur éviterait bien des problèmes. Déjà qu'elle s'imaginait les trois pauvres petits bougres avec la peau mâte de leur père, les voir souffrir du racisme aurait brisé son petit cœur de maman.

Fait amusant, le plat préféré de Charlotte devint le curry ultra-épicé de Bartholomew. Elle lui trouvait un goût très agréable, demandant parfois plus de baie Tamato dans le plat alors que même son mari commençait à étouffer sous le poids des épices brûlantes. Si certaines odeurs lui étaient devenus insupportables, le poil de Pêcha et son odeur de bon gros toutou lui faisait l'effet d'une brise de printemps. Elle insistait parfois pour que l'énorme chien dorme avec eux dans le lit conjugal. Bartholomew acceptait toujours, même si cela l'empêchait souvent de fermer l’œil de la nuit, coincé inconfortablement contre le toutou guimauve. Mais il ne pouvait rien refuser à sa femme. Enceinte qui plus est !

Ce qui fut le plus étrange dans toute cette affaire, c'est que même avec trois petits habitants sous le nombril, la jeune femme gardait ses traits fins, ses bras et ses jambes ne gonflaient pas et son teint pâle  lui donnait toujours l'air d'une poupée partiellement défigurée. Ce n'est qu'au début du mois de mai que le sujet des prénoms vint sur la table. Bartholomew avait choisit ceux d'Alola.

Lanakila, Kokohio et Ohana. Charlotte trouvait ces petits prénoms tout jolis, elle devrait faire un effort pour en trouver d'aussi beau de son coté. Proserpine, prénom de sa grand-mère maternelle et également d'une déesse des temps anciens, fut son premier choix, pour la petite fille qui naîtrait en premier. Pour la seconde, Arachnée, donc elle appréciait tant la légende. Pour le fils, en revanche, ce fût plus difficile. Il lui fallut plusieurs semaines pour trouver. Oswald lui paraissait convenable, c'était le nom d'un de ses lointains aïeuls (elle avait consulté son arbre généalogique pour trouver de beaux prénoms). Il lui semblait que c'était aussi le nom d'un chevalier. Mais elle en avait oublié le conte d'origine.

Proserpine, Arachnée et Oswald. Finalement, c'était tout aussi bizarre que les prénoms que Bartholomew avait trouvé. Mais Charlotte aimait l'originalité. Bien sûr, certains trouveraient ces prénoms laids, mais on ne pouvait pas plaire à tout le monde. Alors assise sur son fauteuil de velours bordeaux, à boire son infusion de plantes réputées bonne pour la santé des femmes enceintes, Charlotte caressait la truffe de Pêcha, assis à ses pieds.

Bien sûr, l'accouchement serait très difficile. Et les débuts parentaux plus encore. Mais elle ne pouvait s'empêcher d'attendre ce moment avec impatience. Alors, caressant son ventre, elle se mit à chantonner une petite berceuse. Peut-être que ses enfants l'écoutaient après tout. En tout cas, elle avait hâte de pouvoir faire leur connaissance et de les voir grandir. En attendant, elle s'essayait au tricot, tricotant le plus maladroitement du monde des petits pulls pour ses futurs petits bébés..