Tout seul avec ma bite et mon couteau. [ft. Camil]

C’est une mauvaise idée.

Il le sait, il n’est pas si stupide. Peut être un peu désespéré, peut un être un peu niais, mais pas stupide… Ou-.. Si, définitivement stupide.
La supérette est vide quand il y pénètre. Ulysse et Salbeth sont restés dehors, parce que les pokemons ne sont pas admis dans l’enceinte du magasin et Camil s’en veut un peu de les laisser dehors. Même si c’est nécessaire. Même s’ils le dérangeraient s’il les avait pris avec lui.

Le caissier n’est probablement pas le propriétaire des lieux. Généralement, il suffit qu’il rentre dans un endroit pour mettre en alerte les employés, mais celui là est distrait, écoute la radio l’air absent, rêve probablement de rentrer chez lui au plus tôt. C’est du moins ce que Camil imagine en fourrant discrètement quelques emplettes dans sa veste.
L’habit est large, assez épais pour que – s’il n’exagère pas trop – la différence entre avant et après ne se voit pas. Ce qu’il récupère ainsi est bien modeste : de la nourriture globalement, du genre un peu plus festif pour qu’ils puissent eux aussi fêter Breith… A leur façon…

Le cœur de Camil se serre au souvenir d’Ulysse, les étoiles pleins les yeux devant les décorations des fêtes de fin d’année, le ventre grondant devant les publicités de repas luxueux. Il ne peut lui offrir rien de tout cela… Il pourrait l’amener chez Charlotte, y passer même le réveillon – la dame est si gentille, elle ne lui refuserait probablement pas le couvert – mais-… Ils sont amis maintenant, et au nom de cette amitié, Camil n’a pas à cœur de ruiner sa soirée. Il a cru comprendre qu’elle recevait ce soir là, et peu importe la générosité de l’hôte, le vagabond n’est pas assez candide pour penser que les invités partageront les mêmes sentiments à son égard.
L’idée le fait grimacer, lui donne envie de s’enfuir alors qu’il n’y est même pas allé. Puis une certaine culpabilité le fait déglutir alors qu’il trouve dans les rayons les plus cachés quelques chocolats qu’il engouffre aussi tôt. Sera-t-elle déçue de ne pas le voir ? Inquiète, de le penser mort frigorifié dans les rues de Doon ?

Camil grimace, quelle arrogance de se penser si important.

Et c’est parce que perdu dans ses pensées, qu’il n’entend pas un autre client pénétrer les lieux. C’est un peu tard qu’il sent son regard dans son dos et qu’il repose l’article qu’il comptait subtiliser. Il déglutit. L’a-t-il vu ? L’homme ne le lâche pas des yeux, c’est trop tard pour reposer quoique ce soit ainsi surveillé. Alors Camil compte la jouer au culot, sort de sa poche les maigres économies qu’il a pu faire et récupère une bouteille d’eau, un paquet de mouchoir et des céréales pas cher pour passer au comptoir.
Son regard est bas, ses pas vifs. Si son cœur bat la chamade, il sait que son attitude n’est pas différente de d’habitude. Il sait aussi que, dans tous les cas, ‘d’habitude’ sonne tout de même suspect aux yeux des autres.

Merde.

L’homme n’a rien acheté mais le suit toujours. Il est-… Là pour lui. Camil est d’un naturel doux, mais son sang ne fait qu’un tour. Cet inconnu l’aurait ignoré dans n’importe quelle situation, l’aurait probablement enjambé s’il s’était retrouvé à pisser le sang devant lui… Alors pourquoi, de tous les soirs, c’était maintenant qu’il décidait de le regarder.
Le bougre blêmit, mais son teint déjà si pâle n’alerte qu’à peine le caissier qui lui offre – contre toute attente – un sourire fatigué. Au moins un… Il aimerait avoir le cœur à s’en réjouir, mais ce dernier est occupé à tambouriner sa poitrine, à lui hurler de prendre ses jambes à son cou maintenant.

Mais la monnaie est précieuse… L’illusion de n’avoir rien à se reprocher aussi.

Quand il s’approche enfin des portes pour sortir – qu’il entendrait presque le chant des anges – une voix lui glace le sang, le stop dans sa démarche. « Arrête-toi, petit voleur ! »
Bien sûr qu’il ne voulait pas s’arrêter, mais ses jambes pensent autrement. Le cœur au bord des lèvres, Camil déglutit, n’ose pas se retourner, s’invective à reprendre sa marche et s’enfuir. Mais quand il reprend enfin contrôle de son corps, c’est trop tard.

Une main est sur son épaule, sa poigne est forte, le fait grimacer. Le contact a beau le répugner, il a au moins ça de bon que pour un instant à peine, il est suffisant pour le réchauffer – de colère peut être, mais c’était déjà ça à prendre pour reprendre enfin ses esprits. « Déshabille-toi ! Je t’ai vu voler dans les rayons ! » L’homme parle avec la voix de ceux qui ont l’habitude de se faire obéir. Cependant, non seulement la requête est scandaleusement ridicule, mais en plus, Camil n’est pas prêt à s’y plier.

« Lâchez-moi, je n’ai rien volé ! » la conviction dans sa voix le surprendrait presque lui-même si ce n’était pas la première fois qu’il mentait sans vergogne. Son regard délavé entraperçoit celui furieux du justicier qui referme d’autant plus sa prise vicieuse sur son épaule.
Camil siffle de douleur et le regrette instantanément. Ce n’est pas le moment. Pas le moment de montrer la moindre faiblesse. Le canif dans poche est une solution à laquelle il préfèrerait ne pas avoir à recourir en présence de témoin. L’employé, derrière eux, les fixe d’ailleurs avec une certaine incrédulité. « Monsieur-… Laissez-le, il a payé ses achats… » Bel effort, s’il était croyant, Camil l’aurait probablement mentionné dans ses prières…
Malheureusement, c’est vain. L’homme peste, gronde même lorsque le vagabond se dégage de son étreinte d’un geste sec et le repousse des deux mains. Il lui attrape le bas de la veste pour l’empêcher de fuir, le tire à lui assez violemment pour le faire chuter.

Camil grogne. Il est dedans jusqu’au cou.

L’homme se jette sur lui, prêt à lui arracher ses maigres possessions pour prouver son point mais il se défend, tente de le repousser.
Le coup qui suit lui fait voir blanc pendant de trop longues secondes.

Lorsqu’il revient à lui, il entend des cris de colère, des feulements et des pépiements. Encore embrumé, son esprit ne songe qu’à une chose : Ulysse est en danger. Il se relève, peut être un peu trop vite, ne fait pas attention à l’employé qui retient la furie qu’est devenu l’inconnu, ni au sang sur le bras de ce dernier. Salbeth est entre lui et les autres, elle le défend de sa maigre taille, et Ulysse s’est déjà accroché à sa jambe.
Il n’y comprend plus trop rien, mais son instinct est là pour remplacer ses idées claires. D’une main il prend le poussin, de l’autre le chat et il fonce vers la sortie sous les vociférations rageuses de son agresseur.


Il a vomi. Une surprise pour personne, surtout pas pour lui.

La journée déjà morose et glaciale lui semble d’autant plus pourrie maintenant. Il sent Ulysse chouinant et tremblant dans son cou, Salbeth collée à sa jambe. Une partie de son butin s’est échappé de sa veste dans sa fuite – faisant probablement la satisfaction de l’homme qui l’avait accusé – mais il lui reste de quoi les nourrir. De trop même.
Lui n’a plus faim.

L’esprit encore embrumé, seule une certaine colère sourde le fait encore tenir debout. Breith n’ouvre pas plus les cœurs des gens que n’importe quel autre jour. Amer, il palpe sa joue. La douleur passe de sa mâchoire jusqu’à son front. Il déteste tout.
Alors, lorsqu’il rentre ‘chez lui’, dans sa cache pouilleuse mais tranquille, et qu’il entend une voix froidement l’interpeller comme si c’était lui l’intrus, Camil se crispe. Salbeth s’ébouriffe à ses côtés et feule son mécontentement, sentant la tension palpable chez son humain.

Mais le vagabond garde son calme, inspire longuement. Il n’est pas en état de se battre, pas en état de se disputer le territoire. Mieux vaut encore partir que faire face à un conflit qui pourrait escalader.
Et visiblement, l’inconnu a la même idée que lui.

Camil plisse des yeux. Cette voix ne lui est pas familière, cet accent non plus mais il dénote du fait qu’il a face à lui quelqu’un qui n’est pas originaire de Keros. Quelqu’un de pas plus vieux que lui, lui semble-t-il, mais il pourrait se tromper.
Le bougre se détend légèrement et ose faire quelques pas dans la pièce sans trop s’approcher. Autant pour lui que pour l’autre et leurs créatures respectives. C’est bien un pokemon qu’il a dans les bras, n’est ce pas ? Il pince des lèvres, inspire à nouveau, se refuse à s’asseoir. S’il se pose, il n’est pas certain de pouvoir se relever assez vite en cas de danger.

« Tu peux rester. » lui murmure-t-il pourtant en tant de le jauger. « Ce n’est pas chez moi ici, après tout. » Son ton est amer mais dénote d’un certain amusement ironique. Non, ce n’est pas chez lui, quoiqu’il puisse penser.

« Tu t’es perdu ? » Camil n’est pas assez stupide pour penser qu’il s’agit là d’un touriste étranger – il a la même allure que lui après tout – mais il préfère encore demander. S’il s’est simplement perdu, il ne reviendra plus le déranger et ce sera ça de pris. Et sinon… Sinon… Ce que cela sous-entendait n’avait rien de plaisant, ni pour l’un ni pour l’autre.

En écho au chouinement qui s'élève des bras de l'étranger, Ulysse piaille faiblement sur son épaule et se colle contre son cou. Le contact des plumes le chatouille et il est difficile de réprimer un rire, il serait malvenu de glousser dans une telle situation lui semble-t-il. Alors il garde son sérieux, observe les gestes de l'inconnu.
Quand ce dernier lui explique sa situation, Camil ne sait pas quoi répondre de plus qu'un sobre « Ah. » Son foyer doit être bien misérable pour qu'il ait été mis à la porte le soir de Breith, le vagabond aurait presque de l'empathie pour lui. Presque, s'il ne le jugeait pas encore comme un potentiel danger.

Alors il ne se détend pas, reste en alerte. La tension est palpable, le manque de confiance entre les deux hommes également, assez pour que l'étranger se mette en branle.

Il fait mine de se relever.
Lâche une plainte.
Et retrouve sa place initiale.

Alerté, Camil pose immédiatement les yeux sur la main de l'inconnu. Il ne lui faut pas longtemps pour remettre les pièces du puzzle ensemble et en déduire qu'il n'est pas dans un meilleur état que lui. C'est rassurant. Jusqu'à ce que ses yeux se posent sur un petit Lixy doré.

Camil n'est pas biologiste, mais il mettrait sa main à couper que le chaton est au moins aussi âgé qu'Ulysse, si ce n'est plus jeune. Les similitudes qu'il décèle entre eux deux ne cessent de retourner son estomac et de le mettre mal à l'aise. Ce-... Ce n'est pas une raison pour baisser sa garde, n'est ce pas ?
Et pourtant, lorsqu'il le voit récupérer son Lixy et le protéger de ses bras comme lui même le ferait avec le poussin, Camil soupire, baisse les yeux et pince ses lèvres. Breith ou pas, il n'est pas d'humeur à passer la soirée avec un inconnu qui semble prêt à lui sauter à la gorge au moindre faux pas. D'un autre côté, il n'est pas non plus à l'aise avec l'idée de simplement-... Les laisser là tous les deux. La rue ne pardonne pas, encore moins en hiver, encore moins pour les nouveaux venus.

Encore moins pour ceux qui avaient un bébé à charge.

Alors Camil esquisse un pas en arrière pour prouver sa bonne foi, lève ses mains en évidence pour prouver qu'il ne tenait aucune arme et intime d'une voix basse à Salbeth de se calmer. Même sans ébouriffer son poil, la Miaouss garde cet aura belliqueuse, mais au moins elle-même a-t-elle reculée derrière son humain.

« Je ne vous veux aucun mal, à aucun de vous deux. » déclare-t-il avant de redescendre les mains « Nous sommes dans la même situation, je suis pas là pour te causer d'ennuis. » diplomate – du moins est-ce son intention – il tente de convaincre l'inconnu de garder son calme.
Il recule alors encore de quelques pas, se colle contre le mur opposé et y glisse. Se retrouver assis est-... Une bénédiction. Un soupire soulagé lui échappe alors qu'Ulysse se laisse glisser jusqu'à ses genoux pour picorer sa veste et que Salbeth le regarde avec envie.

Si Camil n'est pas rassuré à l'idée de dévoiler qu'il a de la nourriture, ses pokemons ne sont pas de cet avis et le poussin parvint à lui dérober un paquet de graines dissimulé sous sa veste. Lorsque la Miaouss s'apprête à imiter le petit hibou, le bougre soupire à nouveau, l'arrête dans son geste et se résigne à piocher lui même dans leurs réserves. Il ouvre une boîte de poisson pour la chatte, lorgne sur l'inconnu et se décide.

Breith n'ouvre pas plus le cœur des gens que n'importe quel autre jour, mais Camil n'est pas voué à faire comme eux. Objectivement, ce n'est pas de la nourriture qu'il pourra conserver longtemps. Et il en a assez pour la partager ce soir.
Il pince les lèvres, jauge son vis-à-vis à l'autre bout de la pièce. « Tu as de quoi le nourrir ? » lui demande-t-il d'un ton qui se veut détaché en désignant le petit pokemon dans ses bras.

Oh, il regrette déjà sa question. Il l'imagine déjà lui sauter à la gorge pour le dépouiller avant de s'enfuir et d'abandonner son cadavre là. Mais-... Camil à l'avantage : une arme dissimulée – quoique rien ne lui assurait que l'autre n'en ait pas une également – une Miaouss prête à en découdre et-... Son potentiel adversaire était blessé.
C'était assez pour le rassurer, assez pour qu'il se tienne prêt à lui faire glisser une boîte de nourriture selon sa réponse.

Comme il s'en doutait la réponse est négative. Camil se tient prêt à lui faire glisser la boîte, mais la suite de sa phrase l'arrête dans son élan. Arquant un sourcil, le vagabond n'insiste pourtant pas. S'il ne veut pas se nourrir ou nourrir son compagnon, ce ne sont après tout pas ses affaires et il se contente de simplement hocher la tête comme s'il comprenait.

Il ne comprend pas, mais encore une fois, ça ne le regarde pas.

Contrairement aux dires de l'inconnu, il n'a pas vraiment faim. Avoir vomis un peu plus tôt lui a retourné les entrailles et il lui faudra quelques heures avant de songer à s'alimenter. Surtout que pour une fois, il sait qu'il a de quoi se sustenter et n'est donc pas dans l'urgence.
Ainsi, lorsque l'étranger souffle d'une voix fatiguée qu'il veut simplement rester, Camil opine du chef une nouvelle fois.

Cette fois-ci, il comprend. Et il n'a rien à redire.

La tension semble s'être peu à peu dissipée, il n'irait pas jusqu'à le prendre dans ses bras comme un frère longtemps disparu, mais il se sent plus à l'aise pour respirer. Salbeth ne fait même plus attention à lui et seul Ulysse jette aux nouveaux quelques regards qui sont plus curieux que craintifs.
Jusqu'à ce qu'il reprenne la parole, arrachant un sursaut au vagabond qui ne s'attendait clairement pas à ce qu'on lui fasse la conversation.

Pourtant, il tourne un regard délavé vers lui, l'écoute lui raconter ses mésaventures. On ne l'a pas mis à la porte, c'était même tout le contraire. Camil papillonne des yeux, confus l'espace d'un instant. Enfermé ? Comme lorsque l'on envoie un enfant dans sa chambre en le privant de repas ? Si c'était le cas, un soir de Breith, c'était vraiment vicieux... Mais encore une fois, Breith n'ouvre pas plus le cœur des gens que n'importe quel autre jour.
Camil pince les lèvres, ignorant si son désormais compagnon d'infortune attendait une réponse ou cherchait simplement à vider son sac. Devait-il le questionner plus en avant ? Avait-il vraiment l'envie d'entendre plus de tragédies ce soir ? Il n'en était pas certain, alors il garda un silence pensif jusqu'à ce que l'inconnu admette qu'il voulait bien de la nourriture. Pour son Lixy.

« Tiens. » d'un geste, il fait glisser la boîte de poisson vers lui – la même que celle que Salbeth avait déjà dévorée – rapidement suivie d'une petite brioche emballée. « Mange, je me suis trompé en prenant celle là et je n'aime pas ça. »
Mensonge. Il n'appréciait pas particulièrement le sucré, mais il s'était dit qu'une douceur un soir de Breith ne serait pas de refus. Mais ça, l'étranger n'avait pas à le savoir.

Puis son regard s'attarde un instant sur lui. Même assis, il apparait évident que l'individu est plus grand que lui. Camil en est certain, en revanche-... Il n'est plus si sûr d'avoir à faire à un autre adulte. Pour se faire enfermer et devoir s'enfuir, peut être s'agit-il là 'simplement' d'un ado en fugue.
Dans sa poitrine, son cœur se serre et le vagabond n'est pas certain d'apprécier de sentir cette empathie là. Il s'est déjà retrouvé dans cette situation là, à maintes reprises même. Et tout ceci l'avait conduit à ce qu'il était aujourd'hui. Un bien mauvais plan d'avenir donc.

Cette pensée le fait se tendre. Il pince des lèvres et inspire longuement avant de prendre une décision... Breith n'ouvre pas plus le cœur des gens que n'importe quel autre jour, mais le sien n'est pas obligé de rester fermé, enfin il croit.
« Ton poignet, ça va ? » lui souffle-t-il, une teinte d'inquiétude dans la voix. « Tu as besoin que je t'amène à l'hôpital ? Ou-.. » il hésite un instant, songe bien qu'il aura l'air incohérent lorsqu'il poursuivra sa phrase « Ou d'un endroit où dormir ? Un vrai endroit, pas une maison en ruines. » conclut-il dans un murmure.

Camil n'est personne pour juger. Personne pour faire la moral. Et encore moins personne pour dire comment prendre soin de soi-même. Pourtant, c'est une moue désapprobatrice qui accueille l'explication sur le poignet – cassé, du moins le croit-il – de l'étranger. Un soupire lui échappe ceci dit. Il n'a pas à lui dire quoi faire, lui non plus ne voudrait pas aller à l'hôpital dans de telles circonstances, mais tout de même-...
Puis il lui apprend qu'il restera minimum deux jours à la rue, et, cette fois-ci, c'est un rictus que Camil réprime. Au moins a-t-il un endroit – certes déplaisant : sa 'grand-tante' semble bien irresponsable de le laisser enfermé si longtemps – pour rentrer. C'est déjà ça de pris, probablement.

Du coin de l'oeil, il aperçoit le petit félin sauter sur les genoux de son humain et une ombre grise lui fait rapidement savoir qu'elle aimerait bien la même chose. Salbeth n'attend aucune invitation pour se lover contre son ventre et c'est à grand peine que le vagabond refrène une grimace en sentant les griffes de la chatte à travers son pantalon. Les ronrons qu'elle émet ne sont qu'une bien piètre consolation mais il n'a pas le cœur de la repousser. Surtout qu'Ulysse ne tarde pas à la rejoindre, émettant un hululement ravie de trouver un peu de chaleur.
Lorsque l'étranger lui demande alors s'il connaîtrait un endroit pour que son Lixy ne passe pas la nuit dehors parce qu'il y fait trop froid, Camil a un pincement au cœur. Il fait trop froid pour le petit Brindibou également, mais ce dernier y semble presque habitué maintenant. Une vague culpabilité l'enserre un instant avant que son esprit ne se focalise sur la situation actuelle.

Ses yeux délavés se posent sur son compagnon d'infortune, semblent le jauger un instant. « Je connais bien un endroit. » déclare-t-il. Il hésite cependant. A part Oliver, il n'a envoyé personne chez Charlotte. Parce qu'il n'a pas discuter avec grand monde, parce qu'il n'a jamais voulu lui envoyer qui que ce soit de dangereux. « Mais-... Je ne veux pas Lui causer d'ennuis alors-... Il faut me promettre de... De ne pas en causer. »
Maladroit dans ses paroles, Camil attrape pourtant la Miaouss pour se relever. Désireux de ne pas tout de suite la priver de sa chaleur corporel – pas qu'il en est beaucoup ceci dit – il la garde collée à lui le temps que l'inconnu le rejoigne, n'ose pas lui tendre la main pour l'aider à se relever.

« Ce n'est pas très loin, » explique-t-il distraitement « plus vite nous y arriverons, plus vite tu pourras mettre ton Lixy à l'abri. » et peut être pourra-t-il faire de même pour Ulysse et Salbeth.
Mais à peine l'idée lui traverse l'esprit qu'un nouveau sentiment de culpabilité l'envahit. Insidieuse, une petite voix dans sa tête lui souffle que s'il en est réduit à confier ses pokemons à quelqu'un d'autre, peut être ne devrait-il pas en avoir à ses côtés, qu'il est bien égoïste de vouloir les garder... Qu'il est également bien égoïste de les refiler à une tiers personne. Ironique. Camil fait de son mieux pour ignorer ces pensées, prêt à guider l'étranger vers le manoir Nightingale.

« Prêt ? » lui demande-t-il alors, une note d'appréhension dans la voix qu'il tente pourtant de dissimuler.
Il ne voulait pas rendre visite à Charlotte ce soir là, il ne voulait pas lui rappeler que même à Breith, il y a des gens comme lui dans la rue. Il ne souhaitait pas gâcher son plaisir, imposer sa présence blafarde lors d'une telle occasion.

Alors il songe, peut être pourra-t-il simplement laisser l'étranger sur le seuil de la porte, s'éclipser avant que personne ne le remarque et retourner à sa solitude.

L'idée, aussi bonne lui semble-t-elle, lui fend pourtant le cœur.

« Promesse. Pas d'ennuis. » réitère-t-il pour le rassurer.

Camil lui offre un sourire écorché mais reconnaissant. Ses doutes ne s'envolent pas pour autant mais sa résolution est plus ferme. Lui non plus ne veut pas créer d'ennuis, alors il tâchera de se faire discret après l'avoir amené chez Charlotte.

Alors ils sortent, entreprennent le périple jusqu'au Manoir Nightingale. Ce n'est pas très loin mais le froid humide de Keros le fait pester autant qu'il fait couiner Ulysse sur son épaule. Sans trop y réfléchir, Camil le fait glisser dans son épais manteau alors que Salbeth se tient courageusement à ses côtés. Peut être que son type acier lui permet de mieux résister aux aléas du froid. Peut être est-elle simplement plus habituée à ce genre de climat, elle aussi vient de la rue après tout.
Camil n'y pense pas trop. Il allonge le pas, autant pour se réchauffer que pour ne pas rester trop longtemps dans la poudreuse. Son regard oscille souvent entre la Miaouss et l'enfant qu'il guide. Il serait ballot de le perdre, mais l'étranger est bien derrière lui, peu perturbé par les temps peu cléments. Tant mieux, songe Camil, quelque chose en moins sur sa liste d'inquiétudes.

C'est Salbeth qui finit par l'arrêter dans sa marche : ils ne sont plus suivis. L'inconnu a quitté le chemin pour s'approcher d'une maison et Camil se fige.

Que fait-il ?

Une certaine panique l'enserre et son premier réflexe est de faire quelques pas dans la direction de son acolyte pour le rappeler à l'ordre. Ce n'est pas par là a-t-il envie de lui crier mais aucun son ne franchit la barrière de ses lèvres. Il est tard, il ne souhaite surtout pas attirer l'attention sur eux.
Alors, lorsqu'il voit l'adolescent frapper à la porte devant laquelle il s'est arrêté, Camil sent son sang se geler.

« Qu'est ce que tu fais? » lâche-t-il dans un murmure étranglé, parfaitement conscient qu'on ne l'entendrait pas.

Ce n'est que lorsque la porte s'ouvre sur un homme à la mine patibulaire et que son regard se pose sur quelque chose au sol que le vagabond comprend.

Oh..

Il y a là un petit Lixy aussi blanc que la neige autour de lui, pas étonnant qu'il ne l'a pas vu à cette distance. Puis la porte claque et ils sont à nouveau seuls. L'autre vagabond se baisse et la récupère. De là où il se trouve, Camil ne distingue pas grand chose et ne peut que se contenter de les attendre, se dandinant nerveusement d'un pied à l'autre.
Dire qu'il est inquiet serait un euphémisme, l'incident a mis tous ses sens en alerte et son mal de tête en est revenu au galop. Pourtant, quand l'inconnu revient, deux Lixy contre lui, il n'a pas le cœur de le réprimander.

« On verra bien.. » lui souffle-t-il pour répondre à sa question. Pour être sincère, il est convaincu que Charlotte ne refuserait pas, mais dans le doute, il préfère ne pas parler en son nom.

Ils reprennent alors leur périple. Cette fois-ci, Camil s'assure de garder plus souvent un œil sur le jeune homme derrière lui. Il ne peut décemment pas le blâmer de les avoir retardé pour sauver un Lixy immaculé de la poudreuse, mais il apprécierait ne pas rester plus longtemps dehors. Et il apprécierait surtout ne plus croiser personne d'autre.
Son cœur battant ne s'est toujours pas vraiment calmé depuis l'incident et parfois, lorsqu'il surveille que l'adolescent en fugue est toujours là, son regard se pose un peu plus loin derrière lui, juste pour s'assurer qu'ils ne sont pas suivis.

C'est stupide, qui s'amuserait à sortir par ce genre de temps simplement pour punir l'existence de deux sans-abri ? Mais Camil n'y mettrait pas sa main à couper non plus.
Ainsi, lorsqu'ils arrivent aux abords du Manoir Nightingale, il se sent respirer à nouveau. Ils sont enfin arrivés. Ce n'était pas très loin mais ses muscles tendus hurlent le contraire.

D'un vague geste, il désigne la porte à son acolyte et lui souffle qu'ils sont arrivés. Hésitant sur la marche à suivre, il reste un instant là, devant le pas de la porte. Si c'est lui qui a guidé l'adolescent en fugue jusqu'ici, c'est bien à lui de le présenter.. N'est ce pas ?
Il n'en est pas certain et une voix lui souffle qu'il devrait partir en courant tout de suite, qui à faire croire à l'étranger que tout ceci n'était qu'une mauvaise blague.

Au lieu de cela, il inspire longuement, se convainc qu'il trouvera bien une pirouette ou une excuse pour s'éclipser – espère avec culpabilité qu'on ne le croira pas – et fait quelques pas avant de toquer doucement à la porte.

Trois coups réguliers et un peu faiblards.