Fumer tue
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Je sais plus comment on est arrivé là, je sais plus exactement où on est. Y a des arbres, c'est bien les arbres. Ça fait de l'ombre et ça c'est bien, on fait les Stari sur le sol de la forêt, les bras et les jambes écartés. On regarde les feuilles des arbres bouger et la lumière qui tombe comme une cascade d'eau clair. C'est beau putain, j'aime bien être là, je pourrais rester ici toujours. Mais qu'est-ce que je faisais là avant déjà ? J'arrive pas à m'en rappeler. Ah, puis je suis pas tout seul non-plus, y a mon pote, mon frère, Chiel et sa crinière blonde comme le soleil qui nous tombe dessus. Lui aussi il rigole, j'ai oublié la raison. Il a sans doute sorti une blague. Ou pas. Il faut vraiment une raison pour rigoler ?
Je me redresse lentement et j'en prépare un autre. Faut bien rouler l'herbe pour faire un joli pétard pour m'envoyer vers les étoiles. Maintenant, je crois que je me souviens, mais c'est comme si c'était il y a dix ans. C'était...Putain c'est quoi son nom déjà ? Le rouquin du bar que j'ai oublié le nom. Il devait s'appeler Billy. Ouais c'est ça, Billy, mais moi je l'appelle Bill parce que c'est mieux. Ben ce con, il m'a refilé l'herbe magique, il m'a dis que j'apprécierais. Putain, ça fait tellement longtemps alors que c'était qu'avant-hier. Ou il y a une semaine. Ou alors dix ans. C'est bien dix ans, ça laisse du temps pour réfléchir.
J'allume le joint et je tire une latte. Ça sent plutôt bon cette merde. Je regarde la fumée qui s'envole, c'est joli. Ça pourrait faire un bon feu si je cramais la forêt, j'aime le feu. Mais ma Dame, elle aime pas le feu. Puis brûler des forêts, c'est pas bien qu'ils disent, les Ohaniens. Ils disent qu'il faut protéger la nature. Ils ont raison, la nature c'est comme notre maman. Et j'aime bien ma maman. Je brûlerais jamais ma maman, même si j'aime le feu. Par contre, un jour...Ouais, un jour, je brûlerais Glenn. Ces connards de raciste à la con. Cette idée me fais sentir tellement bien que j'ai envie de le dire à Chiel. Mais je sais plus où il est.
« Chiel, ma petite pute rose en sucre, t'es passé où ?! » Ah, je suis con, il est juste derrière moi. Il est couché par terre dans la même position que tout à l'heure. Ça fait combien de temps qu'on est comme ça ? ...Roh, j'sais plus. Je tends le joint à ma barbe-à-papa préférée. « Tiens, cadeau. Fais pas tomber par terre, ça peut prendre feu. Le feu c'est bien mais quand on est dedans ça fait mal. Tu t'es déjà brûlé ? Moi oui. C'est Muffin qui l'a fait, mais il faut pas lui en vouloir, il est gentil. D'ailleurs, t'aimes les muffins ? » Je m'arrêtes de parler un instant. Je voulais faire quoi déjà ? Ah oui, le joint, je lui donne.
Puis j'enlève une feuille morte qui est accrochée à chemise à moitié ouverte, je reste là pendant je sais pas combien de temps à la regarder. Elle est belle cette feuille, toute orange. Comme l'automne, si ça se trouve on est en automne. Je croyais qu'on était en été pourtant. Mais comme je sais pas depuis combien de temps on est ici, si ça se trouve, l'automne est déjà là. C'est joli comme saison, tout orange, tout beau. Comme un Goupix. C'est mignon un Goupix.
« Je veux un Goupix. » Que je marmonne en me levant. Je sais pas vraiment où commencer à chercher. Mais il m'en faut un. C'est décidé. « Tu penses que je si je gueule Goupix il va y en avoir un qui va venir ? J'aimerais bien. Je suis cap' de le faire, je te jure devant Arceus, je suis cap'... » Je regarde Chiel dans les yeux pour lui montrer que je suis cap', mais il porte des lunettes de soleil, et même si elles sont de traviole, je peux pas voir son regard. « Pourquoi tu portes tout le temps des lunettes de soleil ? Ça te donne un air complètement con. C'est parce que t'as des yeux moches ? Faut pas s’inquiéter, tout le monde à des yeux moches, mais y en a qui trouvent ça beau. Tiens, d'ailleurs, y a un mec une fois, il m'a dit que j'avais les yeux complètement symétriques. Je sais plus son nom. Je crois qu'il voulait me baiser. »
Je baille. J'ai oublié ce que je voulais faire. Attends, forêt, feuille, automne, Goupix. Oui, il me faut un Goupix. Alors je me lève en titubant et je me mets à gueuler le plus fort que je peux.
« GOUPIX, GOUPIX, GOUPIX ! » Puis je reprends mon souffle. Et je repart. « GOUPIX, GOUPIX ! »
Bon, il arrive ce putain de Goupix ? Ça va faire deux ans....Trente secondes...La même chose...que je crie comme une brêle.
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