Without music, life would be a mistake [ft.Kuroha Yozora]

Cela lui avait prit plusieurs semaines de réflexion mais il pensait être enfin prêt pour faire le grand saut. Rencontrer des gens comme lui allait être une sacrée expérience, Hibiki et son compagnon avaient prit la décision de le soutenir dans cette entreprise en acceptant de garder son élevage pour quelques jours. Le temps de son voyage pour Bronswick. Ce fameux bar « queer » était un endroit prometteur, il pourrait peut-être en apprendre plus sur lui-même autant que sur les autres. Une sorte de voyage initiatique, en quelque sorte. Stressé autant qu'enthousiaste, il avait fait ses préparatifs en un temps records et avait annoncé à son collègue éleveur un peu du jour au lendemain.

Hibiki s'était contenté de rire un bon coup et de lui souhaiter bon courage. De toute façon, Zoya et Finka seraient avec lui pour le défendre, tout se passerait bien, disait-il. Il avait raconté une anecdote du bar gay en rigolant, comme quoi deux bouffons homophobes et leurs Malosse s'étaient faits cassés la gueule par les habitués des lieux. Ce qui avait fait rire le Stranaïte autant que ça l'avait effrayé de constater que l'hostilité auprès des queers étaient aussi présente ici.

Tout irait bien, c'est ce que lui avait dit Hibiki avec sa grande tape dans le dos habituelle tandis qu'ils attendaient ensemble à la gare - il avait gentiment accepté de l'y accompagner. Quand il était montré dans le train, le brun lui avait fait de grands signes avec un sourire éclatant. Tout le temps du trajet, il avait eut la peur au ventre. Et par la Mère Patrie, que ce trajet avait été long ! Tellement épuisé en arrivant à destination, il s'était contenté d'aller droit à l'hôtel pour piquer une grande sieste. Il s'était réveillé au couché du soleil, bon timing pour se rendre au Draining Kiss.

L'avantage indéniable de Bronswick : les transports en commun jusqu'à tard dans la nuit. Selon les indications données par Hibiki, Kaz avaient mis une heure et demi pour trouver l'endroit – il fallait éviter les quartiers chauds, ce qui rallongeait le trajet. Incertain devant cette porte des plus sobres, il avait frappé quelques coups avant d'entrer et de se retrouver dans un endroit totalement... Exotique. Des danses sensuels, des tenues colorées, une ambiance des plus festives et un chanteur à la voix clair. Un chanteur ou une chanteuse ? Il avait une tenue masculine – enfin, plus ou moins – mais de longs cheveux et un visage d'une finesse très féminine.

En tout cas, il avait une jolie voix androgyne. C'est timidement que Kaz se dirigea vers le bar pour commander quelques shots de vodka le temps que l'étrange personne finisse sa chanson. Il comptait venir le féliciter après son spectacle, comme il se le permettait à l'époque où il était « la championne Alina », honorant de sa présence les personnes à qui elle venait offrir ses compliments. Une fois le temps venu, il régla son addition et se dirigea rapidement vers l'artiste avant... De perdre toute son assurance et de rester comme un idiot au milieu du bar.

Le chanteur dirigea pourtant son attention vers lui et se dirigea vers lui avec toute l'assurance dont l'ancien champion d'arène manquait. Alors qu'il s'approchait à moins de deux mètres et s'apprêtait à ouvrir la bouche pour parler, Kaz recula brusquement de deux pas et bredouilla quelques paroles dans sa langue natale. Il prit une grande inspiration et se redressa droit comme un I.

Je...Je trouve que vous chanter beaucoup bien ! Bredouilla-t-il en baissant la tête. D-désolé, j'être ici première fois. Timide. Pardon...

agora

Alina aurait levé la tête, Alina aurait acclamé, Alina aurait féliciter le chanteur de tout son cœur, mais Kaz, lui, il se tait et regarde le sol et serrant ses mains l'une dans l'autre, nerveux. Quand on a vécu tant de mois avec la paranoïa, on finit par en perdre ses facultés sociales. Ça et le fait qu'il se déteste pour moulte raisons diverses, à commencer par ce corps imparfait qu'il doit se taper tous les jours.

Il esquisse un sourire maladroit quand l'artiste le remercie chaleureusement de son compliment qu'il juge pourtant minable par rapport à ce que Alina aurait pu faire. Mais il reste tout de même, l'aura du chanteur est amicale, celle de son Voltoutou aussi. Le Malvalame en revanche, il paraît un peu farouche et méfiant. Son aura est celle d'un protecteur mais aussi d'un guerrier, il a souffert par le passé mais maintenant il est bien traité, c'est ce que dicte son aura. Kaz se détends légèrement, une personne qui traite bien les pokémons ne peut pas être une mauvaise personne, non ?

Il hoche la tête au mot « nouveau », oui, c'est bien ce qu'il est en effet. Par la suite il rougit légèrement lorsqu'on lui indique qu'il ne va pas « se faire manger ». Il connait l'expression, plus ou moins. Mais il ne peut s'empêcher de penser à un sous-entendu un peu plus... Sensuel. Il secoue la tête pour chasser cette image de son esprit et suit le chanteur, timidement, en regardant ses pieds comme un idiot. Ils prennent place tandis que l'artiste se présente.

« Kuroha ». Et bien, ça sonne orientale. Kaz se demande d'où vient Kuro et depuis quand il est ici pour parler aussi bien kerosien, mieux que lui en tout cas. Et il est pourtant ici depuis un an... Enfin il faut dire qu'il ne parle pas à grand monde à part aux quelques clients de son élevage. Enfin, Kaz ne peut pas nier être un peu jaloux de sa maitrise linguistique. Mais après un petit silence, il réalise que c'est à son tour de présenter et dans la panique, il se présente bien entendu avec le mauvais prénom.

Ah, je... Alin-... Il se stoppe immédiatement en pinçant les lèvres. … Non, Kaz, je suis Kaz. Alina, être avant, plus maintenant. Je suis la pour rencontrer gens comme moi. Je venir de Glenn. Et... Pas très heureux là-bas.

Après un autre silence, il commande rapidement d'autres shots de vodka, se demandant si il ne pourrait pas commander la bouteille entière mais estimant que ce ne serait pas très correct, maintenant qu'il est en pleine conversation. Il hésite un peu avant de demander d'une voix de plus en plus timide :

Hum... V-...Toi être comme moi ? Je... J'avoir un peu peur. Là où j'être né, gens dire je suis monstre.  Faire choses horribles à gens comme moi. Devoir fuir et arriver ici mais... Ici pareils et... Il s’interrompt, avec la franche impression qu'il déblatère sa vie à quelqu'un qui veut juste se rafraichir la gorge. ...P-pardon, pas vouloir déranger.

Il joue avec ses pousses et finit par murmurer de la voix la plus timide qu'il puisse produire un petit :

Toi jolie aura... J'aime bien.

agora

Kuroha choisit de le regarder droit dans les yeux, ce qui fait bredouiller Kaz qui détourne rapidement le regard vers ses shots de vodka. Il en vide un cul-sec pour que la brulure de l'alcool lui fasse oublier son embarras. C'est étrange, en y pensant, ici avec des gens comme lui, il devrait se sentir plus à l'aise, loin du jugement. Semblerait-il qu'il soit plus habitué et plus à l'aise avec le jugement négatif sur sa personne, parce que quelque part, il pense le mériter.

Pas entièrement convaincu de ne pas être un monstre, d'une façon ou d'une autre.

Quand au compliment sur le choix de son prénom, il essaye de sourire mais n'y arrive pas vraiment, c'est une grimace qui s'affiche sur son visage. Pour être franc, Kaz a plusieurs significations. Il l'a choisit pour deux d'entre elles, la première c'est qu'en Stranaïte occidental, ça veut dire « imparfait », mais il préfère plutôt évoquer la seconde raison.

Ah, hum... Kaz être prénom de mineur célèbre à Strana. Kaz Stakhanov, lui faire travail de cents hommes seul avec pokémons en cinq heures. Quand être petit, je vouloir être comme lui mais... Je pense que ça mensonge de Strana maintenant. Comme...

Il s'arrête et vide son autre shot. Kaz Stakhanov a en commun avec Alina Pavlichenko d'être une vaste blague, un mensonge de la propagande Strana. Heureusement, il n'a pas vraiment le temps de s'apitoyer dans ce constat, Kuro s'étonne déjà de sa capacité, ce qui fait rougir le blond. Il dépose doucement son verre à shot sur le comptoir. C'est cette fois un sourire timide franc qui s'affiche sur son visage.

Je pas voir. Je sentir comme air chaud ou froid. Et sentiments aussi. Je sais... Que ça être bizarre. Mais vrai. Il se tourne vers la Malvalame et la salue d'un mouvement de tête. Petit Citrine être très beau chanteur, El... Elcy... Elle souffrir dans passé, comme moi alors... Je comprendre elle.

Il tends doucement la main, emplit d'une aura calme, vers Elucidator. La Malvalame hésite un instant avant de tendre l'une de ses lames, comme un tope-là à distance. La chaleur que ressent Kaz au creux de sa paume le fait sourire, ce n'est pas seulement la chaleur des lames d'Elucidator, c'est également son aura. Elle a décidé de lui accorder sa confiance, il en est honoré.

Merci, Elcy... Il essaye de prononcer son prénom mais n'y arrive pas, alors il pense que « Elcy » suffira, la Malvalame n'en semble pas outrée en tout cas. … Toi être courageux chevalier, Kuroha être sécurité avec toi.

Sans vraiment le vouloir, son esprit cherche de quoi Kuro qui semble si entrain et si confiant pourrait vouloir se protéger. Son aura effleure quelque chose de sombre, de trop sombre, il déglutit avec difficulté et baisse la main, tremblant soudain un peu. Il ne sait pas ce qu'il a vu mais cela le met mal à l'aise. Cela le fait détester son corps, d'avantage, comme si c'était possible.

Il ne dit rien, même si Elucidator semble surprise et que Citrine se met à pousser un petit geignement inquiet. Il se contente de vider son troisième shot de vodka et de faire signe au serveur de venir le « recharger en munitions ».

Pardon... Dit-il sobrement avant de se réfugier à nouveau dans l'alcool.


agora

Kaz déglutit avec difficulté tandis que l'alcool lui brule la gorge et que Kuroha lui pose la question qui fâche. Il n'ose même pas le regarder tellement il a honte d'avoir bafoué les secrets de son interlocuteur. Ils se connaissent à peine et le Stranaïte sait que quelque chose de sombre, très sombre est arrivé dans la vie du brun.

Doit-il le dire ?

Il n'a jamais parlé à Megara des horreurs qu'il a pu lire dans son aura. Ni du fait qu'il a consulté Milyy pour savoir ce qui se tramait dans la tête de la jeune femme. Il n'est qu'un voyeur, une sorte de pervers qui ressent le besoin de savoir ce qu'il se passe dans la vie des gens à qui il parle. C'est ce qu'il se dit, sans prendre en compte le fait qu'il s'inquiète vraiment pour Megara et n'a pas vraiment fait exprès pour Kuro.

Après avoir gardé silence un long moment, il lance un regard plein de détresse à Elucidator qui penche la tête sur le coté pour montrer son incompréhension. Citrine monte même sur le comptoir pour lui lécher la main. Il bredouille quelque chose en Stranaïte, une série d'excuses entremêlées avant de sentir la chaleur des larmes glisser sur ses joues. Il se couvre immédiatement les yeux.

Désolé...Je... Fatigue... Mauvais souvenir... Alcool qui fait pleurer... Enchaine-t-il précipitement sans vraiment de cohérence.

Il n'est pas spécialement fatigué, non. Ce ne sont pas SES souvenirs qui le font pleurer et il tient très bien l'alcool. C'est juste que, plus que d'habitude, quelque chose ne va pas dans son corps. C'est comme si il sentait des mains lui parcourir le corps, des mains répugnantes. Il a mal à la tête, se sent nauséeux. Comme la première fois qu'il a lu dans l'aura de Meg. Mais là, l'alcool empire tout. Il s'accoude au bar et se laisse aller à sangloter comme un abruti. Sa respiration s'accélère et vire à l'hyperventilation assez rapidement.

Il ne sait plus quoi dire ni quoi faire, il ne sait même plus ce qu'il se passe autour de lui. Ces mains parcours son corps, un corps qu'il déteste déjà. Il a envie de saisir le propriétaire de celle-ci et de l'étrangler de toutes ses forces mais il sait pertinemment que ce dernier n'est qu'un souvenir, un souvenir qui n'est pas le sien qui plus est.

Il a la tête qui tourne, il entends des éclats de voix autour de lui. Tout est flou, il tombe dans tandis que ses saloperies de mains l'enlacent. Puis c'est le choc contre le sol et son esprit lui accorde enfin le bonheur de l'inconscience.

agora

Les limbes des rêves de Kaz sont suffocantes, les mains n'ont pas disparues, elles parcourent son corps d'une façon répugnante. Kaz a abandonné la lutte, il attends juste que ça se termine, que le jour se lève et que les mains se lassent de lui. Il ne bouge pas, son regard est vide et son cœur l'est tout autant. C'est comme une petite mort.

Puis soudain, il sent une nouvelle paire de mains l'enlacer, mais c'est différent... Comme pour le tirer hors des ténèbres et de l'emprise putride. Kaz se laisse mollement faire, cette énergie externe ne lui redonne ni le sourire ni la joie de vivre. Il aimerait presque rester dans l'ombre, presque...

Il sait ce qui l'attends quand il ouvrira les yeux. Il va devoir s'expliquer. Il n'en a pas envie mais au stade où il en est, il va bien devoir le faire. Ce n'est pas la première crise qu'il fait dans ce genre, il se rappelle encore des nuits de souffrance qui ont suivies la dénonciation de son père. Il avait l'impression de souffrir à sa place.

À l'époque, il trouvait ça injuste. C'était son père, le traitre, pas lui ! Maintenant, il réalise que c'est bien mérité. Et que le traitre, au fond, ça a toujours été lui.

Il se laisse trainer vers la surface, vers l'éveil, remplit de pensées amères. Puis c'est des yeux fatigués qu'il ouvre sur le monde. Kuroha le tient dans ses bras, l'air plus qu'inquiet, tous les regards sont braqués sur eux et l'aura d'Elucidator est d'une écrasante hostilité. Il la calme d'un « mouvement » de sa propre aura. Tout va bien, qu'il lui dit. Tout va bien, oui, plus ou moins. Après un moment de silence, il réalise qu'il doit parler.

Ça aller. Dit-il simplement en se redressant doucement. Pas grave, pas grave...

Il s'installe à nouveau à sa place, relevant sa chaise renversée au passage. Kuro l'imite d'un geste hésitant, toujours mort d'inquiétude, ça se sent à son aura. Mais ressentir l'aura de Kuroha est la dernière chose que Kaz a envie maintenant. Alors il essaye de s'isoler, de construire une barrière entre lui et les auras externes. Citrine est toujours inquiet aussi, Elucidator n'agit pas main fixe toujours le blond avec insistance. Et Kuro...

… Kuro semble attendre une explication.

Kaz soupire puis prends péniblement la parole.

Je suis désolé vraiment. Mais... Sentir... Il déglutit avec difficulté. ...Sentir chose mauvaise dans ton aura et... Il secoue la tête, réalisant que ce qu'il dit pourrait être interprété de travers. ...Chose mauvaise pas toi mais souvenir à toi, très très mauvais. Pas faire exprès, pas vouloir voir ça. Désolé...

Il fuit le regard de son interlocuteur, les larmes menacent de couler à nouveau mais ce sont cette fois des larmes de honte et d'épuisement. Depuis quand est-il devenu un tel bébé pour pleurer toutes les cinq minutes ? Alina avait un minimum de retenue, au moins.

Il se recroqueville sur lui-même en soupirant avant de sursauter quand le barman lui pose un verre d'eau sous le nez.

Bois doucement, gamin, t'as vraiment pas l'air dans ton assiette.

Kaz hoche la tête d'un air fatigué.

Merci mais... Pas mériter gentillesse.

Le barman fronce les sourcils, regardant Kaz puis Kuro puis à nouveau Kaz avant de soupirer en se pinçant l'arrête du nez.

Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, petit, mais tu devrais vraiment rentrer chez toi, tu as l'air malade. Tu devrais vraiment te reposer.

Le blond hoche de nouveau la tête, réglant son addition et vidant le verre d'eau d'une traite. Le barman le regarde une dernière fois d'un air franchement inquiet – une aura inquiéte de plus, ça devient agaçant – et puis il s'éloigne finalement servir d'autres clients.

Je suis personne horrible. Souffle Kaz. Voler souvenir grave à toi. Je partir, mieux comme ça.

agora

TW : Automutilation.

Kaz se lève mollement de sa chaise, décidé à partir sans grande conviction. Pour être honnête, il a encore la tête qui tourne et le corps emplit de sensations déguelasses. Pas de doute qu'il va encore se taper une crise et se faire du mal à l'hôtel, bonne chance pour expliquer les tâches de sang dans la salle de bain à la femme de ménage.

Enfin, pour l'instant, il devrait penser à rentrer au lieu de prévoire de se scarifier. Il manque clairement de sens des priorités.

Je... Hum, plus souvenir comment arriver ici. Avoue-t-il honteux après une longue période de silence. Puis il s'empresse d'ajouter. Ça pas grave, trouver moyen tout seul, grand garçon.

Il dit ça mais il ne s'est jamais senti aussi petit et vulnérable. Même quand ce salopard d'Howard l'a trainé comme une merde pour scander des horreurs à son propos, il avait sans doute plus de prestance. Il doit faire peine à voir, vraiment, tout pâle et tremblant jusqu'au bout des doigts. Il tient encore quelques minutes avant qu'une violente nausée ne s’empare de lui et qu'il soit obligé de se précipiter aux toilettes pour rendre ses tripes.

Le verre d'eau n'aura pas fait l'effet escompté finalement. C'est de l'alcool et de la bile acide qui lui sort de la bouche, il n'a rien mangé depuis un bon bout de temps et la faiblesse commence à se faire sentir. Pourtant, ça ne l'empêche pas de regarder tout autour de lui pour chercher quelque chose de bien particulier.

Quelque chose qu'il trouve, un vieil éclat de verre sans doute oublié par l'agent d’entretien, issu d'une bouteille de bière sans doute éclatée dans les toilettes pour une raison quelconque. Il se passe tellement de choses louches dans les bars que Kaz ne se pose pas plus de questions que ça. Puis il a autre chose pour s'occuper l'esprit.

Les zébrures sur ses bras son douloureuses, il enlève rapidement sa veste pour s'en faire sur le reste du corps, en particulier sur ces formes et ces courbes qu'il déteste tant. Il ne sait pas combien de temps il passe à faire ça, il veut juste que la douleur lui fasse oublier les mains répugnantes. Plus que jamais, il hait son corps.

Il ne pensait pas se trouver si misérable, torse nu dans les toilettes, les bandages de sa poitrine défaits pour laisser loisir au verre de taillader, à moitié nu comme un exhibitionniste un peu timbré à laisser couleur le sang par terre en se regardant pleurer dans le miroir, lamentable, vraiment. Et dire que Hibiki était si content pour lui, il se sent stupide de tout gâcher. Un long moment de dissociation s'ensuit avant qu'un bruit de porte le fasse sursauter.

Il cache instinctivement sa poitrine.

Mais ce n'est « que » Kuroha.

Qu'est-ce qu'il peut bien lui dire ?

Pardon... Souffle-t-il.

Puis il replonge dans son mutisme, se contentant de se rhabiller sobrement, resserrant les bandages autour de sa poitrine mutilée et couvrant ses bras striées sous ses manches épaisses. Il a mal partout mais il a l'habitude. Ce n'est pas si grave que ça.
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Kaz reste un long moment silencieux, devant le miroir. Il se sent laid, misérable et de trop, une fois de plus. Si il n'existait pas, tout irait mieux, c'est ce qu'il se dit en ce moment même. Le regard perdu sur son propre reflet, il met un instant à comprendre que Kuroha lui parle, lui tends la main. Il se tourne enfin vers lui avec un petit sourire triste et les yeux humides, menaçant de déborder de larmes.

Avec beaucoup d'hésitation, il finit par saisir doucement la main qu'on lui tends. Tout son bras lui fait mal au passage mais ce n'est pas grave. Ça lui arrache un petit rictus de douleur mais rien de plus. Tout va bien, oui, tout va bien, c'est ce qu'il se répète à chaque fois que tout va mal.

Merci, c'est gentil. Pas sûr de mériter mais pas le choix. Pas savoir où je être.

Ils sortent des toilettes à pas de Lougaroc, un mec ivre passe à coté de Kaz et le bouscule, réveillant la douleur sur son épaule balafrée. Encore une grimace mais pas un cri, juste un regard noir porté à l'ivrogne avant que la culpabilité ne le rattrape. Dans son esprit, c'est d'avantage lui qui était dans le chemin du pochtron que l'inverse, quoi de plus normal que de se faire bousculer ? Puis ce n'est pas sa faute si il est bourré, ce type, on est dans un bar après tout et on contrôle moins bien ses mouvements ivre.

Alors forcement, il s'excuse.

Désolé, Monsieur... Souffle-t-il alors qu'ils le perdent de vue.

Certains les regardent encore avec curiosité et inquiétude, un peu de jugement aussi. Kaz peut le ressentir dans leur aura mais l’inquiétude reste le sentiment dominant dans toute cette masse qui commence à lui faire mal à la tête. Finalement, Glenn et ces péquenauds, c'est pas si mal, moins de monde et de saturation. Mais il ne lâche pas la main de Kuro, comme si sa vie en dépendait, même si il est envahit par l'aura de son camarade complètement chamboulée.

C'est comme une bouée de sauvetage en pleine tempête, il s'y accroche autant qu'il peut.

L'air frais de l'extérieur l'apaise un peu, Citrine ne le lâche pas, trop inquiet. Elucidator le regarde du coin de l’œil, comme pour le rattraper si il tombait dans les Mepo. Il a vraiment l'air si faible que ça ? Il a envie de poser la question au brun mais n'y arrive pas, une seule question l'envahit, une seule question le hante mais il sait qu'elle n'est... Pas vraiment correct.

Pourtant, elle lui échappe tout de même des lèvres.

Comment toi faire pour vivre avec ça ? Sa voix peine à cacher sa détresse. Je pas y arriver, trop dur, juste souvenir à toi mais avoir l'impression mourir.

Les larmes contenues se remettent à couler tandis qu'ils avancent dans la ruelle. Kaz n'a même pas dit à Kuro où il dormait, peut-être a-t-il simplement besoin de marcher. Enfin, peu importe. Le blond se laisse faire comme un Ponchiot, pas l'énergie de lutter ou de donner son adresse sans que ce soit demandé. Trop fatigué, trop mal, trop triste, trop chamboulé.

Le souvenir des mains parcourant son corps lui fait encore froid dans le dos.

Toi courageux... Finit-il par souffler avec un sourire amer.

Il l'envie de pouvoir vivre avec un trauma aussi lourd alors que lui patauge dans la semoule rien qu'avec ses bagages émotionnels. Il a causé la mort de ses parents, certes, mais à ses yeux, c'est plus « supportable » que ce que Kuroha a vécu. Enfin, ce n'est pas vraiment une question d'insupportabilité mais Kaz ne sait pas quel mot placer sur ce trouble.

Il pense qui si ça lui arrivait, il se donnerait la mort, tout simplement.

Il déteste suffisamment son corps comme ça...
agora