Canis canem edit | ft. Gaylord

Le soir commence à tomber quand Hilda sort du Rongourmet, sa main toujours fermement serrée sur le poignet de Gaylord. Il faut bien : le pauvre garçon est intoxiqué, il serait capable de tomber si elle ne le tient pas. Du moins, c'est ce qu'elle s'imagine. Il n'a eu que quelques flûtes de champagne à boire mais vu sa constitution, ça valait un bon tonneau de bière injecté dans ses veines comme de l'héroïne.

Les voilà sortis, personne ne les a remarqués. L'air frais de Bronswick chatouille les jambes d'Hilda, qui a eu le malheur d'accepter de venir dans une jolie robe. Elle n'avait pas songé qu'elle se retrouverait dehors le soir dans une tenue si légère... bah, si elle court, elle n'aura plus froid. Et puis le but n'est pas nécessairement de trainer dans les ruelles comme deux clochards. Ils peuvent se poser dans un bar - grenadine obligatoire pour Gaylord, essayer de se faire passer pour des majeurs pour entrer en boite de nuit ou... tiens, Norah ne travaille-t-elle pas à Bronswick ? Au cabaret Cocotine si les souvenirs d'Hilda sont bons.
Si elle s'ennuie trop, elle pourra lui payer une visite. Elle en profitera pour lui présenter Gaylord, qui, à son goût, ne voit pas assez de gens en dehors de l'orphelinat, ou pire, de Doon. Rencontrer une citadine, une vraie, lui ferait du bien. Une Unysienne de plus, ça claque.

Tandis qu'ils marchent, l'esprit léger (trop léger dans le cas d'un certain jeune homme), ravis de profiter de leur liberté, les deux lascars ne remarquent pas les yeux qui les épient dans l'obscurité et les bruits de pattes qui les suivent.

Quand Gaylord pousse un hurlement, le premier réflexe d'Hilda n'est pas de s'inquiéter ou de lui demander ce qui ne va pas. C'est avant tout de le repousser en beuglant.

Ça va pas la tête ? Tu m'as défoncé l'oreille, putain !

Le pauvre con s'écroule au sol et la raison de ses cris devient vite évidente : trois Rocabot grognent sur le duo, l'un, le plus gros et le plus bleu, vient d'enlever ses crocs de la cheville du jeune homme. Et maintenant, ils regardent la demoiselle avec la même rage. Ils ont dû marcher sur le mauvais territoire... ou alors c'est l'odeur de bouffe ? Ou alors c'est Gaylord qui pue trop le champagne. Toujours est-il que si Hilda ne fait rien, elle va subir le même sort que son camarade.

Si elle n'avait aucune considération pour les Pokémon, elle aurait envoyé Mars. En quelques coups de griffe, les pauvres chiots auraient fini en pâtée pour chat. Mais à moins d'être dans ses derniers retranchements, il n'était pas question qu'Hilda envoie son cher Mangriff massacrer d'innocentes créatures alors qu'il luttait déjà pour se maîtriser.
Elle avait un autre Pokémon. Un Pokémon peureux et faible, mais un Pokémon quand même. S'il fallait, elle l'aiderait physiquement. Et puis, Gaylord avait aussi un monstre avec lui, non ? Elle essaya de le secouer un peu d'un petit coup de pied au cul.

Gaylord, balance ta bestiole, on va avoir besoin de toi.

Dans un éclair bleu apparaît Lilith. La pauvre oursonne est toute désorientée. Elle ne connait pas Bronswick ! Elle jette un oeil en arrière et voit sa maman, qui lui sourit doucement pour l'encourager. Cela ne suffit pas. Terrifiée par cet environnement et les trois clébards qui montrent les dents, elle court rejoindre son humaine pour enlacer ses jambes en pleurant.
Pauvre Lilith, Hilda s'en doutait un peu...

Un premier Rocabot attaque. Visiblement, c'est le bleu qui donne des ordres aux autres. Le chef de la meute, en quelque sorte. C'est son subordonné qui se jette sur la jeune fille et s'apprête à refermer sa mâchoire sur sa jambe. Mais au moment où tout semble perdu, Lilith semble se souvenir qu'elle est avant tout une ourse. Son instinct de protection se réveille et elle envoie bouler le chien d'une attaque Griffe, pas très efficace, mais suffisante pour surprendre.

Ça c'est ma fille ! s'écrit Hilda, toute excitée, Gaylord, tu t'occupes de l'autre, tu veux ?

Leo est plus expérimenté que la Teddiursa, il ne devrait pas avoir de mal. Le chef, lui, reste en retrait, il semble aboyer des ordres.

Le Rocabot "de Lilith" semble prendre son élan. Il gratte le sol de sa patte comme le ferait un Tauros prêt à charger, puis, crâne baissé, il fonce sur son adversaire. Sa tête, dure comme le fer, percute la pauvrette, qui s'écrase en pleurant. Hilda n'a pas le temps d'essayer de s'approcher : elle s'est relevée toute seule comme une grande.
Elle lance un regard à son ennemi. Ce n'est pas un regard bien effrayant ou intimidant : c'est un regard plein de larmes qui fait presque pleurnicher le Rocabot à son tour. Voilà sa garde baissée ! Lilith en profite pour courir maladroitement vers lui et l'entraîner dans un câlin. Un câlin qui n'en finit pas. Un câlin qui serre de plus en plus. Le pauvre chiot hurle, il ne s'était pas attendu à une attaque Câlinerie.

Pour essayer de s'en défaire, il gronde et fait les gros yeux. Cela fonctionne à merveille : la pauvre oursonne, terrifiée, recule. Juste à temps pour que le sale clebs lui bondisse dessus et morde méchamment sa patte avant. Lilith crie, elle panique, elle lance un regard à sa maîtresse pour savoir quoi faire. Hilda n'est pas une grande philosophe, alors elle lui crie le premier truc qui lui passe par l'esprit :

Euh, je sais pas ? Fais pareil ?

Elle s'exécute, hésitante, et plante ses crocs dans l'épaule du Rocabot. Ce dernier recule, affecté par la douleur. Il titube un peu. Il n'est pas loin du KO. C'est le moment pour Lilith de mettre le coup de grâce en déséquilibrant le canidé d'un simple coup de Griffe. Le voilà au tapis. En tournant la tête, Hilda constate que le Rocabot "de Leo" a subi le même sort. Elle échange un regard complice avec son dresseur.

Mais elle avait presque oublié le troisième, pourtant le plus gros et le plus brillant - littéralement. Maintenant que ses hommes de main (chiens de patte ?) sont hors-jeu, il ne reste plus que lui. Il sait quelle proie sera la plus facile : l'ourse noire déjà bien mal en point, qu a gagné un combat de justesse. Il bondit sur elle avec la gueule grande ouverte, elle piaille de détresse...

Avant de s'envoler bien loin à cause d'un grand coup de pied dans la tronche.
Hilda n'aime pas faire du mal aux Pokémon qu n'ont rien demandé, mais personne ne s'attaque comme ça à son bébé. Mais maintenant, le Rocabot est furieux. Il gronde plus fort que jamais, aboie de façon menaçante et cette fois, c'est contre elle qu'il en a ! En temps normal, Gaylord aurait sûrement réagi au quart de tour pour ordonner une Ball'Ombre de Leo, mais il n'est pas dans son état habituel. Elle prendra soin de le lui reprocher si elle survit.

Elle doit trouver une idée et vite. Un projectile, peut-être, pour mettre en déroute cette sale bête. Dans une poubelle, elle croit voir une pierre ? Une balle ? Pas le temps de se poser de question. Elle s'en saisit, a tout juste le temps de reconnaître la texture métallique d'une Pokéball avant qu'elle ne fuse sur le chiot.

Une Pokéball trouvée dans une poubelle ?
Elle ne marchera sûrement pas.
Mais ça fait aussi bien l'affaire qu'une bonne caillasse.

Sous ses yeux ahuris, la Pokéball "cassée" avale la silhouette du Rocabot avec facilité. Elle se referme doucement et commence à gigoter. Oh. Il serait bien gênant qu'il parvienne à en sortir. Hilda court vers la capsule, goupille fort le bouton rouge et tient les deux parties de la boule fermement entre ses mains. Au bout d'un moment, elle finit par arrêter de bouger. Un déclic. Le Rocabot est capturé.

Avec un air confus, Hilda observe sa toute première capture. Ce n'était pas prévu mais... un Rocabot chromatique, comme compagnon, c'est plutôt cool. Elle se demande juste qui jetterait une si bonne Pokéball.

Elle a sa réponse quand elle se met à bouger et que le monstre s'en libère seul. Voilà pourquoi. Il s'apprête à repasser à l'attaque sûrement rendu furieux d'avoir été capturé, mais avant qu'il ne puisse faire le moindre mouvement, il se prend une claque sur le nez. Lilith. Elle en a visiblement eu assez de cette violence pour ce soir.
Le Rocabot est surpris. Plus que surpris, il est abasourdi. Il remue la truffe, semble réfléchir, puis se couche doucement en signe de soumission. Bon à savoir. Il grogne beaucoup, mais il est facile à calmer. Il finit par revenir sans trop de chichis dans sa Pokéball.

Ça fera un truc en plus à devoir expliquer à madame Nightingale ça.

Hilda se permet de souffler maintenant cette mésaventure terminée. Elle jette un œil à Gaylord, espérant pouvoir le railler un peu sur son manque d'utilité, mais il s'est levé et a disparu. Elle n'attend pas longtemps pour savoir où il est : d'horribles bruits de vomissement sortent de la ruelle où elle a ramassé la vieille Pokéball. Après plusieurs haut-le-cœur, le jeune homme finit par sortir de l'ombre avec une tronche horrible.

L'Écremeuh, t'as une gueule de zombie.

Son sourire moqueur s'estompe bien vite envoyant l'attitude de son ami. Il tremble, il a les larmes aux yeux, il n'est pas du tout en état de rire et certainement pas de lui-même. Hilda soupire. Elle ne sait pas consoler les gens qui pleurent. Elle ne traine pas avec les gens qui pleurent. Elle suppose que si, puisque désormais, elle babysit un grand garçon de trois ans son aîné.
Hésitante, elle lui frotte les épaules tout en fixant le sol plutôt que ses yeux bleus. C'est assez gênant comme ça.

Là... là... dit-elle mécaniquement, imitant un comportement qu'elle n'a jamais vu que de loin, c'est pas grave, mais tiens-toi à la menthe à l'eau peut-être, la prochaine fois.

Un moment de silence passe. Éventuellement, elle cède :

T'inquiète pas, je vais pas penser que t'es plus nul parce que tu tiens l'alcool comme une vieille. Je te trouvais déjà nul. Et crois-moi, devenir alcoolo ça te rendra pas plus intéressant. "J'en sais quelque chose", manque-t-elle d'ajouter. Ta jambe. Elle va bien ? Tu peux marcher ou je dois te porter comme la petite princesse que tu es ? lui demande-t-elle avec un sourire carnassier.

Elle espère juste que la morsure du Rocabot n'est que superficielle. Elle n'a pas envie de rentrer tout de suite. Quitte à se faire passer un savon, autant s'amuser avant.

Bonne nouvelle pour sa virilité - le peu qu'il en reste, Gaylord est capable de marcher seul. Il boitille à cause de la douleur, mais rien de cassé, visiblement. Dommage, Hilda s'amusait d'imaginer la scène d'une gamine portant un garçon plus grand qu'elle à travers la ville. Bah, elle aura sûrement une autre occasion. Elle ne sait pas quand mais elle le sent.

S'il s'en sort sans grand bobo, il est clair que le jeune homme souffre. Il souffre pour les mêmes raisons qu'Hilda. Les maudits fantômes du passé qu'ils enterrent sous de l'arrogance et de la colère. Ils ne se sont jamais confiés à cent pourcents, mais c'est le genre de chose qu'on comprend sans un mot. Entre personnes cassées, il suffit d'un regard.
Dans le cas de Gaylord, c'est son frère. Du moins, c'est l'un des grands coupables. Un alcoolo, violent, qu'elle devine homophobe puisque son compagnon a été forcé de quitter sa famille. Elle l'écoute en silence avec une grimace sur les lèvres. Elle sait ce que c'est. Mais avant qu'elle ne puisse lui glisser quelques mots de compassion, il change de sujet et se souvient qu'il est blessé.

Sa cheville n'est pas cassée, mais comme son front, elle saigne et aurait bien besoin d'un coup de lingette. Pas de quoi aller dans un hôpital pour ce genre de petites galères. Mais Hilda ne peut pas vraiment dire qu'elle a de quoi sur elle. Il lui vient une idée.

On va commencer par faire un tour dans un centre Pokémon. Il est pas si tard que ça, ils devraient être ouverts. Ils pourront bien te prêter un mouchoir ou un bout de PQ pour ton front.

Après tout, la plus amochée, dans l'histoire, c'est Lilith, qui est passée à deux doigts de mordre la poussière.
Heureusement, les toits rouges des centres Pokémon est facilement reconnaissable. Le duo ne tarde pas à en trouver un. Hilda confie à regrets son oursonne à une infirmière et la voit disparaître dans la salle de consultation pour soigner ses petits bobos. "Rien de grave, je reviens vite", avait-elle promis, tout en lui tendant une serviette pour son ami.

Hilda n'est pas la mère de Gaylord pour autant. Pour essuyer son sang et désinfecter sa plaie, il peut le faire tout seul, il est grand. Mais le silence et l'ennui semble la narguer. Tout comme le sujet qui pend au bout de sa langue depuis que son camarade l'a abordé.

Moi c'était ma mère. crache-t-elle sans contexte, elle était comme ton frère. Alcoolo. Violente. Je sais pas comment j'ai tenu quatorze ans là-dedans.

Hilda sait bien retenir ses larmes, c'est là une de ses fiertés. Mais elle n'est pas non plus une super-héroïne. La façon dont ses traits retombent trahissent sa détresse.

Il est évident que les paroles d'Hilda mettent Gaylord mal à l'aise : le pauvre bougre ne sait pas où se mettre. Difficile de savoir en revanche, s'il agit par désintérêt pour l'histoire de son amie ou parce qu'elle lui rappelle ses propres malheurs. Il finit néanmoins par lui répondre. Il partage un peu plus de son ancienne vie, de cette enflure de grand frère qui rendait presque la jeune fille heureuse d'avoir été la seule de sa fratrie. Ça, et elle n'aurait pas voulu qu'un autre enfant supporte sa mégère de mère.

La question qui suit lui met un poids dans l'estomac et un nœud dans la gorge. Ce n'est clairement pas un sujet facile, qu'on aborde comme ça. Peut-être que c'est le champagne qui fait parler Gaylord. Il doit avoir trop respiré son haleine alcoolisée alors, puisqu'elle lui répond d'un ton sec :

C'est pas une question débile. Ça m'arrive tout le temps. Perso j'aurais préféré ne pas naître du tout, mais quitte à être là... elle regarde autour d'elle, cherche quelque chose à fixer plutôt que le visage de son camarade, quitte à être là, autant rester, rien que pour emmerder ceux qui voudraient nous voir crever.

Elle se redresse et essaie de lui adresser un sourire confiant et moqueur, mais on devine sous ses traits une réelle tristesse qu'elle a appris à dissimuler. Sa rage blesse, elle blesse même ceux auxquels elle tient, comme Maggie, comme madame Nightingale. Comme Gaylord, bien que le poing dans la gueule qu'il se soit pris le jour de leur rencontre ait été - encore de nos jours - mérité, à son humble avis.
Mais cette rage, c'est aussi le moteur qui la tient encore en vie. Plutôt la colère que le désespoir. À en croire le caractère de Grotichon de Gaylord, il en est de même pour lui, même s'il est plus à fleur de peau qu'elle. La preuve : c'est généralement lui qui fait des compliments, même si comme elle, il n'est pas fichu d'en faire un sans le ponctuer de moquerie.

Aww, me parle pas comme ça,  ma chérie, je vais rougir ! répond-t-elle avec un geste de poignet qu'il aurait pu mal prendre s'il ne l'avait pas sue aussi gay que lui, toi aussi, même si t'es pédé comme un Plumeline je t'aime bien.

Et elle lui envoie un baiser dans l'air qui, elle n'en doute pas, le fera grimacer de honte.

Gaylord se met à rire comme un abruti. Voilà qui redonne le sourire à Hilda. Il a vraiment un rire débile. On dirait un Grahyèna en train de s'étouffer avec un gigot. Pour le moment, elle se retient sur les potentielles blagues qu'elle pourrait faire sur le type de viande que Gaylord pourrait manger. Elle le gardera pour plus tard.

"Le plus élégant des Plumeline", dit-il, s'imaginant probablement aussi élégant et flamboyant qu'une forme Flamenco. Malheureusement pour lui, sa camarade préfère se le représenter paré de plumes jaunes aux oreilles et dansant comme une adolescente unysienne. Ou alors avec le même regard fatigué qu'un Plumeline Ula. Gaylord serait mignon avec un tutu de plumes roses, tiens. Rien à redire sur sa condition d'Ursaring. Il faut bien être forte pour protéger sa petite Teddiursa.

La voilà d'ailleurs qui revient dans les bras d'une infirmière Pokémon. Leo les suit, il a préféré rejoindre son maître par lui-même et il lui saute dans les genoux pour ronronner comme un moteur. Hilda remercie la vétérinaire, qui s'éloigne pour retourner à ses autres patients. La demoiselle en a des choses à reprocher à sa région, mais loués soient les soins gratuits dans les Centre Pokémon.

La question de son ami la plonge dans une réflexion. Visiblement, se faire mâchonner la cheville par un Rocabot ne l'aura pas dissuadé de faire le mur avec sa cadette. Cette dernière doit bien reconnaître qu'il a plus de cran qu'elle ne lui avait prêté lors de leur rencontre, avec ses airs de gosse de riche. Elle se demande si elle a pu avoir une influence sur lui malgré son jeune âge et aime se dire que oui. Et si ce n'est pas le cas, elle compte bien le pousser de plus en plus dans la délinquance. Gaylord a déjà tout perdu, ce n'est pas à une ou deux conneries prêt que ça lui gâchera la vie.

J'ai bien une idée, commence-t-elle en se levant, je connais une fille sympa à Bronswick. Elle bosse au cabaret Cocotine, si elle est de service y a moyen de chopper un verre en douce.

Elle a bien manqué de parler d'alcool, mais elle se souvient qu'avant d'être dégrisé par une morsure canine, le pauvre Gaylord n'en menait pas large. Tant pis pour les cocktails qu'elle imaginait délicieux du cabaret, elle prendra plutôt un soda par solidarité.
Arrive le sujet du Rocabot, justement. Gaylord a vu juste à son sujet.

C'était pas prévu mais j'compte bien le garder. Il a du mordant. Littéralement, ricane-t-elle en regardant la jambe sûrement encore endolorie du jeune homme, j'aime bien ça.

Elle réfléchit un peu. L'air frais lui rafraichit la peau et les idées quand elle sort du bâtiment.

C'est un chef et pourtant c'est un gros dégonflé qui aboie plus fort qu'il ne mord... tu penses que c'est un bon nom pour un chien, Johnson ?

Elle ricane, fière de sa vanne. Évidemment, elle ne ferait pas l'affront de nommer le Rocabot d'après ce petit con qui, elle a vite compris, est l'une des principales terreurs des bacs à sables de Doon. Un avec qui son ami est... familier.

Avec l'accord de Gaylord, Hilda commence son petit bonhomme de chemin. Elle ne vit pas à Bronswick, ne connait pas les ruelles, mais elle se dit qu'elle finira bien par trouver. Le Cabaret Cocotine n'est pas un établissement discret comme le Garage Brouhabam. C'est une énorme bâtisse couverte de néons roses fluorescents. Et même s'ils devaient marcher un moment avant de le trouver, ça ne leur ferait pas de mal. Fin février, le temps était assez clément pour se permettre une petite promenade en ville.

Elle se satisfait de la tronche que tire son ami à la suggestion du nom de Johnson. Elle a même un petit sourire en coin, en particulier quand il évoque son baiser peu consenti qui l'a fait hurler de rire quand elle en a entendu parler. Elle en vient à regretter que l'homosexualité ne soit pas contagieuse comme le crient les Grenousse de bénitier, puisqu'il aurait été hilarant que cette petite racaille en vienne à tomber amoureux de ses victimes au lycée.
Gaylord suggère un autre nom, un peu plus sérieux. Si l'idée de l'appeler McThistle l'amuse aussi beaucoup, elle prend les noms de ses Pokémon assez au sérieux pour ne pas manquer de respect ainsi à ce Rocabot, même si c'est un dégonflé.

Alpha ? J'aime bien. Je suis sûre qu'il serait le genre de mec à se prendre pour un mâle alpha.

Tous des abrutis accro à la gonflette qui se croient irrésistibles. Bah, comment ne pas devenir lesbienne franchement ?
À propos de lesbiennes... Gaylord l'interroge au sujet de Norah.

J'suis sûre que tu vas l'adorer. Elle est cool pour une adulte. Je l'ai rencontrée au Garage Brouhabam, c'est pas une coincée du cul comme y en a à Doon ! ricane-t-elle, avant d'ajouter, avec les joues rosées et une pointe de jalousie : et puis c'est aussi une gouine, même qu'elle a une petite copine.

Non, Gaylord n'a pas à craindre de se faire traiter de pédale avec Norah, ça serait bien hypocrite. Ou alors avec un ton joueur, comme une grande sœur qui se moquerait gentiment de lui. Une vraie grande soeur, pas le genre de connard qui lui a servi de frère autre fois.

Ah, tu pense que c'est là ? demande-t-elle d'une voix espiègle.

En effet, difficile de ne pas être aveuglés par les lumières rose bonbon et assourdis par la musique tout droit sortie d'un film kalosien. Cependant, leur entrée ne se fera pas par la porte principale. On refuserait des gamins comme eux. C'est à la porte arrière, celle des employés et des artistes, qu'il vaut mieux frapper.