Azazel Malarite

Histoire

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- L'écriture viendrait d'un pokémon ?
- Oui. Il existe à Sinnoh un lieu particulier, qui regorge exclusivement de Pokémon dont l'apparence ressemble étrangement à l'écriture et dont l'origine serait plus que millénaire. Chacun d'eux possède une forme qui a, très probablement, inspiré les lettres de notre alphabet.

Azazel Malarite accrocha au tableau ses feuilles jaunies. Sur chacune d'elles, un dessin représentait une créature à l'unique œil imposant et au corps singulier. Vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon noir, il ressemblait à un professeur donnant cours à des étudiants.

- On les nomme Zarbis. Et bien que peu de choses soient connues à leur sujet, beaucoup de chercheurs s'accordent à penser qu'ils ont un lien avec les périodes les plus primitives de notre univers.

Comme à chaque fois qu'Azazel mentionnait les rites théogoniques, l'assemblée l'écoutait avec avidité. Après tout, là était sa spécialisation : les mythes primordiaux liés à la création du monde, bien qu'il ne soit pas non plus ignorant ou insensible aux autres légendes plus récentes.
Enfant, sa passion résidait dans les livres anciens ou dans ces sculptures que la ville de Célestia, qui l'avait vu naître et grandir, conservait avec une authenticité inégalée, et il avait fini par en faire son métier. Sa thèse terminée, il avait refusé un poste d'enseignant à l'université de Féli-Cité pour se consacrer pleinement à ses recherches. Johto d'abord, Unys ensuite, Galar enfin, jusqu'à ce que ses pas ne le mènent ici, à Keros, berceau de la religion. Là où Sinnoh avait tendance à désacraliser les mythes pour les étudier avec du recul, Keros avait conservé toute la ferveur de la foi et de la croyance, ce qui rendait les recherches religieuses bien plus savoureuses à son goût.

- Excusez-moi... Monsieur ?

Sa mini-conférence était terminée, tout le monde avait à présent quitté la bibliothèque, mais la jeune femme se tenait là. Elle avait des lunettes épaisses et un chignon serré, ainsi qu'une étrange lueur dans les yeux. De la curiosité ? Peut-être. Ce fut pourtant autre chose qui, rapidement, attira l'attention d'Azazel. Un pendentif brillant au motif délicat, qui concluait le long collier noir que son interlocutrice portait.

- Qu'en est-il de Giratina ? Vous avez évité les questions à son sujet dès le départ et avez délibérément choisi de vous focaliser sur les rites annexes.

Esquisse d'un fin, imperceptible et fugace sourire. Azazel réajusta sa cravate et se contenta de répondre :

- Oui, c'était un choix, je ne peux parler de tout.
- Par pitié, j'ai besoin d'en savoir plus ! Si je n'ai pas au moins 18 à mon devoir, je peux faire une croix sur mon année...
- Je suis désolé, il existe de nombreux livres à la bibliothèque pour-
- Je vous le jure, j'ai vraiment besoin de savoir ce que vous avez à dire sur Giratina, absolument besoin !
- Toutes les choses ne peuvent être dites.

Volontairement énigmatique. Ses iris argentés se posèrent dans les yeux brun de la jeune femme, à travers les verres de ses lunettes. Elle n'en démordait pas. Et, surtout... Elle avait juré.

- Toutefois, si vous y tenez réellement, peut-être puis-je vous dire tout ce que je sais au sujet de Giratina.

...


Sous la pluie battante et dans le vent violent d'un ciel nocturne, tu étais allongé par terre. Devant toi, un lac brumeux, d'où s'échappaient des cris menaçants de Pokémon. Derrière lui... Une grotte sinistre, à l'entrée étroite, mais qui représentait le seul abri. Pendant de longues minutes, tu restas ainsi, immobile, sous l'agressive intempérie, avant de finalement prendre une décision.
Au premier pas que tu posas dans la grotte, tu réalisas que la pluie n'était peut-être pas si terrible. Tu tentas de se retourner mais... Les ténèbres t'avalèrent, t'engloutirent, et la lumière disparut. Il n'y avait plus ni entrée, ni sortie, seuls subsistaient la pénombre envoûtante, le bruit de ta propre respiration et des sons sinistres que tu espérais être le fruit de ton imagination, rires gutturaux, complaintes malfaisantes.

- M... Maman ? J'ai peur... Il y a quelqu'un ? S'il vous plait !

Avais-tu seulement prononcé ces mots ? Dans le noir le plus total, tu commenças
à perdre pied, incapable de comprendre où tu te trouvais. Hurlements, pleurs, tremblements, course à contresens, impact avec une surface dure. Tu t'évanouis de douleur et de panique. Noir. Encore et toujours noir.

Combien de temps avait pu s'écouler avant que tu ne te réveilles enfin ? Tu l'ignorais. Ouvrir les yeux ou les garder fermés n'eut aucune importance tant l'impression de terreur absolue et d'aveuglement était omniprésente. Alors tu te remis à pleurer, longtemps, longtemps, horriblement longtemps, au point que tu crus e dessécher. Puis, plus rien. Au bout de longues heures interminables, accroupi par terre, contre ce que tu devinais être un mur, tu finis par t'arrêter. Même le vacarme de tes pensées affolées se dissipa. Tu ne sentais plus le goût salé de ses larmes qui ruisselaient jusqu'entre tes lèvres. Tu étais devenu ténèbres à son tour.

Alors, comme animé par une force que tu ne comprenais pas toi-même, tu te levas, marchas, d'un pas décidé, malgré l'absence totale de sens pour te guider, dominé par un instinct insensé, guidé par la seule conviction que tu connaissais le chemin au plus profond de toi.
Même les cris des Pokémon, premiers signes de vie - ou de mort - dans cette grotte depuis que tu t'étais réveillé, ne te firent rebrousser chemin ou douter une seule seconde. Tu allas loin, t'enfonças profondément dans la grotte sans jamais douter de la direction à prendre. Puis, enfin...

La lumière t'éblouit, sans être puissante. Elle n'était pas blanche, ni de n'importe quelle couleur que tu avais déjà eu l'occasion de voir, sans doute d'aucune couleur que cet univers-ci pourrait jamais présenter. Tu t'avanças vers le tourbillon lumineux qui flottait au-dessis du sol et éclairait les parois de la grotte qui se révélaient être bien plus que de simples roches naturelles. Toutefois, tu ne pris pas le temps de te préoccuper du décor, tant le tourbillon t'obsédait. Tu fis un pas, puis un autre, jusqu'à ce que deux lumières d'un rouge vif ne se mettent à scintiller. Jusqu'à ce que, enfin, une silhouette grossière, de couleur noire et dégageant une impression de puissance et d'effroi bien plus grande encore que tout ce que tu avais pu ressentir en pénétrant dans la grotte, ne commence à immerger du singulier tourbillon, n'emplisse la grotte entière et se mette à hurler avec une rage indescriptible et se jette sur toi.

...

- Qu'est-ce que... Que s'est-il passé ? Où suis-je...
- Du calme. Vous avez demandé à en savoir plus sur Giratina. Dans ce cas, restez tranquille.

Ils se trouvaient toujours dans la bibliothèque, mais les lumières étaient éteintes depuis bien longtemps à présent. Azazel était installé dans un siège, lisant un ouvrage ancien à la couverture abimée. Devant lui, la jeune femme de tout à l'heure avait le visage pâle. Bien qu'elle soit debout, la raideur de son corps trahissait qu'elle venait de vivre un traumatisme.

- Je... Vous ? Qu'est-ce que vous m'avez...
- Manea, occupe-toi de cela, veux-tu ?

Dans un coin de la pièce, un Pokémon au corps évanescent, semblable à une flamme, laissa échapper un rire guttural et malfaisant avant d'envoyer une nouvelle attaque Onde Folie vers la jeune femme. Ses yeux redevinrent livides, ses membres se calmèrent et, une fois de plus, la vision reprit.

...

Tu te réveillas de nouveau dans une pièce que tu connaissais bien. Ta chambre. Que s'était-il passé ? Avais-tu rêvé ?

- Oh, tu es enfin debout. Cela doit faire bien douze heures que tu dors !
- M... Maman ! J'ai fait un cauchemar horrible !
- Oui, je m'en doutais. J'ai bien cru que le démon des cauchemars t'avait touché. Mais tout va bien à présent.

Ouf, c'était donc bien un rêve ! Tu te mis à sourire et t'enfonças un peu plus dans ton lit. Au moment où tu fermas les yeux, pourtant, tu les revis de nouveau, ces horribles pupilles rougeoyantes, ce corps ténébreux qui t'engloutissait. Ce n'était qu'un rêve, alors pourquoi ton corps tremblait-il tant sans même y penser ? Et cette bosse que tu sentais sur ton front, à l'endroit même où tu avais percuté un mur et t'étais évanoui, toujours dans ce cauchemar...
D'ailleurs... Cette silhouette noire que tu avais aperçue, pourquoi te semblait-elle si familière ?
Tu te levas enfin de ton lit et attrapas le vieil ouvrage qui trônait sur ta table de chevet et te mis à en consulter frénétiquement les pages. Il n'existait guère d'image véritable, hormis les représentations rupestres ou fantaisistes des auteurs, mais tu parvins finalement à trouver ce que tu cherchais, et sentis immédiatement ton sang se glacer sous ta peau. Ce n'était peut-être rien de plus qu'un dessin, mais les yeux rouges et le corps fantomatique correspondaient. Giratina. La déité renégate.

...

Azazel referma le livre dans un grand bruit qui fit sursauter la jeune femme et la tira de sa confusion et des hallucinations qu'elle subissait.

- Giratina... ? J'ai... J'ai rencontré... Giratina... ?

Il se mit à rire. Un rire froid et acéré, pas si différent des sons qui avaient été perçus dans la grotte.

- Pas vous, non. Moi. Quand j'étais enfant. Ce que vous avez vu était mon souvenir, d'un événement réel ou d'un simple rêve, cela, moi-même je l'ignore.

Après tout, quelle importance aujourd'hui ? Qu'il ait ou non réellement été dans la Grotte Retour, ou que tout cela n'ait été qu'une hallucination ou un cauchemar terriblement réel suite à des lectures trop passionnantes ne changeait rien désormais. Ses choix avaient été faits, son existence toute tracée. Il reprit :

- Tout ce que je sais, c'est que cet événement a fait naître en moi la graine d'une obsession, fait germer tout le chemin que prendrait mon existence. Toujours est-il que c'est ce souvenir qui a été projeté jusqu'à votre conscience par l'attaque Onde Folie. La première fois que j'ai rencontré Manea, elle prenait un malin plaisir à abuser de son Dévorêve sur moi, au point qu'elle ait puisé dans mon subconscient les plus infimes de mes pensées. J'ai pris la liberté de lui faire oublier cette capacité dès que j'en ai eu l'occasion. Je ne pouvais tout de même pas prendre le risque de ne plus pouvoir profiter de ces délicieux cauchemars de mon enfance qui me hantent régulièrement...

Sa voix était naturelle, comme si parler de tout cela était le plus normal du monde. Azazel se leva enfin de son siège et se dirigea vers la jeune femme. Tout en marchant, il défit le bandana qui recouvrait son front, révélant un dessin en forme de croix qui y trônait. Un tatouage.

- Avez-vous entendu parler du Culte du Renégat ?

Ses longs doigts fins caressaient le tatouage de son front.

- N... Non.
- Je m'en serais douté. Peut-être cela vous aurait-il permis d'assurer une bonne note à votre devoir. Le Culte du Renégat est ce que certains qualifieraient de secte mais qui est, pour moi, pratiquement comme une seconde famille. Elle agit presque exclusivement à Sinnoh. A ma connaissance, j'en suis l'un des deux seuls représentants à Keros.

Il se baissa, de façon à ce que ses yeux soient juste en face de ceux de son interlocutrice.

- Nous vénérons le Renégat, le sacralisons. Tous, nous l'avons vu entrer dans nos vies et nous obséder, d'une façon ou d'une autre. Nous avons pour objectif de préparer son retour en suivant les antiques prophéties. Moi-même, j'ai voyagé dans ce but, et mes pas m'ont mené ici, à Keros. Je crois que c'est dans cette région que j'obtiendrai la vérité et que je pourrai préparer le retour de notre Seigneur.

De nouveau, il se mit à rire.

- Pardon, tout cela fait sans doute cliché. Je vous autorise à en rire, si vous le souhaitez. J'avoue qu'avec du recul, moi aussi il m'arrive de me moquer du culte. Après tout, nous ne sommes que des hommes et, par nature, imparfaits. Pourquoi ne pas en rire tant que l'on continue de vénérer Giratina ?

Manea se mit à flotter. La Spiritomb, avec son corps singulier, était incapable de marcher puisque dénuée de pattes, mais sa façon de se déplacer ne faisait que renforcer l'étrange impression de danger et d'inquiétude qui en émanait.

- Vous savez, j'étais prêt à ne rien vous dévoiler et vous laisser partir. Mais vous avez juré. Nul ne peut se permettre de jurer et d'inclure Giratina face à un membre du Culte du Renégat impunément. Rassuez-vous, je suis habilité par l'Eglise du Culte à expier vos péchés par la souffrance absolue. C'est une chance que vous alliez vous présenter à Giratina après avoir subi pareille expérience. Non, non, calmez-vous, enfin. Inutile de pleurer. Cela n'a rien de personnel. J'aurais même pu vous inviter à diner, car vous êtes tout à fait mon type de femme.

Azazel poussa un profond soupir désolé, comme s'il était forcé par un devoir supérieur et n'avait pas d'autre choix de succomber à des obligations qui ne lui faisaient pas envie. Il n'était pas un meurtrier régulier et verser le sang ne lui procurait pas de plaisir particulier, mais il était inconcevable de manquer à ce point de respect à Giratina. En tout, il n'avait causé la mort que de deux personnes avant cette femme, ce qui représentait un nombre peu élevé, surtout parmi les autres membres du Culte. Bien qu'il ait appris à se battre et à verser le sang, ses véritables talents résidaient surtout dans l'expertise des objets anciens et sa connaissance encyclopédique des mythes et légendes Pokémon.

- Avant que je ne vous tue, je dois dire que c'est un très beau pendentif que vous avez là. Il représente Arkée, je me trompe ? Pour ma part, je n'éprouve que du dédain pour ce simulacre de religion, mais j'avoue que cette pièce est fantastique. Vous ignorez sans doute vous-même sa valeur véritable ou son ancienneté. Elle ira donc bien mieux dans ma collection, ou celle d'un autre si un acheteur intéressé fait son entrée.

Le visage de la jeune femme blêmit, elle tenta de hurler, mais une nouvelle attaque onde folie la fit taire immédiatement. Azazel, quant à lui, se releva, lui tourna le dos puis se dirigea comme si de rien n'était à son siège. Il était temps de reprendre sa lecture. Il devait visiter un site de fouilles en lien avec des légendes la semaine prochaine, mieux valait qu'il se prépare au mieux à y trouver tout type d'objet rare qu'il pourrait revendre ensuite. Peut-être même y dénicherait-il un indice sur le Renégat ? Inutile de se presser, de toute façon. La prophétie finirait bien par se réaliser.

- Ramses ?

D'un autre coin de la pièce, un Tutankafer se mit à avancer avec flegme en flottant lui aussi dans les airs.

- Quand Manea aura terminé de torturer notre invitée, tu pourras la dévorer. Prends simplement garde à mettre de côté son pendentif, s'il te plaît. Je voudrais le garder.
- Kafer ! Kafer !
- Qu'y a-t-il, votre majesté ? Tu m'as trouvé trop irrévérencieux, c'est cela ? Allons, ne te vexe pas pour si peu. Toi tu te comportes comme si tu étais un Roi, moi je prétends avoir rencontré Giratina. Sans doute aucun de nous deux ne dit la vérité ou n'a réellement vécu ce qu'il croit, non ? Mettons tous deux de l'eau dans notre vin.

Ramses 1er se mit à claquer de ses quatre mains spectrales en signe d'acquiescement. Il aimait les tournures de phrase délicates de son dresseur et son humour si... Particulier. Quand, enfin, la jeune femme cessa de convulser sous les ondes folies successives, le Tutankafer s'avança dans sa direction, souleva ses bras fantomatiques puis, dans une fraction de seconde, ouvrit brusquement le couvercle de son sarcophage et y jeta la jeune fille.