La magie de Pâques [PV Aeos]

[Avancement d'éclosion œuf : sujet 1/3]

Vers six heures, à Brunswick, se levaient le jour et Caitlin. Éreintée, la demoiselle se réjouissait intérieurement de s'être reconvertie en chapelière, malgré un travail de ranger difficilement évitable à ses heures perdues. L'état épuisé de Caitlin s'expliquait justement ainsi. Bien que ses compétences ne purent être directement remises en question, elle demeurait une perfide galarienne aux yeux de la société kerosienne. C'est pourquoi sa conversion au grade minimum professionnel lui avait toutefois coûté quelques missions obligatoires en guise de service de temps à autres. Si elle voulait s'établir à Keros, elle devrait servir un minimum celle-ci au-delà de sa simple activité artisanale et commerciale.

Pas fou, le Dardargnan...

La veille, Mademoiselle Graham s'était donc exténuée au travail en compagnie de collègues aux origines locales, dont le jeune aspirant Newman. Son Zigzaton, Roxanne, s'entendit merveilleusement bien avec l'aînée galarienne. Dans l'ivresse de son travail de ranger qu'elle affectionnait tant, elle s'était autorisée un instant à libérer ses pensées de son terrible accident passé. La jovialité de ce Zigzaton semblait à la fois l'avoir fait rêvasser de ce fait, et ramené à la réalité en ce que la vie continuait. Elle se laissa gentiment convaincre par le jeunot que Roxanne serait heureuse avec elle, et qu'elle pourrait s'en occuper désormais. Ceci accepté, Caitlin se voyait donc pourvue d'un nouveau membre dans son équipe. Malgré tout, Caitlin s'était entre temps exercée une pression d'autant plus lourde : elle ne devait plus perdre de compagnon. Elle se devait de les rendre suffisamment forts pour qu'ils puissent survivre à tout danger, mais également les tenir à l'écart de la Team Sealg. Lors de l'accident, elle n'était qu'un agent féminin aux cheveux bruns et à la queue de cheval comme on en trouve des centaines. Cela dit, si elle venait à échouer ou à trop se faire remarquer lorsqu'elle commencerait à agir contre ces malfrats, ses Pokémon seraient en danger.

Sa petite échoppe en plein Bronswick lui permettait certes de subvenir à ses besoins financiers, mais demeurait suffisamment sobre pour ne pas susciter une popularité étouffante. Elle n'était qu'une artisane citadine parmi tant d'autres, à la manufacture locale comme tant d'autres, et évitait donc un travail quotidien éprouvant comme tant d'autres. Elle confectionnait ses couvre-chefs avec amour mais pouvait se permettre une pause aujourd'hui : elle avait mis à jour sa collection l'avant-veille et aucune pièce n'était proche de la rupture. En ce même jour, Caitlin avait reçu un mystérieux œuf d'origine étrangère, que la SPP du quartier souhaitait lui confier parce qu'il ne semblait pas venir de Kalos ou d'Alola. En effet, ces deux régions étaient bien perçues par les Galariens, quoique la seconde le fut plus pour des motifs peu politiquement acceptables au goût de Caitlin, mais les autres suscitaient la méfiance. Cet œuf, à la provenance inconnue, donnerait donc plus de peine à la SPP pour assurer sa prise en charge. Sans pour autant avoir fiché la demoiselle Graham auprès des services de renseignement, son accent galarien l'avait rapidement identifiée comme la nouvelle commerçante étrangère de son quartier. Si sa casquette de ranger demeurait insoupçonnée à moins de travailler avec elle, la gentillesse de son comportement la présentait comme le profil idéal, si perfide soit-elle en tant qu'oppresseuse galarienne.

La voilà donc enfin journées riches en émotions et en décisions ! Un peu de repos ne lui ferait pas de mal, et tenir la boutique serait une promenade de santé en comparaison des procédures administratives d'adoption, de l'argumentation sur sa bonne foi en tant que Galarienne, sans parler de la mission de la veille ! Ses Pokémon, hors de leur Pokéball, flânaient paisiblement à l'image de leur amie humaine.

Quant aux potentielles requêtes de réalisations plus singulières, les commandes se faisaient encore rares : elle était là depuis à peine quelques mois, n'exagérons rien ! Il n'y avait donc aucune raison pour elle de suspecter qu'une commande des moins prévisibles surviendrait COMME PAR HASARD ce jour-là !

À l'approche du premier client du jour, Roxanne et Petra se ruèrent presque sur lui pour faire sa connaissance. Les aboiements de cette dernière, en particulier, informèrent Caitlin de cette nouvelle présence. En son for intérieur, elle se fit alors remarquer qu'elle devrait sans doute installer une cloche pour marquer les entrées et sorties. Cela sonnerait également plus doux et agréablement traditionnel. Le client exprima aussitôt son souhait de passer une commande, le seul jour où Caitlin espérait ne pas en avoir. Ce fut probablement, par extension, le seul jour de cette semaine où elle en aurait une. Quelle que fût la commande, elle ne la commencerait assurément pas avant le lendemain. Tâchant d'illuminer la pièce de son blanc sourire franc mais délicat, elle accueillit sur un ton chaleureux ce qui semblait être un jeune homme. Son fort accent galarien - typiquement celui de Winscor, qui plus est ! - la trahissait encore sans difficulté malgré ses efforts presque ridiculement visibles pour le limiter.

« Oh, bonjour et bienvenue, sir. Avez-vous une idée du type de chapeau ? De la matière et de la forme que vous envisagez, ou au moins de son usage ? »

Caitlin avait eu l'opportunité d'apprendre cet artisanat au cours de ses nombreux retours à Motorby pour travailler en vacances jusqu'à ses vingt-deux ans.

« Étant arrivée il y a à peine quelques mois, je ne connais pas encore ne serait-ce que tout le quartier. Vous habitez dans le coin ? »

Ce n'est pas comme si elle avait mieux à faire dans l'immédiat que de faire connaissance avec littéralement le premier client venu. À l'écoute de son accent en dépit de ses efforts, autant assumer son arrivée récente dans le quartier. Elle espérait toutefois que ses cernes ne se perçoivent pas spécialement. Malgré ses idées progressistes, elle avait solidement acquis qu'il serait incorrect pour une jeune femme de montrer de telles imperfections liées à l'intensité du travail.

À l'écoute de la requête du jeune homme, Caitlin laissa s'échapper un petit rire.

« Par cette saison ? Effectivement, je dois dire que c'est inattendu ! »

De leur côté, Roxanne et Petra ne s'attendaient guère à effrayer le pauvre petit Héricendre. Alors que Petra repartit japper ici et là, Roxanne s'approcha doucement du Héricendre, cette fois-ci avec une mine plus tranquille. Elle entendait le rassurer : elle ne voulait pas lui faire peur mais au contraire se montrer amicale !

« Pourriez-vous me décrire votre... tenue de sorcier ? Cela m'aidera à entrevoir un modèle de chapeau adéquat. »

Pendant ce temps, Caitlin écouta la réponse du client, arrivé à Keros depuis un peu plus d'un an à défaut d'habiter dans cette ville. Elle remarqua alors une accentuation effectivement différente des kerosiens, à défaut de pouvoir situer sa provenance. Il résidait apparemment dans une ville à proximité du célèbre lac au Lokhlass albinos, si la chapelière avait bonne mémoire. Bien plus fraîchement établie, Caitlin se détendit à l'idée préconçue qu'il soit plus ouvert d'esprit que les kerosiens. Son accent galarien la trahit alors de façon un peu plus marquée. De plus, cet interlocuteur aux airs presque innocents semblait avoir bon caractère, et s'affirmait de toute façon trop peu pour représenter une menace psychologique pour sa personne.

« Oh, vous voilà bien courageux ! Venez-vous d'une région lointaine ? »

Malgré l'hostilité envers les Galariens, Caitlin ne se considérait pas comme des plus à plaindre, en comparaison des Aloliens considérés comme des bêtes de foire ou des ressortissants d'Extrême-Orient essentialisés comme des criminels. En ce qu'elle ne reconnut aucun trait physique ou d'accentuation chez lui, Caitlin n'exclut pas non plus la possibilité qu'il vienne d'une région d'autant moins médiatisée et connue.

« Je dois dire que je suis impressionnée. Je ne saurais vous cacher d'où je viens à cause de mon accent, mais je suis très étonnée de rencontrer si vite une autre personne étrangère. Ce n'est pas le genre de région dont on s'attendrait à constater un grand cosmopolitisme ! »

Il n'y avait là aucune complainte : Caitlin énonçait de simple faits en restant très formelle afin de rester dans son cadre professionnel d'artisane. Elle en gardait toutefois son sourire calme, à la fois bienveillant et commercial, si sincère fût-il.