La rumeur de Glenn

Bien loin est l'homme calme et collecté inspectant sans sourciller le cadavre d'un Manglouton sauvage. Derrière lui, Séraphin lâche un cri, panique, tente de lui couvrir les yeux – les oreilles ?! – et manque de lui donner un coup au nez dans sa frénésie avant de sortir, l'air effarouché.
Cécil n'en revient pas vraiment, peine à comprendre sa réaction. Les jeunes filles de la grange ne sont pas nues – quoiqu'il suive son comparse pour leur laisser le temps de se rhabiller correctement et ne pas les embarrasser d'avantage. La situation est gênante, le kalosien en conviendrait volontiers, mais à ce point ?

Une fois à l'air libre, Cécil se rapproche de Séraphin, ouvre la bouche pour lui demander s'il se sent bien, s'il fait un malaise et la raison d'une telle panique, mais ce dernier agite la main pour lui intimer le silence.

Rude.

Le coordinateur n'insiste pourtant pas, soupire et se contente de se masser l'arête du nez avant de croiser les bras, attendant la sortie des deux jeunes demoiselles. L'une d'elle est assurément Bridget, Cécil la reconnaît grâce à la photo qu'il a vu chez sa mère et Séraphin – pas celui en état de choc – est bien heureux de retrouver sa maîtresse disparue.
La gamine, n'a rien à dire qui n'amusera pas plus le kalosien. 'Juste des amies' prétend-elle et il a la grâce de ne pas la questionner d'avantage. Sa première hypothèse était correcte et il en est quelque part soulagé – et un peu fier –. Mieux valait ça que de la retrouver égorgée par un prétendu homme lougaroc !

En revanche, les supplications de la deuxième jeune fille le peinent et lui font un pincement au cœur. Prêt à la rassurer, Cécil se fait devancer par Séraphin – le paniqué – qui parle étrangement vite, et si une partie du kalosien aimerait croire qu'il dit ça de manière bienveillante, son comportement, son ton et son regard fuyant le font doucement grimacer.

Oh.
Oh..

Le bougre pince des lèvres, secoue la tête et pose un regard sur les deux demoiselles rougissantes et penaudes. A son sens, il n'y a rien de mal, mais il voit bien où se situe le problème et le seul soutien qu'il peut offrir et son silence – et heureusement, celui de son comparse également –.

« Rassurez-vous, débute-t-il posément, comme le souligne mon camarade, il n'y a rien à raconter. » espérant que cela sera suffisant à les apaiser, Cécil décide de ne pas s'attarder sur cette histoire qui, somme toute, se révélait être bien personnelle et bien embarrassante pour les pauvres concernées. Les affaires de cœur de Bridget ne les regardaient en rien – pas plus que sa mère d'ailleurs – et une part de lui regrettait de s'en être mêlé.

« Nous sommes effectivement à la recherche de pistes concernant 'l'homme lougaroc'. » reprend-il en formant des guillemets avec ses doigts. Il en aurait presque oublié que c'était la raison pour laquelle ils s'étaient retrouvés à vadrouiller dans les champs de Glenn. « Vous n'auriez rien entendu à ce sujet, par hasard ? Les-... Villageois, pour ne pas dire 'paysans' ou 'rustres', de Glenn ne nous ont pas vraiment donné beaucoup d'informations. »
Doux euphémisme. A part les accuser sans raison, ils n'avaient donné aucune explications utiles. Fabuleux, le seul souvenir de l'événement suffisait à lui faire rouler des yeux. Et Séraphin – les deux en fait – ne semblaient pas disposer à l'aider plus en avant pour l'instant. « Des informations sur du bétail disparu... Ou l'endroit où ça aurait commencé, peut être ? »

Elles ont toutes les deux l'air tendu, Séraphin – l'humain – a l'air tendu et Cécil ne voit pas comment arranger la situation – ni n'a l'envie de fournir l'effort pour le faire d'ailleurs. La deuxième jeune fille – 'l'amie' de Bridget – leur apprend que son père prétend avoir vu le fameux homme-lougaroc. Le kalosien est sceptique mais ne pipe mot, c'est que ce n'est probablement pas le meilleur moment d'émettre des doutes, alors qu'il s'agit pour l'instant de leur seule piste relativement viable.
Alors Cécil acquiesce à la proposition de la jeune fille, mais souligne que, pour faire bonne mesure, il faudrait raccompagner Bridget et Séraphin – le meilleur –, chez eux afin d'apaiser les craintes de la maîtresse de maison.

Le trajet de retour se fait dans un certain silence, ponctué les jappements joyeux de Séraphin – pas celui qui a l'air perdu dans ses pensées – et c'est avec un soulagement qu'il n'attendait pas que Cécil pénètre dans la ferme d'un peu plus tôt. La mère de Bridget est ravie, soulagée de retrouver sa fille en un seul morceau et la scène ferait presque chaud au cœur.
Presque. Mais Cécil refuse de s'étendre sur le sujet.

Soucieuse de remercier ses bienfaiteurs, la dame semble réfléchir un instant avant de les congédier. Puis soudain, l'idée de génie : elle leur prête Séraphin – le chien – pour qu'il les aide dans leur chasse à la bête mythique, et contre toute attente, Séraphin – l'autre – accepte sans hésitation.
Cécil pince les lèvres, retient un rire mais pas un sourire. Lui qui aurait pensé que son compagnon d'infortune refuserait de risquer une nouvelle chute, traînée mode drapeau par le Caninos surexcité, mais l'explication lui apparaît bien vite.

Pour être plus prise, elle lui tombe dans les mains alors que son comparse lui lance la laisse, sourire pincé aux lèvres, l'air de compatir mais pas vraiment.

Oh.

Cécil soupire. Il suppose que c'est à son tour de s'occuper du chien. Rapidement, il lui flatte le haut du crâne, lui murmure un « Gentil Séraphin. », remercie sa propriétaire brièvement et rejoint son acolyte et la dénommée Alice pour la suite de leur enquête.
Ils ne perdent pas de temps pour se mettre en chemin et encore une fois, le chemin se fait dans un relatif silence que Cécil fait de son mieux pour ne pas trouver oppressant. Il ne pourrait pas mettre le doigt dessus, mais quelque chose le dérange. Pour autant, il n'investigue pas plus en avant – une enquête à la fois, merci – et lorsqu'ils approchent de chez Alice, Séraphin – l'humain – prend enfin la parole, demande à la jeune fille de les annoncer.

Bien vu.

Il serait fâcheux que leur témoin – s'il se montrait surprotecteur – ait de fausses idées en les voyant avec sa fille. Cécil n'a rien à ajouter. Pensif, il profite de ne pas encore être arrivé pour se rattacher les cheveux en un chignon plus ou moins négligé. Avec toutes ces courses dans les champs à la poursuite des Séraphins, sa queue de cheval avait fini par se défaire presque entièrement, et il n'était pas particulièrement fan du concept de mèches dans les yeux.
Ainsi, priant pour que Séraphin – le plus énergique – ne se décide pas à lui arracher le bras à ce moment là, le kalosien s'humecte les lèvres, hésite à poser plus de questions sur la situation à Alice de peur que sa réponse ne soit la même que précédemment.

Au final, son silence est conservé jusqu'à destination, laisse la jeune fille faire les présentations et se prépare mentalement à entendre une véritable fable.

Cécil n'aime pas jouer les petites natures, mais Cécil doit également bien admettre que le citadin qu'il est n'est pas forcément taillé pour l'odeur de la campagne. Pour autant, il ne voit personne se plaindre, même Séraphin – avec son pantalon en toile, ses petites chaussures de ville et sa chemise – semble supporter l'odeur du crottin avec les honneurs.
Alors le coordinateur pince des lèvres, réprime à moitié une grimace et serre les dents. S'il les ignore assez fort, ses hauts-le-coeur finiront bien par disparaître d'eux même, n'est ce pas ? Ainsi, évitant soigneusement tous résidus douteux pouvant se trouver sur son chemin – ses bottines peuvent s'abîmer, il aimerait juste éviter de repartir avec l'odeur – ils finissent par atteindre le seuil de la porte.

Le père d'Alice se présente alors à eux. Elric n'est pas beaucoup plus grand qu'eux, mais maintenant qu'il le connaît, c'est son image que Cécil associera à la population entière des fermiers. L'homme leur demande confirmation sur leur motif de se trouver ici, puis reconnaît Séraphin – le tout beau tout gentil – avant de les juger aptes à rentrer chez lui.
L'intérieur est probablement aussi rustique que le kalosien se l'imaginait mais n'en reste pas moins assez confortable et accueillant. Suivant le fermier et son compagnon d'infortune, il s'installe à son tour, croise une jambe par dessus l'autre et en profite pour glisser une grattouille automatique au Caninos qui les accompagne joyeusement avant que l'homme ne débute son histoire.

Avec son fort accent et sa manière de déformer les mots, Cécil peine bien souvent à comprendre les détails de son discours mais heureusement, Elric joint le geste à la parole lorsqu'il leur décrit que son Tauros s'est fait-... Décapiter ? Egorger ? Le kalosien n'est pas sûr, glisse un coup d'oeil vers Séraphin – celui qui parle la langue locale – et espère sincèrement qu'il comprend mieux que lui.
Heureusement pour eux, ce dernier semble cogiter lourdement et ne tarde pas à prendre la parole.

Alors Cécil fronce les sourcils, soucieux de comprendre où il veut en venir. Son esprit rame, galère et patauge dans l'espoir de connecter les éléments mais rien ne lui vient vraiment. Alors, à la place, il se contente de hocher la tête lorsque Séraphin – celui qui réfléchit pour deux – demande au fermier s'il reste une quelconque piste pour que Séraphin – celui qui n'a pas besoin de réfléchir – puisse la suivre.
Puis son comparse lève son verre vers lui, un air complice sur le visage. Cécil est perdu. Est-il censé y lire un code secret ? Parce que si c'est le cas, il ne l'a pas. Pour autant, pour faire bonne mesure et plus par automatisme que pour autre chose, le bougre l'imite, expression pincée sur le visage avant de prendre une gorgée à son tour.

Par réflexe.
Cruelle erreur.

Le goût de l'alcool ne déplaît pas au kalosien, et la médiocrité du vin ne le dérange pas non plus. Ceci dit, la boisson lui décape la gorge et c'est un miracle qu'il ne grimace pas. Il n'est pas certain mais peut être qu'une autre gorgée le mettra à terre. Cécil refuse de s'y risquer : il a encore des choses à faire. Alors, il repose son verre doucement, s'humecte les lèvres et se racle la gorge.
Peut être que Séraphin – qui n'aurait pas du boire – attend de lui qu'il apporte sa pierre à l'enquête. L'opération s'annonce tendue, le coordinateur n'est même pas sûr d'avoir tout compris. La seule information qu'il semble avoir retenu est qu'il s'agissait d'un Tauros chromatique, et que le mystérieux 'homme Lougaroc' était énorme.

« Vous avez du parler aux autres fermiers, avance Cécil, désormais incertain de son propre accent. Savez-vous si le-... Hm, l'homme-lougaroc a emporté des bêtes ayant des points communs avec votre Tauros ? »

Cécil arque un sourcil. Il ne sait pas vraiment si sa question est des plus pertinentes mais-... Trouver des similarités entre les victimes, n'est-ce pas une part importante de l'enquête ?

Elric soupire avant de répondre à leurs questions, mais pour être honnête, il leur aurait parlé des difficultés à être fermier en époque de crise que Cécil aurait compris la même chose, à peine exagéré.
Sourcils froncés, le bougre se concentre du mieux qu'il peut, mais rien à faire. L'accent est à couper au couteau et il n'est absolument pas certain que ce qu'il comprend est correct ou pas. Entre deux gorgées d'alcool, ça parle de sang et ça parle d'un monsieur Gibson qu'Elric ne semble pas particulièrement porter dans son cœur.

Ah ça, son intonation et ses expressions étaient bien plus compréhensibles que ses mots.

Bien confus par la situation – contrarié également – c'est presque un soulagement d'entendre son partenaire reprendre la parole. Enfin quelqu'un qu'il peut comprendre et qui le détourne de son envie de reprendre une gorgée d'alcool par dépit.
Séraphin – celui qui fait la conversation – remercie le fermier pour deux et prend congé avant de se lever et de se diriger vers la sortie. Cécil met un instant à l'imiter, cherchant les mots pour saluer leur hôte également avant de se décider pour un très sobre « Merci, au revoir. »
Il ne perd pas de temps à se relever à son tour, trottinant presque pour rejoindre la porte devant laquelle l'attend Séraphin – pas le Caninos – et de s'engouffrer à l'extérieur. Là, un lourd soupire lui échappe, comme si toute la tension accumulée s'échappait de ses poumons.

Pas fâché d'être sorti de là, il inspire longuement et le regrette aussi sec. L'odeur... Il l'avait oubliée et elle ne lui avait pas manqué. Etouffant une toux soudaine, Cécil peste intérieurement, pressé de s'éloigner du fumet des bovins et de pouvoir recommencer à respirer comme un être humain normal.
C'est ce moment là que son compagnon d'infortune juge bon de lui parler et de lui présenter sa théorie sur l'enquête qu'ils mènent. Comprendre ce qu'il dit est chose aisée, suivre son train de pensée avec la moitié des informations l'est un peu moins.

Alors Cécil se rend compte qu'il ne peut pas faire illusion. Il pourrait en fait, mais ce ne serait pas une bonne idée. Abattu, il grimace – autant contrarié par la situation que par l'odeur – et soupire avant de poser un regard grave sur Séraphin – celui qui a l'air un peu trop enjoué-... Ah non, pas le chien –.

« J'ai rien compris. » déclare-t-il alors de but en blanc. « Enfin-... J'ai compris certaines choses, mais-... J'ai pas compris. »

Lèvres pincées, Cécil fait la moue avant de se détourner de son compagnon d'infortune. Rapidement, il marmonne que l'accent d'Elric était trop prononcé pour tout saisir mais même avec cette excuse, une certaine honte de ne pas avoir pu tout suivre – et de dépendre de quelqu'un d'autre pour lui expliquer – le fait soupirer une troisième fois.

« Si vous pensiez que son Tauros était encore en vie, je suppose qu'il n'a pas dit qu'il s'était fait décapiter ? » finit-il par demander, l'air embarrassé d'avoir à quémander des détails sur l'affaire qui les intéresse. « Oh et-... » il prend une courte pause pour récapituler ce qu'il croit savoir et ce qu'il ne sait pas, en vain. « … Gibson, et ses 'woulous', c'est-... ? »

Il n'ose pas finir sa phrase, trop conscient que n'importe laquelle de ses théories quant à la signification de 'woulou' serait fausse - voir stupide. L'entièreté de la confusion se lit sur son visage et si Cécil n'apprécie pas ça, c'est un regard empli d'espoir et de curiosité qui se pose sur Séraphin – son traducteur ? –.

C'est en kalosien que Séraphin – celui qui s'est bien gardé de lui dire qu'il parlait sa langue – lui répond, et les yeux de Cécil s'écarquillent autant de surprise que de soulagement. Lorsque son comparse lui confirme que le Tauros d'Elric n'a effectivement pas perdu la tête, le bougre hoche la sienne doucement, attendant la suite des explications qui ne tardent pas.
Séraphin – pas celui qui vit sa meilleure vit en reniflant autour de lui – prend le temps de détailler l'histoire d'Elric, lui donne les traductions des différents termes qui pourraient lui causer du soucis, et si Cécil est reconnaissant, une part de lui en prend pour son grade. Lèvres pincées, il se retient à quelques reprises de préciser que ça, il l'avait compris, conscient qu'on ne prend le temps de faire l'aller-retour dans les deux langues pour lui faciliter la tâche. Peu désireux également de débattre sur son niveau de compréhension.

Après tout, il comprend bien.
C'est simplement la faute d'Elric, son accent et sa piquette.

Fort d'avoir trouvé un fautif et d'avoir un résumé correct des événements, Cécil se gratte pensivement le menton pour récapituler les derniers événements et tenter de formuler sa propre théorie.
Jusqu'à ce que son comparse lui offre une dernière traduction. Une qui lui arrache un rire spontané.

« Oui. Oui ça, j'avais compris. » pouffe-t-il avant de reprendre son sérieux. Sourire toujours collé au visage, le kalosien retourne dans ses pensées, fait mine de prendre la parole à quelques reprises sans finalement jamais se décider vraiment.

Finalement, après un moment de marche silencieuse, Cécil se jette enfin à l'eau. « Vous savez ce que je trouve étrange ? » débute-t-il, le ton plus grave que précédemment « Les Tauros vivent en troupeau et sont réputés pour leur agressivité. Les autres membres du troupeau auraient du charger un intrus. »
Réputés pour leur violence, craints pour leurs charges et leur force-... Le coordinateur a du mal à croire que l'un d'eux se soit fait égorger aussi facilement même par un autre pokemon. Puis ces bêtes ne sont-elles pas territoriales ?

Quelque chose le chiffonne dans cette histoire là et il jette un regard plus suspicieux en arrière, vers la ferme d'Elric. « C'est un chromatique qu'il a perdu. Je ne peux m'empêcher de penser que ce n'est pas une coïncidence non plus. »
Pas que les chromatiques aient un intérêt autre que leur couleur et leur rareté, mais Cécil est assez bien placé pour connaître la convoitise qu'ils soulèvent. Ceci dit, il ne parvient à mettre le doigt sur rien d'autre même si quelque chose continue à le déranger.

« Si ce fameux Gibson a également perdu une bête de cet acabit-... » il laisse sa phrase en suspens avant d'adresser un sourire innocent – taquin – vers son compagnon d'infortune « S'il a le même accent que ce cher Elric, je vous laisserai le soin de faire la conversation. J'espère que vous comprenez. »

Cécil est bien tenté de laisser aller un deuxième rire, mais il se contente d'étouffer un souffle amusé et de secouer la tête.

« Hélas, vous ne voudriez pas m'entendre lui demander si ses woulous ne le démangent pas ? J'ai bien cru qu'il s'agissait de poux l'espace d'un instant. »

Il plaisante, agite la main pour dissiper la bêtise qui a pu lui traverser l'esprit. Heureusement, Séraphin – celui qui joue mal le dépit – n'est pas sérieux lorsqu'il lui dit vouloir l'entendre pratiquer leur 'belle' langue avec un autre habitant. Cécil grimace, il ne trouve pas ce langage particulièrement beau, ni particulièrement agréable à l'oreille, mais peut être son patriotisme est-il à l'origine de son opinion.
Il n'en dit rien cependant, ce n'est pas le sujet de la conversation et l'expression de son comparse se fait rapidement plus grave.

Sur une note plus sérieuse lui dit-t-il, et Cécil efface automatiquement son sourire pour l'écouter.
Ils s'arrêtent pour discuter – probablement pour éviter les oreilles indiscrètes – et Séraphin – celui qui semble avoir bien réfléchi – lui expose ses propres théories. Globalement, ils s'arrêtent sur les mêmes détails.
Loin de s'y connaître en alimentation de bête mythique, Cécil aurait pensé qu'un Tauros serait suffisant à l'alimentation d'un Lougaroc, et l'accusation à mi-mots du dénommé Gibson le fait arquer un sourcils.

La rivalité mentionnée par Elric ne serait pas un motif tiré par les cheveux si l'un des deux fermiers en venait à vouloir se venger, mais le coordinateur doit bien admettre qu'avant d'accuser un homme, il préfère encore croire qu'il s'agit d'un pokemon sauvage – peu probable mais pas impossible – ou d'un voleur extérieur au village.
Alors il pince les lèvres, hoche sévèrement la tête. Séraphin – détective privé – mentionne bien une condition à ses soupçons, ils verront bien si ledit Gibson peut être suspecté, ou pas. Ca n'engage que lui, mais Cécil préférerait le deuxième cas.

« Nous verrons bien ce qu'il a à dire. » acquiesce-t-il alors gravement, les sous-entendus de son comparse toujours en tête.

Il ne leur faut pas plus longtemps – enfin, une petite trotte quand même – pour rejoindre la ferme indiquée par Elric. Ne croisant personne à ses alentours, Cécil prend les devants pour atteindre la porte d'entrée. Pas question d'entrer sans permission cette fois-ci : il n'entend personne hurler et n'a aucune raison de s'inviter de lui même.
Avec une certaine vigueur, il tape à la porte pour s'annoncer.

« Monsieur Gibson, vous êtes là ? »

Etant données les rumeurs, il ne sera pas sage de ne pas être là, mais un fermier doit avoir une vie bien occupée.

Gibson, s'il est présent, prend son temps. Cécil en profite pour se baisser et adresser quelques caresses à Séraphin – le tout petit tout beau – pour le remercier d'être aussi sage. Pour un peu, il le papouillerait, mais alors que Séraphin – celui qui semble bien impatient et il ne le blâme pas – s'éloigne, des bruits de bottes résonnent lourdement derrière la porte.
Le kalosien se redresse presque automatiquement, prêt à rappeler son compagnon d'infortune sans en avoir le temps.

La porte s'ouvre.
Cécil fige un sourire poli.

Oh, il regrette déjà Elric et sa moustache frétillante. Pour autant, il se garde bien de le dire et son expression ne trahit aucunement sa surprise et se gêne.
L'homme baragouine dans cet accent propre à Glenn – à l'aide s'entend-t-il supplier à l'intérieur – que c'est bien lui. Le fameux monsieur Gibson. Le fameux vieux con qu'Elric n'apprécie pas. Cécil sait qu'on ne juge pas sur les apparences – il serait bien malheureux de le faire – mais... Le paysan est-il vraiment obligé de réunir les pires clichés ?

Heureusement, Cécil n'a pas à débuter la conversation. Sans tarder, Séraphin – les deux en fait – se retrouvent devant, et son collègue détective en herbe prend la parole à sa place. Il résume la situation, invente une excuse – qui n'en est pas entièrement une – pour expliquer leur présence ici et sort un calepin pour prendre des notes.
Par curiosité, Cécil lance un regard vers les poches de la blouse blanche, mais il n'a pas le temps de s'y attarder : il a une conversation à suivre.

Du moins, à suivre du mieux qu'il peut.

Séraphin – celui qui prend les choses en main – pose les questions, puis se tourne vers lui pour savoir s'il aurait oublié quelque chose. Cécil secoue la tête « Non, il me semble que c'est tout. » répond-il, se gardant bien de mentionner le nom d'Elric.
Mentionner le voisinage aurait pu inspirer confiance, de la même façon que le précédent fermier les a laissé rentrer après avoir reconnu Séraphin – celui qui renifle les bottes de Gibson – le Caninos de Donna.

Mais étant donné le probable passif entre les deux hommes-... Mauvaise idée, songe-t-il. Quant aux restes, ils pensent que les questions de son partenaire sont suffisantes pour un début d'enquête.

Gibson lève les yeux au ciel et au delà et Cécil grimace légèrement. L'ont-ils réveillé ? N'est-il pas un peu tard pour qu'un fermier se réveille ? Ne sont-ils pas censés se réveiller aux aurores ? Le bougre n'a l'air ni très aimable, ni très frais. Pourtant, il porte toujours ses bottes empestant une ignoble odeur de bouse...
Un instant, un bref instant le kalosien songe qu'il s'est simplement écroulé de fatigue dans son lit avec ses bottes aux pieds, mais l'image mentale le rebute si fort qu'il l'efface bien vite. Même s'il a raison, il ne voit pas vraiment en quoi cette information lui serait utile.

D'autant qu'il a autre chose sur quoi ce concentrer. Si le fermier a le même accent qu'Elric, il parle moins et les mots qu'il emploie sont assez reconnaissables pour que Cécil se sente vexé. Eux ? Voler Séraphin – certes le plus beau – ?
Oh il pourrait crier au scandale, lui signaler que sa voisine – bien plus aimable – leur a prêté le chien pour résoudre une enquête qui secoue Glenn entière... Seulement-... Séraphin – celui qui a des grandes poches – le devance, plus poli, quoique visiblement agacé. Cécil ne le blâme. Suppute qu'une parole de travers serait suffisante pour qu'on leur claque la porte au nez.

Songe que ce ne serait pas plus mal étant donné la vision qu'ils ont actuellement...

Alors, pendant qu'il défend leur cause, Séraphin – décidément bien bavard pour un tel interlocuteur – se tourne un instant vers lui pour lui échanger un regard complice. Complice de quoi ? Cécil n'en a aucune idée, mais peu importe l'expression qu'il affiche, celle-ci semble suffisante pour encourager son compagnon d'infortune à reprendre sur sa lancée.
Il s'approche – avec beaucoup d'audace – pour faire des confidences à Gibson. Cécil tend l'oreille pour saisir ce qu'il dit et soudainement, il voit où il veut en venir.

Maintenant qu'il le mentionne, la ville entière – ou du moins une assez grosse partie – les a accusé du crime, mais jusqu'à présent-... Seul Elric leur a parlé directement du monstre et de la perte qu'il a subit. De l'unique perte qu'il a subi. Le seul à l'avoir subi.
Et si Séraphin – le détective amateur – ne sous-entendait pas que le sympathique moustachu s'était lui même lésé pour se faire rembourser, le kalosien serait resté sur une histoire de vengeance entre fermiers rivaux.

Ou peut-être tente-t-il d'appâter Gibson sur un vieux conflit pour l'amener à parler ? Le coordinateur pince doucement des lèvres, songeur, sans réellement savoir à quoi pense son comparse.
Peu importe.

Curieux de voir la réaction du fermier mal embouché, Cécil n'avance rien, d'autant que ses théories à lui sont autrement plus agressives et le braqueraient assurément. Ce n'est pas ce qu'ils veulent, pour l'instant, il se contentera de laisser Séraphin – bien courageux de s'être approché autant d'un homme aux bottes crottées – gérer la situation à sa façon.

L'oeil de Gibson se réveille. En quelques sortes. Le manège de Séraphin – qui a l'air de bien s'amuser finalement – semble porter ses fruits et le fermier n'a plus l'air disposé à leur claquer la porte au nez. Enfin plus trop.
Ce dernier ne se dérange pas pour fumer devant eux – une odeur qui, si elle n'était pas couplée au doux fumet de la campagne, ne le dérangerait pas outre mesure –, visible surpris – mais pas trop – que le fameux Homme-Lougaroc ait fait une victime.

Cécil fronce les sourcils, sceptique. Oh, bien sûr, il n'avait pas cru qu'une véritable bête mythique existait dans les environs de Glenn, mais il avait été en revanche convaincu qu'un pokemon, ou un voleur de bétail, avait été à l'oeuvre. Ceci dit-... S'il avait été prêt à l'accuser, Gibson lui met désormais le doute.
Le kalosien peste à l'intérieur, se dit qu'il est coordinateur, pas enquêteur et qu'il a bien choisi sa voix. Alors impuissant et empli de doutes, il pince les lèvres, laisse son partenaire faire la conversation.

Séraphin – dramatique – refuse de donner le nom d'Elric mais ne se prive pas pour lancer un regard 'subtil' en direction de la ferme de ce dernier. Le spectacle manquerait presque d'arracher un sourire à Cécil s'il ne faisait pas l'effort d'au moins garder son sérieux à défaut de participer.
Là non plus, il n'a pas grand chose à ajouter, ce que son comparse raconte, c'est ce qu'ils ont entendu précédemment. Séraphin – la grande commère – ajoute même que la bête égorgée est un Tauros chromatique. Le kalosien doute que cette information ne passe inaperçue. Les bêtes aux colories différents sont rares et prisés et il théorise que peu de fermiers ont le luxe d'en posséder une dans leurs élevages.

Le Tauros d'Elric devait être connu.
C'est du moins ce qu'il pense.

Enfin arrive la conclusion de Séraphin – celui qui n'a pas l'air adorable lorsqu'il tire la langue – et Cécil réprime un autre sourire. Son partenaire se garde bien de préciser qu'ils ne sont partis à la chasse aux monstres que parce qu'on les a accusé d'en être eux même. Cette information rendrait probablement la conversation plus confuse qu'elle n'a besoin de l'être, mais prétendre qu'il ne veut pas laisser ce crime impuni ?
Ah, il est peut être mauvaise langue, mais Cécil trouve que cela sonne faux, se garde bien de faire un commentaire là dessus, se contente de simplement hocher la tête à défaut de vouloir lui même engager Gibson.