Penser que Lenore passe ses journées enfermée dans une salle de prière serait une fausse idée. A vrai dire, aucune de ses sœurs ne le fait non plus. Il y a toujours fort à faire au couvent, entre l'entretien des lieux, la cuisine, l'accueil des fidèles. Et quelques autres activités qui les occupent tout en bavardant. C'est un accord non dit mais toutes savent, Lenore est la confidente, l'oreille attentive qui toujours écoutera sans juger. Aujourd'hui d'ailleurs, sa sœur Alexandra est venue lui confier un secret un peu honteux. Ce secret d'avoir posé les yeux sur un homme charmant, lors de la dernière messe. Bien sûr, elle n'a nullement l'intention de briser ses vœux, néanmoins, la jeune femme aimerait se faire un peu remarquer. Offrir un petit quelque chose qui la rendra unique au milieu des autres nonnes. Seule une personne a entendu ses confidences murmurées à l'oreille, cette requête timidement adressée.

Ainsi la jeune femme s'est faite gardienne des mots, s'est glissé hors du couvent, direction une petite boutique à Pryderi. Elle n'a pas à juger l'attirance de sa sœur, seul Arkée décidera de son sort. Si il s'agit d'une hérésie ou une entorse convenable. De plus, la blâmer, ce serait blâmer ses propres rougeurs devant toues les belles personnes, hommes et femmes. Nul châtiment n'est pour l'instant tombé, mais elle n'a pas voulu en parler au prêtre supérieur non plus. Le pêché est mortel, voilà ce qu'il dirait. Mais Lenore n'a pas le sentiment de faire du mal en observant simplement. Tant qu'elle reste dévouée au Créateur, tout va bien.

Son panier rempli de quelques baies contient également le précieux objets. Un bijou artisanal venu d'une minuscule boutique méconnue. Bienveillante, solidaire, elle espère que ce petit geste apportera un peu de bonheur à sa compagne. Le cas échéant, son épaule lui sera toujours disponible. Lenore pense bien trop aux autres pour son propre bien.

Innocente Lenore, bien trop innocente. Incapable d'imaginer qu'un pokemon puisse se jeter sur son panier pour jouer le voleur. Elle ne se serait pas inquiétée pour une baie, après tout le but derrière était sûrement nutritif. Mais le bijou est précieux, et surtout ne lui appartient pas. Impossible de rentrer sans, elle trahirait la promesse faite à une amie chère. Alexandra compte sur elle, il lui faut honorer sa promesse. Ainsi, malgré la rapidité du voleur, la jeune femme parvient maladroitement à suivre sa trace. Elle fait appel au flair de Arthur, qu'il suive ses pas. Le voltoutou fait de son mieux pour se concentrer, facilement distrait par n'importe quel autre bruit ou odeur. Difficile de se fier à lui, pourtant Lenore a foi. Son compagnon canin réussira, il n'est pas si empoté que cela. Et puis il est empli de bonne volonté, c'est le plus important.

En effet, après de longues minutes, le chiot aboie pour signaler une présence. Le bijou brille, abandonné sur le sol, par un rattata bien amoché. Des traces de griffures parent son visage, et Lenore peut jurer qu'elles sont récentes. Encore ouvertes, saignantes. Une vue bien triste, malgré le vol commis précédemment. Le précieux bibelot est intact, de retour dans son panier, comme si il ne s'était rien passé. A partir de là, il serait aisé de passer son chemin, après peut-être une petite remontrance. Ce n'est pas bien de voler, ce genre de choses. Mais comment en vouloir à un rat des rues qui cherche à survivre ? Comment lui en vouloir devant ce regard tout penaud ? La nonne a un cœur trop grand pour son bien. Il pourrait encore jouer la comédie qu'elle tomberait dans le panneau.

-Pauvre créature, le destin semble bien cruel avec toi.

Il est sale, maigre, blessé à de nombreux endroits. Quiconque l'a attaqué s'est acharné. Est-il un rejeté lui aussi ? Elle sait que les rattata se déplace souvent en bande, pour chaparder de la nourriture. Oui, cette petite a simplement voulu se nourrir, non lui faire du mal. La jeune femme remarque également ce détail, ce léger handicap qui peut lui rendre la vie plus compliquée. Ses dents sont courtes. Beaucoup trop pour un membre de son espèce. Rien d'étonnant à ce qu'on le rejette. Doucement, elle passe un doigt sur son dos, évitant soigneusement les plaies. Des soins vont être nécessaire.

-Ta différence effraie, ta différence te rend rejeté des autres. On te craint car on ne sait pas quoi faire de toi.

Comme les professeurs à l'école avec elle. Comme les autres élèves. Comme parfois même ses parents, malgré tous leurs efforts. On ne se préoccupe jamais d'eux, les exclus, qu'on préfère ignorer et bannir loin. Loin, dans des endroits qui leurs sont dédiés.

-N'aie crainte ma belle, notre rencontre aujourd'hui ne peut pas être le fruit du hasard. Arkée t'as mis sur mon chemin pour que tu trouves enfin une personne qui t'accepte.

Une ratte dans le couvent, qu'est-ce qui pourrait mal se passer ?