Je n'ai jamais pensé que Nikolas ferait un bon Tsar.
Il était trop sensible, trop rêveur, trop idéaliste. Si il n'était pas né, je serais devenu Tsarine, comme la loi de l'Empire de Strana le veux. Une femme peut monter sur le trône mais seulement en absence d'héritier mâle.
C'était un plan parfait, complètement calculé. Des engrenages parfaitement huilés pour me mener aux portes du pouvoir absolu. Mais il a fallu que Nikolas naisse.
Il était petit pour son âge, chétif, les cheveux un peut trop foncés pour ceux qui font la réputation de notre lignée. Puis, il était maladroit aussi, tête en l'air, il oubliait souvent les protocoles et ne retenait qu'à peine les leçons de notre tuteur.
Mais malgré tout ça, il était mon petit frère adoré. Mon compagnon de jeu préféré.
Ce n'est pas que je déteste la présence de mes demoiselles de compagnie mais elles étaient trop formelles dans leurs actions. Je sais que beaucoup de Grandes-Duchesses avant moi se sont faits ainsi de très bonnes amies. Je dois être l'exception.
Car je préfère jouer avec mon frère, en cachette bien sûr, cela rendrait notre père furieux si il apprenait que je convie Nikolas à des jeux de petite fille.
Nous aimons prendre le thé seuls, tout les deux. Accompagnés seulement de mes poupées et de ses petits soldats de plomb. J'aime beaucoup le thé noir, Nikolas, lui, fait semblant d'en boire. Il déteste le goût mais aime bien imiter les grands.
Cela me fait un peu rire. Je me demandes comment il va se débrouiller plus tard, quand il devra en boire pendant les réceptions importantes. Il n'aime pas que je lui demande ce genre de chose, cependant.
Je crois que le futur l'angoisse. Je crois qu'il ne veut pas devenir Tsar. J'ai honte de l'admettre mais je lui en veux un peu pour ça. Il m'a volé mon rôle qu'il l'ai voulu ou non et j'aimerais qu'il sache l'apprécier à sa juste valeur.
Alors pendant que nous prenons le thé, j’essaye de glisser de ci de là quelque conversations politiques, économiques ou sociales. Mais il ne sait pas répondre, il regarde sa tasse, confus et se contente de hocher la tête.
Cela me fait peur. Quand il sera Tsar, il se retrouvera seul au milieu d'un banc de Sharpedo. Alors je baisse les yeux et je m'arrêtes d'en parler en général.
Mais aujourd'hui c'est différent. Tandis que je faisais parler ma poupée Magdalina en demandant au jeune Tsarévitch de ce qu'il pensait de notre saint Empire, il s'est fâché au point de renverser sa tasse de thé. Je me suis précipité pour éponger comme je pouvais.
Lui, il n'a pas bougé. J'ai vu du coin de l’œil qu'il pleurait. Je m'en suis voulue de le pousser à bout comme ça. Mais c'est pour son bien, j'aimerais tellement qu'il comprenne, la vie n'est pas un conte de fée.
Alors, d'une voix hésitante, je décide d'entamer la conversation que nous aurions dû avoir depuis le début.
Tu sais, Nikolas, je ne serais pas toujours là pour te protéger.
Pas de réponse, je crois qu'il boude. Je me relève alors, le mouchoir encore imbibé de thé entre les mains. J'aurais peut-être dû demander à une servante de faire ça mais ça pourrait trahir nos rendez-vous secrets.
Je continue tout de même.
Tu dois devenir un bon Tsar. Des choses terribles arrivent aux souverains trop faibles. Comme le roi de Kalos qui...
Il se relève en bousculant sa chaise en arrière, le bruit qu'elle fait quand elle tombe me fait sursauter. Je ne l'ai jamais vu comme ça, il a toujours été très doux de caractère mais là, il a vraiment l'air renfrogné.
Tu gâches toujours tout ! J'en ai marre que tout le monde me dise comment je dois me comporter, Vassilisa, c'est pas pour ça que je viens jouer avec toi. Je veux juste qu'on me laisse tranquille un heure ou deux mais t'es même pas capable de m'accorder ça !
J'ai les larmes aux yeux mais je ne dois pas pleurer. Je sais que j'ai raison. Je ne veux pas te perdre, Kolia. C'est bien beau d'aimer jouer aux petits soldats de plomb mais un jour, ce sont de vrais soldats que tu devra mener. Je veux que tu sois prêt pour ça. Je ne veux pas que tu finisses comme le roi de Kalos.
J'veux pas devenir Tsar. Réplique-t-il en boudant.
J'allais lui répondre que ce n'était pas à lui de choisir mais je suis interrompue par une voix familière. Mince ! Notre cachette est révélée. On est tout les deux dans de beaux draps. Et bien, et bien, que se passe-t-il par ici ?
La Tsarine Alina en personne nous toise de la tête aux pieds. J'ai peur qu'elle nous gronde un instant mais le sourire qu'elle affiches me donnes un peu d'espoir.
En fait... Je bredouille un peu. Nikolas et moi, on s'amuse à prendre le thé pour s’entraîner quand on sera grands.
L'idée fait rire notre mère, elle vient me caresser les cheveux puis ceux de mon frère encore bien grognon. C'est sur ce dernier qu'elle vient porter son attention.
Et bien, Kolia, qu'est-ce qu'il t’arrive ? Tu as l'air bien triste. C'est Vasya ! Proteste-t-il. Elle veut toujours que je me comporte comme un grand. Je veux juste jouer, moi !
Ça m'énerve alors je rétorque un peu trop agressivement : Je ne veux pas qu'il finisse comme le roi de Kalos, c'est tout.
Maman m'adresse un sourire plein de douceur et m'invite à aller dans ses bras. Kolia et moi, on est tout les deux dans les bras de maman. Personne ne finira comme ce pauvre roi. Dit-elle avec toute la douceur du monde. Arkæ nous protège, c'est lui qui a choisi notre famille pour régner. Le règne du Tsar sera éternel, il en a fait la promesse.
Elle nous serre contre elle et murmure la devise de l'empire.
Slava Arkæ.
Slava Arkæ ! Je répète avec entrain.
Nikolas aussi répète, mais il n'y mets pas vraiment du sien. Il me déçoit un peu, mais je ne dis rien.
Slava Arkæ, 'Arkée soit loué. Longue vie à l'empire'. Voilà la devise complète de la famille Rusalka. Certains y ajoutent 'toujours plus loin vers l'Est.' Car notre empire s'est étendu grâce aux nombreuses conquêtes orientales. Nous avions besoin de terres fertiles. Arkæe nous a donné la force de les prendre.
C'est ce que dis notre tuteur en tout cas, inutile de dire que Nikolas n'écoute pas. J'ai l'impression qu'il murmure notre devise sans savoir ce que cela veut réellement dire.
Au moins, je peut remercier Maman pour avoir arrêté la dispute. Elle donne quelques ordres aux domestiques pour ranger tout ce bazar et me prends à part. Nous marchons silencieusement dans les couloirs et après quelques minutes, je lui demande la question qui m'angoisse et me fait une boule au ventre.
Vous croyez que j'ai tord, Mère ? Je m'inquiète vraiment pour lui, il n'a pas la carrure d'un Tsar et...
Elle me coupe la parole d'un simple geste de la main, se retourne et m'adresse un petit sourire triste.
Je penses que tu as raison, Vasya. Mais il grandira et nous devons lui donner du temps.
Je baisse les yeux avant de poser une question tout aussi inquiète.
Vous...êtes-vous en colère contre moi ?
Elle me caresse à nouveau la chevelure avant de me prendre doucement la main. Son sourire reprends du poil de la bête et elle m’entraîne vers le boudoir qui lui est habituellement réservé. Je me demandes si j'ai vraiment le droit d'y entrer mais je la suis quand même. J’ignore ce qu'elle mijote mais j'ai complètement confiance en elle.
Maman a toujours été gentille avec nous, pas comme Papa.
Le boudoir est très joli, il y a des enluminures partout et des broderies de Saints affrontant des pokémons géants, illustrant les légendes du livre saint. Sakta Arkæ y tient la place principale, jamais je n'avais vu d'endroit aussi magnifique.
Ma chambre, aussi jolie soit-elle, paraît bien sobre en comparaison.
C'est pour ça que, plongée dans ma contemplation, je n'est pas remarqué l'oiseau en cage que Maman amenait vers moi. C'est sursauté quand il a roucoulé en me voyant. Il savait qu'il m'était destiné et semblait apprécier l'idée.
Il était magnifique, vraiment. D'une couleur Lilas et d'une grâce digne de mon rang. Je n'avais jamais vu de pokémon semblable avant, alors je jette un regard curieux vers Maman qui ne tarde pas à s'expliquer. C'est un Plumeline Buyō venant d'Alola, tout à fait à la mode chez les dames de la cour. Cette petite femelle est très gracieuse comme tu peux le voir. J'ai pensé qu'il était temps que tu reçoive ton premier pokémon, tu as treize ans après tout.
Mes yeux se mettent à briller tandis que Maman fait sortir la petite Plumeline de sa cage pour me la tendre. Comme tout les pokémons 'nobles' de Strana, elle est plus petite que ce qu'elle devrait faire question taille.
L'oiseau vole et se pose directement sur mon épaule, je ne peux pas m'empêcher de sourire et de lui caresser les plumes. Elle a l'air d'apprécier.
Mon premier pokémon.
J'ai du mal à y croire.
J'ai envie de pleurer de joie alors j'essuie mes yeux humides pour ne pas fondre en larme comme la dernière des idiotes. Je suis une Grandes-Duchesse après tout, je dois savoir contrôler mes sentiments.
M-merci Mère. C'est un merveilleux cadeau !
Elle me caresse la joue. Quand elle fait là, j'ai toujours l'impression de redevenir une petite fille. Une part de moi voudrait qu'elle arrête et une autre voudrait que cela dure toujours. Un merveilleux cadeau pour ma merveilleuse fille adorée. Déclare-t-elle avant de demander d'un air malicieux. Alors, comment l'appellera-tu ?
Je réfléchit quelques instants avant de m’exclamer. Kikimora. Comme le saint dresseur d'Artikodin. Le protecteur de notre famille !
Elle se met à rire doucement. Oh, ma petite Vasya, tu aurais fais une grande Tsarine, en effet. Elle me prends le visage entre les mains et vient poser un baiser sur mon front. Je suis sure qu'Arkæ a d'autres plans pour toi. Et ils seront tout aussi formidables.
Père m'a annoncé une nouvelle. Il souriait et s'attendait à ce que je sois heureuse. Toutes les femmes aristocrates se doivent d'être heureuses dans ce genre de cas, j'imagine. Mais je n'ai pas réussi à jouer la comédie.
Il m'a 'vendue' à une famille d'un pays appelé Keros. Une minuscule région sans importance, autrefois colonie de Galar. La famille Winters n'est même pas si importante que ça, mais en absence de 'place' ou me caser dans la famille Drung, ils ont opté pour une autre branche de celle-ci.
Je suis échangée contre du charbon, pour faire simple.
Le même charbon qui commence à s'épuiser dans les mines de Strana, que toute les familles nobles s'arrange pour le faire venir de l'étranger et éviter la révolte du bas-peuple. Il y a bien Magnetongorsk qui fournit encore du minerai, mais qu'est-ce qu'une seule ville peut faire pour tout un pays ?
J'ai dis à Père que je ne voulais pas quitté Strana, ma patrie, ma fierté. Je lui ai proposé d'autres alliances, la famille Saltykov par exemple, qui possède plusieurs territoires à l'Est et commencent à trouver du pétrole sur leurs terres. Les Stoupichine qui tiennent l'agriculture d'une main de fer et qui ont justement un jeune fils à marier. La famille Famille Andreïev qui...
Il m'a coupé dans mon monologue.
Il ne veut pas m'écouter, la décision est déjà prises, les papiers déjà signés, l'accord accepté et il ne manques plus que moi, le colis à envoyer à Keros.
J'ai perdu mon calme, j'ai perdu ma bienséance. J'ai crié que je n'étais pas une marchandise, qu'il était injuste qu'il ne m'ait pas consulté avant de prendre une telle décision.
J'aurais pu être Tsarine ! Ai-je crié. J'aurais pu être la plus grande et la plus puissante des souveraines Rusalka. Mais depuis qu'il y a Nikolas, c'est comme si je n'étais qu'un morceau de viande à vos yeux ! Je suis votre fille, bon sang !
Il m'a toisé d'un regard méprisant. J'ai réprimé l'envie de lui arracher les yeux, de lui crever avec mes ongles. J'ai réprimé toute la colère du monde.
Si tu n'es pas une épouse, tu ne sera pas Tsarine, tu sera une catin.
Et c'est sur ces mots qu'il est parti, demandant au passage aux servantes de préparer mes affaires. J'ai jeté un regard désespéré vers Maman, je savais que Père l'aimait, qu'elle aurait pu soutenir ma cause, changer le cours de mon existence, me faire rester à Strana. Ma patrie, ma fierté.
Elle m'a rendu mon regard et m'a adressé un sourire désolé.
Tout ce passera bien, Trésor. Tu verras, ce n'est pas si mal. Ça a été difficile pour moi-aussi tu sais. De Galar à ici...
Je n'ai pas écouté le reste de ses paroles. Quelque chose s'est brisé en moi. Je lui accordait toute ma confiance, j'étais prête à remettre mon avenir entre ses mains. Mais il faut croire qu'elle aussi me considère comme un simple bout de viande, un pion à caser quelque part.
Une simple alliance politique.
Ce soir-là j'ai refusé que l'on entre dans ma chambre, j'ai refusé que Nikolas vienne me rendre visite, je voulais être seule.
Je ne voulais pas que l'on me voit pleurer.
Seul Kikimora est restée avec moi. Elle a tenté de me réconforter, de sécher mes larmes. Mais j'étais inconsolable.
Qui s'occuperait de veiller sur Nikolas en mon absence ? Qui l'aiderait à devenir un Tsar, un vrai ? Certainement pas Père, lui qui se souciait si peu de nous. Et je n'avais plus aucune confiance en Mère.
Puis une perfide partie de moi m'a dis que ce n'était pas si grave que ça, qu'après tout, c'était la faute de Nikolas si j'en étais rendue à servir de monnaie d'échange. Mais j'ai fais taire cette petite voix vicieuse.
Nikolas était mon frère adoré. Et tout comme ma patrie, on me le dérobait.
Cette porte. Pourquoi n'y a-t-il aucun verrou à cette foutue porte ? Pourquoi peut-il aller et venir dans ma chambre comme dans un moulin ? Et ce 'devoir conjugal' qu'il me force à accomplir me dégoûte. Caleb me dégoûte.
Ses doigts moites sur ma peau, son odeur de Groret, son haleine pestilentielle. Cet homme me répugne. Ce qu'il me force à faire est immonde.
Si j'avais ne serait-ce qu'une once de courage, je me serais défenestrée depuis longtemps. Mais j'ai peur. J'ai peur de mourir avant de pouvoir revoir Strana. Ma patrie me manque comme si j'étais un Flamiaou à peine sevré séparé de sa mère.
Caleb veut que je porte ses enfants, mais tout ce que je lui donne, ce sont des monstres malformés sortis trop tôt de la matrice. Fausses couches sur fausses couches. Il réessaye à chaque fois. Je n'en peux plus, mon corps n'en peux plus.
Je suis constamment alitée, fatiguée, malade. Ça ne l'empêche pas de venir me voir pendant la nuit. Les domestiques entendent mes cris mais ne font rien. Je suis seule dans ce manoir, livré à lui comme du bétail. Je ne suis vraiment qu'un morceau de viande.
Il dit ne s'être marié à moi que pour avoir une descendance. Il dit s'être marié à un ventre.
Nikolas m'écrit des lettres, il espère que je vais bien. Je lui mens bien sûr. Je devrais déjà être heureuse que Caleb me laisse les lire. Comme je m'y attendais, il ne sait pas quoi faire depuis la mort de Père, il est perdu, trop de responsabilité, trop de politique. J'espère que tout ira bien malgré tout.
Mais l'espoir ne fait plus vraiment parti de ma vie.
Ma dernière grossesse n'a duré que six mois, l'enfant, un garçon, a survécu quelques jours mais il est mort rapidement. Je porte encore la marque des coups de Caleb. Il était furieux, vraiment furieux.
Je me souviens encore des paroles de Père. Il avait tord, on peut être épouse et catin en même temps d'après Caleb. Il me traite souvent de pute, de salope. Il dit que ces 'saloperies' ne sont pas de lui, que son sang est trop pur pour donner naissance à 'ça'. Comment veut-il que je le trompe, enfermée dans ce manoir ?
C'est peut-être parce que son sang est trop pur que la vie refuse de se former dans mon ventre. Je le penses mais je ne le dis pas. Je ne suis pas folle. Je n'aime pas les coups, la douleur et l'humiliation. Mais il n'a pas besoin que je dises quelque chose de déplaisant pour me frapper.
J'ai arrêté de répondre à Nikolas. Je n'arrives plus à mentir et tout ce qui me fait penser à Strana me transperce le cœur. Plus le temps passe, plus je lui en veux. Je sais que c'est stupide de penser cela mais si il n'était jamais né, peut-être que ma vie aurait été plus heureuse.
Peut-être.
Ou peut-être que j'étais destinée à vivre ça depuis le début. Je ne sais pas. Quel crime ai-je commis pour qu'Arkæ se venge ainsi ?
Le plus dur à supporter ce sont les soirées legatiennes. Je dois faire semblant, constamment, cacher les traces de coup et les bleus à coup de maquillage. Je dois respecter le protocole malgré ma fatigue constante. Faire comme si tout allait bien. Comme si je n'étais pas en train de mourir à petit feu.
Les lettres de Nikolas m’insupportent. Il a eut sa première fille, Olga. Tout ce qu'il me raconte c'est comment il est fier d'être père à présent. Même si 'ce n'est qu'une fille'. J'ai brûlé les dernières lettres sans les avoir lu. Je ne veux pas savoir comment il est heureux pendant que moi, je suis misérable.
Encore une fausse couche. Elle s'appelait Victoria. Je devrait arrêter de leur donner des noms. Je m'attaches trop à eux, ça me fait tant de peine à chaque fois. Caleb ne prends même plus le temps de me frapper. Il dit que je ne suis qu'une bonne à rien, qu'il trouvera mieux ailleurs.
Pourtant ça ne l'empêche pas de revenir chaque nuit...
Aujourd'hui j'ai retrouvé Kikimora morte dans sa cage, elle avait la nuque brisée. C'est Caleb, cela ne fait aucun doute.
Mais qu'est-ce que j'y peux ?
J'ai enterré ma seule amie dans le jardin, au pieds du grand chêne. J'ai prié Arkæ mais je doutes qu'il m'ait écouté. Je lui ai demandé que si il avait ne serait-ce qu'une once de pitié envers moi, qu'il fasse en sorte que je meurs dans mon sommeil.
Ruby fut bref rayon de soleil dans ma vie bien terne.
Le seul enfant viable que j'ai eut. Je me suis immédiatement attaché à elle, même la couleur rousse de ses cheveux n'a pas refusé à me rebuter -pas que je crois en ses sornettes mais c'est la couleur de Caleb.
Il est vrai que j'aurais préféré qu'elle ait mes cheveux blonds clairs, presque blancs, comme une Rusalka digne de ce nom. Mais elle n'était pas une Rusalka, peu importe à quel point je le souhaitais, elle restait une Winters.
Je ne peux pas vraiment dire que j'aime les nourrissons mais j'ai pourtant prit soin d'elle comme une mère roturière l'aurait fait. J'ai refusé les nourrisses, je l'allaitait moi-même, son berceau était dans ma chambre et je la changeait également moi-même.
Caleb n'était pas contre l'idée. En réalité, il ne s'en souciait pas. Semble-t-il pourtant que cela l'ai satisfait d'avoir enfin une descendance -bien que femelle. Il ne me rendait plus visite. Pour la première fois depuis des lustres, je pouvais dormir tranquille.
Je crois que ce fut la période de ma vie la plus heureuse. Peut-être que mon jugement est faussé par le fait que je sortait d'années de souffrances mais il me semble que même mon enfance ne pouvait égaler ce bonheur.
Ruby grandit bien vite -trop vite à mon goût maintenant que j'y penses. Elle devint une petite fille pleine d’énergie et casse-cou comme l'aurait été un garçon. Elle revenait toujours esquintée mais même si je la grondait, je ne pouvais lui en vouloir.
Le manque d'amour paternel et ma haine envers ce dernier la remplissait de rage. Il fallait bien qu'elle évacue toute cette colère quelque part.
Je me souviens clairement d'une après-midi passée avec elle. Je ne saurait pourtant la situer chronologiquement. Elle devait avoir...Dix ans ? Peut-être onze.
Impossible à dire.
Elle était encore revenue couvertes de bleus et d'éraflures, je l'avais sévèrement grondé. Et comme d'habitude, je me chargeait moi-même de lui nettoyer et désinfecter ses blessures.
Jeune fille, quand commenceras-tu à te comporter comme une vraie lady ? Lui avait-je demandé d'un air plein de reproches. Tu reviens sans cesse avec tes belles robes déchirées et tes collants effilochés. Sans parler de tes...Ruby, est-ce que tu m'écoutes, au moins ?
Elle ne m'écoutais pas, de toute évidence. Elle était plongée dans ses pensées, secouant ses gambettes et se replaçant sans cesse sur sa chaise. Quelque chose la chiffonnait, elle ne tarda pas à m'en faire part.
Maman, tu sais tenir un secret ?
'Maman', elle m'appelait toujours ainsi. Jamais 'Mère', comme les autres aristocrates. Je l'avais laissé me parler ainsi. Je voulais que l'on soit proches, toute les deux, complices. Alors bien évidemment, j'ai hoché la tête et j'ai passé un doigt le long de mes lèvres. Motus et bouche cousue.
Je...Je veux devenir dresseuse. Mais les garçons se sont moqués de moi, ils ont dit que c'était pas un métier de fille. Mais moi je m'en fiches, je veux partir à l'aventure et avoir les badges ! Déclara-t-elle fièrement. Je veux avoir un pokémon rien qu'à moi pour l’entraîner, pour qu'il soit plus fort et pour qu'on gagne tout les combats ! Elle se retourna vers moi d'un un air suppliant. Oh, maman, je voudrais beaucoup, beaucoup, beaucoup un pokémon. S'il-te-plaît !
J'ai émis un petit rire, rien de moqueur mais son effronterie concernant les règles...Et bien, elle me faisait plaisir à voir en toute honnêteté. Elle avait du caractère, pour sûr ! Alors j'ai juste fait semblant de la remettre à sa place, pour le principe. Voyons Ruby, être dresseur, c'est un métier de garçon. C'est dangereux, tu sais ! Une petite fille comme toi devrait plutôt...
Elle m’interrompit en gonflant ses joues comme un Rattatac. Sa petite bouille bougonne était si drôle à voir qu'elle me faisait presque oublié d'être ferme avec elle. J'aurais sans doute due l'être d'avantage. Je veux pas faire des trucs de fille ! Allez maman, s'il-te-plaît ! Juste un pokémon, je te promets d'être sage !
Bon, d'accords pour le pokémon. Dis-je en souriant. Mais pour tout ce qui est de tes histoires de dresseur, on verra.
Elle se releva de sa chaise malgré ses petites gambettes égratignées qui devaient être bien douloureuses et m'enlaça tendrement.
Merci maman ! Tu es la meilleure des maman ! C'était un peu exagéré, cela me fit rire. Elle savait bien jour la comédie.
Je n'aurais pas dû craquer, je penses maintenant que j'aurais dû lui dire non. La pousser dans une activité plus féminine même si cela l'aurait rendue malheureuse. Peut-être que si j'avais fais ça... Non, elle serait partie quand même. Elle avait trop de caractère pour rester à sa place désignée de future lady.
Le pokémon que je lui ai déniché provenait de l'élevage Braveheart. Comme tout pokémon qui se respecte. Cela peut sembler stupide mais je ne voulais pas pour Ruby un 'pokémon de roturier', il devait venir d'un élevage réputé. Pour une petite lady en devenir.
Son choix s'était arrêté sur un Goupix. Je voulais lui en prendre un au pelage doré, rare selon l'éleveur, mais elle a insisté pour que ce soit un Goupix 'normal', qu'il ait la couleur de ses cheveux. Comme ça, plus personne ne se moquerait de sa tignasse rousse. Elle comptait bien faire sa petite vendetta parmi ses camarades de classe. Et malgré mes avertissements, je pense qu'elle s'est bien bagarré derrière mon dos.
Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, à nous promener dans la forêt. Ce n'était pas difficile, il suffisait de sortir du manoir pour y être. Je n'ai jamais comprit pourquoi cette bâtisse était placé là, au milieu de nul-part. Dans une forêt réputée hantée qui plus est.
Ruby s'occupait bien de Lady. Un nom ironique qu'elle avait sans doute choisi pour se moquer gentiment de mes injonctions. C'était bien son genre, un véritable petit lutin, cette gamine. On aurait dit que la forêt était son territoire. Et si Lady se bagarrait quelque fois avec des spectres à la demande de Ruby. J'aurais juré que cette dernière arrivait à leur parler et à être amie avec eux.
Je sais que cela peut paraître ridicule, mais Ruby ne semblait pas avoir d'autres amis que ceux qu'elle trouvait dans la forêt Eagal. Elle adorait surtout les Mimiqui, je penses qu'elle en aurait adopté un si je ne lui avait pas fait promettre de ne garder que Lady pour l'instant.
Je l'ai même surprise une fois à prendre le thé dans le jardin avec un bande de Grimalin. Cela semblait l'amuser mais elle m'avait vraiment flanqué la peur de ma vie. Quand je les ai chassé, elle a été très en colère. Mais je lui ai expliqué que certains pokémons pouvaient être très méchants.
Mention de viol et de meurtre d'enfant. Empoisonnement, meurtre, dépression et autres joyeusetés
Lost Princess.
@tag
notes
Dès le début j'ai tout de suite su que c'était lui.
On l'avait retrouvée dans la neige, les vêtements déchirés, le crâne fracassé. Lady était morte de la même façon en tentant de défendre sa dresseuse. Cela faisait une semaine qu'elle avait disparu en partant toute seule en cachette.
La police a prétendu que c'était un vagabond des environs. C'était simple, c'était facile, tout le monde semblait satisfait de cette explication. Pas moi.
Caleb me dégoûte, comment peut-il jouer la comédie du père endeuillé comme cela ? Il se fichait bien d'elle de son vivant et maintenant qu'il a son sang sur les mains, il prétends être l'homme le plus malheureux du monde.
Je n'arrives plus à dormir. Quand j'ai le malheur de m'assoupir c'est pour faire des rêves monstrueux. Je n'arrives pas à quitter ma chambre non-plus, c'est comme si tout recommençait.
Je n'arrêtes pas d'y penser, comment elle à dû souffrir, seule. Subir cette chose horrible, voir son pokémon mourir, comprendre peu à peu que ce serait son tour. Je n'étais pas là pour la protéger, je penses que cette culpabilité demeurera jusqu'à ma mort.
Je me suis demandé quel serait le procédé le plus simple mais le plus douloureux pour venir à bout de ce fils de pute. Mon choix s'est porté rapidement sur la mort-au-rats.
Il a fallu acheté quelques domestiques et le médecin de famille à coup de pots-de-vins mais ça n'a pas été trop compliqué. Au bout de quelques jours seulement, il s'est retrouvé alité. Malade à en crever.
J'étais aux petits soins avec lui, lui faisant manger sa soupe mortelle cuillerée par cuillerée. Dans ses moments de délire, il me traitait de salope, il disait qu'il savait, qu'il se vengerait. Alors en échange, je lui racontait ce que je ferais une fois qu'il serait mort.
C'était tellement amusant.
C'était dur de l'entendre déblatérer en détails ce qu'il a fait à Ruby. Il pensait le faire pour se venger mais le lendemain, il me suppliait d'arrêter, il disait être désolé, qu'il me laisserait tranquille et qu'il m'aimait. Je lui a fait avaler sa soupe de force, quitte à l'étrangler avec.
Il est devenu trop faible pour lutter de toute façon.
Tout s'est achevé à l'arrivée de Février. Il était mort dans une violente crise de convulsions pendant la nuit. Les domestiques m'avaient appelés, je suis venue. Juste pour observer mon œuvre.
Il a eut encore quelques soubresauts puis il est retombé sur son lit, complètement immobile. J'ai senti quelque chose se rompre en moi. Comme une corde trop tirée qui se déchire sous la pression. J'étais soulagée, bien sûre, mais j'étais vide.
Pendant qu'ils s'affairaient tous autour du cadavre de Caleb, je suis descendue à la salle de bain et je me suis regardée dans le miroir. Cela faisait tellement longtemps que je ne l'avait pas fait.
J'avais maigri, mes cheveux étaient devenus grisâtres et mes yeux étaient cernés à en faire trembler un mort. Je me suis trouvé laide. Monstrueuse même. Je n'étais rien qu'une enveloppe vide décharnée. Un fantôme de chair et d'os.
J'ai essayé de sourire, de me sentir heureuse que Caleb soit mort. De ressentir quelque chose, vraiment. Mais rien.
Cette corde qui avait cédé, j'ai compris bien plus tard ce que c'était. Je ne ressentais aucune joie, la nourriture n'avait aucun goût, tout semblait fade, tout m'ennuyait.
J'ai fais renvoyé tout les domestiques de la maison. Je ne participes plus aux événements legatiens. On dit que c'est parce que je subit deux deuils en même temps et que je suis à bout. Si ils savaient...
Je n'arrives même plus à être triste pour Ruby. Je crois que je suis en train d'oublier son visage et sa voix. Il ne me restera bientôt plus rien d'elle à part de vieilles photos poussiéreuses en noir et blancs.
Je penses que je ne pourrais plus jamais aimer. Je devrais m'en sentir désolée mais je ne le suis pas, cela m’indiffère.
Je n'ai jamais pensé que Nikolas ferait un bon Tsar.
Alors quand ils ont annoncé la révolution à la fin de la guerre, je n'ai pas été surprise. Les journaux kerosiens s'enflammaient, l'âme révolutionnaire du pays ne faisait qu’acclamer le mouvement populaire de Strana. À croire que comme ils ne pouvaient plus parler de la guerre, il fallait meubler avec autre chose.
Cela ne m'a pas vraiment touché, Nikolas et moi avions cessé toute communication depuis longtemps. J'ignorais quel genre d'homme il était devenu.
Alors quand ils ont annoncé sa mort, c'était comme si on m’annonçait celle d'un inconnu.
J'ai fini par arrêter de lire le journal, je n'aimais pas particulièrement leur parti prit de toute façon. Même les legatiens s'accordaient à dire que Nikolas avait été un piètre souverain. Et moi, j'en avais assez d'entendre ce nom.
Nikolas par ci, Nikolas par là, franchement, au bout d'un moment, on sature. Pas besoin de s'étaler autant sur la mort d'un homme. Il n'y a rien de plus banal sur terre que de mourir.
J'ai donc laissé tomber le sujet. J'avais vaguement compris que c'était le foutoir là-bas.
Je sais que je devrais me sentir triste. Cela fait une éternité que je cherchais la liberté pour retourner à Strana et maintenant que je l'ai, cette dernière part en miette. Mais encore une fois, rien, juste le vide.
Je n'ai pas envie de bouger d'ici de toute manière. Trop fatiguée.
Les années ont passées sans vraiment que je m'en rende compte. Je suis devenue vieille sans m'en apercevoir. Ou peut-être l'était-je devenu bien avant. En tout cas, je n'ai pas changé depuis la nuit de la mort de Caleb.
Je suis maigre, je suis cernée, je suis squelettique, pâle comme un mort, en un mot : laide. Et le maquillage ne me rends qu'encore plus laide. Mais depuis que je participe à nouveau aux événements legatiens, c'est presque une obligation d'en mettre.
J’essaye de retrouver un sens à ma vie en reprenant le cour de celle-ci. Mais plus que jamais les legatiens sont insupportables à mon encontre. J'ai mon cortège de pleureuses, il faut croire. On me plaint pour le deuil de ma fille et de mon mari mais également pour celle de ma famille à Strana.
Sembles-t-il que je sois devenue une martyr.
C'est en fréquentant les réceptions et autres événements organisés par la vieille Lanskoï que j'ai entendu parlé de la rumeur. Les rouges n'ont pas retrouvé le cadavre de ma nièce...Une certaine Anastasia je crois. Elle serait encore en vie donc.
Une Tsarine potentielle. Vous y croyez, Lady Winters ? M'a demandé Lanskoï en croisant les bras sous son immense poitrine. Elle avait l'air sceptique sur la question, sans doute attendait-elle que je la rejoigne dans son opinion.
Arkæ a promit au Tsar que sa descendance régnerait éternellement sur Strana. Soit Anastasia a survécu, soit Arkæ est un menteur. Mais pour le dernier point, nous le savions déjà.
Elle a parut outrée. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Si elle ne voulait pas de mon opinion, il ne fallait pas me la demander.
J'ai passé beaucoup d'années dans le doute. Puis pendant une nuit orageuse, j'ai reçu un coup de téléphone. J'étais encore ensommeillée quand j'ai répondu et j'ai cru être encore en train de rêvé quand j'ai entendu ce qu'on me disait à l'autre bout du fil.
Deux enfants, des jumeaux, arrivés sur les côtes de Keros, faméliques et apeurés comme des pokémons sauvages. Ils connaissaient mon adresse, en réalité, c'est tout ce que le garçon a réussi à dire depuis qu'il est arrivé.
Sa sœur en revanche, elle s'est révélé un peu plus bavarde. Un peu.
Ce serait les enfants de ma défunte nièce. Alors la rumeur serait vraie, Arkæ aurait tenu sa promesse. Pour la première fois depuis longtemps j'ai ressenti une...lueur d'espoir ? Quelque chose comme ça. J'ai senti que j'étais vivante.
Ils m'ont demandé si j'acceptais la garde des enfants. J'ai répondu que oui. J'avais l'espoir de pouvoir les aimer, d'avoir à nouveau une famille. D'être heureuse. Mais j'avais oublié que mon cœur été trop pourri pour aimer quoi que ce soit.
Quand ils sont arrivés, on aurait dit un duo de Chuchmur tous tremblants, me regardant penauds, la main dans ma main, serrées à en faire blanchir les articulations. Le garçon m'a tout de suite rappelé Nikolas tandis que la fille...
Elle était le portrait craché de Ruby, sauf que ses cheveux étaient de la couleur des Rusalka, blancs comme neige. Et contrairement à ceux de ma fille qui se rebiffaient tout le temps, les siens semblaient bien lisses. Une vraie princesse en somme. J'ai tout de suite su que c'était sur elle qu'il fallait miser.
Et la suite n'a fait que me conforter dans mon opinion.
Le garçon, enfin, Ilya est trop émotif, il n'utilise pas assez sa tête et se mets en danger constamment. Il est plus proche du clochard que du prince. Et quand il se décide à jouer le noble, il joue les princesses. Une vraie catastrophe ce gamin. Anastasia ne savait-elle donc pas s'occuper d'un garçon ?
En tout cas, sa fille est clairement mieux réussie.
C'est elle que je veux voir Tsarine. Son frère est un obstacle dont je dois me débarrasser. J'ai cherché beaucoup de façons de faire et j'en ai conclu que je devais peut-être utiliser la même que celle que j'ai employé pour Caleb.
Mais je n'ai pas pu.
Au moment de lui servir sa soupe, je me suis sentie horriblement mal, j'ai...J'ai fait semblant de lâcher l'assiette par accident et elle est venue se briser par terre, renversant son contenu empoisonné sur le sol.
Je suis peut-être capable d'empoisonner mon salopard de mari mais pas cet idiot qui a juste eut le malheur de naître.
Mudak ! Regardes ce que tu m'as fait faire ! Ramasses-moi ça tout de suite !
Je trouverais bien une autre façon de me débarrasser de lui. Et Genya me remerciera, car au lieu d'une épouse ou d'une catin, elle sera Tsarine.
Plus le temps passe et plus je me dis que cette histoire se réglera d'elle-même.