William Northwood

Histoire

Tu as vu le jour dans une famille riche, principalement en raison du métier de ton père. Tes deux parents t’adoraient, tu étais leur petit trésor, un bambin adorable. Mais tu n’as hélas pas connu longtemps ton père durant ton enfance, trois ans tout au plus. La guerre, impitoyable et terrible, frappait et tous les hommes en âge de se battre devaient aller au front. Ton père, malgré sa richesse, n’était pas épargné, et il ne dut ce délai d’un an qu’à son statut social. Tu avais trois ans lorsqu’il quitta la maison pour partir au front, sans savoir que ce serait la dernière fois que tu le reverrais avant de nombreuses années.

Tu restas seul avec ta mère, durant environ deux ans. Deux ans durant lesquels tu la vis devenir souffrante, durant lesquels sa santé se dégradait doucement. Du haut de ton jeune âge, tu voyais que quelque chose ne va pas, mais tu n’étais pas capable de dire ce qui ne va pas. Tu n’étais pas médecin hélas. Tout ce que tu pouvais faire, c’était en parler à tes maîtres d’école, en espérant qu’eux sauraient te répondre. Mais ils n’en savaient pas plus que toi malheureusement.
Un jour, un groupe de personnes vint frapper à la porte de ta grande maison. Des personnes en blouse blanche, mais aussi d’autres que tu ne connaissais pas. Puisque ton père était à la guerre et que ces gens en blouse blanche allaient emmener ta mère pour la soigner, tu devais être placé dans un institut spécialisé, t’a-t-on dit. Tu ne pouvais pas rester seul dans cette grande maison sans personne pour s’occuper de toi. Ces gens que tu ne connaissais pas étaient de cet institut.

Institut... un bien grand mot pour désigner en réalité un orphelinat dirigé par un groupe de croyants Arkéistes. Ils se prétendaient généreux et attentionnés, espérant attirer la sympathie. Mais à peine la porte se fut-elle refermée sur toi que tu réalisas que tout ceci n’était qu’un mensonge. Ils n’avaient aucunement l’intention de t’aider temporairement, ils avaient juste besoin de bras pour faire toutes les corvées. De préférence, des bras d’enfants, des enfants sans parents qui ne pourraient jamais se plaindre, dont personne ne se soucierait de l’état.
Tout manquement était sévèrement puni : coups, privation de repas. Tout était prétexte à être puni. Et chaque tentative de fuite se soldait par un échec. Ou du moins, jusqu’à ce qu’on vous annonce un jour que l’un de vos camarades avait réussi à s’enfuir. C’était presque comme un jeu sadique pour eux, vous faire croire que vous aviez une chance de vous en aller pour mieux vous rattraper. Vous deviez prier tous les jours, souvent l’estomac vide. Si vous vous écrouliez d’inanition, vous étiez puni de plus belle.

Tu ignorais si tes parents étaient encore en vie, tu l’espérais, afin qu’ils puissent venir te chercher. Mais à chaque fois que tu les mentionnais, tu subissais une volée de coups de la part des « frères » qui vous surveillaient. Ils prétendaient que tes parents t’avaient abandonné, que jamais tu ne les reverrais et autres horreurs de ce genre. Et cela te valait d’être soumis à un traitement encore plus injuste que les autres, comme s’ils tentaient de te faire accepter l’idée que jamais personne ne viendrait pour toi. Les Pokémons qui leur étaient confiés étaient cependant mieux traités que vous.

Pourquoi personne n'a cherché à venir te rechercher ? Surtout ton père, après la guerre ? Personne n'était capable de lui dire où ils t'avaient emmené. Tu as bien vu des lettres, tu les as entendus une fois ou deux parler de toi... mais ces lettres restaient sans réponse, quand ils ne prétendaient pas "ne plus avoir de trace de toi depuis longtemps".

Cet enfer dura huit longues années. Jusqu’à ce qu’une nuit, affamé et incapable de trouver le sommeil, tu décidas de tenter d’aller voler de la nourriture. Tu savais qu’un autre de tes camarades d’infortune allait tenter sa fuite ce jour-là, alors tu espérais que personne ne surveillerait la réserve de nourriture. Tu parvins à arriver sans encombre jusqu’à la réserve, ayant tout juste le temps de prendre un morceau de pain avant que les hurlements du fuyard ne te firent sursauter, t’obligeant à rapidement sortir sans te faire voir heureusement.
Tu te cachas dans un coin, de sorte à pouvoir voir ce qui se passait au dehors. Et ce que tu vis te glaça le sang d’effroi. Les « frères » l’avaient attrapé, mais au lieu de juste le punir comme à l’habitude, ils l’avaient attaché et avaient envoyé leurs Pokémon le rouer de coups. Encore et encore, ricanant face à ses hurlements de douleur et de peur. Jusqu’à ce qu’il ne bouge plus. Tu étais paralysé de terreur, mais tu pouvais les voir le détacher pour aller jeter son corps plus loin. Dans la « fosse commune » comme ils appelaient cela.

Tu ne sais plus combien de temps tu es resté ainsi, figé dans ta cachette. Tu te souviens juste que la voie était libre, et tu t’enfuis sans demander ton reste. Tu as passé une semaine à te cacher durant la journée, fouillant dans les poubelles pour trouver de quoi manger, jusqu’à ce que tu finisses par retrouver ton ancienne maison. Tu devais faire pitié à voir, mais tu espérais que tes parents soient encore là.
Ils ne l’étaient pas. Ta mère n’avait pas survécu à sa maladie, et ton père avait déménagé. Heureusement, votre voisin se souvenait de toi et appela le numéro qui lui avait été donné au cas où il obtiendrait de tes nouvelles. Durant le temps que ton père mit à arriver, ton sauveur te servit à manger, ayant remarqué ta maigreur affolante. Tu dus faire un effort pour ne pas te ruer sur la nourriture, principalement car ton ancien voisin te le déconseilla. Tu étais affamé, assoiffé, fatigué.

Finalement, au bout de plusieurs heures, ton père franchit la porte de la maison. Malgré les années, malgré ton état, il te reconnut tout de suite. Il avait également bien changé pour sa part... la fatigue et l’angoisse avaient rongé ses traits. Il était cependant heureux de te revoir, heureux de te retrouver. Tu voulus tout lui raconter, mais il te demanda d’attendre que vous soyez au moins rentrés chez vous. Une fois rentrés, tu lui racontas tout ce que tu avais vécu, depuis la maladie de ta mère jusqu’à cette fuite que tu devais à ton camarade.

Cependant, ton esprit avait fait un blocage complet sur ce qu’il lui était arrivé, et tu ne te souvenais plus de son sort. Ton père choisit cependant de te croire sans le moindre doute, te proposant même d’aller déposer plainte... ce que tu refusas de prime abord. Tu devais d’abord te reconstruire physiquement et mentalement, et cela te prendrait du temps.

Les premières nuits chez toi furent... terribles. Tu te réveillas plusieurs fois en terreur, te retenant de peu de hurler. Tu te sentais observé et tu avais peur que tout ceci ne soit qu’un rêve, que tu n’avais jamais pu t’échapper. Tu sentais même une présence. Tu n’osais pas bouger, ne sachant trop de quoi il s’agissait, jusqu’à ce que finalement, la créature responsable se montre au bout de plusieurs nuits de cauchemar. C’était un Pokémon, un Miaouss de Galar. Visiblement, il ne voulait pas te terrifier, il cherchait juste à te consoler. Ton père t’expliqua que c’était ton cadeau d’anniversaire, un cadeau qui rattraperait tous ceux que tu n’avais pas pu avoir.

Tu fus quelque peu méfiant au début, ne sachant trop si ce félin d’acier voulait vraiment t’aider... mais au bout de quelques jours, tu finis par accepter pleinement sa présence à tes côtés. Après tout, il n’était pas méchant, vous aviez juste eu une mauvaise rencontre.

Quelques mois après que tu te sois habitué à ton premier Pokémon, ton père revint un jour avec une femme que tu n’avais jamais vue. Elle avait le teint mat et une chevelure foncée, et ton père t’expliqua – non sans une certaine fierté – que cette charmante demoiselle venait de la région d’Alola et qu’ils étaient ensemble. Il lui avait juste fallu pas mal de temps pour la convaincre de venir ici, à Keros. Personnellement, tu n’avais rien contre cette femme, tentant même de l’accueillir chaleureusement, mais elle t’ignora. Et à peine ton père fut-il hors d’écoute...

« N’espère pas que je joue les mamans de substitution. Je n’ai aucunement envie de m’occuper d’un gamin de ton âge, je suis bien trop jeune pour cela. De plus, qu’est-ce qui me prouve que tu es bien son gosse et pas un mouflet des rues qui cherche juste à s’incruster pour s’accaparer tout l’argent ? »

Tu la regardas avec stupeur. Tout ce que tu avais fait, c’était lui souhaiter la bienvenue, et voilà qu’elle t’agressait presque littéralement ! Tu tentas de ne pas lui en tenir rigueur, te disant que peut-être elle avait mal assumé les choses. Après tout, elle ne te connaissait que via ce que ton père lui avait dit de toi, et sans doute s’imaginait-elle de fausses idées...

Mais le temps passant, cela ne s’arrangea pas. Au contraire. Elle ne cessait de te fusiller du regard, cherchant à te pourrir la vie autant que possible. Elle tentait de se débarrasser de tes affaires, de te faire jeter à la porte, minaudant auprès de ton père et prétendant que tu étais « méchant et vulgaire » avec elle. Heureusement, ton père ne se laissait pas avoir par un tel stratagème, mais il ne faisait rien pour qu’elle cesse son petit manège pour autant.

Tu commençais à être fatigué, surtout que dès que ton père s’absentait, elle en profitait pour se moquer de toi, t’insulter, nier ton vécu. Tu avais bien tenté de dénoncer les agissements de cette « secte », mais on ne t’avait pas cru, et cela contribuait à ronger ta patience. On te croyait encore moins lorsque tu disais ne plus te souvenir du sort de l’un de tes camarades. Ton Pokémon avait bien grandi lui aussi, ayant même évolué en Berserkatt afin de mieux te venir en aide que ce soit face à cette empoisonneuse ou dans la vie quotidienne.

Et le « coup de grâce » vint vers tes dix-neuf ans. Une fois de plus, cette maudite femme ne cessait de se moquer de toi, d’insinuer que tu mentais. Tu la supportais avec difficulté, surtout que tu avais mal dormi, tourmenté par des cauchemars. Tu tentais vraiment de te souvenir du sort de ton compagnon d’infortune, mais tu n’y arrivais pas franchement avec ses critiques... jusqu’à ce qu’elle te lance une énième ligne injurieuse qui te fit un déclic.
Tu ne te souviens plus des mots qu’elle a employé, mais tu te souviens que cela t’a ramené plusieurs années en arrière, à ce jour fatidique où tu as vu ce qu’ils faisaient de ceux qui tentaient trop souvent de fuir. Et cela te suffit à t’emporter, à la saisir par le col de son habit, le regard empli d’une haine que tu ne maîtrises pas.

« Assez. Que vous ne me supportiez pas parce que soit disant je gêne votre relation avec mon père, passe encore. Mais je ne vous laisserai pas mettre vous aussi en doute mon vécu. Je vais prouver à tout le monde que j’ai raison... Vous y compris ! »

Tu la relâchas avant de sortir, reprenant le chemin du commissariat. A nouveau, on tenta là-bas de te dissuader, de dire que tu inventais, mais tu leur annonças que tu avais moyen de prouver tes dires. Tu parvins à obtenir qu’un officier de police, un membre du culte Arkéen ainsi que ton idiote de belle-mère soient présents, eux qui doutaient tant de toi. Tu entras dans l’enceinte du bâtiment, prenant d’emblée la direction de l’arrière-cour. Un des « frères » tenta bien de t’arrêter, mais ton Pokémon le fit reculer en le menaçant. Tu t’emparas d’une pelle qui traînait là, commençant à creuser dans leur jardinet, ne t’arrêtant que lorsque tu rencontras une vraie résistance.
Un corps sans vie gisait, celui d’un enfant porté disparu de l’orphelinat. Cette fois, ils furent bien obligés de te croire. L’enquête démontra que cela durait depuis plusieurs années. Tu avais été le premier à t’en tirer vivant. Tu obtins des excuses des forces de l’ordre, mais il était un peu tard pour cela. Bien d’autres vies auraient pu être sauvées s’ils avaient daigné te croire. Et bien d'autres encore si tu avais su te souvenir plus tôt...

Mais cela ne changea rien à ta marâtre qui ne cessait pas pour autant son abominable numéro. A la principale différence que cette fois, tu t’arrangeas avec ton Berserkatt pour lui rendre la pareille. Cette fois, ton père remarqua finalement ce qu’elle tentait de faire et la chassa de la maison, non sans avoir pris la peine de lui couper toutes vivres. Elle avait voulu jouer à la plus maligne, et elle avait perdu.

Une fois ce problème réglé, ton père te proposa de te prendre dans son entreprise, afin de t’en laisser la direction une fois que tu serais prêt. Bien évidemment, cela te prendrait pas mal de temps, et il ne tenait pas à te forcer la main. Au pire, si jamais tu te rendais compte que c’était trop de travail, tu pouvais toujours vendre. Tu acceptas son offre, attendant cependant une année supplémentaire avant d’entrer dans sa boîte. Tu choisis de commencer en bas de l’échelle, gravissant cependant les postes assez rapidement. Ce n’était pas difficile après tout, et tu étais assuré d’avoir la relève à son départ.

Mais un évènement terrible survint il y a de cela 3 ans. Ton Pokémon était âgé et souffrant, et il ne parvenait plus franchement à te suivre. A contrecœur, tu choisis de le laisser finir ses jours tranquillement auprès de ton père. Il survit encore deux belles années avant de finalement vous laisser, et tu regrettas sincèrement de ne pas avoir su l’adopter dès le départ. Tu avais sur le coup choisi de rester sans Pokémon, ne parvenant pas réellement à faire le deuil de ton premier partenaire. Pas que tu sois triste, mais il avait été là pour t’accompagner depuis que tu t’étais échappé, il t’avait aidé à faire partir l’autre peste.

Jusqu’à ce qu’il y a de cela quelques semaines, alors que tu flânais distraitement sur le Pont Léviator, ton attention soit attirée par des cris et des piaillements. Plusieurs Colombeau étaient en train d’attaquer un Pokémon, que tu ne voyais pas à cause de la nuée de plumes, mais il était évident qu’il n’avait aucune chance. Sans réfléchir, tu te jetas dans la mêlée, repoussant les volatiles agressifs, essayant même de les frapper à coups de poing. Ils finirent par abandonner la partie, s’envolant en laissant leur victime derrière eux.

C’était un Minisange et il ne semblait pas en grande forme. Tu l’amenas chez toi afin de le soigner, veillant sur lui le temps qu’il se remette de ses blessures. Lorsqu’il fut guéri, tu le ramenas dehors afin qu’il retrouve les siens. Etrangement, tu ressentis un certain... pincement au cœur en le regardant s’envoler. Cependant, à peine avais-tu tourné les talons que tu entendis des piaillements assez familiers. En te retournant, tu remarquas que le Minisange était revenu. Il semblait aussi s’être attaché à toi... Il aurait été cruel de le rejeter après ce que tu avais fait pour lui. Tu choisis de le garder avec toi, te disant qu’après tout, c'était peut-être un signe du destin.