En quelque sorte. Il s'était barré tout seul comme un grand mais il sentait bien que si il n'en avait pas prit l'initiative, il en aurait été forcé.
La vielle Vassilisa n'appréciait pas particulièrement que son petit Tsarévitch se rebiffe. On aurait dit qu'il n'était qu'une marionnette destinée à donner du pouvoir politique à une vielle femme aigrie par une vie ennuyeuse et solitaire.
Sauf qu'Ilya ne voulait pas du pouvoir politique que son titre était censé lui apporter. Il voulait, souhait absurde, vivre comme une personne tout à fait normale en temps de paix.
Mais même ça, c'était compliqué.
Cela faisait maintenant quelques heures qu'il errait dans les rues de Doon, Peluche à ses cotés. Il avait décidé de la promener un peu, histoire de créer des liens.
Il reconnaissait dans le comportement craintif de la petite Lixy la peur que 'cela' se répète. Il s'arrêtait souvent pour la caresser, la rassurer. Tout ira bien, Teddi, je suis là. Je te protégerais. Murmura-t-il en passant doucement la main sur son pelage.
Elle se collait à lui, tremblante. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Lui aussi tremblait.
Doon paraissait trop vaste tout d'un coup, trop de dangers potentiels. Trop de personnes menaçantes.
Il se laissa glisser contre un mur, désespéré face à une anxiété qu'il n'arrivait plus à contrôler. Sans vraiment qu'il ait à lui demander, Peluche vint se blottir dans ses bras.
Ils avaient tout les deux peur de rien. Du vide. Des courants d'air peut-être.
Je suis désolé, Teddi, je ne suis qu'un trouillard, un bon à rien. La vielle a raison. Murmura-t-il d'une voix à peine audible.
Puis il garda un instant le silence, releva la tête, personne n'était là.
Tant mieux.
Il en profita pour éclater en sanglot. Il se sentait faible, misérable.
Peut-être que les révolutionnaires avaient raison après tout, peut-être qu'il aurait dû mourir au lieu d'échanger sa place avec celle de Misha.
Le garçon serait toujours en vie. Il serait devenu un jeune homme fort au caractère joyeux et toujours prêt à donner un coup de main.
Ilya eut un sourire amer à travers ses larmes.
Oui, Misha était ce genre de gosse. Toujours là quand on avait besoin de lui.
Et lui, qu'est-ce qu'il était au juste ? Un clown triste. De ceux qui ne font rire personne quand ils se ramasse la tronche par terre.
Même Genya commençait à avoir pitié de lui. Il s'en rendait bien compte.
Il se recroquevilla d'avantage sur lui-même. Peluche toute serrée contre lui. Elle ne bougeait pas, elle était collée contre sa poitrine même. Elle sentait la détresse de son maître et aurait bien voulu trouver une solution pour y répondre.
Si elle pouvait parler, elle lui aurait dit 'tout ira bien, moi aussi je peux te protéger', mais voilà, elle n'était qu'une Lixy. Aussi se contenta-t-elle de quelque coups de langue sur la joue couverte de larmes de son maître.
Là, collé contre le mur, avec ses vêtements trop grands pour lui et poussiéreux, on aurait dit un ado venant de fuguer depuis quelque semaines et jouant les mendiants pour survivre.
Il n'avait pas remarqué qu'il était aussi tard. La brume se levait déjà dans les rues désertes de la ville.
Depuis combien de temps était-il là à pleurer au juste ?
Il se souvenait des rumeurs et des séries de disparitions, il sentit un frisson lui parcourir la colonne vertébrale.
Blyat ! Cracha-t-il en se relevant, prenant la petite Lixy dans ses bras.
Il n'osait pas vraiment sortir de cette ruelle sombre. C'est qu'avec toute cette brume, il n'y voyait vraiment rien.
Seul le piaillement plaintif de Peluche vint rompre ce silence pesant.
Un piaillement qui voulait clairement dire 'à l'aide'.
Une ombre immense apparaît. Dans la brume, Ilya n'y voit vraiment rien, mais cette silhouette ne présage rien de bon. Puis, il entend un petit cri. Ce n'est pas celui de Peluche mais il y ressemble. Alors, il se retourne vers la source du bruit et réalise que la fameuse silhouette n'était pas si loin que ça et par conséquence, pas si grande que ça non plus. Pour cause : c'est un petit Lixy, pas plus grand que celui qui tremble de peur contre son maître. D'ailleurs, quand leurs regards se croisent, la Lixy Ébène bondit vers elle, non pas pour l'attaquer, mais pour lui asséner un coup de boule des plus amicaux. La tension retombe. Il n'y a pas de monstre, pas de serial killer, juste un petit lionceau qui s'était inquiété d'entendre pleurer dans une ruelle.
Ou plutôt, c'était une drôle de peur, il n'avait jamais ressentit ça avant. La peur des spectres, du mystère, de l'au-delà.
Non, il avait eut peur des fusils, des bombes, des collabo et des exécutions sommaires.
Ça, c'était nouveau. Et c'était...Fascinant.
Il observait cette grande ombre sans trop oser bouger. Comme si bouger allait casser l'instant présent et que le spectre allait le dévorer dès qu'il essayerait de se replier dans la ruelle-qui de toute façon, n'était qu'une impasse.
Puis il y eut ce cri. Un écho du cri de peluche ?
Non.
Une réponse.
Il plissait les yeux, comme si cela allait l'aider à discerner quoi que ce soit dans ce mur de brume. C'était un...Une Peluche mais en noir. Un pokémon ébène ! Quelle chance ! Sankta Morena veillait toujours sur lui, de toute évidence.
Le Lixy couleur onyx vint faire une présentation des plus énergiques avec Peluche. Cette dernière sembla rassurer et insista pour que son dresseur la pose à terre. Voilà que les deux félins se reniflaient l'un l'autre.
Ilya esquissa un petit sourire attendri.
C'est que la petite Lixy noire semblait vouloir les guider quelque part en plus, elle trottait avec Peluche à sa suite, qui s'arrêtait de temps en temps pour vérifier que son maître suivait la cadence.
Ilya s'en remettait complètement à cette nouvelle-venue. C'est qu'il était assez superstitieux. Les pokémons ébènes étaient les envoyés de Sankta Morena dans la religion stranaïte. Certains disaient qu'ils perdaient les voyageurs, d'autre qu'ils les aidaient à retrouver leur chemin, au bon vouloir de leur sainte.
Ilya se savait protégé par cette dernière, il pouvait suivre son envoyée sans peur.
Et aussi étonnant que cela puisse paraître, si ce n'était que le hasard ou bien l’œuvre d'une divinité quelconque, la petite Lixy ébène les guida bel et bien hors de ce brouillard épais. Il se retrouvait à l'orée de la forêt Eagal.
Il connaissait parfaitement le sentier d'ici là. Aussi s'y aventura-t-il sans peur. Il suivait même ces petites Lixy avec un sourire aux lèvres.
Quelle drôle d'aventure.
Et cette peur toute nouvelle n'avait rien de déplaisant.
Quand il raconterait ça à Genya...
Enfin, devrait-il lui dire ?
Elle se ferait encore un sang d'encre.
Ce serait un secret entre lui et Peluche. Et cette drôle de petite Lixy bien-sur.
Voilà qu'ils arrivaient dans le jardin défriché du vieux manoir Winters. Le blond fit grincer le portails en l'ouvrant, c'est qu'il était rouillé ce machin. Un peu d'huile ne lui aurait pas fait de mal.
Peluche s’engouffra dans le jardin, suivie par son maître. Mais ce dernier se retourna légèrement. La petite Lixy noire hésitait.
Devait-elle entrer ?
Après un petit moment de réflexion, il s'accroupit et lui fit signe de venir. Cela semblait être le signal qu'elle attendait puisqu'elle bondit pour le rejoindre, arrachant un petit rire au stranaïte.
Vient, ma belle. Murmura-t-il en passant une main dans le pelage obsidienne de la petite féline. Je trouverais bien une excuse pour la vielle peau. Tu peux dormir ici ce soir.
C'est en douce qu'il fit entrer les deux petits félins à l'intérieur de la vielle demeure. La vielle Vassilisa était à moitié assoupie dans son fauteuil à bascule, dans un coin du salon.
Elle ne daigna même pas ouvrir les yeux pour saluer son neveu.
Où était-tu à cette heure-ci ?
Le blond soupira en haussant les épaules.
Et bien, à Doon, où voulez-vous que j'aille ?
La vielle grommela quelques insultes en kerosiens auquel Ilya ne preta même pas attention. Elle n'avait pas remarqué la présence de la petite ébène. C'était parfait.
Il fila dans sa chambre sans demander son reste.
Aussitôt dans celle-ci, Peluche, comme à son habitude, bondit sur le lit. Elle fut suivie par sa camarade qui commença à jouer avec elle, se cachant sous les couvertures défaites.
Comment allait-il l'appeler cette petite bête ?
Toute noire.
Chernaya.
Enfin, elle ne serait là que pour la soirée, pas plus.
Enfin, c'est ce qu'il pensait.
Mais au bout de la quatrième soirée à héberger en secret la petite bête, il dut bien se rendre à l'évidence.