Histoire

1Cette histoire commence par un mensonge. Et le fruit de ce mensonge c'est toi, l'aînée de la famille, qui le porte comme un fardeau invisible. Tu ne sais pas d'où te vienne toute ces angoisses, ces doutes, cette impression que tu est indigne des enseignements d'Arkée. Ce mensonge que tu porte en secret, même de toi-même, il ne viendrait qu'à tes parents de t'en délivrer. Mais ton monde s'écroulerait. Ta mère, si douce et ton père si droit, c'est la nature même des choses qui fait de vous une famille. Comment supporterais-tu d'être appelée « pièce rapportée », « indésirée » ? Inacceptable. Inconcevable. Alors même si une part de toi se doute bien que quelque chose ne va pas, tu réfute, tu nie. Tu es bien la fille de Abraham Grace et de son épouse Galatea Grace. Comment peut-il en être autrement ? Comment peut-tu accepter n'être que le fruit d'une malheureuse aventure, acceptée par Abraham par bonté d'âme ?

Tu refuse de penser que tes yeux d'ambre sont d'une couleur bien différente de celle de ton père ou de ta mère, tu refuses encore de remarquer que tes frères et sœurs ont des cheveux couleur du blé alors que les tiens sont d'un châtain ma foi bien gracieux mais révélateur du terrible secret de ta naissance. Peut-être est-ce pour cette raison que tu quitta le foyer familial dès que tu le pu pour entrer dans les ordres religieux en tant que nonne. Ici, protégée par Arkée, rien ne pouvais t'arriver. Tu savais qui tu étais. Enfin, tu faisais taire le doute.

Tu es et restera toujours la fille aînée d'Abraham Grace. Mais ce n'est qu'un autre des mensonges n'est-ce pas ? Tu es comme ça après tout, te mentir à toi-même est devenu si courant que tu ne t'en rends même plus compte. Tu es douce et patiente avec les autres de nature, pas vrai ? Tu aides toujours quand tu peux. Ce n'est pas un mensonge de plus, hein ? Une femme doit être douce et maternelle, c'est pour cela que tu l'es toi-même. Ainsi est la volonté d'Arkée. Une femme doit pourtant faire preuve de clémence et pardonner ses pairs pour les péchés qu'ils commettent.

Tu vois avec le plus grand désarroi certains de tes cadets partir à l'assaut du vieux monde. Sacrilège, ils ont pourtant été élevés avec la foi d'Arkée. N'ont-ils donc rien compris ? C'est presque comme si tu les reniais à t'entendre parler d'eux. Comme si partager leur sang te répugnait à présent. Pourquoi es-tu si amer à leur sujet ? Serait-ce de la jalousie ? Toi qui voudrait tant pouvoir succéder au Grand Enseigneur. Mais la volonté d'Arkée ta faite femme. Qu'elle soit maudite !

Non, pas de blasphème !

Tu dois accepter ce rôle qui es le tiens. Même si cela cause une rage intérieur que tu tente d'étouffer. Tu n'es pas gallienne, tu ne t'oppose pas à l'ordre naturel des choses. C'est rassurant, l'ordre des choses, n'est-ce pas ? La révolution qui fait rage en cette décennie te terrifie. Mais de quoi donc as-tu peur ? Tu doute d'Arkée ? C'est pourtant par sa grande générosité que tu te retrouve dépourvue de désir charnel. Peut-être as-tu...Peur d'être comme ces gens là ? De te dire que tu es juste différente au lieu d'être bénie par une quelconque déité ? C'est plutôt confortable d'être nonne finalement. Pour éviter les questionnement fâcheux, tu sors rarement de ta retraite religieuse. Tu prie quand tu es triste ou que tu te sens vide, c'est à dire très souvent.

Le couvent est un petit monde dont tu sors rarement. Pourtant, la curiosité te pique parfois, de mauvaises voix te murmurent à l'oreille que les barreau de ta cage sont trop espacés et que tu pourrais t'envoler sans problème. Mais pour aller où ? Ton regard se perds souvent dans l'azur du ciel, lasse. Tu es pourtant sure d'avoir choisi la bonne voie alors pourquoi te sens-tu parfois si vide. Comme si tu jouais une comédie, comme si ta gentillesse n'était qu'une illusion pour bien paraître, pour rendre Arkée fière. Et si tu t'étais trompé de chemin, finalement ? ...Non, impensable, inacceptable. Tu sais que c'était ton destin de servir la volonté d'Arkée.

Des fois, tu te « purifie », tu prie sans manger, en buvant à peine, pendant des jours, des semaines même, quand ta raison de vivre devient un mystère même pour toi-même. Tu maigris et palis à vue d’œil, tes compagnes s'inquiètent. Tu as l'air si pale, on dirait parfois que tu es malade, fiévreuse. Beaucoup pensent qu'un simple coup de vent t'emporterais rapidement. Pourquoi t'inflige-tu toute cette souffrance solitaire, toi qui as tant besoin des autres ? Le mensonge de ta naissance est-il si dur à porter ? Ou bien te convainc-tu toi-même que tu es bel et bien destinée à servir Arkée, malgré les petites voix malicieuses de ton inconscient te disant de te pencher à la fenêtre de ta chambre pour observer l'extérieur d'un regard plein d'une envie amère. Certains murmurent que tu serais prête à te laisser mourir au nom d'Arkée. Peut-être que oui, mais ce serait surtout au nom de l'oublie.

Cloîtrée dans ta chambre, tu ne mange ni ne bois, prie et lis les textes sacrés, étudie la religion, cherche la paix avec ton âme tourmentée par les doutes. Des doutes que tu maudit, que tu veux étouffer. Tu es Prudence M.Grace, tu étais destinée depuis la naissance à servir Arkée. Et si Arkée l'avait voulu, tu serais un homme et ton ambition si saugrenue de succéder au Grand Enseigneur serait une possibilité. Mais tu es née femme, Arkée ayant d'autres projets pour toi. Peut-être as-tu un rôle à jouer pour pour mettre fin à ces stupides révoltes? Tu en serais honorée !

Dans une sorte d'étrange complexe du héros, tu te dis que la tâche t'incombe de ramener chaque agneaux perdu sur le bon chemin. Si tu es très tolérance envers les étrangers, le « déviances sexuelles » tel que l'homosexualité ou la transidentité sont pour toi un affront à Arkée. La dernière, d'ailleurs, parlons-en. Ne t'es-t-il jamais arrivé de douter de ce coté là aussi ? Que cela allait au delà de ton petit complexe de succession à ton chef religieux ? Pourquoi, une fois devant le miroir, tu maudit ton corps, qui bien que maigre, porte tout de même des signes de féminité indéniable ? Et si ton genre...Ne te correspondait finalement pas ? Chut, n'en disons pas plus. Ce doute est le plus infâme de tous, le plus honteux.

Hypocrite, tu prêche pour la place de la femme au foyer mais tu ne souhaites aucunement « bénéficier » de ce statut. Tu voudrais être un homme.Tu maudit ta faiblesse physique de femme autant que ta psychée que tu considère inférieur à l'esprit masculin. Les hommes ont été faits pour régner, les femmes pour obéir, c'est ainsi. Tu n'y trouves rien à redire, mais il y a un devoir conjugal auquel tu ne peux répondre et qui t’effraya suffisamment pour que tu te cloîtré dans un couvent plutôt que de jouer la femme au foyer.  

Malgré ta douceur, ta bonté et ton calme certain, tu ne peut t'empêcher d'avoir peur du contact charnel, ou même du contact tout court, tu n'aimes pas que l'on te touche, étrange, n'est-ce pas ? Ce n'est pas par peur d'être salie par un quelconque péché mais tu as l'impression qu'autrui force son passage dans ta bulle. Tu déteste faire la bise autant que de serrer une main, même les accolades te déplaisent. Il n'y a que les pokémons qui ont ton attention de ce coté. Des fois, tu te dis que leur vie est tellement plus simple que la tienne...

Ah, décidément, tu trouvera toujours l'herbe du voisin plus verte que la tienne.