Combattre
Le feu par le feu

Solo

Encore une visite de courtoisie. Des dizaines depuis que tu avais hériter du titre et de l'affaire familiale. Cette fois, c'était la charité que tu prêchais en visitant les locaux de la SPP de Doon. Beaucoup de ces pokémons appartenaient autrefois aux mineurs et les aidaient dans leur travail, mais avec la chute du charbon et l'avancée du chômage, beaucoup mettaient à la porte ces bouches à nourrir à présent inutiles. Le Reptincel qui t'avait éborgné était l'un de ceux-là. Tu ne savais pas ce qu'il était devenu après l'incident, tu l'avais juste vu s'enfuir. Tu priais pour que la SPP ait mit la main sur ce dangereux lézard. Et tu priais en même temps pour qu'il ne se trouve pas ici. En réalité, tu priais pour ne croiser la route d'aucun pokémon de type feu.

Mis à part ça, parmi les pokémons, tu étais dans ton élément, tes paroles étaient fluides, ta voix ne tremblait pas. Tu étais à l'aise. Tu t'amusais à serrer la main de tout les Machoc autrefois mineurs de Doon. Tu priais Arceus pour qu'ils trouvent des familles accueillantes ou des dresseurs cléments. Tu t'amusais également beaucoup avec les pokémons de type spectre, communs à Doon. Nanny veillait sur toi comme à son habitude tandis que Bambina t'accompagnait dans tes petits jeux enfantins avec grand plaisir.

Bien sur, ta visite s'était accompagnée d'un gros don et d'une promesse d'adopter un des pokémons disponibles, pour montrer l'exemple. Cette dernière close était des plus problématiques pour toi, tu les auraient bien tous ramenés chez toi, ils auraient remplacés ta famille disparue, aurait rempli le manoir dévoré de silence d'un bruit synonyme de vie. Mais voilà, tu n'étais pas une idiote, tu savais qu'adopter un pokémon sur un simple caprice rimait rarement avec son bonheur.

Fluffy, ton Sonistrelle capturé par accident, en était un bon exemple. Ce dernier détestait le bruit et boudait toute les baies que tu lui présentais. Pourtant, tu l'aimais bien cette petite bête et comme les autres, il n'était presque jamais dans sa pokéball. Pour ne pas dire jamais tout court. Tu en étais convaincue, ta patience viendrait à bout de la réticence de la petite chauve-souris et il oublierait bien vite que tu l'avais capturé en lui jetant une pokéball en pleine face. Acte que tu regrettais toujours un peu.

Tu te renseignait alors tranquillement sur la nutrition quotidienne d'un Sonistrelle auprès des bénévoles quand des aboiements te firent détourner ton attention, juste à temps pour voir une créature canine foncer sur toi et te bondir affectueusement dessus. Ce ne fut que lorsque que tu reconnu de quel pokémon il s'agissait que tu poussa un cri de stupeur. Un Malosse. Toi qui avait prier le grand Arceus pour ne pas avoir à en croiser un !

« Calmez-vous ! » Commanda doucement l'un des employés. « Elle ne mords pas. Elle est juste très heureuse de vous voir. »

Tu ne bougeais pourtant plus, stupéfaite, craignant de revivre la douleur qui t'avais arraché un œil. Tu sentais des coups de langues sur tes mains avant que quelqu'un ne se saisisse du pokémon pour l'éloigner doucement de toi. Tu pouvais enfin respirer.

« Je...Je ne suis pas très tranquille avec les pokémons de type feu. » Bredouillas-tu.

L'employé te fixait, son regard s'évada sur ta cicatrice mais il se reprit rapidement et hocha la tête d'un air compréhensif. Nanny, averti par tes cris, c'était précipité sur toi et tu n'eut pas le temps de réfléchir que tu sentit son étreinte autour de toi, il voulait te forcer à reculer. Te protéger.

« N-nanny, c'est bon, tout va bien, je suis en sécurité. »

Il fallut quelques minutes dédiées à calmer les nerfs du Gardevoir pour que ce dernier ne daigne enfin te libérer de son étreinte. Tu appelais doucement Bambina qui jouait encore avec deux Pitrouille pour qu'elle te rejoigne, ce qu'elle fit sans attendre, suivie malgré elle par ses compagnons de jeux. Ce n'est qu'une fois tout (enfin, presque tous) tes pokémons à tes cotés que tu osa enfin redresser la tête vers le Malosse qui t'avais bondit dessus. Tu tremblais un peu.

« Comment...Comment s’appelle-t-elle ? » Osa-tu demander d'une petite voix tremblante.

« Ùna. » Répondit l'employé avec un petit sourire. « Elle est très douce, il ne faut pas croire. C'était une Malosse destinée à travailler avec la police, mais comme elle est presque aveugle, ils nous l'ont confiée. Vous savez, toute ces petites bêtes ont leur propre histoires. »

« Presque aveugle ? » Tu fixais maintenant Ùna avec une étrange expression. Une drôle d'empathie te liait à elle à présent. Elle avait été rejetée des siens pour son handicap, tout comme toi d'une certaine manière...

...Mais elle restait de type feu.

La Malosse te regardait en secouant la queue, la langue pendante entre ses crocs. Elle semblait heureuse de te voir, tu aurais voulu l'être autant qu'elle. Tu t'approchais doucement d'elle, lui tendit une main qu'elle renifla avec vigueur. Elle pouvait à peine voir mais elle pouvait sentir. Et cette main qu'elle sentait, elle lui appliqua quelques petits coups de langues. Un petit sourire tordu se dessina sur ton visage.

« Bonjour Ùna. »

Tu lui donnait quelque caresses, son poil était doux, rien à voir avec le touché reptilien d'une peau de Reptincel et pourtant, ils étaient tout deux de type feu. Tu avais du mal à le croire. Et pourtant, ta main tremblante continuait d'arpenter la fourrure de la chienne.

« Vous savez... » Intervint l'employé qui te guidait « ...C'est peut-être un bon moyen de vous débarrasser de votre phobie. Ùna est adorable et...Très protectrice aussi. »

Tu ne le vit pas, mais Nanny lui lançait un regard noir, comme si l'employé t'avais proposé de le remplacer par cette faible Malosse à moitié aveugle. Ton regard unique, lui, était toujours fixé sur cette dernière. Un bon moyen de te débarrasser de ta phobie ? Tu n'y avais jamais pensé, tiens.

« Tu voudrais bien m'aider à faire ça, Ùna ? » Demanda-tu d'une voix douce.

La petite chienne répondit par un jappement qui te semblait vouloir dire « positif ». Tu la caressait, te disant qu'une Malosse à moitié aveugle ne pouvait pas vraiment te faire de mal, puis tu t'en voulais d'avoir pensé ça. Avec un peu d'effort, tu réussit à la soulever pour la prendre dans tes bras, elle se laissa faire, étonnamment docile.

Tu avais peur d'elle, mais il te semblait soudain sentir toute sa fragilité. Tu te souvenu alors du sentiment qui t'avait envahi envers Bambina dans les mines Muireal.

Elle avait besoin de toi autant que tu avais besoin d'elle.

« Alors, vous lui donnez sa chance ? » Demanda l'employé avec un petit sourire aux lèvres, comme attendri par la scène.

Tu hocha la tête doucement. Tu ne pouvais pas éternellement vivre dans les peurs du passé et il avait raison, Ùna était un bon début. Alors pourquoi pas ?

Une nouvelle vie s'offrait à elle, mais à toi aussi. Vous étiez à présent liés, pokémon et dresseur, d'un lien d'amitié qui ne ferait que se renforcer avec le temps.