Rozovyy [solo]

notes

Il errait dans la forêt Eagal, comme d'habitude lorsque minuit approchait. L'air du début de printemps était humide et des petites marguerites et autres fleurs sylvestres parsemaient à présent le sol.

Cela faisait bien longtemps qu'Ilya n'avait pas vécu un printemps aussi calme.

Pas de cri, pas de coups de feu, pas de violence, pas de danger. Juste le bruissement du vent dans les feuillages et le croassement de quelques Cornèbres.

Mais il restait malgré tout aux aguets. Comme d'habitude lorsqu'il  'promenait' Vodianoï. L'Aquali avait la fâcheuse tendance d'attaquer tout être qu'il jugeait menaçant.

C'est à dire un peu tout le monde.

Le stranaïte avait beau essayer de le calmer par quelques caresses et murmures doux, rien n'y faisait. Le pokémon se tenait à l’affût, le dos rond et les pattes tendues, comme un Persian s'apprêtant à se jeter sur un Rattata.

Ilya ne pouvait pas lui en vouloir, il se savait en parti responsable de ce comportement. Peut-être avait-il été trop jeune à l'époque, trop inconscient des conséquences, mais les faits étaient là, Vodianoï avait été son 'arme' pendant la guerre.

Cependant, il ne pouvait se résoudre à le garder dans sa pokéball, l'Aquali ne méritait pas un tel traitement, estimait Ilya. Ce serait comme utiliser un pokémon comme si il s'agissait d'un objet 'jetable' et ça, il ne pouvait l'accepter.

Puis Vodianoï s'était un jour appelé Misha et à ce titre, il restait son ami d'enfance.

Quelques instants à peine à se perdre dans ses pensées suffirent à Ilya pour qu'il perde de vue le danger publique. Un feulement le rappela à l'ordre. Heureusement, la bête était encore suffisamment proche pour qu'il puisse la localiser rapidement par le son.

Vodïanoï feulait et crachait devant un petit buisson, le dos plus arqué que jamais.

Misha ! Appela fermement Ilya avant de se couvrir la bouche. Il avait honte d'avoir prononcé ce nom, il estimait ne plus en avoir le droit.

Mais l'appel fit tout de même son effet, Vodianoï se figea et recula de quelques pas. Son maître s'accroupit, curieux de savoir ce que pouvait bien cacher ce petit buisson.

Quelle surprise d'y voir une petite boule de poils rose, timide, sortir de son abri et observer le stranaïte d'un air déboussolé. Ilya tendit lentement, très lentement la main pour le caresser.

Si Vodianoï était jaloux, il n'en montra rien.

Ne pas peur ! Vodianoï va pas te manger. Promesse.

En effet, l'Aquali restait étrangement calme à présent. On aurait presque dit qu'il avait l'air curieux. Il penchait la tête sur le coté et dévisageait le petit inconnu.

En voulant le soulever, Ilya se rendit compte qu'il manquait une patte au pauvre petit bout de choux.
Il retint une grimace, s'imaginant quel genre d’événement ayant pu entraîner une telle amputation.

L'Evoli était maintenant sur ses genoux, encore un peu tremblant. Le stranaïte tentait de le revigorer par quelques vigoureuses caresses. Une forte muette de 'ça va aller'.

C'est alors que l'étrange se produisit.

Vodianoï semblait intéressé, vraiment. Alors il s'approcha du petit et commença à le renifler. Sous les yeux sévères de son maître bien sûr.

Puis, un coup de langue sur la joue du petit Evoli guimauve.

De plus en plus curieux.

Évidemment, la petite boule de poils rose n'était pas encore très à l'aise avec son congénère qui avait failli lui sauter à la gorge. Mais il était évident que le comportement de Vodianoï à son égard relevait de l'improbable.

Après un grand silence, le stranaïte poussa un lourd soupir. Il ne pouvait pas laisser la petite bête guimauve dans cette forêt, proie trop facile pour les braconniers. Puis son poil était doux et brossé, il devait appartenir à quelqu'un.

Quelqu'un qu'Ilya ne connaissait pas de toute évidence, il n'avait jamais vu le petit trois-pattes avant.

Bon, c'est décidé, il allait le ramener au manoir le temps de retrouver son maître. Tant pis pour Vassilivieille. Elle devrait s'adapter à sa ménagerie. Un point c'est tout.

Il était Tsar, oui ou merde ?

Il se releva d'un coup sec, surprenant les deux pokémons à ses cotés. L'un dans ses bras et l'autre contre sa jambe, tentant de grimper pour rejoindre son compère.

Comment tu t'appelles ? Rose, tout Rose. Rozovyy ?

Toujours très original. Mais Rozovyy et Rosali se ressemblant suffisamment, le petit Evoli secoua la tête, affirmatif. Il était trop tard pour lui trouver un prénom plus original à présent.

Vodianoï grattait toujours sur le pantalon d'uniforme scolaire de son maître pour que celui-ci le prenne dans ses bras. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas agit ainsi. Très longtemps même. Ilya fut tenté de céder, avant de réaliser que son ami n'était plus un Evoli, lui, et qu'il serait bien plus lourd et encombrant.

Puis ses griffes abîmaient son uniforme déjà bien malmené. Il claqua de la langue pour rappeler à l'ordre son Aquali. Pas plus de mots, pas de dispute, il était troublé par le comportement de son compagnon.

Vodianoï semblait s'être trouvé un ami. Un drôle d'ami.

Rozovyy, hein ?

Ilya sourit doucement. Peut-être était-il la clé pour 'soigner' Vodianoï ? Enfin, avant tout, il devait penser au bien-être de la petite bête.

Ne t’inquiéter pas, Rozovyy, on va retrouver ton maître.

Il ignorait si ses paroles étaient vraies ou fausses mais une chose était sûre, il ferait tout son possible pour y arriver.