KEROS Forum Pokémon années 60

Forum Tout public optimisé pour Chrome et Firefox.

Avatar illustré 200x320, contexte Pokémon années 60. Pas de minimum de lignes.
Keros
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilAccueil  FAQFAQ  RechercherRechercher  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
-11%
Le deal à ne pas rater :
Smartphone 6.36 ” Xiaomi 14 (12 Go / 256 Go
641 € 719 €
Voir le deal

On n'est pas toujours le fils de son père, mais on est toujours le père de son fils ▬ ft. Daddy
Page 1 sur 1
avatar
Invité
Invité
Lun 1 Fév - 19:26   

 

On est toujours le père de son fils

La pire colère d'un père contre son fils est plus tendre que le tendre amour d'un fils pour son père.

J'ai pensé à ne pas y aller. Finalement, je me suis dit que c'était une très mauvaise idée. Plusieurs fois, comme une superstition lancinante. Quelques jours avant le moment fatal, j'ai de nouveau perdu tout appétit. Mon estomac s'est obstrué de mon stress, de ces nausées répétitives et maladives. Clope, café, pain, eau. De quoi tenir un temps ; de quoi tenir jusqu'au fameux rendez-vous qui m'a également privé de mes nuits de sommeil. La psychose totale, la vraie psychose qui m'a valu un rendez-vous en urgence auprès de mon psychiatre. Après quelques échanges, le temps de saisir mon malaise, il m'a prescrit de nouveaux anxiolytiques… Ma drogue que je prends au quotidien avec complaisance, en croyant dur comme fer que je vais me sentir mieux. Foutaises. Si l'angoisse s'adoucit, le reste s'accroche et me mène la vie dure.
J'ai pourtant essayé de me faire une raison. Plusieurs fois, j'ai repensé à ce qui m'avait fait craquer. Aux raisons qui m'ont poussé à lui écrire cette première lettre; La solitude, tout d'abord. L'incertitude. Peut-être la peur d'y passer avant de l'avoir revu. Enfin, l'espoir d'être compris, d'être accepté tel que je suis après plus d'un an d'absence. Si j'ai finalement pensé cette ambition un peu trop crâne et osée, je me rends compte aujourd'hui que tout n'est pas perdu. Que peut-être un jour je pourrais vivre avec ma famille et mes convictions, mes désirs. Me comporter tel que je suis vraiment.
Et c'est dans cette optique que j'ai dès lors voulu me présenter à mon père : lui montrer le garçon que j'avais toujours été. Celui que j'embrassais désormais comme une révolte, une affirmation essentielle à mon existence.

Cette aspiration a néanmoins de nombreuses fois vacillé devant le miroir.  
Mon reflet, j'ai toujours envie de lui faire du mal. Lui tirer une balle, le poignarder, le frapper jusqu'au sang, jusqu'à l'évanouissement. Personne ne se déteste autant que moi. Personne ne voit ce que j'y vois, dans ces yeux vert pisse, que ne cesserai décidément jamais de haïr.
Je me déteste. Ce cou gracile, ces épaules trop maigres, ce port de tête trop féminin, ces cheveux décidément trop longs, mais que je ne me résous pas à couper. Qui suis-je donc ? Je ne sais pas ce que je veux. Me nier ou m'affirmer ? Peut-être les deux. J'aimerais être fier de moi ; me sentir enfin bien dans ma peau. Mais, dans cette société qui opprime ceux qui se détachent des autres, je n'y parviens pas. Peut-être n'y parviendrai-je jamais. Et c'est ainsi que je ressens parfois de la lassitude : la fatigue, la mort de l'ambition et du combat que je désirais pourtant mener. C'est ainsi que je pense parfois à retomber dans cette figure passée, toute faite de dénis et de carapaces, de couches factices qui se superposaient les unes sur les autres, au point d'éclipser entièrement la personne que je pouvais être.
Malheureusement, aujourd'hui, je sais pertinemment que cela m'est impossible. Maintenant que j'ai levé le voile, maintenant que je suis Alex, et non plus Alexandre, je sais que je ne pourrai plus jamais revenir en arrière. Trop difficile.
Comme oublier sa véritable nature quand on a autant œuvré à la découvrir ?
Peine perdue.

Alors, je suis resté sur le projet de départ. Après avoir rendu le maigre repas que j'avais ingéré de force, je me suis préparé fébrilement dans la salle de bain, deux heures avant notre rendez-vous. Je n'ai pas cherché à réparer ces traits fatigués, à égaliser cette peau terne de fumeur. Je n'ai pas voulu coiffer ces cheveux autrement qu'à mon habitude, c'est à dire les laisser vivre. Inutile de s'apprêter. Ce n'est pas comme s'il allait me présentait un bon parti. Et… Si tel est le cas, autant être le plus repoussant possible. Toutes les faire fuir. Elles aussi, je les déteste. Les portes de mon cœur ne peuvent pas être impunément franchies… Et désormais, il n'y a qu'une seule personne qui a obtenu un laisser-passer. Je ne sais pas vraiment où cette histoire nous mènera. A-t-elle déjà commencé…? J'en doute. J'aimerais. Non, j'en crève d'envie.  
Pull chaud, couleur crème, écharpe épaisse, étouffante – celle de l'homme de mes songes –, d'un ocre terni, blouson noir, en cuir, comme ceux que mon père déteste. Ça tombe bien, je l'adore. Le seul qui me donne l'air d'un homme, et non pas d'une jeune donzelle effarouchée, ou d'un gamin de quatorze ans. Jean noir, simple, bottes d'hiver. Est-ce que cet accoutrement le choquera…? Est-ce que lui porte toujours ses horribles chapeaux melons ?
Est-ce qu'il va me faire une remarque ? Est-ce qu'il va être content de me revoir ? Est-ce qu'il va me haïr ? Est-ce que je vais lire la déception cruelle dans ses yeux durs ?

Je suis mort de peur. Et à peine ma toilette finie, je grille déjà une cigarette pour me sentir mieux ; l'odeur du tabac froid se colle à mes vêtements propres… Et merde.

Et si on en avait rien à foutre ? Si j'arrêtais de me poser autant de question ? Si j'y allais simplement ? Je l'ai prévenu. il sait à quoi s'en tenir. Point final.
À la ligne.

On passe à autre chose.

Étrangement ce raisonnement semble fonctionner.
Je sors seul dans les rues de Bronswick. Le temps est plus que jamais sec et gris : jours de fête, décidément. Tout me donne envie d'y être, c'est incroyable…
Même pas l'envie de faire profiter un de mes pokémon de cette petite ballade. Je ne veux pas qu'il y ait cette interférence. Toutes sont restées à l'appartement, dans les draps, sur le canapé… Elles font leur vie, et sans doute doivent-elles être ravies de cette tranquillité.
Vrai que je n'ai pas été facile ces derniers jours. Du moins, je ne crois pas.

Nous sommes le treize Mars. Il est très exactement treize heures vingt. Quatorze heures. Ce sera là que sonnera le glas. Mon père n'est jamais en retard. Jamais… Jamais un pas de côté : toujours le droit chemin.

Dans quatre jours, c'est mon anniversaire. Vingt-quatre ans ? Déjà. Comme le temps passe vite. Peut-être qu'il s'en souviendra. Peut-être…

Après un gros quart d'heure de marche silencieuse, passé à ruminer, j'arrive enfin à bon port. Le Sucroquin Doré est un petit café tranquille, haut-de-gamme : je sais que mon père l'appréciera. Je rêve déjà d'un chocolat chaud bourré de sucre, même si je ne suis pas sûr d'arriver à le boire. Ou plutôt, d'arriver à le garder.
Je suis visiblement en avance… Un peu… Encore une dizaine de minutes à attendre. Je demande un table à l'écart des autres, au fond de la salle. Lorsque le serveur vient me voir, je l'envoie sur les roses, sans soigner les apparences… J'ai envie de me retrouver seul avec moi-même. Encore un peu.

Encore un peu avant la tempête.
Je garde l'écharpe de Syrius bien serrée autour de mon cou.
@feat Daddy red heart
Awful
avatar
Invité
Invité
Lun 1 Fév - 20:10   
On n'est pas toujours le fils de son père, mais on est toujours le père de son fils
Alexandre de Montgommery


Charle a toujours été sûr de lui, de sa facilité à se rappeler de ses rendez-vous, de ses compétences pour arriver toujours à l'heure, de ses prévisions pour être dans la tenue adéquate, de l'anticipation de ses contrats. À son souvenir, il n'y a que 4 fois où il avait angoissé à l'idée de ne pas être là à temps, au point d'être en avance, très en avance : son mariage et la naissance de ses trois enfants.

Pourtant, nombreuses sont les fois où il a vérifié, encore et encore, la date sur la dernière lettre d'Alexandre. Nombreux sont ses coups d'œil sur l'horloge malgré le fait que ce ne soit pas apprécié lors de rendez-vous. Nombreuses sont ses légers grondements d'impatience et ce regard anxieux dans la rue que surplombent les vitres de son bureau. À quoi il s'attend en fait ? À ce qu'Alexandre vienne le retrouver ici, grand sourire, pour qu'ils aillent ensembles à ce café ? Non, il le sait, cela ne se fera pas, mais Charle reste humain, avec ces espoirs silencieux et improbables qui ne le lâches pas.

Pourtant, aujourd'hui, il aurait dû rester bien concentrer ! Les dernières nouvelles lui ouvraient une brèche dans la politique où il comptait bien s'engouffrer. Le partie Arkéen était en souffrance, surtout par les agissements des Gallistes et c'était l'occasion ou jamais d'enfoncer les portes en tant que Legalien. Proposé de l'aide pour les étudiants tout en rabaissant les rebelles qui, par leurs actions inadmissibles, privaient de travails et de revenus les honnêtes personnes serait un étendard des plus voyants qui rassembleraient ceux qui refusent les un autant que les autres. De quoi peupler d'avantage le partie Legacy et obtenir, peut-être plus tard, un nouveau pas vers Galar. Bref, c'est bien à tout ça qu'il devait parler, chez une connaissance, whisky pur malt dans le verre en cristal et entourés d'autres nobles dont les titres n'étaient plus que décoration. Pourtant, non, Charle n'arrivait pas à se concentrer, ni même à pesté contre le dernier livre de cette emmerdeuse. Non, il ne pensait qu'à son fils. Il ne pensait qu'à Alexandre.

Malgré tout, il parvient à garder les apparences. Tic-tac. L'heure venue. Il se lève, s'excuse, remet son chapeau, sa veste, ses gants, récupère sa canne et s'en va. Un quart d'heure, c'est le temps d'y aller. Un quart d'heure, c'est bien le temps qu'il mit pour le rejoindre, arrivant bien entendu exactement 2 minutes avant l'heure dite. Ni trop tôt, ni trop tard.

Ah, Alexandre. Pas besoin de le voir debout pour que sa maigreur, son teint blanchard et ses cernes maladives ne lui saute à la vue. Son colocataire ne lui servait donc vraiment à rien, à ne pas savoir prendre soin de lui. Aucun ne savait et c'est un jeune homme amoindri qu'il retrouvait. Il aurait voulu que son regard reste de marbre, sans jugement, mais son inquiétude pouvait s'y voir à quiconque le connaissais suffisamment bien, que ce soit par cette commissure au coin des lèvres, typique à quand il serrait les dents, sa main poignante sur le pommeau de sa canne ou encore se léger, furtif, changement d'angle de sourcils sous son chapeau melon.

Bien, il était là. Lui aussi. Et maintenant... Il aurait aimé le prendre dans ses bras, mais l'accepterait-il ? Non, c'était sûrement trop tôt. Il l'avait fait pourtant tant de fois quand il n'était que bébé. Une époque bien lointaine. Trop lointaine. Alexandre n'était plus un petit bout de choux rosé à la crinière d'or, aux gazouillis qui faisait des bulles et aux petits doigts poteler. Il ne l'avait jamais été longtemps.... Maintenant Alexandre voulait être vu comme un homme et ce, malgré ses penchants malsains. Non, définitivement, il lui refuserait une étreinte, Charle en était persuadé alors non, il ne l'essayerait pas.


"Alexandre.... Cela me fait plaisir de te revoir."

Phrase banale, peut-être, mais vrai.

avatar
Invité
Invité
Dim 7 Fév - 11:16   

 

On est toujours le père de son fils

La pire colère d'un père contre son fils est plus tendre que le tendre amour d'un fils pour son père.

J'ai conscience du spectacle que je vais lui imposer. Je sais que je n'ai pas l'air en bonne santé, et justement, je ne le suis pas, c'est bien vrai.
D'abord, il y a eu une rechute. Je me suis senti bien deux semaines, tout au plus, et avec le temps qui a décliné, l'hiver qui lentement repris ses droits, mettant fin à cette parenthèse de printemps, je me suis senti plus que jamais morose. C'est comme ça. L'humeur qui varie en fonction du temps, des saisons.
Mon psychiatre m'a dit que c'était normal. Que ça arrivait à beaucoup de gens. Je ne peux que le croire, et je sais que la seule façon d'y pallier, ou du moins, de limiter la casse, c'est de gober trois fois par jours tous les médicaments qui ont un jour noirci son ordonnance.

Au début j'avais honte. Quand je sortais, ou au travail, j'essayais tant bien que mal de cacher ces petits pots qui avaient une apparence si particulière qu'il n'était pas difficile de les identifier. On m'aurait vu comme un fou avant d'avoir eu le temps de me justifier. Et je n'ai pas besoin de ça ; le jugement des autres sur mon état de santé mentale m'épuise.
Comme tous ceux qui me répètent qu'il faut manger, qu'il faut grossir pour aller mieux. Si seulement ils réfléchissaient une seule seconde. Un instant, utiliser leurs cervelles avachies… Mon problème réside justement dans ces périodes anorexiques, dans ces phases de boulimie aiguës, dans ces nuits sans sommeil. Est-ce si difficile à comprendre ?
Je suis laid, je leur fais peur. Soit. Je suis maigre. Oui. Ça reviendra. Ça reviendra dans quelques temps, quand j'aurais appris à passer au-dessus de certaines défaites qui me font encore trop mal au cœur.

Seul à ma table, je serre doucement l'écharpe de Syrius, que j'ai rapiécée, entre mes doigts. Elle ne paie pas de mine, mais elle me donne la sensation de ne pas être seul face à cette nouvelle épreuve.
Pourtant, je suis plus que jamais seul. Rejeté. C'est lui qui m'a quitté en pleine nuit, en prétendant ne pas pouvoir faire "tout ça". Tout ça quoi ?
Tout ça. C'est moi, tout ça ? C'est moi qui le dégoûte au point de me fuir dans mon propre lit…?
Je ne sais pas combien de temps j'ai pu pleurer, après ça. Une chose est sûre, je suis retombé dans le cercle vicieux du doute, de la haine et du chagrin. Me voilà fait comme un Rattata. Plus qu'une seule solution : attendre que ça passe.
Le pire dans tout ça, c'est que je n'arrive pas à me résoudre que c'est déjà fini. Qu'il y a cette parenthèse légère, joyeuse, et que tout est retombé comme un soufflet, à la vitesse d'une étoile filante. Je pourrais même me demander si j'ai bien vu, si j'ai bien senti. Si je n'ai pas rêvé.
Mais les graines d'amour, de passion désespérée qu'il a semées dans mon cœur ont germé, et je ne peux pas admettre que rien n'a existé. Ce n'est pas possible : j'ai encore trop mal pour ça. Et le pire : j'y crois encore. Il y a une partie de moi qui n'a pas voulu lâcher l'affaire, qui veut garder espoir, y croire dur comme fer.
Il n'y a pas dix-mille princes charmants. Il n'y en avait qu'un, et c'était lui. Voilà ce que mon ego crie tout au fond de moi. C'est lui que je voulais. Personne d'autres.

Déception bourelle et assassine.
Oh, je suis habitué.

Et aujourd'hui, voilà que j'attends mon père au fond de ce café, transi de froid, transi de pensées noires qui me figent. Après un an. Une année entière sans avoir vu personne, sans avoir osé l'appeler, sans avoir osé lui écrire.
Et puis, en quelques semaines, j'ai cédé à la peur, aux vertiges d'un état que je ne pouvais plus supporter seul, et je me suis rappelé à lui. Petite voix ténue dans l'immensité d'un océan de blessures et d'oubli où je comptais me noyer. Où j'ai peut-être cru, un instant, qu'il me laisserait, sans me porter secours.
Mais il m'a tendu la main, et je l'ai attrapée. Et j'espère bien ne plus jamais avoir à la lâcher. J'aime ce contact paternel ; j'aimerais qu'il dure tout le reste de ma vie… Mais je n'ai pas envie de retourner dans une cage d'or et d'argent. Mais aussi riche soit-elle, ce serait une prison quand même.
Alors j'attends. Fébrilement. Dans les lettres, j'ai cru comprendre qu'il ne comptait pas me contraindre, assoir de nouveau sa domination sur moi. Au contraire. Il semblait plutôt disposé à m'écouter, à m'aider, à essayer de me comprendre.
J'espère que c'est le cas. J'espère qu'il n'aura pas changé d'avis et qui n'essaiera pas de me ramené à une vie que j'ai déjà fuie. Sinon, ce serait comme recommencer à zéro, et je ne saurais le supporter.

Bien malgré moi, dans cette attente qui s'étire à l'infini, marquée par le temps qui s'écoule au compte-goutte, je triture mes doigts, je griffe douloureusement mes paumes, je relève ces manches trop lourdes, trop chaudes qui me donnent l'impression d'être engoncé dans une camisole de plomb, et parcours du bout des ongles les stries qui marquent ma peau… J'essaie de ne pas penser aux regards que mon père lançait sur ces blessures ; de quoi me faire comprendre que j'étais devenu fou, que je le décevais mortellement.
J'enlève mon blouson, le dispose sur le dossier de ma chaise, et tire les manches de mon pull jusqu'au milieu de mes mains… La honte me reprend, chaude et désagréable, comme un douloureux rappel. Je ne veux pas qu'il les voit, qu'il les compte, et qu'il pense que certaines se sont ajoutées entre-temps…

Et puis l'heure sonne. J'entends les cloches de la grande cathédrale au loin… Le carillon du café signale un nouveau client… Il ne me faut pas longtemps pour reconnaître ce chapeau melon et cette canne caractéristique. Étonnamment, malgré le frisson glacé qui dévale ma colonne vertébrale et m'oblige à me redresser, je me surprends à esquisser un léger sourire. Content de le revoir ? Ou amusé de constater qu'il a toujours ses airs de vieux dandy…?
Peut-être un peu les deux.

Pour autant, son regard insistant, ces prunelles vives et profondément souffreteuses qu'il fixe sur mon visage me font perdre ce sourire qui avait tout l'air d'un petit rayon de soleil avant la tempête. Les nuages s'épaississent. Voilà que ma gorge se serre, et m'empêche de parler.
Il rejoint la table, semble hésiter, s'assoit.
Une formule banale, qui ne me fait pas oublier ce coup d'œil effrayé. Quoi ? J'ai donc l'air d'un épouvantail ?
J'ai tout vu, tout reconnu. Comme de vieux souvenirs qui sont remontés à la surface. Ce léger arc-boutement des sourcils, ces doigts serrés sur le pommeau de sa canne… Crispés. Pour retenir une grimace, sans doute, ou une réflexion acerbe.

Si je baisse un instant les yeux, le malaise me dominant avec une violence à peine soutenable, je finis par le vaincre. Mes iris cherchent ses yeux sombres, les captent, ne veulent plus les lâcher. D'une main, je triture l'écharpe que j'ai gardée autour du cou. Et je le regarde. Et il me regarde.
Et je ne sais pas quoi dire.
Vraiment. C'est le blanc total. Page blanche. J'ai la sensation de m'être transformé en marbre. Une belle statue, peut-être, assez effrayante, et tout à fait muette.

C'est le serveur qui nous sauve de cet échec ; ce premier échec qui ouvre notre entrevue. Le voilà qui accourt presque vers notre table, qui nous demande ce que nous désirons… Ce n'est pas celui qui j'ai envoyé dans les roses tout à l'heure. Celui-ci m'inspire une plus grande sympathie… Bonne tête. Une tête d'acteur. Je le dévisage sans me cacher, détaille la finesse masculine de sa mâchoire… Ma voix se délie, petit à petit, rauque. Elle ne produit qu'un petit aboiement qui n'est autre que ma commande :

▬ Un chocolat. Bien sucré. S'il-vous-plaît.

Je ne sais pas si ça va passer. J'ai peur de tout vomir en rentrant… Mais je vais essayer. Juste pour ne pas être seul, pour me donner un peu de force.

Bientôt, d'ailleurs, le serveur nous abandonne. Nous voilà de nouveau entre nous, les yeux dans les yeux.
J'éclaircis ma voix éraillée, j'essaie de respirer profondément… Par quoi puis-je commencer…? Je manque d'inspiration. Sec. Sec comme un pruneau dans un bocal.

▬ Vous avez trouvé… Facilement…? Certes, ce n'est pas du grand art. Mais le silence me pèse. Il fallait que je trouve quelque chose ; cela devenait plus qu'urgent. Toujours à l'heure. Vous n'avez pas changé, sur ce point…

Je sais ce qu'il pense. Que le reste de l'entrevue va être laborieux. Que quelque chose s'est définitivement brisé, entre nous.
Et dans ses mimiques, pourtant très mâles et dignes, je reconnais les miennes… On se ressemble plus qu'on ne veut bien l'admettre.
Mes doigts essaient de ranger mes mèches blondes en arrière ; j'essaie de maîtriser mes gestes… De les décomposer pour ne rien laisser paraître. Ne pas le mettre mal-à-l'aise. Je retrouve ces sensations passées d'automate.
Et, sous son regard, je sens finalement mon cœur battre un peu plus fort. Car ce n'est pas de la déception, que je lis dans ses yeux, mais au contraire, un soulagement. Ou peut-être un crainte. Une affection paternelle que je n'avais jamais su percevoir auparavant, et qui, aujourd'hui, me saute au visage.

▬ Je suis… Content de vous revoir. Père. Vraiment.
@feat Daddy Désolée pour le retard  golden heart j'espère que ça te plaira
Awful
avatar
Invité
Invité
Mer 10 Fév - 20:34   
On n'est pas toujours le fils de son père, mais on est toujours le père de son fils
Alexandre de Montgommery


Charle le fixe... Attends... Quoi exactement ? Il ne le sait pas lui-même. Le regard d'Alexandre d'abord le fuit, puis remonte pour se figer dans le sien. Il a les mêmes yeux que sa mère, la même blondeur des cheveux aussi... Il s'est souvent demander si le jeune garçon avait, en lui, au moins un peu de lui-même sous toutes ces ressemblances maternelles.

Il tripote son horrible écharpe et ne laisse aucun son s'échapper. Aucun mot. Même pas un bonjour ? Cette rencontre, lui est-il si difficile qu'il en oubli les politesses les plus primordiales ? Et ce silence... Charle ne l'aime pas du tout. Il est comme un signe d'échec et d'impasse. Heureusement, le serveur vient pointer le bout de son nez et le banquier laisse son fils choisir en premier avant de commander un thé pour lui-même. Le café, c'est pour le travail, en dehors, rien ne vaut le doux fumé fruité ou aromatiques d'un bon thé préparer dans les règles de l'art. Des gâteaux, en revanche, jamais. Charle n'était pas du tout gourmand de sucrerie diverse sauf ces éternels bonbons à la fraise qui vous cassent les dents et dont raffolait tout autant sa Fluvetin.

Bien entendu, il l'a vu. Cette faço, de dévisager le serveur comme un jeune homme dévisage une jolie demoiselle. Il le savait, s'y attendait plus ou moins, mais n'apprécie pas pour autant. Certes, il ne pouvait rien y faire et tolérerait cela pour leur bien commun, cependant le voir et rien dire laissait un certain goût amer. Peut-être que cette rencontre est finalement précipitée...

Ou peut-être pas. Alexandre finit par dire quelques mots. Pas de quoi engager un grand débat ou une conversation rythmée, mais c'est un début mieux que rien non ? C'est un pas. Un petit pas comme la première lettre reçue. C'est rassurant et finalement, ça le détend. Légèrement. Un peu. Surtout quand il affirme être heureux de le voir. C'est peut-être idiot à ces yeux de fils, mais pour un père, ce sont toujours des paroles mots qui font plaisir, surtout quand l'enfant en question a disparut depuis longtemps. Il en esquisserait presque un sourire si Charle n'était pas si... Charle. Il ne lui ferrait pas l'offense de se répéter, sur sa propre satisfaction de le revoir, alors au lieu de ça, il répondit aux autres de ses questions.


"Il n'est pas très difficile à trouver, apparemment l'endroit et assez réputer pour ses boissons. Nous verrons bien si cela et justifié ou non quant à la ponctualité... Certaines choses ne changent pas."

Charle avait une sainte horreur d'être en retard, cela n'était ni poli, ni respectueux, ni respectable. En tant qu'homme, d'affaire ou de famille, la ponctualité devait être l'un de ses piliers. Il avait essayé de l'apprendre à Alexandre d'ailleurs, mais y avait-il réussi ? Peut-être... Après tout, il avait bien été là avant lui. À moins que cela n'ai été l'impatience de le revoir ? Qu'il aimerait bien que cela soit le cas.

Charle laissa un petit blanc avant de reprendre, d'un ton calme et emplis d'intérêt pour la vie de son fils :


"Tu n'as pas l'air au mieux de ta forme. Est-ce une de ses périodes "sans" comme tu le disais dans tes dernières lettres ? "

Qu'il espérait que oui, qu'il puisse se dire qu'autant, demain ou dans une semaine peut-être, le sourire hantera le visage d'Alexandre et que le gras cachera de nouveau, même un peu, la forme de ses os. Si ce n'était pas le cas, à quoi donc ressemblait alors les jours "sans" ?! Pouvait-il avoir un air plus faiblard que maintenant ?! En y pensant, il y avait déjà des périodes "sans"... Des périodes de caprices d'enfants à ses yeux d'autrefois...


Contenu sponsorisé
Contenu sponsorisé
   
Page 1 sur 1