La nouvelle année était passée. Tu gardais inlassablement un oeil sur ta boîte aux lettres, sur ton téléphone, sur ta fenêtre, dans l’espoir d’une lettre, d’un signe. Il t’était étrangement difficile d’être productive ces derniers temps, et Isaac n’avait cessé de te reprendre à l’ordre professionnellement parlant, même si pour son plaisir personnel, ces photographies mélancoliques trouvaient leur place.

Une journée de plus se termina à Pryderi. Ton Lixy sur ton épaule, devenu désormais ton propre enfant, il ne te quittait que rarement, tu retournas d’abord dans ta loge. Un soupir passa tes lèvres, après avoir retenu ta respiration un court instant, le temps d’ouvrir cette fichue porte. Mais rien. Le silence, le vide, le froid, c’était tout ce qu’il y avait. Tu recommençais à vivre dans un passé, révolu, certainement. La vie n’attendait que toi, et tout obstacle semblait d’être libéré. Et pourtant, un doute demeurait.

Tu quittas ton lieu de travail dans les temps, pour une fois. Mais avant de rentrer chez toi, tu avais encore quelques choses à faire. Tu pris Lucifer dans tes bras, lui adressas quelques caresses, avant de lui souffler :

« Ca te dit qu’on fasse un détour ? Rien que tous les deux… ? »

Le Lixy se mit à ronronner en se frottant à toi. Haha, il ne comprenait probablement rien à ce que tu racontais, mais il était toujours heureux. Ainsi donc, le détour était validé.

Tu avais des contacts à Pryderi, mais rien n’avait donné. Tu hésitas alors entre deux choix : ton Flambusard, ou un taxi aérien… ? Tu regardas ton pokémon, puis tu haussas les épaules : si gratuité tu avais, pourquoi s’en priver ? Tu appelas Baaldalion. Il était rare que tu sortes ton oiseau massif, surtout maintenant. Il te rappelait le Corvaillus du Ranger. Tu te hissas sur le dos de l’oiseau de feu, tout en tenant Lucifer, et tu t’envolas. Où allais-tu ? Bronswick. Si personne ici se savait rien, tu irais à la source.

Le voyage dura un certain temps. Ton Flambusard était rapide, certes, mais ce n’était pas le pokémon le plus puissant dans cette statistique. Il ne fut pas non plus très agréable, il fallait l’avouer, mais une nécessité demandait des sacrifices. Tu arrivas à bon port après quatre bonnes heures, probablement… ? Heureusement, tu avais pu terminer ta journée assez tôtn ce qui te permettait d’avoir un peu de temps devant toi.

Arrivée dans cette ville où tu allais peu, tu pris la direction d’un des centre d’informations des Rangers. Tu laissas ton Flambusard devant la porte, et tu pris ton Lixy avec toi. Arrivée à l’accueil, tu te présentas, et après quelques minutes où on te laissa seule, quelqu’un vint te chercher.

« Rachel Hirschwald, une amie de Reginald, c’est ça ? »
- Oui. J’aimerai avoir des nouv-…
- Suivez-moi. »

Tu fronças les sourcils, mais tu suivis tout de même l’homme qui était venu te chercher. Il t’installa dans un bureau, avant de t’offrir un café, puis il s’assit à son tour. Tu portas la tasse à tes lèvres, appréciant la chaleur que te procurait la boisson. Lorsque tu voulus reprendre, alors qu’il prit une pose sérieuse et croisa les main devant toi, il te coupa.

« Vous étiez proches ?
- Heu… Oui, plutôt… D’enfance. Amis d’enfance. »
- C’est donc vous… Je vous dois la vérité, mademoiselle Hirschwald… »

Tu posas la tasse devant toi, et tu plantas ton regard dans le sien. Tu ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Tu t’apprêtais à te relever, à partir, à l’incendier, mais comme s’il savait, il te coupa à nouveau.

« Reginald est décédé. »

Le silence…
Un regard…
L’incompréhension.
Le temps que l’information arrive au cerveau, il s’était bien écoulé trente secondes. Tu te laissas tomber contre ta chaise, tu détournas les yeux. Tu hésitas. Longuement. Ton regard revint sur ce qui semblait être un collègue. Tu articulas difficilement :

« Comment…?
- Je vous l’ai dit, il est-…
- J’ai comrpris. Je vous demande comment.
- Vous l’avions envoyé en mission…
- C’est donc votre faute.
- Je comprends votre colère mais ce n’est-…
- C’était votre rôle, non ? Je ne vous blâme pas. Mais vos yeux de Ponchiot battu n’ont aucun effet sur moi. C’est votre responsabilité. Je ne vous pardonnerai pas. Et ne vous attendez pas à ce que sa famille, aussi peu soit-elle, vous pardonne. Vous avez merdé. Et j’aurais aimé être prévenue plus tôt. »

La colère.
La haine.
Les larmes, que tu retenais au fond de ton corps.
Tu te relevas, tu repris tes affaires. Tu laissas le café sur cette table, refroidir à jamais. Tu ouvris la porte. Et tu lanças :

«  J’espère ne jamais vous revoir. Et je ne vous remercierai pas. Adieu. »

Tu passas la porte, et tu la laissas se refermer. Tu saluas timidement l’accueil, tu sortis. Ton Lixy n’avait rien compris, mais il sentait ta tristesse. Tu caressas le pelage de ton Flambusard. Devais-tu rentrer… ? Ou non… Avec Baaldalion ? Ou un taxi… ? Tu secouas légèrement la tête avant de rappeler ton oiseau. Et tu entrepris de payer un taxi pour retourner à Pryderi.

Le voyage fut long, plus long que par les airs. Mais au moins, tu étais posée. Tu n’aurais probablement pas dû t’énerver ainsi, et plutôt chercher des informations, mais cette nouvelle avait été plus que bouleversante. Tu ne savais rien de ce qu’il s’était passé, ni comment tout ceci avait pu arriver, mais c’était là, le poids sur le cœur, la douleur…

Tu retournas chez toi dans la nuit. Tu savais que tu ne trouverais pas le sommeil, alors ce fut les bras Sealg qui accueillirent ta peine. Tu retournas à la petite planque de Pryderi, et tu t’y laissas abandonnée pour une nuit. Inutile de s’attarder sur ce que tu fis, car ce fut tout ce que les Sealg représentaient : la débauche et la violence. Lucifer apprenait à grandir dans un tel univers, même si ce n’était pas l’avenir que tu lui avais prévu.

Pendant cette même nuit, tu appris quelques vérités : une mission Sealg qui avait mal tourné pour le jeune Ranger, une fierté qui lui avait coûté plus que quelques hurlement… Tu n’étais pas prête à tout entendre, ni à tout retenir. Tu gardais ce voile, cette coque de femme forte qui n’avait aucun lien avec le Ranger, si ce n’est une connaissance d’enfance, mais intérieurement, la tempête était bien là. Tu souffrais. Tu ne savais pas pour combien de temps. Mais c’était là, et il faudrait faire avec. Pour les jours à venirs. Les mois. Les années peut-être. L’annonce ne tarderait pas à tomber au sein de ta famille.