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Keros FORUM POKEMON · ANNEES 60 · AVATARS 200*320 · PAS DE MINIMUM DE LIGNES
En Novembre 1965, Keros fête ses 30 ans. Désormais libre de l'égide de Galar, la région se remet péniblement de deux guerres, et la jeunesse a envie de tourner la page. Sa liberté, elle la trouve autant dans l'activisme que dans des loisirs innocents. Les combats de Pokémon, en phase pour devenir la discipline phare à Keros. La coordination, l'élevage et le métier de ranger ont également le vent en poupe. Une organisation criminelle profite de cette mode pour s'enrichir grâce au braconnage et le gouvernement ne semble pas concerné par la crise écologique et économique imminente.Lire la suite
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La seule chose insupportable, c'est que rien n'est supportable – Alexandre [50%]
Invité
Invité
La seule chose insupportable, c'est que rien n'est supportable – Alexandre [50%] Lun 21 Déc - 20:46
Alexandre de Montgommery
Identité
NOM Dacre de Montgommery PRÉNOM Alexandre (mais demande qu'on l'appelle Alex) ÂGE 23 ans ORIENTATION SEXUELLE Homosexuel
ORIGINES Keros VILLE NATALE Duilleag, le manoir des Montgommery DOMICILE ACTUEL Bronswick, quartiers pauvres
ACTIVITÉ/MÉTIER Barman au Drain Kiss VOTRE ALIGNEMENT Neutre CARTE DEMANDÉE Carte dresseur VOTRE CLASSEMENT Rang C
CHOIX POUR VOTRE ÉQUIPE Mon choix + choix du prof.
NOM DE L'AVATAR Ash Lynx, Banana Fish
Aimée
Niveau 10 ♀ Larméléon +3
Petit éclat de lumière dans les ténèbres, tu m'as redonné un peu d'espoir : l'envie de vivre, déjà, c'est une belle chose. Avec toi à mes côtés, je sais que je ne serais jamais complètement seul. Tu es là, tu es fidèle, je peux compter sur ta tendresse froide et fière, sur tes beaux yeux de biche pour me réconforter, sur tes ricanements pour me faire sourire. Petite friponne, encore jeune, tu ne connais rien à la vie. Sur ce point, on est bien pareil… Et pourtant. Pourtant, tout les deux, il semblerait que nous ayons vécu des choses que nous préférons oublier. Comme toi, j'ai parfois des absences. Ton regard se fige dans les ténèbres… Oh, comme tu détestes le noir, comme tu n'aimes pas avoir froid. Viens là que je te prenne tout contre moi. Ensemble, on est plus fort. Tu sais que toi aussi, tu n'es plus seule. Même si notre rencontre est un hasard, même si parfois je suis quelqu'un de difficile, même si, souvent, tu préfères que je te laisse tranquille… Non, tu n'es plus seule, et quoi qu'il arrive, je saurais m'occuper de toi. Du moins, je l'espère. Je vais m'accrocher à cette promesse.
RefletAqua-JetÉcras'FaceÉtreinte
Éponine
Niveau 9 ♀ Vipélierre +1
Sans doute la créature la plus courageuse que je connaisse. Rien ne t'a obligée à m'aider ce soir-là, et pourtant, ce soir-là, sans doute tirée de ton sommeil par nos éclats de voix, tu es venue à ma rescousse. Nana était à la maison ; je n'avais pas encore pris l'habitude de l'amener avec moi partout où j'allais. Oui, j'avais encore confiance. Une erreur que je ne suis pas prêt de commettre à nouveau. Sortie de bar… Il était tard, très tard… Au bout de la nuit, je m'apprêtais à rentrer dans mon quartier après une soirée de travail au Drain Kiss. Un homme m'a suivi. Un client insistant, qui avait entendu que je n'étais pas fermé aux aventures d'un soir… Tout en lui me répugnait ; je l'avais brutalement envoyé sur les roses… Mais malheureusement, il avait une idée fixe : celle de passer la nuit avec moi. Je ne l'ai pas tout de suite vu… Il m'a suivi. J'ai couru, j'ai eu peur… Et au coin d'une ruelle, il a réussi à me rattraper. Je me suis débattu, tant et plus, mais rien ne semblait pouvoir le faire lâcher prise… C'est là que tu es intervenue. Je suis tombée en me prenant les pieds dans quelques cartons qui traînaient… Tu étais lovée à l'intérieur, tu as entendu ma détresse ; l'homme a voulu te chasser, violemment, mais tu ne t'es pas laissée faire. Il t'a blessée, avec son Pokémon. Mais tu as réussi à les mettre en déroute… J'ai pris soin de toi, pour te remercier. Je t'ai soigné, tu t'es gentiment laissée faire… Pourtant, quel caillou tu es ! Obstinée, obtue. Tu es fière, mais pour de justes raisons… Tu es sérieuse, parfois froide, toujours distante. Mais tu m'as adopté ; me protéger semble être devenu ta raison de vivre. Nous protéger, Nana et moi. Et de ça, nous t'en sommes très reconnaissant, même si tes manières de reine ne nous semblent pas toujours appropriées…
Fouet LianeQueue de FerFeuille MagikReflet
Caractère
Depuis quand es-tu là, Tristesse ? Cela doit faire maintenant quelques années. C’est dur, la vie avec toi. Tu sais que tu me tortures, que tu me déchires, que tu me blesses… Mais quoi… ? Ne peut-on pas dire que nous sommes désormais de vieux amis ? Toi, moi. Ça a toujours été la même chose. Nous deux. Ensemble. Et depuis longtemps. Ce serait mentir de prétendre vouloir me débarrasser de ta pesanteur. Je me suis habitué à ta présence, à cette ombre que tu jettes sans cesse sur mon existence… Et peut-être que, tout seul, toi vaincue, moi guéri, ce ne serait plus tout à fait la même chose. Plus… Tout à fait moi. Parfois tu t’éclipses, tu fais de la place. Je regorge de vie et d’ambition. C’est ce qu'il avait du mal à comprendre, Tristesse. C’est ce que je ne parviens pas à comprendre non plus. Tu t’absentes juste un temps… Tu fais un tour, et puis tu reviens. Tu reviens plus forte, plus cruelle que jamais. Tu tombes comme un sac de plomb au fond de ma poitrine, tu tords mes entrailles, tu recharges le réservoir de mes larmes qui n’ont de cesse de couler. Mais au moins, Tristesse, toi tu ne m’en veux pas. Tu me laisses faire, tu me laisses vivre comme il m’est possible de vivre. Et les temps où je dois être heureux, tu me laisses l’être. Tu es magnanime, je ne devrais pas en douter. Tu laisses mon cœur battre lorsqu’un joli garçon se présente à moi, lorsque j’ai l’occasion de m’aventurer sur les terrains accidentés de l’amour dans ses bras… Et quand tout retombe, je me sens misérable, et tu es là pour me consoler. Après tout, quel est l’idiot qui pourrait croire à une vie meilleure… ? Le bonheur, ce n’est plus à la mode. Je ne suis pas un enfant du bonheur, et ça a toujours été comme ça. Je suis né avec toi, et je mourrai sans doute dans tes bras. Je dois m’y résigner. Bien heureusement, à vivre toujours dans ton ombre, porté par ta froideur, ta raideur, j’ai appris à te sculpter selon mes envies. Je sais comment sourire pour faire semblant de t’éclipser. Tout le monde n’y voit que du feu ; nous en rions ensemble. C’est un rire grinçant, profond, peut-être même effrayant. Mais nous rions. Nous rions beaucoup. Les autres ont du mal à nous comprendre. Il y a des jours avec, et il y a des jours sans. C’est un peu déconcertant, j’en conviens… Mais quoi ? Les jours avec, c’est moi qui gagne, les jours sans, c’est toi qui l’emporte. La demie-mesure existe, parfois. Pas tout le temps. Quand je parviens à asseoir ma domination, tu te fais discrète. Je suis un garçon exubérant, ça oui. Je sais me donner en spectacle, je sais jouer un rôle qui ne colle pas à ma peau. Pourquoi ? Pour t’oublier, peut-être. Ne serait-ce qu’une seconde, qu’un instant. Le temps d’une danse, le temps d’une soirée, le temps d’une rêverie éveillée, d’un rendez-vous galant, d’un rendez-vous grotesque. T’oublier, faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Parfois, ça fait du bien. La chute n’en est que plus douloureuse, mais c’est une distraction à mes tourments. Je peux me montrer volubile, blagueur. Je sais rire. Il paraît qu’avec les autres – pas avec toi – j’ai un beau rire. Des dents régulières et communicatives, que je montre derrière mes lèvres fines, étirées en un rictus charmant. C’est léger, cristallin. Parfois même sincère – ça peut arriver. J’aime bien rire. J’ai l’impression de te faire du mal… J’ai peut-être raison. Quand je peux gagner du terrain sur toi, je le fais. Il y a toujours le revers de la médaille, j’en suis conscient. Il y a toujours ces moments où je retombe, où je sombre dans une mélancolie poisseuse, qui s’immisce partout, me prend au cou et m’étouffe. Mais j’essaie de ne pas y penser. Non, j’essaie d’aller de l’avant, même avec ton poids qui pèse sur ma poitrine, qui ne me laisse pas aspirer tout l’air dont j’aurais besoin pour me sentir mieux. On fait avec, c’est comme ça. Je n’y peux rien. Je ne suis pas de mauvaise compagnie. J’ai une éducation, des valeurs. Derrière ce masque aux yeux froids, parfois vifs, d’autre fois tranchants, derrière ce sourire en coin, ce sourire tout court, il y a un jeune homme de bonne famille. Mais ça, c’est notre petit secret. Personne ne doit le savoir… Même si, sans doute, des réflexes refont quelques-fois surface. C’est léger, imperceptible. La cigarette qui effleure les lèvres, la façon de tenir ma tasse de thé, le dos droit même dans les jours les plus difficiles… Les coups de bâtons auraient donc servi à quelque chose… ? Ces liens dont je ne me débarrasserai sans doute jamais auraient donc une utilité ? Il serait sans doute ravi de l’apprendre. Mais quoi ? Le reste lui déplaît. Il a oublié quelque chose : le reste, c’est moi. Ces manies trop féminines, ces postures trop fols pour lui ne laissent pas de place au doute, n’est-ce pas ? Il fut un temps où tu t’en enorgueillissais, Tristesse. Tu te moquais à mes oreilles, tu me chuchotais quelques confidences malsaines à ce sujet… Non, je ne pourrai jamais le cacher. Tu avais raison. C’est impossible. On ne peut pas vivre éternellement dans le déni de sa véritable personne. On ne peut pas sans cesse réprimer des gestes qui sont naturels, emprunts d’une si grande spontanéité que les retenir en devient presque douloureux. Je me souviens ces terribles décharges qui irradiaient ma nuque… Les articulations qui se rouillaient, se bloquaient… J’ai arrêté de vouloir tout contrôler. Je me suis laissé aller, et j’ai survécu. Maintenant, j’écope de quelques regards assassins. Je ne pourrais pas dire que je m’en moque. Ce sont comme des petites plaies qui s’ouvrent dans ma peau et piquent un temps, jusqu’à ce qu’elles se referment et disparaissent. Je n’aime pas ces regards qui me renvoient à une image dont j’ai terriblement honte. Mais, en même temps, je ne peux pas dire que je suis différent des autres. Je me suis même conformé à ce moule underground, à ces profondeurs de la ville, ces ténèbres insignifiantes qui vivent en chacun d’entre nous et nous poussent à nous salir inlassablement. Tu fais de ton mieux pour me pousser dans les vicissitudes du corps et de l’âme. Tu aimes que des hommes en mal de sexe posent leurs sales mains sur mes os. Tu aimes qu’ils me fassent mal, parfois. Et lorsque je vis un rêve, tu sembles me ramener à la réalité en me rappelant que jamais personne ne voudra vivre avec moi. C’est ça, ton rôle. Briseuse de rêves et d’espoirs. Tu es le poison qui coule dans mes veines et que je ne parviens pas à évacuer. Parfois, tu le rappelles à moi. Lui. Cet homme que j’ai voulu fuir. Si toi tu es un poison, lui, il était la pharmacie toute entière. Un cauchemar, mon père. Je l’ai détesté, je l’ai haï. J’ai peut-être même souhaité sa mort. Aujourd’hui, avec un an de recul, je me contente de penser qu’il y a toujours eu un gouffre entre nous, où s’étaient logées la colère, l’incompréhension, la fierté et la crainte. Ce sont souvent les précipices les plus terribles à remonter. Je ne sais pas si j’en aurais un jour la force, à défaut de l’envie. Je sais seulement que, pour une raison que m’échappe, il me manque. Lui et mes sœurs, lui et ma mère. Il y a du bon à avoir fui le cadre familial. J’ai échappé à un avenir qui m’aurait tué. Mais aujourd’hui, il ne me reste que la solitude et l’incertitude. Et toi, Tristesse, tu ne fais rien pour m’aider à guérir. Si tu peux faire en sorte que je m’embourbe, alors tu le fais. C’est ton rôle, je ne t’en veux pas. Mais tu comprends, il y a des jours où je me sens juste en colère. C’est un bouillonnement intérieur, une chaleur qui monte, une frustration qui ne tient qu’à exploser. Je peux me montrer terrible, n’est-ce pas ? Et lunatique. Passer du rire aux larmes sans raison. Éructer de joie d’un seul coup, une fausse joie qui se métamorphose plus tard en rage dévastatrice. J’ai déjà dit des horreurs sans le vouloir, sans vraiment les penser. C’est une façon de se punir, de se faire du mal. Passer pour un dingue, passer pour un fou, passer pour un caractériel et une personne toxique, qu’il vaut mieux fuir plutôt qu’aider… Je ne veux pas être fou. Je ne suis pas fou. Juste sensible, à fleur de peau. J’aimerais rencontrer quelqu’un qui pourrait le comprendre, qui parviendrait à m’apporter cette pièce manquante qui fait tout dérailler. Ce n’est pas aussi simple, malheureusement. Ce n’est pas simple du tout quand tout le monde passe son temps à se cacher. Je n’ai pas la force de chercher. C’est souvent moi qu’on vient prendre par la main, qu’on invite dans son lit, qu’on caresse et qu’on berce d’illusions pour mieux me jeter ensuite. Les corps malades, la maigreur, la tourmente, c’est le folklore du pauvre. On se dit qu’il y a pire que nous. Je suis peut-être le « pire que », cette figure ô combien rassurante pour les autres… « L’autre soir, j’ai couché avec un type. Un fou. Sans doute un camé qui se laisse crever la bouche ouverte ». C’est moi, ça. On se reconnaît bien là, tout les deux, même s’il n’y a de vrai là-dedans que la crétinerie du type. J’ai pourtant de l’amour à revendre. Derrière toi, Tristesse, il y a un caractère. Je suis inventif, drôle, piquant ; j’aime la bonne littérature, je suis pétri de culture et de jolis mots. J’écris beaucoup. J’ai des rêves. J’aimerais devenir écrivain, gagner une reconnaissance qui n’a pas de prix : celle de mes lecteurs. Il paraît que j’ai une plume détestable. Ça c’est mon père qui me l’a dit. Mon père, il avait toujours les mots pour me remonter le moral. Évidemment. Peu importe. Écrire, c’est avant tout un exutoire. C’est un petit plaisir personnel ou une torture quotidienne à laquelle je ne déroge jamais. C’est comme ça que j’arrive à mettre des mots, un sens sur tout ce que je ressens. C’est avec l’écriture et l’introspection que je parviens à aller de l’avant. Je suis lucide ; je sais qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, chez moi. J’ai conscience que ta présence, Tristesse, cache un trouble plus profond. Et d’ailleurs, si je t’écris aujourd’hui, c’est pour m’excuser. Je t’avais dit que je comptais me débarrasser de toi, ou du moins, te faire taire un temps. J’ai cédé à la tentation, je dois bien l’avouer. Il y a eu un jour avec : j’ai été pris d’un élan d’espoir. Je me suis rendu chez un spécialiste ; j’ai déballé la recette d’une soirée au bar. J’ai parlé, j’ai parlé longtemps. De tout ce que je viens de te dire. C’est encore à creuser, a dit le médecin. Mais en attendant, je dois prendre quelques cachets, qu’on appelle des antidépresseurs. Il paraît que ça te jettera en arrière-plan, que ça ne te laissera plus en sortir. Je veux voir la vie en rose, moi aussi… Ou disons… En rose pâle, ou en violet foncé. Je décroche un temps… Je te retrouverai sans doute au détour de quelques douloureuses permissions. J’espère que tu ne saboteras pas mes plans, ma régularité, tous les efforts que je déploie pour aller mieux et pour sortir une bonne fois pour toutes de ce néant où je me suis trouvé à trop t’écouter, à trop me laisser aller. Il est temps pour moi de mener une bataille et, ma chère amie, celle-ci sera contre toi.
Je raccroche.
Physique
J’ai toujours entretenu un rapport conflictuel avec mon corps. Enfant, je le trouvais trop petit. La vue de mes camarades, tous plus grands que moi, me plongeait dans une contemplation anxieuse et jalouse. C’était un contre-reflet de moi-même, et je ne pouvais que me trouver bien laid, différent de tous ces petits modèles qui me riaient gentiment au nez. Trop maigre. Trop blanc. Trop fragile. Créature sans défense. Ça, ils le savaient. Ils en jouaient. Je n’ai jamais eu beaucoup de force ; taillé comme une fillette, comme ils disaient. Bien entendu, il a fallu attendre quelques années pour entendre ce genre de réflexions. Elles m’ont profondément marqué, surtout à un âge où je pensais moi-même avoir tout du sexe faible, être né dans le mauvais corps. Mal dans ma peau. Mal de l’être. C’est le moins qu’on puisse dire. Quand ai-je vraiment appris à aimer mon corps ? La toute première fois ? Il y a un peu moins d’un an. Entraîné par la chaleur d’un moment érotique, par le contact de deux corps qui se mêlent… Peau contre peau. Le plaisir que j’ai ressenti, le regard désireux de l’homme qui se tenait au-dessus de moi, le souffle haletant… Tout cela m’a aidé à réaliser que, si moi je me trouvais hideux, ce n’était peut-être pas le cas de tout le monde. Peut-on dire que je me suis désinhibé ? Sans doute. Peut-être un peu trop vite, d’ailleurs. Mais quoi ? Est-ce vraiment un mal…? J’ai pris confiance en moi, confiance en mon corps. Je le connais bien, maintenant, sur le bout des doigts. Je sais ce que j’aime, ce que je n’aime pas. Je prévois les crises d’angoisses, les éclats de colère, les épisodes de déprime… Je sens venir la joie ; j’accuse le coup de ces moments d’extase, d’activité accrue… Oui, je sais réciter les moindres petits défauts et les plus grandes qualités de ce monceau de peau et d’humeurs qui a tant de fois palpité sous les mains et les caresses d’un autre… Et lorsqu’il s’est couvert de bleus, de marques ou de sang, j’ai enfin pu éprouver autre chose qu’une simple satisfaction malsaine. Peut-être un peu de pitié. C’est un début.
Ce visage blême, lymphatique, je le déteste presque autant que je l’aime. Je t’aime, moi non plus… Dilemme éternel. Je m’efforce de le raser tous les jours. Une peau lisse : il n’y a que ça qui plaît. Lisse et douce, fraîche, comme la rosée du matin… Une rosée qui parfois se teinte de pourpre. Rouge sang quand la lame du rasoir vient un peu trop titiller la peau et l’écorche en une grimace malhabile… Une goutte vermeil perle sur le teint blanc, coule le long de la mâchoire, trace le relief de l’os, dévale la pomme d’Adam, s’échoue dans le creux des clavicules… Et je la regarde faire, tracer sa route, son sillon, impassible. La vue du sang ne m’effraie pas. Je la trouve même plutôt apaisante… Elle me ramène à une réalité terrestre. Je suis un être d’eau et de sang : la matière grise ne fait pas tout. J’essuie lentement la goutte avec un coton. Je remonte à la source, je tapote doucement la zone. Un léger picotement se fait sentir… Je suspends un instant mon souffle ; et j’expire… Profondément. Bruyamment. Mon regard, à cet instant-là, dont la pupille noire s’est faiblement dilatée, fixe mon reflet dans le miroir cassé avec froideur. Il est toujours froid, celui-là. C’est une constante. C’est peut-être ce qui excite les hommes que je croise, d'ailleurs. On a toujours envie de faire fondre la glace dans le creux de ses doigts : ça a quelque chose de divertissant, de terriblement satisfaisant. Je suis ce petit glaçon à briser, à soumettre gentiment avec un peu de chaleur… La chaleur du corps, de préférence, ou celle d’un baiser. C’est un regard déstabilisant, énigmatique. Il vous observe à la dérobée ou s’immisce en vous comme une lame se planterait dans votre chair. Tout ou rien… Discret ou franc, sans retour en arrière. Les longs cils qui le surplombent couronnent des yeux en amande veinés de bleus. Sertis de deux iris verts tendre, ils sont mobiles et se chargent souvent de larmes translucides. La vitré rosit légèrement, irritée… Les longs cils blonds servent de fils à ces perles salées qui s’y suspendent gaiement… C’est un balancier, un combat de quelques secondes contre la gravité… Et plic ! Voici une larme qui tombe… S’il n’y en avait qu’une, le monde serait bien beau. Malheureusement, j’ai du chagrin à en revendre. Je pleure assez pour alimenter un lac asséché… Assez pour que mes pommettes, saillantes, craquelées, me piquent et me démangent effroyablement au contact de toute cette eau salée. Mais les larmes disparaissent vite, contrairement à d'autres cicatrices…
Oui, j'ai toujours un rapport conflictuel avec mon corps.
Combien de fois ai-je mordu ces lèvres fines et gercées ? Combien de fois me suis-je blessé en tirant les peaux mortes de ces pétales de rose fanées…? Petite déchirure, le sang qui coule dans les rides de cette bouche irritée par trop de baisers inutiles… C'est devenu une habitude. Mordre la muqueuse, aussi fort que possible, déchiqueter, défigurer ce visage qu'il m'arrive de haïr au point de vouloir le faire disparaître… Idées noires. Je ne fais que me causer des souffrances inutiles. Jamais assez pour emmerder les autres. Tout ce qu'il faut pour m'handicaper au quotidien. N'est-ce pas le but ? Ne sont-elles pas séduisantes ces lèvres abimées, légèrement pulpeuses, d'un rose chaud, rouge qui contraste si fort avec ma peau grise…? Elles sont souples, habiles… Accueillent et manipulent cette traditionnelle cigarette qui les rassure et les fait trembler d'impatience, presque autant que la tristesse les fait trembler de terreur… Elles couvrent des dents à l'émail jauni, aux gencives pâles, presque translucides… Le tabac tue, paraît-il. Tant mieux. On dit que les meilleurs partent en premier ; dans ce cas, j'ai encore du temps devant moi. Autant forcer un peu le destin. Je fume tous les jours, tout le temps. Clope sur clope. Défouloir ou régulateur d'émotions, peut-être. Repas, des fois. Le tabac apaise mes nerfs. Je préfère la cigarette au sexe. L'effet est plus durable, et, au moins, une cigarette ne trahit pas. On connaît les effets, on connaît le plaisir, on connaît les souffrances. Pas de mensonge entre nous… Avec le temps, une petite toux s'est aussi installée. Conséquence directe, sans doute. Elle ne se fait entendre que dans les moments d'angoisse ou de colère ; la gorge se noue, la gorge gratte, s'obstrue… L'air vient à manquer.
Je ne sens plus l'odeur du tabac. Je sais qu'elle est devenue le parfum qui m'accompagne au quotidien, mêlée à cette fragrance que je pulvérise presque tous les matins sur mes vêtements… Je n'ai pas un odorat extraordinaire. On pourrait même dire absent ; mais cela dépend des périodes, et c'est sans doute en grande partie psychologique. Je respire pourtant, à pleins poumons. Et lorsque la rage ou le chagrin montent en flèche, lorsque l'excitation est à son comble, c'est comme si ce nez retroussé, un peu court, se mettait à me piquer horriblement… Signe annonciateur… Étrange corps. Corps capricieux.
Que penser de ce visage ? Certains disent qu'il est joli. Un visage de fille avec quelques fiertés de garçon. Traits fins, longs cils blonds, regard expressif. Livre ouvert, peut-être…? Je n'espère pas. D'autres pensent qu'il a du chien. Quelque chose de charismatique. Une fougue, un petit quelque chose de différent… Le tout accentué par cette tignasse blond qui m'accompagne depuis ma plus tendre enfance… Encore une chose qui me distingue de mon cher père et de mes sœurs. Je ne suis pas brun. Je suis ce petit angelot fragile, ce digne fils de sa mère. De mon père, il n'y a que le nom, un nom qu'aujourd'hui je m'amuse à écorcher. Qui sait que je suis cet Alexandre ? Personne quasiment. Vraiment personne. Inutile. Tout est derrière moi, désormais. Je n'ai plus rien de cet enfant bourgeois, de cet héritier au sang bleu sur les épaules duquel repose toute une lignée aristocrate… Je m'en moque, de tout ça. Je ne veux plus en entendre parler… Rien que d'y penser, j'ai la tête qui tourne, le sang qui bouillonne et tambourine contre mes tempes, le cœur qui bat plus fort, la poitrine qui se fige. Je ne veux plus de ces responsabilités. Non, je n'en ai jamais voulu. Alexandre.
Facile d'effacer la masculinité de ce nom, n'est-ce pas ? On a vite fait de le féminiser. Oui… Vite fait… Et moi ? Ai-je eu le temps d'accepter ma différence ? Non. Est-ce que je l'ai acceptée aujourd'hui ? Guère plus. J'ai toujours eu ces gestes, ces mots, ces intonations d'extravagant, comme disaient les plus polis. Des airs de pédé, de tapette, de tafiole, comme aimaient en rire les autres. Ceux-là, ils étaient nombreux. Facile d'ajouter un "a" à ce prénom pourtant illustre et dont mon père était si fier. Facile de m'appeler par ce nouveau nom devant lui, facile encore de m'imiter, de m'humilier devant la masse grouillante et moqueuse, cette masse qui n'a jamais appris à réfléchir par elle-même. La seule chose de mâle, chez moi, c'est cette voix grave, pleine, un peu éraillée, avec ce grain si particulier, reconnaissable entre mille, qui se teinte pourtant de couleurs féminines à chaque fin de phrases, qui se pare, s'orne de mots que je devrais pourtant laisser de côté. Combien de fois ai-je tenté de cacher cette partie de moi-même ? Me calquer sur le comportement des hommes – des vrais – de mon entourage. Jouer aux petits bonhommes comme eux ; faire comme si j'étais le roi du monde, cette créature virile que, pourtant, je ne pourrais jamais incarner. Ce n'est pas moi. Ce ne sera jamais moi. J'ai essayé, pourtant. Père. Si vous saviez combien de fois je vous ai imité devant le miroir… Si vous aviez une idée des tourments que j'ai traversés, peut-être seriez-vous plus indulgent…
Loin de chez moi, j'ai fini par embrasser cette nature contre-nature. Je me suis laissé aller à cette exubérance. Je me suis libéré des chaînes que je m'étais moi-même imposées. Quel soulagement, n'est-ce-pas…? Quelle souffrance aussi. Les regards, les moqueries m'ont toujours été désagréables… Mais j'ai gagné en spontanéité, et j'ai découvert des milieux que je m'étais jusqu'alors interdit de fréquenter. J'ai vu le pouvoir qu'avaient ces gestuelles, ces accents un peu trop fol sur les hommes en manque de chaleur humaine. Pouvoir de séduction sans limite, charisme exacerbé si le tout s'accordait à un physique adéquat. Physique de minet désinvolte mais fragile, prêt à être dominé, serré contre un corps grand et musclé. Je suis petit. Un mètre soixante-six, ce n'est pas grand chose pour un homme. C'est la taille d'une femmelette, d'une faible créature. Je suis maigre. D'une maigreur parfois repoussante… Mais il est étonnant de voir à quel point ces hommes peuvent se montrer pervers, jusqu'à apprécier la souffrance des autres et la rechercher. Voir mes côtes se dessiner sous ma peau translucide, piquée de deux tétons rose pâle, leur plaît.
Je continue de fumer.
Découvrir ces marques blanches qui strient mes avants-bras, celles qui décorent mon ventre, parfois rosâtres, d'autres fois violettes les émoustille. Celles sur mes cuisses de Grenousse, comme une ultime surprise, finissent de les séduire. Dois-je m'en montrer heureux et reconnaissant ? Je ne sais pas. J'aimerais parfois que ces hommes cessent de bêtement embrasser ces cicatrices encore douloureuses et me prennent plutôt dans leurs bras pour m'offrir un long câlin réconfortant, saturé en bons sentiments. Mais quoi ? Ce n'est pas demain la veille. Ce ne sont pas leurs affaires ; ils ont quelque part raison.
J'ai toujours éprouvé le besoin de me faire du mal. D'aussi loin que je me souvienne, la douleur que je m'infligeais d'une façon ou d'une autre m'a permis de me sentir mieux, plus en phase avec mon corps, ou au contraire, de m'en dissocier lorsque je ne voulais plus en être… Ce ne sont pas des actes anodins, j'en ai conscience. Je suis lucide sur mes choix, mes réactions, mes métamorphoses… Mais être lucide ne fait pas tout, malheureusement. C'est une force facilement neutralisée par quelques intentions perverses incontrôlables… Parfois, je m'en veux. Souvent, j'ai honte. Je n'aime pas qu'on aperçoit mes cicatrices. Je les cache autant que je peux dans la sphère publique, et, en privé, je préfère ne jamais en parler. Me comporter comme si c'était une chose normale… Après tout, toutes ces marques souffreteuses sont des parties de ma vie et de mon histoire. Elles me ramènent à des périodes difficiles, dont j'ai tiré de longs enseignements. Même si je replonge régulièrement, je sais de mieux en mieux comment réagir à mes humeurs. Je sais comment maîtriser certaines situations… Mais il y a toujours des imprévus, des pans du mal que j'ignorais encore qui paraissent presque à chaque fois. C'est ce que mon médecin tente d'examiner et de limiter par la prise de médicaments… Ces derniers ont d'ailleurs un effet drastique sur mon corps ; prise de poids depuis quelques temps, quelques pertes de cheveux… Et des somnolences fréquentes… Pour autant, il m'arrive encore de sauter des repas successivement, de fumer une clope en guise d'assiette. Et, parfois, ce sont des envies dévorantes de nourriture qui se font sentir… Comme s'il m'était impossible de m'arrêter, comme si je pouvais manger tout et n'importe quoi. Qui peut donc se vanter d'avoir déjà englouti une plaquette de beurre entière ? J'ai vomi mes tripes. Mon esprit s'évertue à me faire souffrir, surtout physiquement. Mais j'ai décidé de tenir bon, malgré tout.
Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien, n'est-ce pas ?
Histoire
━ Attends… Excuse-moi. Il faut que je me grille une clope, je suis désolé.
Jugulaire saillante. Rien de pire que ces foutues addictions. Loris lève un regard surpris, je lui réponds avec un sourire rapide alors que je m’extirpe de ses bras pour attraper mon paquet d’industrielles au pied du lit. Juste une pour la soirée… Ça, c’était ce que je m’étais promis une demie-heure plus tôt. Visiblement, je suis incapable de m’y tenir. Pas grave. Il commence à être habitué, et puis il fume aussi. Ça me donne une bonne excuse. Je lui tends d’ailleurs une cigarette qu’il saisit après un temps d’hésitation. Le briquet est sur la vieille caisse en bois qui me sert de table de chevet. Je le saisis, tâte son armature d’argent, le sceau qui orne sa vieille cabine de fer… Je l’ai volé à mon père avant de fuir le manoir familial. Dernier souvenir d’une époque que je préfère oublier. Le seul qui m’aide au quotidien. Aucun autre objet n’aurait pu m’être aussi utile. Je fiche finalement l’industrielle entre mes lèvres sèches, ouvre le capot du briquet et laisse la flamme en lécher le bout pour qu'il s'embrase… La première bouffée a un goût de liberté, qui se charge pourtant d’amertume lorsque je recrache la fumée qui se perd dans l’espace restreint de ma chambre. J’observe mon partenaire du coin de l’œil ; regard froid, sans doute un peu énigmatique. Je ne lui en veux pas d’être là. Il a eu raison d’insister : ce n’est pas forcément un mauvais coup, ni une mauvaise personne. Disons qu’il m’occupe, même si je le connais à peine. Doucement, je viens me blottir contre lui, approchant la petite mèche de sa cigarette. J’attends de le voir fumer pour refermer le briquet et le jeter négligemment sur le matelas. Je me laisse lascivement aller contre le vieil oreiller en ramenant quelques couvertures sur nos corps nus… Ma peau a déjà la chair de poule ; inutile de risquer un rhume par ces temps d’hiver. Loris fume en silence. Son bras droit, dans mon dos met du temps à reprendre vie… Au bout d'un moment, je le sens caresser ma cambrure ; ses doigts ont une douceur de conte de fée. Je ne pouvais pas rêver mieux ; c’est une bonne surprise. Une très faible proportion d'hommes que j’invite dans mes draps sont des brutes épaisses. Le reste, des types banals, sans grand intérêt. Loris est dans la moyenne haute. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’on couche ensemble. Plutôt la troisième. Je ne m’en lasse pas pour l’instant ; ce sont des moments doux, agréables, qui éclipsent le reste… Je pense d’ailleurs que c’est ce qu’il cherche : une évasion, un échappatoire dans lequel se réfugier lorsque les choses tournent mal… Je ne lui en tiens pas rigueur ; je n’ai trouvé personne d’autre cette semaine. Autant continuer avec lui : au moins, c’est une valeur sûre. D’un geste un peu évasif, je saisis ma cigarette entre mes doigts, en faisant bien attention de ne pas écraser le bout incandescent sur sa peau de lait. Il est grand, la trentaine. Poilu. Son torse est couvert d’un duvet brun, particulièrement épais. De ma main libre, je viens doucement caresser cette forêt noire, un léger sourire étirant les commissures de mes lèvres, pourtant tremblantes… Il me regarde faire de cet œil froid, un peu lointain, aussi gris que son humeur habituelle. Ses doigts remontent le long de mon épine dorsale, viennent s’échouer à la naissance de ma nuque et dérivent sur mon épaule droite. Il pétrit tendrement ma peau sèche, serrée sur des os légèrement saillants. Nous restons un temps comme ça. Sans rien dire, à se regarder bêtement dans le blanc des yeux. Je pourrais m’attendre à un baiser, mais ce n’est pas le genre de Loris. Coucher, oui. Jouer aux amoureux transis, ce n’est pas son truc. Ce n’est pas bien grave ; je comprends sa logique : c’est sans doute ce qu’il y a de mieux pour ne pas s’attacher. Si j’ai bien compris, Loris est un homme marié ; pas de solution de secours : sa vie est toute tracée ; divorcer créerait un scandale dans la famille. Sa femme est enceinte. Tout le monde le renierait, et il aurait peut-être même quelques déboires avec la justice, en plus de devoir payer une pension alimentaire toute sa vie. Un schéma tragique que je voulais à tout prix éviter. Il n’y a rien de pire que d'avoir l’impression de ne pas être le maître de sa propre vie. Alors que je me laisse doucement aller contre son torse, reposant ma tête contre sa poitrine dans laquelle résonne les battements lents et profonds d’un cœur blessé, sa voix gutturale fend le silence. Je l’écoute d’une oreille distraite, mes paupières se chargeant peu à peu d’un sommeil que je ne trouve plus depuis plusieurs jours :
━ Alex. Tu sais qu’on ne pourra plus se revoir.
Oui, j’ai cru le comprendre. Ne m’a-t-il pas dit qu’il allait déménager à Duilleag…? Ville de mon enfance ratée. J’hausse un peu les épaules, le faisant lâcher prise. Oui, je sais. Et alors…? Pense-t-il vraiment que je suis tombé amoureux de lui ? Je lève un regard froid sur son visage d’Éphèbe, affiche un petit rictus ironique qui ne veut sans doute rien dire pour lui, mais qui est somme toute la marque la plus évidente de mon indifférence :
━ Oui. Ce n’est pas grave. Habituellement je ne couche qu’une seule fois avec un type. Tu es déjà un privilégié.
Loris rit un peu ; ses billes sombres s’éclaircissent d’une lueur amusée, furtive, qui me ferait presque chaud au cœur si elle ne cédait pas sa place à un voile de tristesse douloureuse.
━ Tu es tellement… Tellement terre-à-terre pour ton âge. Tu m’impressionnes…
━ Quoi ? Je devrais pleurer parce que tu vas partir ? Rassure-moi : on a la même définition d'un coup d’un soir, ou on s'est mal compris ?
Il secoue doucement la tête et laisse échapper un long soupir.
━ Tu as raison. Je pensais juste…
━ Que je m’étais attaché ?
━ Oui. Entre autre. Il marque un silence lourd de sous-entendus, et finit par fuir mon regard. Mais moi aussi, je t’aime bien.
━ Tu fais erreur. Tu ne mettras pas longtemps à m'oublier, crois-moi.
Le regard qu'il pose sur moi n'est désormais plus qu'une œillade blessée. Seulement, je suis bien en mal de dire s'il souffre pour moi ou pour lui. Peut-être les deux. Sans que je puisse dire quoi que ce soit pour l'en empêcher, il glisse ses mains sous la couette et me prend par la taille… C'est un geste à la fois ferme et doux ; rien qui puisse me faire mal ou me contraindre. Je pourrais m'enfuir, me défaire de cette étreinte… Mais ce contact de ses doigts contre ma peau, cette caresse musclée, ce qu'il s'apprête à faire me tentent trop pour écouter ce que susurre ma raison… Je cède donc au désir d'être allongé sur son corps ; je me laisse aller contre ce buste fier, mâle, que je trouve terriblement séduisant… Et lorsque ses mains remontent un peu, caressent mon dos, effleurent mon épiderme qui semble brûler sur leur passage, je laisse entendre un léger soupir qui vient du fond de mon âme.
On ne pourra plus se revoir.
Je l'aimais bien Loris. Et ce serait mentir de dire que je n'éprouve rien à le voir m'échapper. C'est toujours la même chose, toujours le même refrain : Ah, si seulement ça avait été possible… Si seulement, oui. Et quoi ? Qu'aurait-on fait ? Souvent, je rêve du prince charmant. Celui qui m'aimera pour la personne que je suis, tout entier. Et sans le vouloir, mes pensées divaguent sur l'image parfaite et sereine d'une belle et grande famille… Des enfants, des Pokémon, une jolie maison… C'est ce qu'on nous met très tôt dans la tête : voilà une vie réussie. Sortir du cadre, c'est rater quelque chose. Sortir du cadre, c'est ne pas profiter de tous les bonheurs qu'offre l'existence. Sortir du cadre, c'est un échec. Je ne pourrais pas goûter à cette vie. C'est impossible. Et, de toute façon, qui voudrait de quelqu'un comme moi ?
Je vacille sous l'intensité de son regard. J'hésite un moment à fuir, mais je suis trop fier pour ça. L'orgueil me pousse toujours à la confrontation, et parfois, je le regrette. La tristesse que je lis dans ses yeux, ce désespoir, cet abattement m'étranglent inexorablement. Mes entrailles se tordent, deviennent une boule de nœuds impossible à démêler. Je serre les dents ; je tends ma mâchoire, saillante ; je bande mes muscles… Mais rien à faire, les larmes sont déjà là. Je bats en retraite. Je ne sais pas si c'est lui qui me met dans cet état, ou l'idée que personne ne voudra jamais rester à mes côtés. L'idée d'une solitude éternelle, que rien ne pourra combler est fixe, cruelle et dévastatrice. Je ne peux pas lutter contre elle, même si mon médecin prétend le contraire. J'ai constamment peur de finir ma vie seul ; seul comme un con.
Est-ce qu'au fond, ce n'est pas tout ce que je mérite ?
Loris est conscient de mon trouble. De tous les hommes que j'ai pu rencontrer, j'ai l'impression que c'est celui qui me comprend le mieux. Il lit en moi comme dans un livre ouvert. Ses gestes se font plus lents, plus tendre… Je le sens resserrer son étreinte. La sensation de ses lèvres sur mon front m'est insupportable :
━ A-Arrête… Ça sert à rien.
━ Alex. Regarde-moi. Je n'obéis pas tout de suite. Je l'entends pourtant. Je n'entends même que lui. Je n'ose pas, c'est tout. J'ai honte de ces perles qui roulent sur mes pommettes, tracent des sillons humides sur ma peau sèche. Pourquoi tu fais toujours comme si rien ne te touchait ? Pourquoi tu casses les autres alors que tu as toi aussi de la peine…? Qu'est-ce que ça t'apporte ?
━ Si c'est pour me faire la morale, casse-toi. J'ai pas besoin de ça. J'ai pas besoin de toi, de toute façon.
Si je le dévisage enfin, ce n'est que pour darder un regard sombre dans ses prunelles grises. Il fronce un peu les sourcils qui ploient sous l'incompréhension. Moi aussi, je ne comprends plus rien. Je ne comprends pas ce que je veux ; je crois que je ne l'ai jamais vraiment compris. J'aimerais de l'affection, de l'attention. Mais j'aimerais aussi qu'ils arrêtent, tous, de faire comme si c'était simple. Comme si je faisais exprès de me montrer froid et distant. Pourquoi ne comprennent-ils pas qu'il m'est impossible d'agir comme eux ? Pourquoi partent-ils tous du principe que je fais du zèle, que je me donne un genre…? Je n'ai plus l'âge d'être un enfant en pleine crise d'adolescence. Je n'ai plus l'âge des caprices. On m'infantilise. On me demande de me comporter comme un adulte. Les deux pensées s'entrechoquent ; il me semble entendre mon père. Pourquoi es-tu comme ça ? Quelle mouche te pique ? Ne peux-tu pas te montrer plus agréable ? Sois poli. Non. Je ne peux pas. Ça me demande trop d'énergie, trop de joie feinte. Pourquoi devrais-je sans cesse prétendre être un autre ?
Je détache mon regard de lui ; c'est fini. Effacé. Ma cigarette s'est doucement consumée… Il n'en reste qu'un petit bout sur lequel je tire brutalement. Ses bras lâchent prise et retombent mollement sur le matelas. Il laisse entendre un petit râle ennuyé ; je l'ignore. Je viens de tracer un gros trait rouge sur sa belle gueule ; bon débarras. Il le sait, il n'est pas bête. Le voilà qui se redresse, cherche en silence ses vêtements. De mon côté, j'écrase le cadavre de mon industrielle dans le cendrier qui repose toujours sur ma table de chevet improvisée. Elle rejoint le petit charnier de la journée ; je le viderai au petit matin. De toute façon, je suis bien parti pour une nuit blanche. Ressasser, après l'écriture, c'est sans doute la plus grande passion de ma vie. Les deux sont de tout façon liées… On écrit ce qu'on ressasse, on ressasse ce qu'on écrit. Cercle vicieux, à l'image de ma vie.
Je pourrais écrire le roman de ma vie. Il y aurait de quoi dire, mais par contre, je ne suis pas sûr que ça intéresserait le grand public. Après tout, quand on est né dans une famille aussi riche que la mienne, on n'a pas le droit de s'en plaindre. Pourtant, je suis certain que j'aurais préféré voir le jour dans un foyer modeste mais plus aimant. Question de choix et de chance. Question de point de vue. L'argent ne veut rien dire pour moi ; c'est un outil, qui rend accessoirement l'existence plus confortable… S'il permet d'obtenir des biens auxquels la majeure partie de la population n'a pas accès, il n'en reste pas moins incapable d'acheter la vertu ou l'intelligence. Le monde est tout de même bien fait. La justice existe, et elle repose sur un équilibre parfait. On ne peut pas tout avoir ; la roue finit toujours par tourner. Le destin rappelle à chacun qu'il demeure le maître de nos misérables existences.
Je suis la punition de mon père. Le prix à payer pour sa réussite éclatante. Je suis ce grain de sable qui vient crisser sous la dent, cette anomalie dans le système, ce caillou dans la chaussure. De nombreuses fois, je me suis demandé pourquoi il a décidé de m'appeler Alexandre, et la raison est aussi touchante qu'effrayante. Alexandre le Conquérant, ce demi-dieu à la tête de grandes batailles victorieuses… Alexandre le Grand. Le Magnifique. Mon père avait de l'ambition pour moi. Si la carrière militaire ne figurait pas dans sa tête de liste, il désirait néanmoins que je reprenne les rênes de l'entreprise familiale, que tous les Montgommery se lèguent de père en fils, comme un fardeau, une fatalité à laquelle on ne peut échapper. Une banque. Mais pas n'importe quelle banque : la banque nationale. Entreprise qui doit valoir son pesant d'or ; indispensable au bon fonctionnement de la région. Cette présentation, qu'il a, d'aussi loin que je me souvienne, toujours répétée dans les soirées mondaines, aurait dû lui mettre la puce à l'oreille. Alexandre le Grand n'était pas un banquier, mais un homme libre, sauvage, qui appréciait les voyages et les découvertes. Alexandre le Grand était un homme ambitieux, qui n'hésitait devant rien pour réaliser ses rêves, qui allait toujours de l'avant, même quand il n'y avait plus que la Mort qui l'attendait. Alexandre le Grand ne se contentait pas de diriger un empire économique du fauteuil molletonné de son bureau trois-pièces, une chambre, une salle de bain. Il savait mettre la main à la pâte, les pieds dans la boue. Il connaissait le goût et l'odeur du sang, la souffrance, la joie et le désespoir. Ses amours étaient passionnés, sulfureux, interdits.
Je ne suis pas ton Alexandre, Père. Je suis l'Alexandre des légendes et des livres d'histoire. Je vais là où le vent m'emporte, là où le cœur m'en dit.
C'est du moins ce que je me suis toujours promis. Fuir un jour cette maison qui me semblait être une prison, partir loin, construire ma vie, mon identité, et devenir célèbre. Y suis-je arrivé ? Non. Et je n'y arriverai sans doute jamais. Les rêves et la réalité, ça n'a rien à voir. Et dire que réaliser ses rêves est tout à fait possible, ce n'est que du vent. Je ne suis pas optimiste ; je n'ai pas été conçu pour être optimiste. Tout ce que j'ai pu entreprendre, on l'a brisé sous mes yeux. Qui suis-je donc pour nourrir des espoirs aussi vains ? Personne, sans doute. Vraiment personne.
Alexandre avorté. Alexandre raccourci. Alex, c'est déjà plus modeste.
Alex, c'était aussi pour devenir cet enfant sans sexe. Alex, prénom mixte. Alex, c'est moi. Je me souviendrai toujours de cette sortie de collège. Sixième ; plus petit que les autres, fragile, vulnérable. L'adolescence est un âge ingrat pour tout le monde, mais je dois bien avouer que cette période de ma vie doit être une des plus sombre qui ait jamais touché quelqu'un. Devenir le souffre douleur d'une classe est terrible. Devenir la risée de toute une école, c'est invivable. J'ai vécu un enfer. Je n'ai pas pleuré. J'ai gardé toutes ces larmes pour moi. Ne pas leur faire ce plaisir, garder la tête haute ; des cris de silence, j'ai appris à en pousser à mes onze ans. C'est un monstre dévorant, dévastateur qui gonfle dans la poitrine… Les traits du visage se crispent, se déforment sans fin, pour ne devenir qu'une feuille de papier froissée où se lisent une colère et une affliction atroces. Les cris de silence, personne ne peut les entendre. C'est en soi et c'est pour soi. Rien que pour moi. Et quand ça n'a plus suffit, quelques années plus tard, je suis passé au cutter. La douleur physique est un pansement de l'âme. Quand personne ne fait l'effort de vous comprendre, les sentiments négatifs vous montent à la tête, nécrosent les pensées positives, l'envie de vivre. Il ne reste plus que du noir, de la pourriture. J'ai longtemps été la décharge de ce monde, de la violence des autres, de leur ignorance et de leur bestialité. J'ai souffert du regard dédaigneux de ce père ; de la déception que je pouvais voir rutiler au fond de ses prunelles sombres. Il n'y a rien de pire que de lire la désillusion et le mépris sur le visage de son géniteur. C'est un crève-cœur, un pieux qui s'enfonce et qui ne ressort plus jamais ; une plaie béante que je n'arriverai jamais à panser. A-t-il pris la peine de corriger ce tas de petites merdes lorsqu'ils m'insultaient sous ses yeux ? Non. Il m'a juste demandé des comptes. C'est à partir de ce moment-là que j'ai décidé de ne plus avoir confiance en lui. Je me suis tourné vers ma mère et mes sœurs, dans le vain espoir que j'y trouverai l'attention et l'amour qui me manquait. Le soutien dont j'avais terriblement besoin, celui qui sècherait ces larmes muettes que je versais la nuit, une fois seul enveloppé dans mes draps comme dans un linceul. Fais des efforts… Oui, ton père a raison… Il faut que tu sois fort… Il faut que tu travailles… Il faut que tu sois digne. J'ai vomi tant de fois en repensant à ces mots. Je me suis fermé comme un Kokyas ; j'avais quatorze ans. Peut-être un peu plus, peut-être un peu moins.
Je me suis réfugié dans la lecture, dans les romans. J'ai commencé à chercher un modèle, puisque personne ne semblait disposer à m'en donner. J'ai écumé les trois-quart de la bibliothèque familiale, et ce que j'y ai lu m'a effrayé. J'ai compris des choses que j'avais voulu ignorer. Je suis tombé amoureux des héros les plus charismatiques, dont je peux encore réciter les noms, dépeindre les personnalités sans fin, avec une passion tremblotante et honteuse dans la voix. J'ai jalousé leurs fiancées, j'ai haï mes sœurs qui étaient courtisées par de beaux jeunes hommes du voisinage. J'ai voulu attirer leur attention, moi aussi. Je me suis comporté comme un idiot. J'ai été gâté d'insultes que je n'oserai jamais répéter, de peur de me briser en mille morceaux. Oui, j'ai compris qui j'étais. J'ai enfin pu enfin mettre un mot, des sentiments sur tout ce que j'avais pu subir, sur ces manières de femmes que mon père regardait d'un œil alarmé, qu'il corrigeait parfois à coup de canne, qu'il essayait d'étouffer en me forçant à courir dans le domaine, monter à cheval, me tenir comme un petit soldat.
Je ne suis pas un petit soldat. Je n'ai jamais été un petit soldat.
Arrivés mes seize ans, je n'avais plus qu'une peur panique : le service militaire qui m'attendait.
Les jugements extérieurs empiraient à mesure que je grandissais. C'était insoutenable. Le masque de clown, impassible, a fini par se fracturer. D'abord une fêlure, celle d'un premier amour contrarié. Ensuite une fracture, celle des moqueries et du harcèlement qui s'en est suivi. Puis la brèche, l'abysse, le chaos. Je suis un soir rentré chez moi défiguré. Le masque d'albâtre s'était teinté d'un vermeil éclatant, comme un éclair dans la pénombre, ou plutôt une nécrose sur de la porcelaine… J'y ai cru, ce jour-là. Les yeux brillants de larmes, le nez brisé, dégoulinant d'hémoglobine, la lèvre fendue, les pommettes bleutées, j'y ai cru. Enfin, il va me défendre. Enfin.
Non. Si seulement. Si seulement il avait pu comprendre, ce jour-là. Si seulement il avait pu faire l'effort de comprendre, une fois dans sa vie. Réfléchir. Deux secondes. Penser à ce que je venais d'endurer, penser à la honte que je devais ressentir, penser à mon avenir incertain. Me tendre une main affectueuse, paternelle. Me prendre dans ses bras, me serrer fort contre ce cœur froid que je n'ai jamais connu.
Non.
Il n'a pas compris. Il n'a pas essayé de comprendre. Il a dit qu'il règlerait tout, il m'a forcé à lui expliquer. J'ai tout dit ; sans dissimuler, sans éviter, sans fuir cette occasion rêvée de lui dévoiler ce que j'avais sur le cœur.
Je n'ai plus jamais fait de déclaration d'amour depuis. Ce jour-là, l'amour est mort avec mes espérances. Il n'en reste plus une goutte. La solitude s'est installée ; une solitude abyssale, qui n'a dès lors cessé de m'attirer en son sein, de m'étouffer dans cette chaleur insupportable, celle de la honte cuisante qui a alors brûlé mes joues sous ses prunelles incendiaires…
J'ai commencé à fumer peu après cet épisode. Peut-être pour revivre à chaque fois l'épouvante qui s'est emparé de moi lorsqu'il a daigné relâcher cette pipe qui l'empêchait de parler. J'avais déjà compris une partie de la réponse dans ses yeux, en lisant sur les traits plissés de son visage, en m'attardant sur la sévérité de ses sourcils épais. J'ai cru mourir. Étouffé par l'odeur acre du tabac, étouffé par le sang que j'ai senti s'immiscer dans ma bouche, flatter mon palais. Étouffé par l'angoisse soudaine, la pression insoutenable qui m'a pris à la gorge et n'a plus voulu me lâcher. Ses mots ont été durs… Si durs… Je ne me souviens plus. La suite, c'est un trou noir. Je me souviens seulement avoir compris que quelque chose s'était définitivement brisé entre nous, et que rien ne serait plus jamais comme avant. J'ai brûlé tous mes carnets, après ça. Tous, sans exception. De peur qu'il veuille en savoir plus, de peur qu'il m'envoie dans un hôpital psychiatrique, dans une prison de fous. J'ai crié en silence, tant est plus. J'ai pleuré jusqu'à ce que, malgré les sanglots, plus aucune larme ne coule sur mes joues. Et lorsque rien ne m'est resté pour exprimer toute cette colère, toute cette souffrance, toute cette haine féroce, j'ai gravé ma peau de mes peines.
Nous ne nous sommes plus reparlé. Jamais plus. Ou seulement pour se dire des banalités. Des mots dénués de sens. Merci. Aurevoir. Je me souviens ne plus avoir dit "père" ; le moins possible. Et, quelques mois plus tard, emporté par une rage grandissante, j'ai appliqué la même méthode avec ma mère qui a suivi aveuglément l'homme de la famille. Qui, après quelques caresses hypocrites, seulement destinées à me ramener à une raison que je n'ai visiblement jamais connue, s'est, elle aussi, contre toute attente, montrée plus sévère. Obligeante, méprisante, sardonique, accompagnée de cette grande sœur avec laquelle je n'ai jamais rien eu de commun, sous les yeux de Jasmine, le petit ange de la famille, celle qui est un temps venue sécher mes larmes avant d'être retenue par mon père. En quelques semaines, le manoir est devenu pour moi un enfer, que j'allais devoir supporter quelques années encore. Des années que j'ai vécues comme un calvaire, dans le doute constant de pouvoir y survivre. Arriver au bout et traverser cette dernière épreuve qui semblait être la pire : un an sous les drapeaux. Une longue année. L'enfer sur terre, je n'en doutais plus. J'ai commencé entre temps à écrire un roman ; c'était ma trouée d'air frais, mon échappatoire qui, avec les études, me permettait de survivre encore un temps, de lutter contre cette torpeur qui devenait de plus en plus violente, qui me terrassait parfois des semaines entières… J'ai été forcé de me présenter devant le médecin de famille. J'ai longtemps été sous médicaments, bien avant que je le décide par moi-même. Avec du recul, je sais que ça a été une bonne solution, indispensable pour que je sois encore là aujourd'hui. Pourtant, je leur en ai terriblement voulu. Oui, avec beaucoup de recul, je me rends compte que cette initiative m'a sauvé la vie.
Les premières semaines de service ont été un supplice. Insoutenables, invivables. Je n'aime pas la discipline ; je suis faible ; je suis différent. Je n'ai jamais autant été malmené de ma vie que pendant ces quelques jours sous les ordres. Des insultes à profusion, sans limite. Tapages nocturnes, humiliations publiques, menaces de passage à tabac, menaces de viol. Deux semaines plus tard, j'ai craqué. J'ai explosé en plein dortoir. J'ai tout cassé. Détruit les lits, troué les coussins, éclaté les murs, défoncé les portes. Je garde encore une cicatrice de cette mésaventure sur le dos de ma main droite, quelques douleurs fantômes, et un traumatisme profond. Pour la première fois, j'ai vu la peur dans les yeux des autres, de ces bourreaux qui s'attendaient à ce que je cède, à ce que je m'effondre en larmes, à ce que je les supplie d'arrêter. Je me suis changé en démon, en tempête qui a tout emporté sur son passage. Pour la première fois, ma colère a éclaté. Je me suis épouvanté moi-même. On aurait dit un fou.
Démobilisé. Révoqué. Inapte. Nouvelle honte pour ce père qui avait espéré que son fils revienne dans le droit chemin après s'être un temps perdu sur des routes ombrageuses.
Définitivement, l'air devenait irrespirable.
J'ai attendu de me remettre. Quelques jours. Un mois peut-être. J'ai rassemblé toute mes affaires, je les ai entassées dans une petite valise, celle de ce grand-père que j'avais vaguement connu, de cet homme de lettres auquel je voulais ressembler, et je suis parti. Comme ça, du jour au lendemain, sans rien dire. Je suis parti de Duilleag, j'ai mis les voiles avec quelques économies volées dans les caisses de mon père. Train, jours de marche, Pryderi, puis Bronswick.
Seul, plus que jamais seul, mais libre…
C'était il y a un an. Je n'ai jamais autant grandi que dans cette ville, dans ce quartier miséreux où, après quelques jours passés à trouver des planques dans la gare pour passer mes nuits, j'ai rencontré un homme qui, en échange d'une nuit répugnante, m'a promis de me trouver un travail. Cet homme, c'est le patron du bar gay de Bronswick. Il a tenu sa promesse, il a abusé de mois quelques fois encore, mais avoir marqué à tout jamais ma première fois de ses sales pattes lui a relativement suffi. Avec un collègue, un garçon tout aussi paumé que moi, nous avons décidé d'aménager ensemble par nécessité. Ulrich.
En traînant dans les rues, complètement ivre, un soir, j'ai trouvé une pokéball abandonnée dans un carton. Des hommes vidaient violemment un appartement. Je n'ai pas compris. J'ai pris l'objet. Je l'ai ouvert le lendemain matin, l'esprit brumeux… Nana en est sortie, resplendissante, affamée aussi. Je l'ai nourrie, je l'ai couvée. Oui, je lui ai donné toute l'affection dont j'étais capable, comme si c'était quelque chose qui me manquait. Je découvre un autre monde, aujourd'hui. Un monde en clair-obscur… Ombres et lumières à perte de vue, misère partout, espérances qui semblent peu à peu renaître de leurs cendres. Mon travail, Ulrich, quelques bonnes personnes rencontrées sur le bord du chemin. Mes Pokémon, aussi, qui prennent de plus en plus de place dans ma vie. Nana, ma jeune partenaire, celle qui me tient compagnie jusqu'au bout de mes nuits sans sommeil, celle qui me comprend mieux que personne, avec laquelle je partage les même craintes. Et Éponine. Ne m'a-t-elle pas tirée des griffes d'un de ces cochons insistants…? Un soir, dans une ruelle sombre… Sans elle, je ne sais pas ce qui me serait arrivé. Je sais qu'elle me protègera du danger extérieur, quoi qu'il lui en coûte… C'est une demoiselle sérieuse, peut-être un peu froide, mais qui apporte une grande sérénité dans notre petit groupe. Et, au milieu de tout ça, le manque, que rien ni personne ne semble pouvoir combler. Mon père me manque. Ma mère, mes sœurs. Surtout Jasmine, celle qui semblait faire le plus cas de moi, sans tenir compte du reste…
Parfois, je m'assois à mon bureau, et je songe à leur envoyer une lettre. Une seule. Leur dire que je suis vivant, que je pense à eux, mais que cette fuite était nécessaire.
Cette fuite, comme toutes les fuites ; comme la fuite que j'entreprends aujourd'hui, une fois de plus.
En dix minutes à peine, Loris est parti. Le silence retombe dans la chambre. Le silence familier des soirées solitaires. Une clé tourne dans la serrure. Ulrich est rentré. Je ne sors pas de ma chambre, je reste dans mon lit, assis, nu, complètement assommé.
Vide, voilà comment je me sens. Plus que jamais vide. Je tends le bras, j'attrape une bouteille à moitié pleine… Je tire à moi une boite de cachets, j'en avale un ou deux en buvant quelques gorgées.
Vide. Terriblement vide.
Est-ce l'effet produit par les mots qu'il m'a adressés avant de disparaître par l'embrasure de la porte ? Les derniers mots que j'entendrai de sa bouche. Pas des paroles en l'air ; je les ai senties, et ça me bouleverse.
━ Prends soin de toi.
Votre pseudo – Alex Âge – 19 patates Comment avez-vous trouvé le forum ? – C'est une excellente question, ça.
Dernière édition par Alexandre de Montgommery le Jeu 14 Jan - 0:36, édité 12 fois
Invité
Invité
Re: La seule chose insupportable, c'est que rien n'est supportable – Alexandre [50%] Lun 21 Déc - 20:47
+1 c'est toujours plus raisonnable
Invité
Invité
Re: La seule chose insupportable, c'est que rien n'est supportable – Alexandre [50%] Lun 21 Déc - 23:09
Alex mon amour Nous voilà à nouveau réuni, au plus grand plaisir de daddy.~ Je vais attendre de lire ta fiche avant de crier mon amour pour toi mais de toute façon, tu le connais déjà Nos bébés ont tellement grandi, ça pousse trop vite ces bêtes-là
Hâte de pouvoir à nouveau RP avec deux-là, en démarrant une toute nouvelle aventure !!
Professeur Chardon
Highlands
Pokédollars : 2048
Pas de badges
Inventaire : //
Pas de rubans
Re: La seule chose insupportable, c'est que rien n'est supportable – Alexandre [50%] Mer 30 Déc - 0:04
Félicitations !!
tu es validé(e) !
PETIT COMMENTAIRE
Si ton but était de briser mon pauvre petit coeur en milles morceaux, c'est réussi ! Ce pauvre petit Alex a vraiment besoin que l'on prenne soin de lui. Il a besoin d'amour, de tendresse, de compagnie ... Compte sur moi pour réparer ce petit coeur tout cassé, même si ça ne sera pas une mince affaire.
Ahem, mais avant de penser à l'après, revenons sur l'avant. Alex a vraiment beaucoup évolué depuis sa première version et déjà que je le trouvais touchant, mais alors là, c'est pire encore. Même s'il n'a pas un caractère facile, il a tant besoin d'être compris. Il se protège derrière une carapace tellement dure qu'il ne laisse personne la pénétrer ... et en souffre d'autant plus. C'est vraiment terrible.
Daddy n'a pas été un père exemplaire. Alex lui a envoyé tellement de signaux auxquels il n'a pas répondu ... ça doit être terrible de se sentir si peu estimé de son propre père. Et le reste de la famille n'a pas aidé - heureusement qu'il y avait la brave Jasmine pour le retenir un peu, autant qu'elle le pouvait. Alex a bien fait de partir néanmoins : il n'aurait pas survécu dans le manoir des Montgommery, c'est certain.
En tout cas, j'ai vraiment apprécié lire ta fiche. Comme je te le dis très souvent, tu as un style vraiment riche et agréable, même si tu ne veux pas t'en rendre compte. Je l'ai dévoré et j'avais encore faim après. Je ne veux jamais que ça s'arrête.