Bernard Elliot

Histoire

TW : Self-harm, validisme internalisé... Prenez soin de vous <3

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De sa première famille, il ne lui reste que les notes d'une berceuse dont le temps a effacer les paroles : Elliot ne saurait pas plus reconnaître leurs visages que parler leur langue, les images de ce temps soigneusement mises sous clé. Lizzie dit qu'il ne vaut mieux pas y penser et il la croit : les régions orientales lui inspire plus de curiosité que de nostalgie, Keros est tout ce qu'il a connu (contrairement à ce que ses cheveux ébène et lisse ou les traits de son visage laisseraient penser) or il se verrait mal la quitter pour une terre natale dont il ignore jusqu'à la localisation exacte. Il s'est bien demandé quel genre de personne étaient ses parents biologiques mais, faute d'indices pour nourrir ses conjectures, la question a rejoint la liste des sujets auxquels il ne touche pas.

Adopté autour de ses 5 ans, ses nouveaux parents se sont montrés patients avec lui. Si Elliot finit par s'habituer à sa nouvelle maison, à ce nouveau prénom (jusqu'à en oublier l'ancien), l'affection qu'il développa pour sa deuxième famille ne se concrétisa jamais en mots. Muet ? Non, les docteurs étaient formels pour dire que ses cordes vocales étaient fonctionnelles : alors on s'est dit qu'il devait s'agir d'un retard de développement -peut-être le temps d'acclimatation nécessaire à un immigré- et on a redoublé d'attention envers lui, comme si cet amour suffirait à le soigner de sa timidité. Ignorant que c'était ces attentes qui l'étouffait, nouait sa gorge jusqu'à ce qu'aucun son ne puisse s'en échapper...

Pourquoi s'infliger cette agonie, lorsque quelques gestes hasardeux suffisaient à se faire comprendre ? Elliot n'avait pas de pensées complexes à partager, préférait les taire pour que ses proches ne se rendent pas compte qu'il était plus malin qu'il en avait l'air- et donc plus cassé que ce qu'ils ne croyaient. Les murs de sa petite chambre étaient les seuls témoins de ses exercices de vocalisation, dans l'espoir de pouvoir un jour articuler correctement "je vous aime" à voix haute. Puis, un jour, ses parents le surprirent, réalisèrent qu'il pouvait parler : et à leurs reproches quand à son refus de leur adresser la parole, il ne savait quoi répondre. Enfin, si, mais même s'il le désirait aucun mot ne sortait et c'en était assez pour ceux s'étant tant investis pour un "ingrat" comme lui.

Elliot fut placé dans un foyer pour enfants handicapés, un institut très tourné vers la religion : tout les dimanches, les enfants comme les adultes priaient afin qu'Arkée leur accorde sa miséricorde. Lui-même ne faisait pas figure d'exception, il priait... Mais le coeur n'y était pas. Il a cru, pourtant, que Dieu s'était peut-être tourné vers lui : le prêtre rit de sa confession, le sermonnant de confondre le Créateur avec un vulgaire ami imaginaire. Reste que c'est vers celui ayant répondu à ses à ses pensées les plus sombres avec des mots rassurants que la dévotion de l'enfant s'est tourné or, s'il ne s'agissait pas d'un dieu, alors l'Eglise perdait tout sens d'être à ses yeux. Puis, de toute manière, ce n'est pas comme s'il pouvait chanter avec les autres.

En grandissant, Elliot n'eu pas le loisir d'ignorer longtemps sa réputation de timbré : ceux pensant que la surdité allait de paire avec le mutisme ne mâchaient pas leurs mots autour de lui et, puisqu'il n'y réagissait pas, ils pouvaient bien continuer de lui démontrer que le monde extérieur n'était pas un endroit pour quelqu'un comme lui. A moins qu'il ne devienne comme eux -suggérait Lizzie- car c'était le seul moyen pour un incapable comme lui de survivre jusqu'à l'âge adulte. Ark (comme il vint à l'appeler) était le seul à ne pas le juger, a accueillir sa solitude comme sa tristesse et son désespoir avec bienveillance : alors cela lui était égal de se renfermer sur soi, tant qu'il pouvait entendre les mots d'affirmations desquelles il était devenu si dépendant.

Il ne parla à personne des voix dans sa tête, laissa le temps s'écouler devant ses yeux, un peu comme les scènes des séries passant sur la télé de la salle communautaire. La seule personne qui parvint à le sortir de cette bulle d'aliénation s'avéra revêtir la forme d'un petit slime dégustant les salades du potager de la résidence : Elliot aurait dû prévenir les adultes, les laisser s'en occuper, mais quelque chose dans le regard du Mucuscule, dans son petit gémissement lorsqu'il comprit avoir fait une bêtise, l'attendrit suffisamment pour qu'il lui cherche un abri. La boue sur ses vêtements permis au crime du gastéropode de passer inaperçu quelques jours encore. Il aurait pu l'aider à s'enfuir, s'il ne désirait pas si ardemment le revoir...

Les seuls Pokémon que le garçon avait connu jusqu'alors étaient des aides-soignants ou des bêtes de spectacle que les gens du cirque amenaient pour leurs représentations. Il était donc surprit que la simple reconnaissance du type dragon -une fois qu'il comprit que le petit humain était de son côté- le touche en plein coeur. Que, même couvert de bave, le poids de l'autre être dans ses bras était suffisamment réconfortant pour qu'un "je t'aime" lui échappe sans même qu'il n'ai réfléchit à ses mots. Elliot s'était résigné à devenir SDF du haut de ses neuf ans si les adultes refusaient qu'il ne le garde... Les négociations n'en arrivant pas jusqu'à cette extrémité, heureusement. L'envie de voir ce gamin enfin devenir quelqu'un de normal prit le pas sur la réticence des puériculteurs.

Et ils eurent en partie raison. "Ame", comme l'a baptisée une des jeunes du foyer, lui valu d'être remarqué par les autres enfants et permis à son dresseur de réaliser que sa méfiance envers eux était mal fondée. Il n'était pas le seul à se sentir abandonné, ici, d'autant que les adultes étaient encore plus durs avec les "retardés" et autres cas qu'ils considéraient désespérés : une part impure de lui se réjouissait de leur être supérieur et voulait donner tort à Lizzie, à tout ceux croyant que des enfants comme eux n'iraient nulle part. Ses facilités à suivre le programme scolaire lui donnaient raison, de quelques classes en retard sur les enfants de son âge il passa à quelques années d'avance. Un parfait petit génie dont les adultes ne tardèrent pas de se vanter.

... Sauf lorsque ses ambitions rencontrent un mur. Elliot retombe alors d'autant plus profondément dans la haine de soi et ses crises de nerfs sont... Certainement quelque chose, dont il ne se souvient jamais mais les autres oui. Avoir un petit être sous sa charge empêche aux pensées noires de prendre trop de terrain, au prix de la culpabilité de ne pouvoir être le dresseur que le dragon mérite. C'était encore pire avant, quand les jeunes de l'institut l'idéalisait, lui qui avait pu passer "outre" son handicap et que les adultes louaient donc en exemple : Elliot avait bien déchanter de sa soi-disante supériorité et en vint vite à désirer retourner à l'ombre, saisissant la première opportunité pour s'enfuir. Toujours aussi ingrat, n'est-ce pas ?

Il n'a pas choisi la médecine par désintérêt : Elliot trouve juste fascinant le fait d'avoir la vie d'un être entre ses mains, de pouvoir étudier les secrets derrière la machine bien huilée qu'est le corps. Il aurait tout aussi bien pu se tourner vers les humains, si le logement offert pour une formation au sein de la fédération n'était pas une offre si alléchante... Puis c'était les seuls patients avec qui il aurait l'espoir de pouvoir communiquer, la barrière de l'ardoise et la craie s'avérant bien fatigante à porter au quotidien alors qu'avec un Pokémon, les mots ne sont pas essentiels. Le foyer l'a malgré tout encouragé à voler de ses propres ailes, il ne serait pas aller bien loin sans leur soutien financier durant ces années d'études intensives. Il devrait les remercier.

Après tout cela a payé, puisque voilà qu'à peine âgé de dix-huit ans sa formation est bouclée. Ses collègue ont tendance à l'infantiliser, voyant de la timidité dans son silence et prenant les décisions importantes à la place du "petit assistant" suivant les soigneurs plus expérimentés comme un Couaneton sa mère. Oh, il aimerait vivre dans le même monde qu'eux, s'affirmer, parler entre égaux... Mais s'ils savaient qu'il n'était qu'un pauvre timbré, en aucun cas l'idéal sous lequel on l'a "vendu", on l'abandonnerait n'est-ce pas ? Un dilemme auquel ni Ark, ni Lizzie n'ont de solution à offrir- ou du moins qu'Elliot soit prêt à entendre, alors on se tait et se contente du statut quo. Rester un observateur lui va, c'est ce qu'il a été toute sa vie après tout.

Quelqu'un comme lui ne peut changer. C'est ce que Lizzie tient à lui rappeler, à en croire les marques qu'il retrouve parfois sur ses jambes : il a beau les désinfecter après coup, Elliot ne saurait pas l'arrêter et, à vrai dire, ignore déjà où elle trouve le temps d'agir. Cela ne l'inquiète pas, dans la mesure où elle aurait eu moult occasions de mettre fin à ses jours si c'est ce qu'elle désirait... Puis il serait hypocrite de la rejeter, lui qui voit du réconfort dans la douleur laissée par sa peau cicatrisant. Il a fait appel à sa lame de rasoir plus de fois qu'il n'assumerait, comme s'il préférait s'occuper lui-même des sévices que le monde extérieur risque encore de lui infliger. Il est juste assez "stratégique" pour éviter autant que possible les dommages irréversibles.