Domovoï & Kikimora

Plus le stade de grossesse d’Ayesha avançait, plus il devenait évident que vivre seule le temps que son mari ne soit pas au foyer était une mauvaise idée. En effet, Edmund avait beau faire parfois preuve de principes archaïques, il n’en restait pas moins un mari attentif qui envoyait balader aisément l’idée que « la place de la femme, c’est la cuisine ». Le seul problème c’est que sa cuisine n’était pas très qualitative, pour être poli, du moins elle n’était pas au gout d’Ayesha qui se retrouvait à manger peu et à rester à moitié affamée le reste de la journée.

Alors qu’elle était à moitié assoupie sur son fauteuil, un gros recueil de contes Stranaïtes encore ouvert sur les genoux, Edmund fit son retour un peu trop bruyamment. La jeune femme sursauta légèrement et vint croiser le regard de son mari en fronçant les sourcils. Ce dernier semblait énergique à souhait, souriant malgré le pansement encore attaché à sa joue et celui recouvrant son nez cassé. Il avait beau avoir la gueule cassé, il était toujours aussi adorable. Mais cela n’empêcha pas Ayesha d’ouvrir la bouche pour commencer à rouspéter un peu, elle n’en eut pas le temps car Edmund prit aussitôt la parole.

O-oui, je sais… Je suis désolé, Northwood a encore été… Bah, ça n’a pas d’importance, je t’ai ramené un peu d’aide. Je sais que le charbon de Doon doit être meilleur que ma cuisine alors j’ai pensé… Enfin, tu vas voir !

Ayesha le regarda sans rien dire sortir une pokéball de la poche de son manteau pour en libérer le contenu. Elle sursauta une nouvelle fois en reconnaissant une petite tribu de Famignol, une tribu très nombreuse. Ayesha n’avait jamais vu ça dans les nombreux livres qu’elle avait dévoré sur les pokémons originaires de Paldea ! Encore une fois, elle allait demander le pourquoi du comment mais à entendre Edmund s’éclaircir la voix, elle su qu’elle aurait le droit à l’un de ses nombreux discours.

Laisse-moi te présenter Mozzarella et Parmesan, ainsi que leur huit enfants, Provolone, Burrata, Mascarpone, Gorgonzola, Pecorino, Ricotta, Casu Marzu et… Bon sang, comment s’appelle le petit dernier… Ah, Régis ! C’est le seul qui n’ait pas un nom de fromage alors forcément… Enfin bon, ce sont des petits bosseurs, ils vont pouvoir nous aider à tenir ce foyer. Une femme enceinte doit vivre dans un environnement sain et manger de la bonne cuisine et comme je suis incapable de te fournir tout cela – qu’Arkée ai pitié de ma bêtise, je suis allé chercher cette petite troupe dès que j’ai appris son existence dans les journaux !

Le silence revint, cela faisait beaucoup d’informations pour la jeune femme et elle n’était pas sûre de pouvoir retenir tout les petits noms de ces adorables boules de poils. Il lui fallu quelques temps pour organiser ses pensées mais n’eut pas le temps de formuler une phrase. Elle ne fut pas interrompue par son mari, cette fois, mais par… Mozzarella ( ? ) et deux de ses petits qui soulevaient avec difficulté le recueil de contes qu’elle avait fait tomber à terre en sursautant. Ayesha s’empressa de venir attraper le livre qui devait être assez lourd pour les pauvres rongeurs.

Merci beaucoup… Souffla-t-elle avec un petit sourire aux trois petites souris qui lui adressèrent un grand sourire, semblant ravis d’avoir pu rendre service. Tu es sûr que Myau ne va pas essayer de les manger ?

Edmund grimaça un instant, comme si ce détail lui avait échappé tant il était enthousiaste à l’idée d’amener ces petits auxiliaires de vie à sa femme. Ladite Myau en profita pour trottiner tranquillement dans la pièce en baillant, puis elle aperçut la petite famille de Famignol. Quoique fusse ses pensées à ce moment-là, Gerda qui la suivait de près la rappela à l’ordre d’un coup de queue sur le museau.

Et bien… Voilà qui règle la question, on dirait… Souffla Edmund avec un petit sourire mi-gêné, mi-amusé. Ah, je t’ai ramené des beignets à la baie maron, je sais que tu adore ça alors…

Le jeune homme vint s’asseoir en face de son épouse et déballa un petit paquet de douces friandises, les tendant doucement à cette dernière qui n’hésita pas un long moment avant d’en prendre une pour la grignoter avec une avidité qu’elle tentait de cacher par politesse. Les petits Famignol vinrent se regrouper autour de la jeune femme et lui lancèrent un regard intéressé. Ayesha pouffa de rire.

C’est bon, c’est bon, j’ai compris. Venez par-là…

Chacun eut le droit à son petit morceau de beignet et chacun fut satisfait. Il fallu bien évidemment servir Myau qui montrait une certaine jalousie contre les nouveaux-venus. Gerda, quand à elle, refusa poliment, suffisamment mature pour comprendre que son humaine en avait plus besoin qu’elle. Quand tout ce petit monde fut enfin satisfait, Ayesha releva les yeux vers Edmund et lui adressa un doux sourire.

Allons, racontes-moi ce que Northwood a encore fait pour te mettre en colère, je vois bien que cela te tracasse toujours.

Edmund soupira lourdement et secoua la tête. Il y eut un petit moment de silence avant qu’il ne se lève brusquement et se mette à faire les cents pas dans la pièce, visiblement toujours un peu furieux.

Et bien tu va rire, ou plutôt, tu ne va pas rire… Il m’a frappé sans raison particulière aujourd’hui. La seule chose que j’ai faite c’est d’avoir donné un coup de pied à son Zorua par réflexe quand il a prit la forme du Renégat… Enfin, pas le gris, le normal. Si c’était le Zorua gris, je serais déjà mort… Par Arkée, cet homme est un fou dangereux…

Il finit par se calmer, soupirant une nouvelle fois et venant s’agenouiller auprès de sa femme pour poser doucement sa tête sur ses genoux. Il lui lança un regard penaud et après un autre petit silence, il finit par murmurer d’une voix hésitante :

Des fois… Je songe vraiment à retourner auprès de ma famille, à Corrifey, avec toi. Loin de ce type mais je ne suis pas sûr de…

De se faire respecter ? De trouver du travail ? De trouver le soutien de sa famille qui l’avait déjà rejeté ? Tant d’obstacles dans cette affaire, ça ne sentait pas bon. Ayesha fit « non » de la tête avant de lui adresser un doux sourire.

Ne t’en fais pas, nous n’avons pas besoin de partir de Pryderi. J’irais lui parler… Edmund parut sur le point d’objecter mais un index vint lui clore les lèvres. …Et pas de mais, moya lyubov, il n’osera pas frapper une femme enceinte. J’en suis persuadée !