Une jeune fille aussi dévergondée accompagnée de ce qui semblait être un Celebi rose bonbon, ça ne se voyait pas tous les jours. Aaron l’avait croisé à Tartan sans trop faire attention, au début, même si il lui avait jeté un regard en coin trahissant sa pensée sur son attitude criarde et trop énergique à son goût. James, pour sa part, avait remarqué le regard plein de jugement de son compagnon et s’était contenté de pouffer de rire. Ils pensaient tous deux pouvoir continuer leur chemin en paix quand la gamine vint les voir en courant et en agitant la main comme pour faire « coucou ». Et si au début, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’une simple coïncidence, le cri qu’elle lança dissipa tous les doutes.

Great-Grandpa Aaron ! Great-Grandpa James! Attendez, je suis là rien que pour vous !

Les deux hommes s’échangèrent un regard incrédule tout en laissant la gamine s’approcher. Quel âge devait-elle avoir ? Seize ans ? Dix-sept peut-être ? On ne pouvait pas mettre l’absurdité de ses paroles sur le compte de son jeune âge. Ou alors elle se moquait d’eux, dans tous les cas, Aaron s’arrêta et croisa les bras, se tenant prêt à rabrouer la jeune fille tandis que James l’observait avec curiosité mais sans plus.

Attendez, il faut que j’immortalise le moment ! C’est Ashton qui va pas en croire ses yeux, hé hé… Presque sûre que Gruncle William va péter une pile ! Elle sortit un étrange appareil et le brandit devant les deux hommes. Allez, un petit sourire, s’il-vous-plaît !

Si James finit par exploser de rire, Aaron leva les yeux au ciel avant de soupirer, s’apprêtant à faire la leçon à cette malotrue avant d’être éblouit par une sorte de flash. Il sursauta, aussi bien que son compagnon qui cessa de rire et leva des yeux curieux sur la gamine qui se précipitait vers eux, leur montrant son drôle d’appareil. Une photographie semblait y être affichée, Aaron resta muet tandis que James s’émerveilla sur l’étrange objet.

Quelle qualité de photographie extraordinaire ! D’où sortez-vous un tel engin ?

La jeune fille eut un petit rire gêné avant de ranger son appareil et de se frapper la tête d’un air idiot. Plus elle agissait, moins le champion comprenait ce qu’elle faisait.

J’suis débile, pardon ! Moi c’est Ellie Claymore, j’suis votre descendante, en quelque sorte. Vous voyez, Rosalina, juste ici ?

Elle pointa du doigt la Celebi qui volait autour de sa – sans doute – dresseuse en riant et en faisant des cabrioles dans les airs.

Il serait difficile de ne pas la voir. Finit enfin par faire remarquer Aaron en soupirant. Vous essayez de nous faire croire que vous êtes… Venue du futur peut-être ?

Cela expliquerait qu’elle connaisse William. Fit simplement remarquer James, pensif. Avant de froncer les sourcils et d’ajouter, perplexe. Attendez, jeune fille, vous prétendez être notre descendante… ? Cela voudrait-il dire que William et Griselda… ?

Ne l’encourage pas dans son délire, s’il-te-plaît. L’interrompit Aaron d’une voix grinçante. Cela m’inquièterais un peu qu’elle ait raison, ceci dit. Cela voudrait dire que toutes les jeunes filles de son âge seront bientôt aussi dévergondées qu’elle.

La jeune Ellie se contenta d’éclater de rire, ce qui était le comble de l’irrespect. La jeunesse du futur n’avait donc aucun respect pour ses aïeuls ? Il allait à nouveau tenter de la rabrouer quand elle leva un regard… Malicieux ( ? ) vers les deux hommes. Le champion de Bronswick n’était clairement pas préparé à la suite des évènements.

Allez, great-grandpa Aaron, j’sais que t’es coincé mais au fond, t’es un chic type ! Puis faut que je saches un truc, c’est vrai que tous les deux, z’êtes amoureux ? Granma Hunter et Gruncle William arrêtent pas de s’engueuler sur le sujet alors je voulais savoir…

Nouveau regard échangé entre les deux hommes. Cette gamine en savait trop, beaucoup trop. C’était louche. Aaron allait crier au paparazzi mais James prit paroles plus vite que lui. Ce qui était franchement agaçant de sa part mais pas inhabituel.

Si tu viens vraiment du futur, Ellie… Peux-tu me dire comment se porte mon fils ? Et qui est cette Hunter avec qui il se dispute ? Je ne répondrais à ta question que si tu réponds aux miennes.

La gamine lança un petit « hé hé » et fit une tête de petite conne malicieuse. Se dandinant d’un pied sur l’autre, elle semblait réfléchir à la réponse qu’elle pourrait offrir à James. Tout cela semblait complexe à expliquer mais elle prit tout de même la peine de répondre du mieux qu’elle pouvait.

Liam’ il va bien, il s’est un peu calmé depuis le temps. Même si il trempe toujours dans des affaires pas net… Enfin granma Hunter, elle est pas mieux… Dire qu’elle était censée être Ranger. Ah, oui… Vous la connaissez ptêt pas encore, Great Grandpa Aaron va l’adopter parce qu’elle aura perdu ses parents et… C’est un peu compliqué. J’ai pas tous les détails mais techniquement, z’êtes mes Great Grandpa, même si on est pas vraiment liés du sang.

James hocha la tête, pensif.

Chose promise, chose due, j'imagine. Souffla-t-il à voix basse. Il est vrai qu'Aaron et moi avons une relation... Spéciale, mais gardes ça pour toi et tes amis du futur, s'il-te-plaît.

Le fait d’entendre que son fils tremperait dans des affaires pas net qui semblaient aller à l’encontre des Rangers semblait le tracasser, contrairement à la jeune fille qui semblait prendre ça à la rigolade. Aaron soupira lourdement et finit par poser une question qui le démangeait depuis un bon moment, mettons que cette gamine vienne vraiment du futur…

Et Griselda ? Comment se porte-t-elle ?

Ah, Graunty Griselda ? Elle est aussi Ursaring mal léché que son papa mais elle m’a apprit pleins de trucs sur la coordination ! Et puis elle a pu se marier avec Graunty Ryoko, parce que ouais, ils ont légaliser le mariage gay à Keros. Elles sont trop mignonnes toutes les deux !

Aaron resta muet un bon moment, un peu sous le choc de tant d’informations au même moment. Certes, il savait que sa fille n’était pas vraiment le symbole de l’hétérosexualité mais de là à… « Se marier » avec une femme ? Puis, depuis quand deux personnes du même sexe pouvaient-elles… ? C’était absurde ! Il secoua la tête.

Un mariage saphiste ? Qu’est-ce que c’est que ces bêtises, encore ?!

Dis plutôt que t’es jaloux. Répliqua calmement Ellie en se permettant même de lui tirer la langue.

Aaron allait rouspéter fort, très fort. Sans doute parce que la gamine avait raison et qu’il aurait bien passé l’anneau au doigt de James mais ce dernier eut la bonne idée de prendre Ellie par la main et de l’entrainer en avant.

Tiens, pourquoi ne pas discuter de tout ça avec une bonne glace ? Je ne sais pas si tes glaces sont meilleures que les notre mais je connais une boutique qui…

Le Sorbébé Cotonneux ! S’exclama Ellie en souriant comme un Sharpedo tandis que James acquiesçait, sourire aux lèvres. Ils l’ont fermé l’année dernière, c’est trop dommage, leurs glaces étaient trop bonnes !

Une grande perte pour Tartan. Soupira James avant de reprendre avec plus d’entrain. Et bien tu peux en profiter, en 1968, c’est toujours ouvert ! Aaron, tu nous accompagnes ?

Un soupir lourd et quelques jurons marmonnés avant de hocher la tête, avait-il vraiment le choix de toute façon ? Il laissa Ellie et James échanger des nouvelles de leurs époques respectives sans rien dire, trouvant encore la situation absurde et ayant toujours du mal à y croire. Et toujours cette… Rosalina ? Qui voletait autour d’eux en faisant des pirouettes et des cabrioles dans l’air. Aussi agaçante que sa dresseuse, tiens. Et comme si cette dernière n’avait pas déjà profité de la situation pour lui voler l’attention de James, elle lui fit une tête de Ponchiot battu pour qu’il aille lui-même commander les glaces. Pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’elle voulait parler à James en privé. Boarf, pourquoi pas…

Très bien, Mademoiselle Claymore. Mais à mon retour, j’exigerais des explications !

Yup ! Promis ! Lança la petiote en souriant.

Tandis que le champion de Bronswick s’éloignait, le sourire d’Ellie s’évanouit et elle se tourna vers James d’un air soucieux, lui tapotant l’épaule. L’homme parut inquiet par cette disparition soudaine de bonne humeur.

Ellie, qu’est-ce qu’il y a ?

J’suis désolée, Great Grandpa James, je pouvais pas le dire devant ton amoureux mais… En 1969, tu vas…

Le silence était suffisant en lui-même pour que James comprenne de quoi il en retournait. Il resta muet un instant et eut un sourire amer. Il allait laisser derrière lui un fils au tempérament instable et un compagnon qui avait déjà trop perdu dans sa vie. Et bien sûr, ces deux-là étaient incapables de s’entendre, comment allaient-ils faire ? Enfin bon, il soupira un grand coup pour évacuer l’étrange sentiment de mélancolie qui s’emparait de lui.

Merci, Ellie. Je ferais de mon mieux pour les rendre heureux avant de quitter ce monde.

Son regard se tourna vers la jeune fille qui était visiblement sur le point de pleurer. Il soupira et lui ébouriffa gentiment les cheveux. Il n’avait pas envie qu’on pleure pour lui.

Allons, allons, Ellie. Ne sois pas triste pour moi, j’ai eu une longue vie. Je n’ai pas à me plaindre. Quand tu reviendra à ton époque, serre très fort William dans tes bras de ma part, d’accords ?

D’accords…

C’est le timing que choisit Aaron pour revenir avec les deux cornets de glaces demandés par James et Ellie. Il n’en avait pas prit pour lui, en bon vieux grincheux qui se respecte. Il fronça cependant les sourcils en constatant l’air grave de son compagnon et de sa « descendante ».

Que se passes-t-il ?

James haussa les épaules.

Rien de bien grave, la géopolitique du futur n’est pas glorieuse, voilà tout.

A en voir le visage d’Aaron, James savait très bien qu’il n’avalait pas ses bobards mais il n’insista pas et lui tendit son cornet de glace. Le champion savait quand il était inutile d’insister après tout. Il regretta amèrement de vivre dans une époque où l’homosexualité était si prohibée car il mourrait d’envie d’embrasser son partenaire et de lui dire que tout irait bien.

Même si c’était un mensonge.