TW : Mort d'animal, maltraitance d'enfants, religion
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" - Tu penses que le Grand Sinnoh nous pardonnera ?"
Ekashiba ne posa la question qu'une fois, en face du Pokémon qu'ils avaient laissé mourir. Koa-Kanno ne savait quoi répondre, son regard traçant la silhouette du squelette à travers la finesse de la peau de la bête : même s'ils ne l'avaient pas affamée volontairement, que l'obliger à ingurgiter quoi que ce soit pour la maintenir en vie aurait pu être vu comme plus cruel à bien des égards, reste qu'ils auraient pu la sauver et ne l'avaient pas fait. Elle ne recevra certainement pas les rites funéraires qu'elle méritait et le pire ? C'est que ce n'était pas ça qui inquiétait le plus le garçon, c'était la réaction de leurs bourreaux lorsqu'ils verront ça.
Par chance, Koa-Kanno avait vite apprit à utiliser son Kerosien élémentaire pour mentir : disculper son frère de la moindre responsabilité, avouer une faute qu'il n'avait pas commise et en assumer la punition, c'était un jeu d'enfant. Il pouvait même rassurer Ekashiba, lui disant que le Grand Sinnoh comprendrait sûrement qu'il n'y pouvait rien et que cette situation était hors de son contrôle, quand bien même le jeune homme ne s'étendait aucunement cette bienveillance ni n'en attendait de la part de leur Dieu. Les plaies qu'il avait reçues et le faisait ainsi grimacer -à être serré dans les bras de son camarade d'infortune- étaient la seule manière qu'il ait de pouvoir expier ses fautes. Il était trop lâche pour partager le sort de la bête qu'il avait tuée.
Le Grand Sinnoh -Arceus,- était une des rares choses auxquelles les deux garçons pouvait se rattacher. Ils espéraient que le Créateur finisse par prendre pitié d'eux et envoyer secours, aussi passaient-ils une bonne partie de leur temps libre à réfléchir à des façons de se faire entendre de ce dernier. Seulement, l'unique personne se consacrant aux rites religieux au village était le chef : Koa-Kanno n'avait qu'aperçu ses ainés tailler des sceptres à l'occasion de fêtes et Ekashiba était encore trop jeune pour avoir mémoriser quoi que ce soit. Leurs connaissances sur le sujet était donc limitées tandis que leurs doutes croissaient à une vitesse inquiétante. Peut-être payaient-ils le prix de leur ignorance, si leur divinité ne les avait tout simplement pas abandonnés ?
Ce genre de questions revenant souvent dans leur esprit, Koa-Kanno se résolu à tenter d'y remédier. Si leurs tortionnaires n'étaient pas de fervents croyants, reste qu'il pu glaner quelques informations d'eux. Apparemment, les Kerosien se rendaient une fois par mois dans un bâtiment dédié au Créateur afin de prier et expier leurs fautes : pour s'adresser à Lui, il suffisait de joindre les mains et prier. Cette dernière habitude, les deux enfants l'adoptèrent vite. Même en réalisant le fossé de différences entre la croyance de leur peuple et celle de ce pays, incompatibles sur bien des points, toute façon d'honorer Arceus était bonne à prendre. Ils ne s'exposaient au moins plus au risque d'être punis par des adultes n'ayant aucune envie de les comprendre.
Parce qu'il était si honnête, si prompt à prendre le blâme et l'accepter sans broncher, Koa-Kanno pu goûter à un semblant de liberté tandis que les jours de tortures touchaient à leur fin. Peut-être ses tortionnaires, le voyant petit à petit prendre les habitudes de son pays d'adoption, réalisaient qu'il n'était pas si différent des enfant parcourant la région. Peut-être ne voyaient-ils juste aucun risque à le laisser se rendre à une Eglise, préférant qu'il aille ennuyer un prêtre plutôt qu'eux.
La question que l'enfant brûlait de poser était pourtant simple.
" - Est-ce qu'Arceus me pardonnera ?"
Les questions les plus simples n'ont néanmoins pas toujours de réponse.
Ce jour fatidique, les mains de Koa-Kanno étaient trop occupées à enfoncer ses ongles dans le bras de l'inconnu restreignant ses mouvements pour penser à les joindre en prière. Sa gorge restait trop serrée pour qu'il ne prononce le moindre mot. Mais en y repensant, l'arrivée des Ranger n'était-elle pas ce signe qu'ils attendaient tant, la preuve que le Grand Sinnoh avait répondu à leur dévotion ? Après tout, il était le seul s'étant persuadé qu'il ne pouvait être aidé ou pardonné : Koa-Kanno s'était jugé bien plus durement que le Créateur n'aurait jamais pu. Il était temps pour lui d'accepter d'être aidé, plutôt que d'attendre d'être puni. S'il était en mesure de faire ça...
Peut-être serait-il également en mesure de se racheter pour ses fautes.