Des évènements étranges semblent se dérouler du côté de la forêt Grian. Les Pokémon tombent malades, d'autres fuient, et des témoins assurent avoir vu des lumières voler dans le ciel la nuit. Il n'en faut pas plus pour que tout le monde crie aux extraterrestres, et que des petits curieux viennent investiguer. Les rangers, eux, privilégient la piste d'une épidémie dans la population de Pokémon et préfèrent garder les civils éloignés. La mission de Koa-Kanno est simple : il fait partie de nombreux rangers dépêchés pour prendre soin des créatures malades, étudier les sols et empêcher les journalistes de s'aventurer en terrain hostile. Voilà qui s'annonce plutôt ennuyeux...
Dans sa culture d'origine, tout désordre dans la nature s'expliquait par la descente d'un esprit maléfique : outre protéger les habitations, les humains ne pouvaient faire mieux qu'attendre qu'il ait fini son devoir sur Terre et reparte de lui-même. Autant dire que Koa-Kanno était perplexe de constater que les habitants de Keros, au contraire, adoraient se mêler aux phénomènes les dépassant : que les Ranger soient mobilisés encore comprenait-il puisque c'était leur travail de surveiller la faune locale et il pouvait admettre en quoi la propagation d'une épidémie puisse être problématique, mais les civils ? Ils étaient complètement cons, c'était pas possible autrement. Admettons qu'ils croisent leurs fameux "aliens", ils comptaient faire quoi ? S'excuser du dérangement avant de se faire atomiser ?
... Enfin faudrait-il que de telles créatures existent or, jusqu'à preuve du contraire, Koa-Kanno n'avait rien vu d'aussi extraordinaire. Les Pokémon s'étaient fait rares et sa mission était surtout d'amener ceux qu'il croisait aux infirmiers pour qu'ils étudient leur cas (ainsi que ramener par le col les idiots qu'il pouvait trouver en passant). Habituellement Nuyep lui tiendrait compagnie, néanmoins les circonstances décourageaient d'amener inutilement des Pokémon extérieur à la forêt. Il lui fallait de toute manière toute son attention pour repérer les petits Pokémon insectes, trop amorphes pour avoir fuit mais suffisamment en forme pour se cacher de toute cette animation. Par chance les oiseaux étaient plus rares car devoir grimper les arbres pour les ramasser n'aurait pas été une partie de plaisir.
Vraiment, ambiance déplorable pour une première mission mais après tout le jeune homme n'avait jamais considéré que ces dernières seraient plaisantes : il n'était pas en quête d'adrénaline, contrairement à certains de ses collègues, aussi ne pas avoir à agir dans l'urgence était bien la seule chose qu'il appréciait actuellement. Koa-Kanno s'étira longuement tandis qu'il revint sur les lieux après une courte pause du midi : il était encore parti pour un shift de vide intersidéral mais hé, au moins la température dans les bois était plus respirable qu'en dehors. Le contraste entre le soleil d'été et le silence de la nature avait de quoi triturer l'imagination -le stagiaire accorderait ça aux journalistes- néanmoins n'avait-il aucune réelle raison d'être sur ses gardes pour le moment.
La tâche est répétitive, même lassante. Trouver des Pokémon blessés, les amener aux infirmiers, inspecter les lieux pour des traces d'activité suspecte, repousser les curieux... Koa s'endormirait presque. Presque ! Car son œil encore ouvert a aperçu quelque chose, ou plutôt quelqu'un.
Un sale gosse lvl 13 apparaît !
Mais... c'est qu'il se fout de la gueule de l'apprenti ranger, en plus ! Il le regarde dans les yeux, avant de lui montrer l'intérieur de sa paupière et de lui tirer la langue. Et avant que Koa n'ait eu le temps de réagir, il décampe pour foncer droit dans la forêt. Quel inconscient ! Mais c'est surtout l'orgueil du jeune homme qui en prend un coup !
La plupart des curieux ayant l'audace de se glisser ici étaient plutôt jeunes, aussi le Ranger ne fut pas tant surpris que ça d'apercevoir un gamin sauvage apparaître : ce qui le surprit, en revanche, fut son niveau de connerie visiblement plus élevé que ses petits camarades. La plupart des gens auraient le bon sens de se rendre ou, au pire des cas, fuir les lieux une fois repérés, mais non, Kévin ici-présent préféra faire son mariole avant de se barrer dans les bois. Koa-Kanno avait beau être matinal, ça faisait quand même mal de se faire si peu respecté... Le racisme, ça commence si jeune ? Ou alors il était juste pas assez baraqué pour dégager la moindre autorité ?
" - Hé, reviens-là !" tenta t-il d'interpeller... En vain.
Le Ranger lâcha un juron entre ses dents avant de se résoudre à partir à la poursuite du gamin. Par chance Koa-Kanno quasiment grandit dans les bois, aussi ne rencontra t-il aucun problème pour rattraper le mioche : il avait beau maudire sa constitution quelques minutes plus tôt, c'était plus facile pour se glisser entre les arbres sans se manger de branches ! Il repéra du coin de l'oeil un raccourci lui permettant de prendre à revers le gosse et n'hésita pas à l'emprunter, ce qui lui permis de mettre la main sur le gamin et le tirer en arrière. Manoeuvre un peu brusque, certes, mais il s'assura quand même de lui saisir les épaules pour le tenir en place et éviter qu'il ne se casse la gueule (même si franchement ça aurait été mérité) avant de reprendre son souffle.
Même s'il lui fallut quelques instants avant de prendre la parole -comme quoi les bandages lui servant de binder DIY n'étaient pas bon pour ses pauvres poumons- son regard était sûrement bien plus clair qu'un sermon.
" - Ecoute, quand un adulte te dis de t'arrêter tu t'arrêtes, compris ?"
Koa-Kanno n'était pas des masses amusé par la course poursuite improvisée.
" - Maintenant, tu vas bien gentiment me dire ton nom et ce que tu fous là pendant que je te ramène aux collègues, d'accord ? " dit en relâchant son emprise, non sans prévenir " Ne penses même pas à galoper encore, par ailleurs, à moins que tu tiennes à te faire buter par un Papinox au fond des bois... Parce que c'est pas moi qu'ira te sortir de là. "
Encore un long soupir : ses mots avaient beau être durs, Koa-Kanno était au moins rassuré que les choses n'aient pas plus mal tournées. Il savait à quel point la nature -et sa faune- pouvait être dangereuse lorsqu'on y était pas préparé : autant que le mioche en prenne la mesure dès maintenant, même s'il valait mieux ne pas se faire trop d'espoir puisqu'après tout avait-il cru une bonne idée d'aller dans une zone bouclée par des Ranger en premier lieu. La petite tête blonde pourrait au moins relativiser entre un éventuel bleu à l'épaule qu'une entorse ou un autre truc du genre, avec un peu de chance... Bref, l'adulte parlait de rentrer mais, à vrai dire, il n'a pas eu le temps de prêter attention à la direction vers laquelle ils étaient partis aussi se trouvait t-il à regarder autour d'eux dans l'espoir de retrouver la trace du sentier.
Koa est peut-être rapide et a peut-être réussi à rattraper le gamin, mais ce dernier ne semble pas prêt à accepter la défaite pour autant. Il profite d'un moment d'inattention du ranger et... attends, comment a-t-il fait pour se libérer ? Ce pauvre Koa-Kanno n'a pas eu le temps de le voir venir, mais déjà, l'enfant s'éloigne, lui adresse une énième grimace et rit comme un Grimalin avant de s'enfoncer de plus en plus loin.
Il arrive un moment où on a bien envie de laisser mourir les cons, mais en tant que ranger, on ne peut pas laisser des enfants se mettre en danger si facilement, non ?
Visiblement, ses menaces n'étaient pas une dissuasion suffisante et voilà qu'un instant d'inattention suffit pour que le gosse aille de nouveau faire le con... Peut-être ne parlait-il pas Kerosien ? D'expérience le ton transcende les mots aussi Koa-Kanno était certain qu'il aurait quand même compris mais bon, il préféra lui laisser le bénéfice du doute pour le bien de sa propre santé mentale : le Ranger n'avait après tout pas le loisir de vraiment l'abandonner à son sort, quand bien même c'était tentant de laisser la sélection naturelle faire son travail.
" - Alors on joue à ça, hein ? " se contenta t-il de marmonner, faisant probablement lui-même une belle grimace en tentant de contenir sa colère dans un sourire crispé. Hors de question de se mettre hors de lui pour un idiot pareil, il allait bien voir... !
Koa-Kanno partit à sa poursuite mais, cette fois, ne chercha pas véritablement à le rattraper : après tout le gamin finirait bien par se fatiguer tout seul, n'est-ce-pas ? Ce serait beaucoup plus simple de cueillir le sale gosse alors, si le karma ne faisait pas son travail avant cela. Le Ranger préféra donc économiser son énergie en s'assurant simplement de garder le gamin en vue et prêtant attention à ce qu'il n'y ai pas un quelconque danger aux alentours (auquel cas serait-il bien forcé de passer au plan B et taper un sprint). Même s'il risquait de douiller, niveau endurance il allait pas perdre contre un mioche, pas vrai ? Puis ce n'est pas comme s'il y avait une autre urgence requérant son attention actuellement. C'était tout à fait gérable. Si avec ça on lui donnait pas crédit...
C'est qu'il court vite, ce putain de gamin ! Et on dirait qu'il sait où il va, contrairement à Koa, malgré son entrainement de ranger et son passé. Il y a quelque chose de louche, le jeune homme peut le sentir. Mais il ne peut pas se permettre de perdre l'enfant de vue, il ne se pardonnerait pas s'il lui arrivait quelque chose. Il y perdrait aussi son emploi, accessoirement.
A bout de souffle, il en oublie où il va. Merde... il est complètement paumé et il doit toujours suivre ce sale gosse qui visiblement ne connait pas la fatigue. Et lorsqu'enfin il s'arrête, c'est devant un drôle de bâtiment qui dénote complètement du reste de l'environnement. Peut-être un bâtiment du projet spatial... Sans la moindre pression, le gamin ouvre la porte et rentre en rigolant toujours autant. Il ne manquerait plus qu'il cause des problèmes là aussi... courage, Koa.
Ce gamin était un Zorua, c'était pas possible : il était plus acceptable pour Koa-Kanno d'admettre s'être fait avoir par l'illusion d'un Pokémon malicieux que de galérer face à la connerie d'un être humain. Pour sa défense, l'hypothèse ne sortait pas de nulle part : parce que le gamin semblait savoir où il allait, contrairement à lui qui galérait plus qu'escompté à garder sa trace. Le Ranger était quasiment sûr que la position de bâtiments étranges comme celui auquel ils étaient finalement parvenus n'était pas connue du premier venu non plus, alors encore moins pour un gamin de niveau 13... Pas que ça empêche ce dernier de s'y introduire comme on rentre dans un moulin. Les gars auraient pu faire l'effort de fermer leur site à clé, merde !
Le jeune homme pénétra à son tour dans le bâtiment, avec bien plus de prudence : si l'endroit était encore occupé, Koa-Kanno mobiliserait volontiers ses employés pour mettre fin à cette partie de chat maudite, quitte à y sacrifier la réputation des Ranger... Mais s'il n'y avait personne, il ferait mieux de repérer un plan d'évacuation : vu comment les choses tournait, ça ne le surprendrait pas que ce ne soit pas la première excursion de ce sale mioche ici or lui était en terrain inconnu. Non seulement ne connaissait-il pas le plan du bâtiment, mais il était toujours pas habitué aux choses plus "technologiques" : il ferait pas la différence entre un labo, un centre de recherche ou une centrale électrique ! Il espérait quand même -au vu de la facilité d'accès- que ce soit pas un coin super top secret dangereux...
... Oui, bon, il avait pas peur des aliens mais l'inconnu ? Cela avait de quoi l'inquiéter.
Un Zorua ? Un fantôme, oui ! Lorsque Koa ouvre la porte, il tombe sur un couloir complètement vide. Aucune trace du gamin. C'est un bâtiment aux murs gris, impersonnels. Une odeur désagréable atteint les narines du ranger dès sa première inspiration. Putain, mais il est tombé sur quoi ? Une boucherie clandestine ? La planque d'un serial killer ? C'est un mélange de sang, d'excréments et de sueur qui parvient à ses narines. Rien qui ne lui inspire confiance, quoi.
Son bon sens lui crie de faire demi-tour et d'appeler ses collègues, mais qu'en est-il de ce gosse ? À en juger par cet endroit lugubre, il s'est lui-même foutu dans un sale pétrin. Et merde, Koa se retrouve dans de beaux draps...
Si le lieu était occupé, ce n'était visiblement plus le cas. Quiconque sentant l'odeur putride s'en dégageant aurait vomi son dernier repas mais, malheureusement pour Koa-Kanno, ce n'était pas une première pour lui aussi contint-il sa nausée tandis qu'il faisait le point sur la situation. Le gamin ? Disparu. Si sa théorie de tout à l'heure tenait encore la route (les Zorua étant des spectres, n'est-ce-pas ?) va savoir si l'idiot n'avait pas juste filé hors du couloir à la vitesse de l'éclair ou ait été victime d'une téléportation...? Bref, sans preuve concrète de ce qu'il en était devenu, repartir n'était pas dans ses options. Appeler des renforts serait une décision sage, mais ça serait aussi admettre s'être mit dans la merde jusqu'au cou et ça, sa fierté mal placée ne lui permettait pas.
Bon sang, si c'était ça la demeure de ces fameux aliens, peut-être méritaient-ils une visite histoire de recevoir quelques cours en tâches ménagères tout compte fait.
Koa-Kanno soupira tandis qu'il se résigna à la conclusion de n'avoir d'autre choix que de continuer d'explorer ce maudit bâtiment. Sa main se posa prêt de la Pokéball à sa ceinture au cas où, quand bien même il ne comptait pas vraiment sur Nuyep pour l'aider en cas de pépin : c'était juste rassurant de savoir qu'il n'était pas tout seul à proprement parler, ainsi qu'une motivation supplémentaire pour sortir au plus vite d'ici en un seul morceau. Pas qu'il ait peur ou quoi que ce soit, bien entendu. Un sentiment aussi habituel n'était pas de ceux auquel il saurait prêter attention.
Chaque pas de Koa résonne dans ces couloirs vides et humides. Cela lui fait ressentir au quintuple la solitude des lieux. Peut-être devrait-il appeler Nuyep ne serait-ce que pour avoir un peu de compagnie ?
Mais un sursaut lui rappelle que non, il est loin d'être seul ici. Un bruit de barre de métal lui fait frôler la crise cardiaque ? Un coup du gamin ? ou y a-t-il d'autres personnes (ou créatures ?) par ici ? Il n'y a qu'un moyen d'en être certain. Alors, il continue d'avancer, encore et encore. Le bruit semble venir du sous-sol, voilà qui n'est pas rassurant... mais a-t-il vraiment le choix ? Au moment de passer la première marche, c'est autre chose qui attire son attention.
Des voix. Bien humaines. Pas celle d'un enfant, c'est certain, et il ne comprend pas vraiment ce qu'il se dit avec ce écho dégoûtant. Alors quoi ? Koa-Kanno préfère-t-il explorer un sous-terrain potentiellement hanté ou se confronter à des hommes dont il ne connait pas les intentions ?
Plus l'heure avançait, plus Koa-Kanno mourrait d'envie de rentrer à la maison : mais les esprits hantant probablement ce coin maudit n'avaient il semblerait pas tant de clémence, car voilà qu'il entendait des éclats de voix humaines provenant d'ailleurs dans le bâtiment désormais. Enfin, le Ranger se rassura vite en se disant qu'il pourrait s'agir d'autres petits curieux complètement con ou, dans le meilleur des cas, de collègues attirés ici pour une quelconque raison. Impossible d'en être certain sans savoir ce qu'ils racontaient avec ce maudit écho, ceci dit... Mais bon, amis ou ennemis, il se voyait mal se pointer à la surface les mains vides aussi se résolu t-il a continuer sa descente à la recherche du gamin/la créature à l'origine de ce merdier.
Le bruit métallique non identifié l'avait néanmoins enfin convaincu de faire appel à son Chinchidou : le type Normal avait une meilleure vue et une ouïe bien plus fine que la sienne aussi, faute d'être d'un quelconque secours en combat, elle pourrait bien avertir le Ranger d'un danger à venir. Plutôt prévenir que guérir, comme on dit, même s'il était désolé pour Nuyep à la voir regarder craintivement l'endroit où elle avait atterrit. Le poids de la boule de poil rose dans ses bras était certes non-négligeable mais, pour une fois, le jeune homme ne maudissait pas trop l'affection de son ami pour les poffins en tout genre car ce désagrément l'aidait à rester ancré dans la réalité et la situation présente, au lieu de laisser son esprit partir en tangentes toutes plus inquiétantes.