Daphné Hopper

Histoire

Daphné n’était pas vraiment un enfant prévu ni désiré à l’origine. Madame Hopper avait une vie bien rangée avec un mari, une maison et un Ponchien. Tout ce dont peut rêver une femme des années 50 si on oublie la floppée de bambins qui doit venir avec. Mais voilà, plusieurs années déjà et Miranda Hopper ne tombe pas enceinte. Elle commence à se désespérer, à se dire que c’est de sa faute et forcement, son mari ne lui donne pas tort, trop fier de sa virilité pour s’imaginer stérile. Leur couple se dégrade et bientôt, il n’est plus question d’amour. Alors c’est dans les bras d’un homme de Kanto juste de passage dans les Lowlands en quête de badge que la championne d’Eideann vient trouver refuge, le temps d’une nuit.

Les mois passent et le ventre de Miranda s’arrondit enfin, porteur de vie. L’homme de Kanto l’apprends par le bouche à oreille alors qu’il vient de remporter son badge contre Aaron Claymore. Il revient en vitesse, lui promets qu’il est prêt à renoncer à tout pour elle, pour qu’ils vivent ensemble avec cet enfant inattendu mais Miranda refuse, tel un prisonnier qui contemple la porte ouverte de sa cellule sans oser la franchir. Sa vie « parfaite » lui convient, dit-elle et avec un peu de chance, John ne se rendra compte de rien concernant l’enfant. Elle promet cependant à son amant d’une nuit qu’il pourra voir l’enfant, de temps en temps.

C’est mieux que rien.

Ainsi nait Daphné, quelques mois plus tard. Son teint et ses yeux légèrement bridés trahissent son origine orientale. Mais John fait semblant de ne rien voir ou peut-être qu’il ne voit réellement rien, si convaincu qu’il est que sa femme lui est toute acquise. Il est satisfait de la naissance de « leur » enfant, enfin, à un détail prêt. C’est une fille et une fille ne peut transmettre le nom de famille. Enfin, si Arkée est clément, il donnera l’occasion à John d’avoir un héritier mâle. Miranda, elle, tait son secret mais tient sa promesse. Yuri aura le droit de voir sa fille quand il passe à Keros. Cela varie entre trois mois et un an, on ne sait jamais trop avec cet homme libre comme le vent.

Sa fille est sa seule attache, semblerait-il.

Daphné grandit dans un monde un peu trop rangé pour elle. Sa soif de découverte n’a d’égal que sa peur du monde extérieur, ou plutôt, du reste des êtres humains. En effet, elle est née timide et le restera pour un bon bout de sa vie. Elle n’aime pas le bruit trop fort ni les touchés trop brutaux, ce qui tombe bien car son « père » alterne entre les deux. Un coup, il hurle, un coup, il la tire par le bras ou lui donne une bonne grosse claque. La raison ? Oh, il trouve toujours une raison mais c’est qu’il se rends peu à peu compte que ce visage d’enfant ne fait pas très Kerosien pur souche. Miranda est trop occupée à jouer les championnes mais bien vite, elle comprends que les bleus et les écorchures ne sont pas dus à des chutes comme John ne cesse de le répéter.

Il va de soi qu’elle pense tout de suite au divorce, il va aussi de soi que Daphné se trouve plus proche de son père biologique que du mari de sa mère. Ils se voient pourtant peu mais Yuri a toujours de belles histoires à raconter sur Kanto, sur sa culture, sur les autres îles de l’orient. Daphné rêve peu à peu que son père l’y emmène et que jamais, plus jamais elle ne croise ce gros con de John qui ne sait rien faire d’autre que de frapper et de crier. Puis Maman… Elle est gentille mais Maman ne fait rien, elle a trop peur de sortir de son image « parfaite », trop peur de risquer sa place de championne. Daphné lui en veut aussi, un peu, beaucoup, enfin ça dépend des moments. Puis un jour, Yuri ne revient plus, c’est en écoutant à la radio qu’elle apprends que son Papa est mort d’un accident de chute de montagne à Frimapic. Yuri était un dresseur connu, sa mort fait grand bruit.

Daphné se sent seule au monde, plus que jamais. Avec une mère absente et un homme violent qui commence à déraper sur l’alcool, plus rien ne va. Elle passe la plupart du temps enfermée dans sa chambre, à lire les livres de Maman sur les pokémons Insecte, bien vite, ça la passionne, elle se demande pourquoi ils n’ont que Clifford le Ponchien à la maison alors que Maman doit travailler avec des tonnes d’insectes merveilleux. Elle agace tellement Miranda avec ça que la championne finit par céder et ramener un œuf à la maison. Sans doute un mot d’excuse silencieux pour son inaction face à son épave d’époux. Bientôt, la vie de Daphné ne tourne qu’autour de cet œuf et elle se demande ce qu’il peut bien avoir dedans.

Les cris et les coups deviennent plus supportables. Les brimades à l’école aussi. Parce que Daphné est différente, elle parle trop de pokémons Insecte, elle en parle tout le temps, elle donne son savoir sans qu’on ait rien demandé. Ça agace, elle se prends pour une madame je-sais-tout ou quoi ? Les petites filles se moquent d’elle parce qu’elle n’arrive à rien, que ce soit en math, en kerosien et surtout en cours de couture. Alors les gamines s’amusent à lui faire des croches-pattes et à lui coller des chewing-gums dans les cheveux. A neuf ans, elle se retrouve avec une coupe à la garçonne, encore plus de moqueries et de brimades.

Daphné ne comprends rien, elle ne comprends pas les êtres humains ni leur cynisme et décide de veiller sur son œuf et de se rendre de temps à autre dehors, juste pour les pokémons. Elle affole d’ailleurs une fois sa mère en se perdant dans la Forêt Grian. Miranda lui fait promettre de ne plus jamais y retourner, Daphné comprends juste qu’elle doit être plus discrète et plus futée. Hors de question de rester à la maison avec cette épave de pochtron qu’est devenu John. Quelques mois d’attente et l’œuf éclot enfin pour donner… Oh, deux Chenipotte. Daphné ne savait même pas qu’il était possible que deux pokémons viennent du même œuf. Ce sont des jumeaux !

Aussitôt l’éclosion terminée que la jeune dresseuse étudie ses pokémons sous tous les angles, elle détermine de façon assez hasardeuse que l’un évoluera en Blindalys et l’autre en Armulys. L’avenir lui donne raison, coup de chance ou prédiction exact ? Allez savoir ! Daphné prends grand soin de ses pokémons, plus qu’elle ne prend soin d’elle-même d’ailleurs. Ses repas finissent souvent pour Izanami et Izanagi, le nom de deux anciennes divinités de Kanto dont Yuri lui avait raconté l’histoire. Bien entendu, John trouve ces prénoms ridicules. Il lui fait savoir constamment, comme si la jeune fille n’avait pas suffisamment l’impression d’être un échec sur pattes.

Jusqu’à ses quatorze ans, elle se laisse faire mais finit par craquer. Une dispute violente avec John éclatera, une dispute qui lui causera un bras cassé et un cocard bien sombre. Miranda ne peut plus fermer les yeux et demande le divorce. Elle a gain de cause et obtient la garde de sa fille mais le mal est fait. La rancune de la jeune fille envers sa mère ne s’apaisera jamais vraiment. Sa crise d’adolescence est étrange, tout comme elle-même. Elle fugue, parcours les bois et ne se soucie pas de l’heure auquel elle rentre. Miranda la disputait au début mais finit par abandonner la lutte. Résultat ? Daphné se retrouve dans un fiasco entourant les Sealgs. Elle sauve plusieurs pokémons insectes des mains des trafiquants au prix de blessures plus ou moins graves. Ça ne la démonte pas pour autant, elle se promets un jour d’être Ranger.

Mais Miranda a d’autres plans pour elle, l’entrainement intensif commence à ses seize ans, oh, bien sûr, les combats pokémon lui plaisent mais pas le rythme de dingue auquel l’expose sa mère. Elle n’en peut plus mais tient tout de même bon jusqu’à ce que sa mère… Finisse par oublier peu à peu tout ce qui l’entoure. Ce n’était pas flagrant au début mais quand Miranda oublie jusqu’au nom de Daphné qu’elle mets plusieurs minutes à retrouver, ça devient concernant. Un passage à l’hôpital de Tartan et le verdict tombe : Alzheimer. La championne est forcée de se retirer pour laisser place à sa fille, à peine sortie de l’adolescence. Même pas majeure.

C’est presque à contrecœur qu’elle prends la relève, pour payer des soins à une mère qui n’a jamais vraiment été présente pour elle. Elle s’attends à détester le métier mais… C’est étrangement amusant, elle apprécie beaucoup la compétition même si elle préfère de loin lire et étudier la faune et la flore. D’ailleurs, à peine le mouvement Ohanien en action qu’elle prends leur parti avec ferveur. On la hue souvent et on essaye de l’enfoncer en permanence mais elle a passé l’âge d’être une petite gamine soumise et effacée. Non, elle se bats, têtue comme un Tiboudet, pour prouver qu’elle est à la hauteur de son titre et surtout… Et bien, surtout, il y a Suzy Morane, la championne de Glenn. Et Suzy, Daphné n’ose pas se l’avouer mais c’est plus qu’une amie pour son petit cœur battant la chamade à chaque rencontre.

C’est vrai, aimer une autre femme, c’est « mal » mais elle s’en fout. Puis du moment que Suzy ne le sait pas, ça va. Daphné ne se laisse démonter par personne à présent, alors quand ce salopard de John revient avec un discours mielleux à en vomir, elle le revoit chier, il n’a qu’à chercher son argent pour payer sa gniole et ses putes ailleurs, elle n’est pas son porte-monnaie et il n’est rien pour elle. Daphné n’a pas oublié son vrai Papa, elle reste passionnée par l’Orient comme elle est passionnée par les insectes. Au point d’apprendre la langue par pur passion pour lire les bandes-dessinées si spéciales de là-bas. Ses étagères en débordent presque autant que de manuels sur les pokémons Insecte et sur l’environnement.

Entre ses bouquins, ses escapades dans les lieux sauvages de Keros, ses duels de championne et ses aventures avec Suzy, Daphné ne sait plus trop où donner de la tête. Mais c’est sans doute mieux comme ça, qu’elle se dit, avoir trop de temps pour penser, ce n’est pas forcement une bonne chose. Surtout quand on s’appelle Daphné Hopper.