Pryderi était bien froide ce matin. Pourtant il était presque midi, mais même à son zénith, le Soleil ne réchauffait pas grand monde : on sentait bien que l'hiver n'était pas loin. Armée d'un lourd manteau de fausse fourrure et de gants, la petite Lumière partait en guerre. Elle avait des achats à faire : la nourriture de Julio et Biscuit n'allait pas s'acheter toute seule. D'ailleurs, bien que le second soit resté bien au chaud dans sa Pokéball, le premier était bien obligé de se geler les plumes pour ne pas laisser sa maîtresse sans surveillance. Tel un garde Galarien, il ne montrait presque pas sa détresse alors que, son plumage gonflé pour se tenir au chaud, il claquait du bec. Déjà, il devait se montrer brave pour celle qui protégeait mais surtout, s'il montrait le moindre signe de faiblesse, il était probable qu'elle cherche à lui acheter une horrible laine pour Pokémon, qu'il serait forcé de porter pour ne pas la vexer. Cette idée seule le terrifiait.

Fort heureusement, il avait été à l'abri des intempéries le temps des emplettes, qui avaient été plutôt fastidieuses pour lui. Déjà nouveauté à Keros, les supermarchés l'étaient encore plus pour la blonde, qui avait découvert avec Pryderi l'opulence des rayons tout droit importés d'Unys. Quelle magie de faire rouler son caddie à travers les allées remplies de nourriture ! Chaque achat de première nécessité devenait vite une séance de shopping à condition d'avoir le porte-monnaie bien rempli.
Quelque part, le canard était presque content de retrouver le vent gelé à l'extérieur. De plus, était-ce l'astre solaire qui commençait enfin à faire quelques efforts ? Il lui semblait que pendant cette dernière heure en intérieur, la température avait grappillé quelques degrés. L'esprit clair après ses dépenses, la Solano daigna poser un regard sur l'oiseau. Elle le connaissait par cœur et voyait bien qu'il feignait le confort et n'avait comme idée en tête que de retourner vite à l'appartement. Lumière avait, elle un autre projet, qui pourrait être une plaisante surprise pour le Palarticho.

Dis-moi Julio, que penserais-tu d'un petit repas sur le pouce ?

Les yeux de l'interpelé s'illuminèrent. Il aurait bien besoin de manger quelque chose de chaud pour se donner du cœur le temps de rentrer. Pour déjà y être passé deux ou trois fois, la Galarienne connaissait un camion-restaurant dans le coin, qui avait la bonté de servir les Pokémon de ses clients pour quelques frais supplémentaires. Peut-être la jeune fille se faisait-elle poichigeonner ? Elle ne réalisait toujours pas vraiment la vraie valeur monétaire des choses.
Le vendeur la reconnut : ces gens-là avaient une bonne mémoire des visages. Il faut dire qu'il avait déjà tenté de flirter avec la demoiselle. Innocente, elle n'avait pas remarqué mais avait du moins profité d'une petite ristourne qui faisait bien plaisir. Peu aventureuse d'un point de vue culinaire, elle prit la même chose que d'habitude, un pain rempli à ras-bord de fromage et de sauce tomate. Ce n'était peut-être pas de la haute cuisine mais c'était si différent de la nourriture à laquelle était habituée Lumière que pour elle, c'en était. En plus de son sandwich, elle en reçut deux similaires à une toute autre échelle. Le Palarticho se jeta sur son repas, ravi de se réchauffer le bout des plumes avec la croûte tiède du pain. La blondine appela le Fouinette. Bien qu'un peu confus et pas très réveillé à son sortir de la Pokéball, il accepta joyeusement son casse-croûte.

C'est entre deux bouchées que le canard sembla s'agiter pour rien. Il releva la tête en entendant une voix qui devait lui être familière et le visage de son propriétaire ne fit que confirmer son intérêt pour ce dernier. D'un coup de boule - pour ne pas salir les beaux collants de Lumière de ses plumes engluées, il interpela sa dresseuse. Bien qu'elle fut tentée de se plaindre de la surprise qui manqua de lui faire lâcher prise sur son précieux déjeuner, un seul regard dans la direction de celui du canard lui suffit pour comprendre son agitation soudaine.
Un jeune garçon, sûrement de son âge ou presque, aux cheveux d'argent, aux yeux dorés, au teint pâle et le visage percé. Si ce n'était pas lui, alors il lui ressemblait beaucoup ?

Ro-... Rohann ? hésita la jeune fille, espérant qu'il s'agissait là bien de son cousin, afin d'éviter un long moment de honte et de solitude.

Les doutes de Lumière sont immédiatement envolés lorsqu'elle voit les yeux ambrés du garçon s'illuminer, preuve qu'il l'a reconnue a son tour. Voyant apparaître un Flamiaou, la blonde se demande comment elle n'avait pas fait plus vite la connexion. A vrai dire, si elle savait que ce félin accompagnait Rohann, elle l'avait peu fréquentée, tout juste vue sans qu'on la laisse s'approcher, de peur qu'elle ne se fasse brûler par la chatte capricieuse. C'était une nouveauté que de la laisser s'approcher pour se faire renifler, elle osa même poser une timide caresse sur son front, pas encore très à l'aise avec ce monstre qu'on lui a présenté comme dangereux, malgré sa petite taille.

Apparemment, le garçon aux cheveux d'argent était tout aussi surpris par la présence de la Solano qu'elle était de le revoir ici. A quel point la branche maternelle de la famille avait-elle été informée du départ de Lumière ? Ils étaient sûrement au courant de la fugue -comment ne pas l'être alors qu'ils l'avaient pleurée pendant une année, son arrivée à Keros était en revanche récente, la nouvelle n'était peut-être pas encore parvenue ? Elle, en revanche, savait son cousin présent dans la région, dans une autre ville cependant.

Cela fait vraiment longtemps, n'est-ce pas ? répondit-elle, les joues rosies, un peu honteuse, Je suis arrivée il y a peu, un peu moins de trois mois maintenant, après avoir reçu l'autorisation de père et mère.

Elle jeta un rapide oeil à ses Pokémon. Julio restait calme, mais semblait assez ému de revoir un membre de la famille. Voir sa dresseuse renouer après sa petite rébellion le rassurait. Même s'il la soutenait dans presque toutes ses actions, il devait parfois craindre de ne plus pouvoir revoir son vieil ami, paternel de Lumière, ou les autres membres de l'arbre généalogique. En plus, ces deux-là ne s'étaient pas quittés en de mauvais termes.

Ils m'ont bien dit que tu étais à Keros toi aussi. Tu es devenu ranger, c'est ça ? Je suis très heureuse pour toi !

Quel âge avait-il maintenant ? Dix-huit ans ? Il avait commencé ses études quelques années auparavant et même si la blonde ne connaissait pas vraiment le milieu, il lui semblait bien qu'il était fraichement diplômé. Elle était un peu jalouse, elle qui n'avait pas accompli grand chose de sa vie. Elle n'avait jamais eu de grand rêve, de grande ambition ou aspiration comme lui, qui était parti dans une belle voie, un métier qui permet de changer le monde.
Elle, avait tout juste une petite flamme à peine tiède en son ventre, qui l'appelaient sur le devant scène et devant les concours. Elle préférait l'ignorer et ne pas l'attiser. Elle n'y connaissait pas grand chose, n'avait que deux Pokémon pour le moment et peu d'expérience en combat. Oh, un jour elle tenterait sa chance pour devenir une vraie coordinatrice et pas juste une gamine qui s'amuse à faire enchaîner des jolies capacités. Elle se décrivait comme telle mais ne s'accepterait pas vraiment avant d'avoir fait ses preuves.

À vrai dire, c'est un peu de ma faute si nous ne sommes pas vus depuis longtemps. Moi qui savais que tu ne vivais pas loin, j'aurais dû faire l'effort de te contacter. Je te présente mes excuses.

Elle hocha la tête à ses mots, se retenant d'adresser une courbette à Rohann. Elle voulait se débarrasser de ces attitudes de bourgeois qui lui valaient parfois des regards en coin, qui devaient sûrement être insatisfaits de la présence d'une Galarienne dans leur belle nation indépendante. Difficile de chasser le naturel cependant, alors elle pouvait déjà être fière de cette tentative.

En entendant les paroles de Rohann, la blonde se détend. Il était peut-être bête de se rendre aussi nerveuse pour une chose aussi triviale, en particulier puisque le jeune homme n'avait jamais été du genre colérique ou rancunier avec elle. C'était un garçon de bonne famille bien éduqué, bien qu'il ait décidé de prendre une autre voie que l'entreprise de son père. Et qui aurait-elle été pour le juger ? Au contraire, elle l'aurait plutôt admiré de prendre son envol avant qu'elle n'ose tenter de prendre le sien.

C'est donc une vraie chance que de croiser ici, j'en suis ravie !

L'héritier Brooke s'apprêtant à s'assoir à ses côtés, elle glisse le long du banc pour laisser suffisamment de place à celui-ci. Ce n'était pas parce qu'on était la princesse qu'on ne devait pas avoir d'intentions chevaleresques !
En revanche, la remarque de son interlocuteur fait vite disparaître le flegme de la Galarienne. Elle n'aime pas être remise en question, c'est l'un de ses gros défauts. Depuis sa fugue, elle avait tendance à laisser parler son instinct et à agir bien plus impulsive. Malgré l'adrénaline qui la flattait dans ces moments là, ce n'était en effet pas une très bonne habitude à prendre.

Pour être honnête, il n'y a pas de raison en particulier : j'ai juste attrapé la première perche que l'on m'a tendu. avoue-t-elle, riant presque de sa sottise. Je n'ai pas eu d'altercation avec les locaux en revanche, ils ne doivent pas tant nous détester tant que ça ! chercha-t-elle a affirmer avec assurance.

Lumière était très innocente, mais pas idiote non plus. Elle se doutait bien que malgré toutes les portes que son genre lui fermait, il lui en ouvrait quelques unes. Notamment, on en voulait bien moins aux Galariennes qu'aux Galariens. Après tout, elles était de jolies petites choses avec un drôle d'accent, rien à voir avec les militaires qui avaient défendu la Keros unifiée. Sûrement Rohann avait-il plus été dévisagé qu'elle. Elle ne préféra pas avouer ce qu'elle avait -malheureusement pour elle, compris. Elle avait honte d'en profiter.

Des chatouilles dans son cou sortirent la blonde de ses pensées. Voyant que le nouvel arrivant est pacifique, le Fouinette avait sorti sa truffe pour l'observer. Elle l'avait presque oublié tant il était discret.

Suis-je sotte, je ne t'ai même pas présenté Biscuit. N'est-il pas adorable ? Julio a trouvé ce pauvre amour mourant dans une ruelle ! Il est timide mais il a l'air de se détendre.

Elle accorda ensuite un regard à la Flamiaou, qu'elle avait malheureusement un peu délaissée dans cette conversation.

Et comment se porte ton Pokémon ? interrogea-t-elle, cherchant à masquer le fait qu'elle en avait oublié le nom.

Ce n'était pas son monstre certes, mais elle regrettait de ne pas s'en souvenir. Après tout, c'était la plus vieille amie de son cousin.
Soudain, une pensée traversa l'esprit de Lumière à la vitesse du train express. Ses yeux s'illuminèrent d'impatience tant elle espérait une réponse positive.

Depuis tout ce temps, tu as sûrement capturé de nouveaux Pokémon, non ? demanda-t-elle, un sourire niais aux lèvres. Ç’aurait été une belle occasion d'en apprendre plus sur eux : les encyclopédies des "Pokémon pour les Nuls" atteignaient vite leurs limites.

C'en était fini de l'air de femme sérieuse et mature que cherchait à se donner Lumière. En entendant son cousin parler de ses Pokémon avec tant de fierté dans les yeux, les siens montraient son excitation et son admiration, dignes d'une enfant. Pour beaucoup, la fascination pour les monstres de poche venait avant même l'âge de raison. La jolie blonde s'estimait dépourvue de ce moment-clé de l'enfance et n'avait aucune honte à le vivre presque adulte. A vrai dire, qui l'aurait jugée ? Quand on a un visage comme le sien, le ridicule rime avec le mignon.
De plus, plus le temps passait, plus il semblait que cette phase n'en était pas une. La Galarienne découvrait-elle enfin ce qu'était réellement une passion ? Elle aimait danser, elle aimait les bons petits plats, monter à Galopa et se parer de beaux vêtements mais rien qu'elle ne qualifierait d'essentiel à sa vie. C'était un vide à combler dans sa vie, elle qui jalousait les autres personnes pleines d'ambitions et de rêves, comme Rohann. Plus le temps passait, plus il semblerait que son intérêt pour ces créatures serait son échappatoire.

L'apprenti ranger appela l'un de ses tout nouveaux amis pour le présenter à la jeune fille. Impossible de ne pas reconnaître l'espèce. Un lapereau d'un blanc immaculé, aux yeux ronds et enfantins, donc les longues oreilles colorées d'un rouge-orange trahissaient les pouvoirs de feu. Quoique, ce Flambino avait une teinte quelque peu déroutante. C'était assez subtil pour que l'héritière ne puisse affirmer s'il était chromatique. Elle aurait bien demandé confirmation au dresseur de la bête bondissante, si elle n'avait pas eu peur de poser une question trop stupide.

Il est adorable ! s'exclama-t-elle, surjouant à peine. Personne ne serait jamais plus mignon que Biscuit, c'était un fait. Mais le lièvre semblait si heureux d'avoir été complimenté, elle n'allait pas lui enlever cette joie.

Les cris de femmes non loin firent sursauter Lumière. Rohann était visiblement bien agacé, il ne cacha d'ailleurs pas cette émotion, se retournant vers les piailleuses pour leur demander le silence. Une assurance qu'elle aurait aimé avoir. Elle aurait aimé naître garçon des fois, elle pensait qu'elle aurait eu plus confiance en elle ainsi.
Quoique... elle se ravisa vite lorsque les intéressés crièrent encore plus fort leur mécontentement. Quant au garçon aux cheveux cendrés, il avait lâché l'affaire, pas assez téméraire pour tenir tête aux furies, et la demoiselle ne pouvait lui en vouloir. Même avec une carrure d'armoire à glace et quelque chose entre les jambes, elle n'aurait pas souhaité avoir quoi que ce soit à faire avec elles. Peut-être vaudrait-il mieux s'installer ailleurs s'ils ne voulaient pas subir leurs chamailleries. Le duo était apparemment du même avis. De toute façon, Lumière avait déjà fini son sandwich.

Elle laissa son cousin se lever le premier, débarrassant sa jupe et sa veste des dernières miettes accusatrices, puis le suivit. Elle se voyait déjà débarrassée des enquiquineuses lorsqu'un éclat encore plus assourdissant retentit. Une gifle. Le son est reconnaissable entre mille. La blonde ne peut s'empêcher de se retourner, curieuse et un peu inquiète. Elle ne souhaitait pas assister à quelque pugilat de rue, d'autant qu'elle se sentait coupable par leur intervention, qui n'avait visiblement fait que les énerver davantage.
Seulement, il n'y eut pas de second coup : avant que la personne ne puisse répliquer, son Pokémon s'enfuit en pleurant aussi vite que ses petites ailes le lui permettaient. Elle avait maintenant l'air bien bête et désolé, incapable de courir assez vite pour rattraper le Togetic. Le coeur de la Solano se fendit devant une telle scène. Si les bagarreuses avaient eu ce qu'elles méritaient, elle avait bien de la peine pour le pauvre monstre qui avait préféré fuir sa maîtresse. Elle lança un regard au jeune homme, incertaine et hésitante.

Peut-être devrions-nous faire quelque chose ? Je m'inquiète pour le Pokémon et je n'ai pas envie que la situation dégénère entre ces deux-là. murmura-t-elle, montrant les concernées d'un signe de tête; car pointer du doigt, c'est malpoli.

Pour une jeune fille, c'était bien mal élevé de se mêler des affaires d'inconnues. Le regard de ces dernières fit même déglutir la Galarienne, qui regrettait soudain d'avoir voulu leur donner un coup de main. Peut-être aurait-elle dû les laisser se débrouiller, au final. Si ce n'était pour ce Togetic qui risquait de se perdre, elle aurait fui à toute allure loin des embrouilles.

Heureusement, Rohann avait plus de flegme qu'elle : il avait osé tenir tête une seconde fois au duo enflammé. Cette fois, elles semblaient plus coopératives. C'était compréhensible : l'une venait de perdre son Pokémon et l'autre grimaçait de culpabilité à l'idée de l'avoir mis en danger. Nul doute qu'elles attendraient, effectivement, maintenant remises à leur place.

Je ne connais pas encore Pryderi par cœur alors je ne peux pas te l'assurer, mais ce ne sont pas le genre de ruelles dans lesquelles j'aime m'aventurer, si tu vois ce que je veux dire... répondit-elle à la question de son cousin.

Bandits, brigands, pickpockets, meurtriers, assassins, que de fieffés bonshommes pouvaient se dissimuler dans l'ombre de ces coupe-gorge ? En réalité, et Lumière le savait, le plus grand danger résidait dans les Pokémon errants. Elle tenta de se rassurer en s'imaginait des créatures plus sympathiques zigzagant entre les poubelles, ce qui la détendit un peu. Malgré tout, les monstres qui trainaient dans les allées mal famées étaient rarement sympathiques, eux-même : souvent des sales rongeurs prêts à tout pour se nourrir et attaquant les humains de peur de se faire attaquer eux-mêmes.
C'était compréhensible que des animaux cherchant à défendre leur territoire et leur peu de nourriture soient un peu à nerf, voire agressif, d'ailleurs. Le souci était que la Fée s'était dirigée dans une rue sûrement infestée de vermine sans regarder derrière elle.

Ça ne me fait pas vraiment plaisir d'y aller, mais il risque de se faire attaquer si on ne le trouve pas avant, murmura la jeune fille, à peine assez fort pour que son interlocuteur l'entende.

Elle prit néanmoins son courage à deux mains. Allez, elle se faisait des idées, un véritable film dans sa tête, mais son cerveau resterait au Pokéwood pour aujourd'hui. Elle serra le poing avant d'avancer, tremblante, précédée par un Julio méfiant, prêt à en découdre avec toute une bande de criminels.
Le Fouinette, lui avait tellement peur qu'il s'était glissé en boule sous le manteau de sa dresseuse.

Rohann avait dû sentir l'incertitude dans les mouvements de sa cousine, aussi assurée voulait-elle paraître. Etait-elle si facile à lire que ça ? A cette idée, elle soupira, tant de déception que d'apaisement. Sans mentir, elle était ravie de se sentir soutenue. Le jeune homme et son félin bondirent devant elle, la laissant clôturer la marche. Lorsqu'il se retourna pour demander au canard s'il serait apte à seconder Cynder, celui-ci gonfla ses plumes et sa poitrine.

Oublierais-tu de quel Julio tu parles ? Évite ce genre de questions ou il risquerait d'exploser d'orgueil ! plaisanta la blonde.

Faisant confiance à l'apprenti ranger, elle le suivit, aveuglément. Il avait l'air sûr de lui, sûrement avait-il pu voir le fuyard de là où il était. Du moins la Galarienne l'espérait. Plus vite cette mésaventure dans les recoins les plus malodorants de Pryderi serait terminée, mieux elle se porterait. Ah, et accessoirement, elle n'aurait pas souhaité que la Fée se perde et se fasse attaquer.
La ruelle était sombre. On n'y voyait quasiment rien, même à quelques pieds devant soi. Cela n'empêchait absolument pas le lapin blanc de bondir joyeusement autour de la troupe, sans grande surprise de la part de Lumière. Elle le connaissait depuis peu mais sa personnalité n'était pas bien complexe : un jeune chenapan avec trop d'énergie pour son propre bien, et surtout celui de son dresseur. Combien de temps allait-il tenir avant de craquer ? Pauvre Roro.

Un cri suraigu interpela la jeune fille. Elle avait bien reconnu celui de Biscuit, trop près de ses oreilles pour ne pas les faire grésiller. Elle n'eut pas le temps de se retourner qu'elle sentir une créature lui grimper sur le dos, puis une seconde. Elle poussa un glapissement semblable à celui du Fouinette, faisant immédiatement accourir le Palarticho, dans un bond formidable. Rien de cassé pour la demoiselle qui tremblait encore d'horreur en voyant les deux Zigzaton bondir de sa tête pour se glisser entre les jambes de Rohann. Visiblement, quelque chose les intéressait plus loin dans le ruelle. Pas le Togetic, espérait-elle.

Je-.. euh... hum... balbutia-t-elle, essayant de retrouver son calme, se sentant salie par les sales pattes des habitants des égouts sur ses beaux vêtements de luxe. Est-ce que tu penses qu'il faudrait le suivre ? demanda-t-elle, le regard suppliant.
Son instinct lui disait que oui, sa raison lui disait qu'elle ne voudrait plus jamais revoir les horribles rongeurs rayés. Elle ferait néanmoins confiance au ranger. Elle n'oserait pas contester sa décision, elle qui n'y connaissait rien aux Pokémon.

Pas de chance pour la jolie blonde : son cousin était d'accord avec elle. Il était bel et bien probable que les rongeurs des rues soient, eux aussi, à la poursuite du petit être qu'ils avaient vu partir se cacher au fond d'une impasse sentant bon les ordures. Elle déglutit à l'idée de suivre ces horribles racailles, mais prit son courage à deux mains et suivit le garçon aux cheveux d'argent. Elle s'efforça de penser au pauvre Togetic et à sa maîtresse qui l'attendait, sûrement bien malheureuse, pour trouver la motivation de continuer sa quête, alors que rien ne l'empêchait de retourner chez elle se réfugier dans ses draps, si ce n'était un sens de l'honneur plus ou moins présent. Elle était trop bien éduquée pour abandonner un être dans le besoin, c'est tout.

Une vue horrible attendait les Galariens une fois au fond du cul-de-sac. La seule chose positive était qu'ils avaient retrouvé la Fée, pleurant toutes les larmes de son corps. Devant lui, une armée de Pokémon des rues. En plus des Zigzaton qui avaient surpris Lumière, plusieurs Rattata étaient prêts à attaquer. Le dégoût s'emparait de la jeune fille. Pour peu, elle aurait vomi.
Mais ce n'était pas le moment de flancher. En effet, si elle avait montré le moindre signe de faiblesse, il était plus que probable que les monstres s'en prennent à elle aussi. Pas que la petit bête mange la grosse, évidemment... c'est juste que dans ce genre de situation, il était difficile pour l'héritière de rationaliser et de se souvenir que, non, aussi nombreux étaient-ils, elle ne risquait pas de se faire dévorer vivante par les rats et les ratons.

Je suppose que nous n'avons pas le choix... Biscuit, je suis navrée, mais nous avons besoin de toi !

Le Fouinette couina, un bruit qui sonna à moitié comme un pleur, à moitié comme une plainte, alors que sa dresseuse le sortait de son dos pour le laisser descendre de ses bras. Il était en infériorité par rapport à l'armée de sales bêtes devant lui. Jamais il ne pourrait les battre à lui seul !

Utilise Roulade pour les effrayer !

Le furet n'était pas pour autant en confiance, mais avait-il le choix ? Il obéit et se mit en boule avant de rouler de plus en plus vite en cercle, dispersant les ennemis cherchant à ne pas se faire percuter. Vite, ils perdirent leurs moyens, ne sachant trop où se mettre pour éviter le bolide. Julio se plaça devant sa protégée, repoussant un à un les brigands qui avaient le malheur de s'approcher d'elle dans leur panique.
Pour le reste, elle comptait sur Rohann , sa Flamiaou et son Flambino. Ils étaient plus puissants et expérimentés que Biscuit et arriveraient sûrement à en défaire quelques uns, de quoi faire fuir le reste de la troupe...

Comme l'avait prédit Lumière, Ash et Cynder s'avérèrent ête des alliés précieux. Prudents, ils n'usèrent pas de leurs capacités de feu : ils auraient pu toucher le Fouinette ou pire, déclencher un incendie. Avec la décharge qu'était cette impasse, il devait y avoir plus d'un produits hautement inflammable qui attendait la moindre étincelle pour faire parler de lui. Malgré ce handicap que leur avait imposé leur dresseur, le chat et le lapin n'eurent aucun mal à mettre en déroute l'adversaire. Une fois dispersée par l'attaque Roulade, quelques coups de pattes bien placés et des griffures dans tous les sens, la foule des barbares se sauva, bien loin du champ de bataille. Vraiment, ce Togetic ne valait pas le coup, ils trouveraient une autre proie à massacrer.
Détendue, la blonde appela Biscuit, qui se relevait tout juste, encore étourdi après tant de galipettes. Il se hâta néanmoins, trottinant gaiment vers elle, bien content que cette mésaventure soit arrivée à son terme. Il grimpa à toute allure le long de son bras, avant de se réfugier à nouveau dans sur son perchoir favori.

Pendant ce temps, Rohann avait pris l'initiative d'approcher la Fée. Ses mots et ses gestes étaient doux : on y voyait tout l'amour qu'il portait pour les Pokémon. Il n'avait pas choisi sa voie par dépit, loin de là. Pourtant, le monstre perdu semblait effrayé. Sans fuir aussi vite qu'il ne l'avait fait plus tôt, il cherchait à échapper à son toucher et n'écoutait pas ses belles paroles. Que faire d'un cas pareil ?
La Solano fut bien surprise que son cousin l'interpelle. Son étonnement était palpable, même, puisqu'elle manqua de faire un pas en arrière. Si lui n'avait pas pu se faire entendre, en quoi pourrait-elle faire mieux que lui ? Elle n'avait pas les capacités d'un ranger. Mais... il aurait été malvenu de ne pas tenter sa chance. Et puis qu'aurait pensé Rohann d'une sale gamine jalouse de son talent ? Elle avança vers le Togetic, visiblement hésitante, la main droite légèrement devant elle, comme pour l'inviter à recevoir une caresse.

Il ne faut pas avoir peur de nous, voyons, il dit vrai. Ta maman doit s'inquiéter...

Petit lapsus, peut-être, de Lumière. Que penserait-on d'elle si on l'avait vu s'autoproclamer "maman" de Biscuit ? Elle était complètement folle de la fouine rondelette mais ne l'assumait pas vraiment.
Il était peu probable que le Pokémon ailé ait vraiment compris les paroles de la jeune fille, mais il sembla plus rassurée. Sûrement sa voix, plus aiguë que celle de l'apprenti ranger, lui rappelait-elle celle de sa propriétaire. C'était possible, en effet, qu'il n'ait pas l'habitude de voir des hommes. Vu la furie qu'était sa dresseuse, elle avait dû en faire fuir plus d'un dans sa vie.
Un peu réticent, mais comprenant qu'il serait plus en sécurité avec ces humains inconnus que sans escorte, il voleta pour rester à proximité d'eux. Il ne toucha pas la main de Lumière comme elle l'avait espéré mais elle se satisferait de cette petite victoire.

Regarde, Rohann, il nous suit enfin ! tenta de chuchoter la Galarienne, masquant difficilement son excitation, Dépêchons-nous de sortir de ce dépotoir...

Ne laissant pas vraiment le temps au garçon de répondre, elle enjamba un sac poubelle à moitié explosé, faisant attention à ne pas souiller ses bottines. Berk, vivement qu'elle retourne à la civilisation.

Lorsque le petit groupe sortir enfin du labyrinthe de ruelles, ce fut comme une libération pour Lumière : les rayons du Soleil l'éblouirent presque ! Dans une comédie musicale du Pokéwood, son personnage aurait sûrement dansé de joie avant de pousser la chansonnette. Plus modeste, elle se contenta d'absorber une bonne bouffée d'air pollué, si rafraîchissante après l'odeur de déchets qui avait envahi ses narines.

Quand la propriétaire du Togetic le vit arriver, elle poussa un glapissement digne d'un bébé Goupilou. Elle se sépara de sa rivale, avec laquelle elle avait partagé un moment de tendresse, comme retrouver son Pokémon.
Ce dernier était toujours froissé par ce qu'il venait de se passer, mais sa maîtresse était manifestement calmée par cette mésaventure. La Galarienne ne la voyait pas remonter sur ses grands Galopa pour recommencer une dispute. C'était une bonne leçon d'apprise et elle éviterait ce genre d'effusion la prochaine fois... en tout cas, pas en présence de la Fée, l'espérait la Solano.
Rohann, quant à lui, partageait le soulagement de sa cousine en voyant la créature et son humaine réunis. C'était une drôle de façon de renouer des liens avec un membre de sa famille mais l'héritière avait pu en tirer une conclusion rassurante : le jeune homme qu'elle avait trop peu connu était aussi sympathique que dans ses souvenirs. Le savoir dans la même région qu'elle, la possibilité d'avoir un ami à quelques heures de train ou de taxi lui mettait le baume au cœur. S'il acceptait de l'accompagner, elle aurait même de la compagnie pour assister au bal de Breith de Bronswick, et ainsi une excuse pour ne pas avoir à retourner à Motorby, avec ses parents, le temps des célébrations.

Une cloche sonna quatorze heures trente, surprenant Lumière et la tirant de ses pensées. Ce petit détour lui avait pris plus de temps qu'elle ne l'avait pensé... Ses sacs de provisions ne risquaient pas de se gâter hors du frigidaire : la météo était assez froide pour imiter les conditions de conservation. En revanche, elle n'était pas clémente pour les Pokémon de la jeune fille. Julio se voulant impassible ne pouvait pas cacher ses pattes palmées tapant frénétiquement le pavé pour chercher à les réchauffer et son humaine sentait la boule de poils geler sur ses épaules. Il était temps d'emmener ces pauvres monstres se reposer au chaud.

Je suis navrée, Rohann, mais je vais devoir m'éclipser : Julio et Biscuit vont avoir besoin de se reposer après tout ça. Mais restons en contact !

Avant de finir sa phrase, Lumière fouilla dans son sac à main, avant d'u trouver un minuscule agenda et un stylo bille : une grande révolution pour quelqu'un qui avait dû apprendre à écrire à la plume et à l'encre ! Aussi vite que lui permettaient ses mains gelées, elle griffonna un numéro de téléphone, qu'elle plia soigneusement avant de le placer dans la main de l'intéressé.

Il faudra qu'on se revoie, pour Breith peut-être ? demanda-t-elle avec un sourire timide.

Après quelques salutations, elle se retourna, direction l'appartement. Le Palarticho eut tout juste le temps d'attraper le sac de courses qu'elle lui refourgua, peu ravi mais il ne se plaint pas - chevalier servant qu'il était. Malgré son sourcil froncé, il était heureux que sa protégée ait pu passer du temps avec une vieille connaissance.