Glissade inopinée [pv Saoirse] {Mission}

Le froid mordant de ce début d'après-midi prit Saoirse à bras-le-corps lorsque, après trois bonnes heures de marche, il parvint à se hisser au sommet d'une corniche qui surplombait le flanc rocheux de la montagne. Les Monts Frillan s'étendaient sur des kilomètres… Le panorama était assez exceptionnel et le jeune homme, absorbé dans la contemplation de ce paysage extraordinaire, sentit tout le poids du monde s'abattre sur ses épaules. Il se sentait… Minuscule. Oui, dans l'immensité de cette nature sauvage, déchaînée, il n'était qu'une petite vermine… La dernière fois qu'il avait eu un tel sentiment, c'était devant son ancien patron, lorsqu'il l'avait licencié après quelques mois d'absence forcée. La perte de sa fiancée puis de son emploi avaient marqué une rupture définitive dans sa vie. D'Unysien orgueilleux, peut-être même un peu vaniteux, il était passé à garçon bourré d'insécurités et de déceptions profondes. C'était une blessure qui ne parvenait pas à guérir et, à la vue de ces reliefs épineux, abrupts, qui semblaient déchirer l'atmosphère glaciale de la montagne, il était de nouveau en proie à un étrange malaise.
Autrefois, pourtant, cette immersion complète dans la nature lui faisait le plus grand bien. Il s'était toujours senti libre en montagne, en campagne ou en forêt. Et c'était d'ailleurs ce sentiment de légèreté, d'absence de contraintes, d'angoisses qu'il était venu chercher en gravissant le Mont Frillan. Malheureusement, l'effet semblait contraire, et il ne put réprimer un long soupir exaspéré : rien ne marchait, dans cette région. Il était condamné à souffrir chacun de ses déplacements, chacune de ses décisions.
Tout se changeait en torture, et le rouquin, au prix d'un salaire dont il avait de plus en plus besoin, songeait sérieusement à repartir dans son pays. Les grattes-ciels de Volucité lui manquaient horriblement. Il y avait un immense vide en lui, un néant qu'il essayait tant bien que mal de combler, sans jamais y parvenir.
Et quelque chose au fond de lui lui faisait entendre qu'il n'y arriverait peut-être jamais.

Le miaulement interrogateur de Tara le tira de son introspection… Il lui adressa un petit regard froid, que la Miaouss de Galar ne sembla guère apprécier : même entre eux, la communication devenait difficile. La chatte était une éponge : elle sentait le mal-être de son dresseur et le prenait peu à peu pour elle, le déchargeant en des crises de colère et d'hystérie de plus en plus fréquentes. L'autre jour, à Eideann, elle lui avait fait honte devant un vieux conservateur Kerosien. La situation l'avait un instant rendu complètement fou. Il s'était senti misérable, et la colère avait violemment serré sa gorge. Franc, oui. Il l'avait toujours été. Juste, aussi. Et les critiques, il ne les avait jamais appréciées. Pourtant, ô grand jamais il n'avait provoqué frontalement un vieil homme. C'était pitoyable. Il ne se reconnaissait plus.

Grommelant quelques mots qui se fondirent dans le silence presque religieux de la montagne, il fit volte-face et appela ses deux Pokémon à le suivre. Terence profitait du grand air avec un immense plaisir. Il flottait tranquillement à ses côtés, et lorsque Saoirse respirait ses vapeurs, il se sentait soudainement plus serein… C'était bien là toute la magie de cette extraordinaire créature : autant dire que par ces temps difficiles, son aide n'était pas de refus.
Pour se faire pardonner de sa froideur, il se pencha et prit doucement Tara dans ses bras, lui donnant quelques caresses réconfortantes. La Miaouss ronronna bien vite, heureuse de cet apaisement. Il s'excusa à demi-mot, et la garda contre lui sur une bonne centaine de mètres, se réchauffant au contact de sa fourrure duveteuse.

Ils étaient bientôt arrivés à destination, du moins si la carte disait vrai. Le grand lac du Mont Frillan, gelé en cette saison, ne devait être bien loin… Et ce fut en effet au bout d'un bon quart d'heure qu'ils arrivèrent à bon port. Un vent glacial soufflait sur sa surface gelée. Un frisson parcourut le corps souffrant de Saoirse, tout courbaturé d'un effort auquel il n'était plus vraiment habitué.
Il se laissa un instant tomber sur une roche qui se trouvait sur la rive, reprit son souffle et chercha dans son sac quelques friandises pour récompenser ses pokémon. Il avait laissé sa nouvelle recrue dans son appartement, trop fragile pour resister au grand froid de la montagne… Ces deux-là étaient bien suffisants pour lui tenir compagnie, d'autant plus qu'il devait garder un œil attentif sur la minette, extrêmement curieuse.
Il bâilla à s'en décrocher la mâchoire et se figea parfaitement en entendant une voix un peu plus loin.
Tara laissa échapper un petit roucoulement étonné et, avant que le jeune homme puisse prévenir sa fuite prochaine, elle se carapata vers l'origine du bruit.

Saoirse l'appela mais la Miaouss avait filé à une telle vitesse qu'elle ne l'entendit pas. Il poussa un long soupir et courut à sa suite, d'abord doucement, puis un peu plus vite, tranquillement suivi par un Terence qui était depuis bien longtemps habitué à ce genre de situation.
Plusieurs fois il cria son nom, mais elle ne daigna s'arrêter qu'au pied d'un randonneur, de l'autre côté du lac, après une course-poursuite effrénée.
À bout de souffle, il se figea et se plia en deux, pour saisir la chatte sous les pattes :

━ Aaaah… Tara…! Tu vas finir par me tuer…! Il leva les yeux sur la figure de l'inconnu : fine, très fine, affublé d'une chevelure flamboyante. Il avait l'air un peu préoccupé, tout comme le Rocabot qui l'accompagnait. Bonjour ! Désolé, j'ai dû vous faire peur… Et elle aussi.

Il ne forçait pas beaucoup. À vrai dire, s'il avait pu éviter de croiser quelqu'un, il l'aurait fait. Il n'était typiquement pas dans le genre de jour prompt à socialiser…
Mais le destin en avait décidé autrement ! C'était comme ça.
Terence arriva à leur niveau, et salua le jeune homme d'une noble révérence aérienne. Puis, toujours alerte, il ne tarda pas à remarquer quelque chose au milieu du lac… C'était de petites tâches blanches, frissonnantes…
Saoirse plissa un peu les yeux, s'avança tout près de la surface entièrement gelée et laissa échapper une petite exclamtion étonnée :

━ M-Mais… Ce sont… Des Pokémon, au milieu du lac…? Comment se sont-ils débrouillés pour se mettre dans une telle situation…? Il se tourne vers le garçon et l'interrogea du regard. Vous venez d'arriver ? Ça fait longtemps qu'ils sont là…? Il ne faut pas les laisser dans cette situation… Mais la surface du lac risque de se briser si on marche dessus.

Terence rejoignit son dresseur au bord du lac, observant lui aussi les petits Polarhumes avec un drôle d'air. Car c'était bel et bien des Polarhumes qui s'étaient entassés au milieu du lac, glissant à chaque mouvement, retombant fermement sur la glace, incapable de se sortir de leur mauvais pas.
Les Pokémon se mettaient parfois dans de drôles de situations. C'était un constat du pokémon ranger diplômé qu'il était depuis un peu moins de six ans. Il en avait secouru, des créatures. Et à chaque fois, il s'était étonné du contexte dans lequel il les avait pu les trouver. Cette fois-ci, même s'il n'était pas en service, faisait clairement concurrence à toutes les missions du même genre qu'on avait pu lui assigner. Jamais il n'avait croisé de Pokémon glace capable de se coincer au milieu d'un lac. C'était tout simplement irréel… Aussi laissa-t-il finalement échapper un petit rire désabusé, qui lui attira une œillade perplexe de la part des deux têtes de Terence. Il haussa les épaules à son attention, serrant toujours sa Miaouss dans ses bras.

L'inconnu, quant à lui, semblait presque plus étonné de sa présence que de celle des Polarhumes. Pourtant, il ne lui fit pas l'affront d'ignorer ses questions, et y répondit assez honnêtement, tout aussi embêté que lui. Le rouquin en profita pour offrir quelques caresses au Rocabot qui était gentiment venu le saluer. Tara, évidemment, n'apprécia guère cette présence canine et se blottit contre le torse de son dresseur, qui ne la força pas à descendre, bien conscient des problèmes que cette initiative pourrait poser.  
Finalement, il poussa un petit soupir qui marquait son ennui et esquissa un léger sourire à l'adresse du jeune homme :

━ Eh bien, dit-il, nous voilà dans de beaux draps ! Mais il doit certainement y avoir une solution.

C'était même sûr. Il y avait toujours des solutions, et des bonnes. Rien n'était impossible après tout, et s'il fallait se résoudre à braver le danger de marcher sur cette étendue gelée, il le ferait, au risque de se retrouver dans l'eau glacée du lac et de devoir nagé, transi, jusqu'à la berge.
Mais il fallait être honnête : il ferait tout pour éviter ce scénario catastrophe. Il devait sans doute y avoir d'autres alternatives, bien plus simples et sécurisantes. Un instant, il pensa y envoyer Tara. La chatte était assez légère, ne craignait pas trop le froid et ne se montrait pas feignante dans de telles situations. Elle parviendrait peut-être à aider les Polarhumes… Mais, en même temps, il ne pouvait pas prévoir la réaction des Pokémon sauvages face à sa Miaouss. Les dents effilées de la minette en effrayaient souvent plus d'un.
Il passa une main nerveuse dans sa chevelure carotte et revint vers le garçon :

━ C'est vrai qu'avoir un pokémon vol aurait été particulièrement utile… Il pensa qu'à l'avenir, il penserait à en capturer un. Peut-être que votre Rocabot pourrait essayer de les amadouer…? Mais en même temps, je ne vois pas trop comment il pourrait se débrouiller pour les faire revenir sur la berge. Ils m'ont l'air vraiment maladroits.

À ces mots, Terence, qui surveillait encore d'un œil inquiet la petite troupe, laissa échapper un petit cri en écho qui ne put qu'attirer leur attention. Entreprenant un petit ballet aérien au-dessus du lac, il semblait montrer qu'il était tout à fait capable d'intervenir.
Saoirse se montra dubitatif : le pokémon n'avait ni bras, ni serres. Il lui serait difficile de leur venir en aide. Il ne voyait pas du tout où son Smogogo de Galar voulait en venir… Si ce n'était simplement là une manifestation de sa bienveillance naturelle, ce qui était tout à son honneur… 
Il se plongea pourtant dans une courte réflexion, songeant aux capacités de son compagnon, et mit finalement la main sur une potentielle solution. Ce n'était pas bête, mais il n'était pas sûr de son efficacité. Seule une application concrète pourrait répondre à cette question.

━ Peut-être… Commença-t-il, peut-être que nous pourrions… Comment dire…? Les pousser son la glace ? Terence connaît Vent féérique. Une puissante bourrasque serait certainement capable de les faire glisser sur la surface…?

Il chercha une approbation de la part de l'inconnu et laissa finalement échapper un petit rire gêné :

━ Désolé, mes idées doivent vous paraître… Un peu tirées par les cheveux, et je ne me suis toujours pas présenté. Je m'appelle Saoirse, et vous ? Vous êtes aussi en randonnée ?

Serrant plus que jamais Tara dans ses bras, tout frissonnant à cause de cette pause prolongée dans sa randonnée, Saoirse commença à claquer des dents, pris par le froid glacial environnement. La proximité de ce lac gelé n'arrangeait rien : rien que de le voir, il en avait des tremblement jusqu'à l'implantation de ses cheveux. Aussi la chaleur naturelle de la minette le réconforta un peu alors qu'il esquissa un sourire tremblant à l'adresse du jeune homme.
Ce dernier n'avait pas l'air des plus bavards. Pas du tout, même. Et si le rouquin essayait de socialiser, ce n'était pas sans difficulté. Il forçait un peu le trait, essayait de se rappeler son aisance d'antan, sans pour autant y parvenir entièrement. Aussi son sourire s'effaça-t-il à la réponse brève et un peu froide de l'inconnu. Son Rocabot, qu'il avait pris dans ses bras, était nettement plus enjoué que lui, et c'était assez désespérant.
Mais soit. Il allait faire avec. De toute façon, une fois qu'il aurait tiré les polarhumes d'affaire, il reprendrait la route vers l'objectif qu'il s'était fixé. Inutile de s'accrocher comme un Kokyas à un rocher : il n'était pas atteint par sa solitude, la vivait même très bien – c'était du moins ce qu'il essayait de croire – et ne comptait pas plus que ça se faire des amis.
Il acquiesça donc bêtement, montrant ainsi qu'il avait entendu son nom. Keith. Était-il de Keros ? Si oui, alors il n'y avait plus rien à faire pour sauver les meubles. Tous étaient aussi antipathiques les uns que les autres… À moins que ce ne soit lui qui pose problème ? Ah, c'était bien possible. Et lorsque cette idée lui traversa l'esprit, il se sentit pris d'une profonde mélancolie. Il n'avait sans doute pas sa place dans cette région, voilà tout. La culture des environs, il ne parvenait pas à s'en imprégner.

Se montrant vaguement curieux, il détailla l'accoutrement du garçon. Randonneur, vraiment ? Il n'avait rien d'un randonneur. Tout ce qui attirait son attention était son appareil photo à bandoulière.
Le jeune homme haussa un peu les sourcils : sa fiancée avait le même. C'était son père que lui avait offert pour ses vingt-quatre ans. Le rouquin pinça un peu les lèvres :

━ Photographe plutôt, non ? C'est un excellent modèle, pour l'avoir utilisé à plusieurs reprises. Mais les pellicules coûtent cher, si je me souviens bien.

Petite anecdote rapide pour détendre l'atmosphère. Il tendait une perche… Si elle n'était pas attrapée, il n'en ferait pas un malheur.
Aussi préfara-t-il finalement s'occuper de l'objectif premier : sauver les Polarhumes. Vu que son cher camarade ne voyait aucune objection à mettre en pratique son idée, il allait le faire sans attendre.
S'avançant auprès de Terence, captant tout l'attention de celui-ci, il dressa son plan d'action :

━ Approche-toi au plus près d'eux, et montre-toi gentil, Terence. Cela ne sert à rien de les effrayer… Aux grommellements mécontents du Pokémon, Saoirse fit la moue. Mais non ! Je ne dis pas que tu as des têtes à faire peur. Mais des Polarhumes… Ce n'est pas forcément très courageux, tu vois…? Allez. Tu les rejoins, tu leur expliques… Et tu utilises vent glace aussi fort que tu peux, vers la rive. Ok ? Ça marche pour toi ?

Le Pokémon acquiesça et s'exécuta sans attendre. Dans les situations de crise, Terence savait l'écouter, surtout lorsqu'il était en accord avec ses ordres. D'un naturel bienveillant et protecteur, la créature ne voulait certainement pas laisser les oursons dans la panade. Non, il ferait tout pour leur porter main forte.
Aussi s'approcha-t-il de la petit troupe, et sous les yeux plissés du ranger, qui essayait de ne rien rater de la scène, conversa un instant avec les trois pauvres créatures. Obtenant visiblement leurs accords, et il mit donc en place le plan : se dressant non loin d'eux dans les airs, il souffla donc un vent puissant… 
Si les oursons glissèrent un peu sur la glace, ils ne parcoururent que quelques mètres à peine, au grand désarroi de Saoirse. Ce dernier ce tourna vers Keith et fit la moue, comme Tara qui imita son expression par principe :

━ Ah… Il fallait s'en douter, vous aviez raison. Une autre idée…?

Il savait déjà la réponse, et c'était purement et simplement une question cordiale. Lorsqu'il tourna de nouveau son regard désespéré sur le lac, néanmoins, il fut bien étonné de la scène qui se joua sous ses yeux. Pris d'impatience, le Smogogo de Galar s'était posé sur la glace, et incitait les trois polarhumes à monter sur ses cheminées. L'un d'entre eux y arriva sans problème. Les deux autres l'imitèrent, non sans mal, et lorsque tout le monde fut bien accroché, il décolla doucement, ralenti par le poids de ses petits passagers.
Tous piaillaient de contentement, et Saoirse éclata d'un rire franc.
Il se tourna vers Keith et désigna son appareil d'un signe du menton :

━ Ça mériterait une photo, vous ne pensez pas ?

Il fallait profiter de l'occasion. Bientôt, Terence et les Polarhumes auraient rejoint la rive.

Lui-même aurait à cet instant aimé posséder un petit polaroïde pour immortaliser ce glorieux moment… Mais malheureusement, ce n'était pas son cas. Alors, il se contenta d'observer la scène avec beaucoup d'attention pour la graver définitivement dans un coin de sa mémoire. Peut-être pourrait-il raconter cette fabuleuse aventure à Rohann lundi ? Il le ferait rire. L'ambiance s'était un peu détendue entre eux : petit à petit, ils prenaient leurs marques.
En tout cas, toute cette expérience avait considérablement lui remonté son moral : ce n'était pas tous les jours qu'on pouvait observer un Smogogo de Galar portant une petite troupe de Polarhumes entre ses cheminées : image tout simplement irrésistible.

Il lui sembla d'ailleurs qu'il n'était pas le seul à s'amuser de cette scène. Le jeune homme à ses côtés paraissait aussi goûter au spectacle. Sa proposition eut d'ailleurs l'air de lui plaire, et il dégaina rapidement son appareil photo, ne se faisant aucunement prier.
Ce geste rappela au rouquin les longues shooting photo auxquels s'adonnait Christie dans le jardin de son père. Elle lui demandait parfois de poser pour elle, et il acceptait par gentillesse, pour ne pas la décevoir. Souvent, elle répétait qu'il aurait dû être mannequin. Le jeune homme désapprouvait franchement, trouvant qu'il n'avait rien de spécial pour tenir ce rôle.
Les clics de l'appareil avaient donc un petit côté nostalgique qui lui firent un instant perdre la notion du temps. Seule la voix de Keith le tira de ses pensées.
Il esquissa un petit sourire complice et le rassura gentiment :

━ Ne vous inquiétez pas. Moi-même je ne m'ouvre pas facilement aux inconnus, et c'est sans doute normal, surtout quand on est déjà un peu réservé…

Terence ne tarda pas à rejoindre la rive, tout sourire. Le félicitant chaudement, Saoirse invita Keith à l'aider pour libérer le pokémon fée des Polharumes. Il laissa Tara descendre de ses bras et doucement, s'approcha pour saisir un premier ourson, le déposant tendrement dans la neige. La créature eut tôt fait de sa carapater, peu rassurée par cette présence humaine. Le second, d'ailleurs, sauta tout seul du Smogogo et suivit son frère sans demander son reste. L'unysien se mit à rire et, fouillant dans son sac, sortit quelques friandises pour récompenser le Pokémon de la situation. Terence accueillit ce cadeau avec grand plaisir et dévora les bonbons goulument. Chaque tête fut considérablement gâtée… La Miaouss, évidemment, ne fut pas en reste et en réclama aussi… Incapable de lui refuser ces quelques douceurs, Saoirse lui en offrit de bon cœur.
Enfin, il tendit le paquet à Keith et se permit de caresser son petit compagnon qui se trémoussait de bonheur :

━ Tenez, Keith. Il en reste un fond pour Sherlock. Il le mérite. Nous avons bien travaillé : mission accomplie, comme on dit.

Un vent glacial s'était mis à souffler sur le lac gelé. Même Tara frissonnait… Son dresseur frictionna ses bras par-dessus son gros manteau. Peut-être ne monterait-il pas jusqu'à son objectif : redescendre était sans doute la meilleure chose à faire.
Mais avant ça… Il était bien curieux de découvrir les talents de photographe du jeune homme… Peut-être avait-il quelques exemplaires avec lui ?

━ Vous accepteriez de me montrer vos photos ? Au moins celles de Terence ? Avec un appareil comme celui-ci, vous devez être passionné et très doué.

Souvent, les photographes avaient avec eux quelques tirages de leur production. Mais, si ce n'était pas le cas de Keith, Saoirse serait tout de même ravi de recevoir une petite copie de son cliché du jour : Terence accompagné de ses Polarhumes devait constituer un excellent modèle. Il n'en doutait pas.    
Bien sûr, ça, c'était si le jeune homme acceptait. Après tout, il ne connaissait strictement rien de lui, et c'était tout réciproque. Il comprendrait tout à fait que Keith ne soit pas assez à l'aise pour lui envoyer une simple photo par la poste. Ce serait même… Assez logique. Quant à lui proposer un rendez-vous à Pryderi, peut-être était-ce un peu étrange ? Le rouquin ne savait pas quoi en penser.

Il allait lui proposer cette perspective lorsque le photographe le devança en avançant la même idée. Un petit sourire flatta ses lèvres fines et il acquiesça gentiment :

━ J'en serai vraiment ravi. Je vais vous donner mon adresse ; j'ai une boîte au lettre qui sera pressée de recevoir votre photo !

Tara vint se frotter contre ses jambes et Saoirse se pencha pour la reprendre dans ses bras. La minette ronronna fort contre le torse de son dresseur, qui leva les yeux et scruta le ciel qui s'assombrissait dangereusement. Un petit frisson parcourut son échine : il ne leur faudrait pas tarder ; se trouver dans une tempête en pleine montagne n'était jamais une bonne chose. C'était dans ces moments-là qu'un accident était vite arrivé.
Il fit part de ses doutes au garçon, réajustant son sac à dos sur ses épaules :

━ Je pense que nous devrions redescendre. Les nuages s'épaississent… Nous allons être gâtés d'une belle pluie dans un petit quart d'heure, si je ne me trompe pas. Il lui sourit et continua, sur un ton curieux. Vous logez quelque part ? Je vais rejoindre Peridot, pour ma part. Mais ce sera sans doute demain matin. Je campe au pied de la montagne, dans la vallée. C'est un endroit calme et agréable.

L'Unysien laissa à nouveau descendre Tara et ouvrit une fois accroupit son sac pour en sortir un petit carnet et un stylo qu'il prenait toujours avec lui. Rapidement, il gribouilla son adresse sur le papier et, une fois les indications au complet, arracha la page pour la tendre à Keith :

━ Et voilà ! N'hésitez pas à me contacter. Il y a aussi mon numéro de téléphone, si jamais vous passez à Pryderi. Je serai content de vous y accueillir si vous avez besoin d'un guide, même si je ne connais pas encore toute la ville par cœur.

Il ferma son sac après avoir tout convenablement rangé, et appela Terence pour qu'il revienne ver slui, alors qu'il s'était éloigné pour visiter le coin.
Ce fut alors qu'une détonation se fit entendre au loin, prémonition d'un gros orage. Tara couina de terreur, et Saoirse la gâta de douces caresses pour la rassurer :

━ On va rentrer ma toute belle, ne t'en fais pas. Au pire, un trouvera un recoin où se mettre à l'abri. Il se redressa et tendit une main franche au photographe, pour serrer la sienne, avant de gratouiller le crâne du rocabot. Je vous souhaite une bonne fin de journée, Keith, et j'ai hâte d'avoir de vos nouvelles, évidemment. À la prochaine ?

Il afficha un immense sourire, fit un petit signe de la main et s'engagea dans une descente qui le mènerait sur un chemin de randonnée pour retrouver la vallée, déjà discernable au loin. Terence et Tara saluèrent Keith et son Rocabot pour finalement le suivre précipitamment, bien décidés à éviter une éventuelle averse…