Ilya dort mal, son sommeil est agité. Des cauchemars, encore et toujours. Sans les médicaments du Docteur Raine, tout s'empire. Il est prostré dans son lit,entre les pattes de Peluche qui lui lèche de temps en temps le visage.
Il n'a que de brefs éclairs de lucidité dans lequels il trouve ironique son premier festival, les amis qu'il s'y était fait et le voilà séparé de tout le monde, ayant presque oublié sa sœur et rejeté par l'adolescent qu'il aime.
Plus que jamais il se sent seul. Misérable aussi. Mais c'est mérité. Ça devait bien arriver un jour. C'est juste que... Tous s'est enchainé de façon si catastrophique. Le Stranaïte peine encore à recoller les morceaux.
Et c'est dans son indifférence la plus totale que la brume trouve sa place dans le couloir de la mine désafectée qu'il occupe. Du brouillard, il en a tellement à Doon qu'on ne fait plus attention à force. Et quand aux étranges voix qui l'appellent. Bah, il a l'habitude aussi.
Pourtant, il n'arrive pas à trouver le repos.
Il sait qu'une voix paraît plus familière, plus réelle que les autres. Partagé entre la peur et la fatigue, il décide dans tous les cas de rester bien au chaud sous sa couette de fortune, couverte de poils de pokémons.
Zaria volète en paniquant soudain, il la regarde avec les sourcils froncés, il l'appelle, elle se pose sur son épaule, il tente de la calmer. Tout va bien, murmure-t-il. Serait-ce cette voix familière qui... Non, impossible, il est le seul à l'entendre... Pas vrai ?
Pourtant, dès qu'il lâche la Togekiss, c'est pour la voir voleter à l'extérieur en poussant de grands cris qui paraissent... Joyeux ?
Cela fait bien longtemps qu'Ilya n'a pas vue Zaria joyeuse.
Blyat ! Lâche-t-il en comprenant qu'il ne peut pas la laisser seule au milieu de ce chaos.
Il se tourne brievement vers Peluche et lui ordonne de s'occuper de la meute en son absence. Bonnie ne l'entends pas de cette oreille et grimpe sur l'épaule de son dresseur, l'audacieuse de la meute dans toute sa splendeur. Ilya soupire, il va devoir faire avec.
Zaria ne doit pas être bien loin, se dit-il. Et en effet, quelques pas à l'extérieur lui permettent de constater qu'elle volete juste un peu plus loin, dissimulée dans la brume. Ce qui surprends d'avantage le Stranaïte, c'est cette silouette nimpée de brouillard qui semble en pleine discution avec le pokémon.
Ilya s'avance prudemment jusqu'à ce que l'étrange personne se retourne vers lui, indiquant ainsi qu'elle a remarqué sa présence.
Je...Euh, bonjour... C'est mon pokémon et je... Je veux pas vous embêter plus longtemps alors...
Au travers de ce voile de brume, il discerne un sourire sur ce visage de porcelaine, si triste, si fatigué, si...
C'est encore flou à cause de Dévorêve mais... Il croit se souvenir. Incréduble, il regarde la femme de haut en bas, elle porte les mêmes vêtements que la dernière fois qu'il a put la voir. Il ne sait ni quoi dire ni quoi faire, figé par le choc. C'est finalement la jeune femme qui prends parole.
Tu as bien grandit, Ilya. D'un stranaïte fluide et mélodieux à l'oreille. Et tu parles bien kérosien ! J'espère que tu t'es fais des amis ici. J'étais tellement inquiète, tu sais...
Sa voix, c'est bien sa voix. Ilya essaye de répondre quelque chose mais il sent deux mains glacées se poser sur ses joues, la... L'hallucination -parce que ça ne peut être que ça- inspecte la repoussante cicatrice qui lui balafre le visage. Elle fronce les sourcils.
Qui t'as fait ça ?
Il se retrouve à répondre bêtement.
Je... J'ai combattu un sale type pour protéger un jeune garçon et...
Un sourire amer se dessine sur les lèvres de l'hallucination.
Un vrai preux chevalier, comme dans les contes que je vous racontais à toi et ta sœur. Tu te souviens ?
Les larmes montent au yeux d'Ilya, ça ne peut être qu'un rêve, ce n'est que ça. Elle ne peut pas être là après tant d'années, c'est impossible. Elle est morte. Il l'a su dés que le navire Sealg avait quitté les côtes de Strana. Et pourtant c'est bien elle. Son sourire triste, ses yeux fatigués, ses cheveux coiffés à la va-vite et cette douceur malheureuse.
C'est bel et bien Anastasia. Je... Je ne me souviens pas, maman. Finit-il par avouer avec honte. J'ai... Oublié Genya... Et le reste.
Elle garde silence un instant. Un instant qu'Ilya imagine être le calme avant la tempête de reproches mais... Non. Puis la voix qui s'échappe des lèvres de sa mère lui brise le cœur.
J'ai... J'étais presque sûre que cela arriverait... Mais pas si tôt... Ni comme ça.
Une voix résignée, triste et amer. Si elle avait été là, sans doute que les choses ne se seraient jamais passées comme ça. Vous étiez si jeunes, encore... Genya et toi, je vous revoit jouant dans les champs de blé en été. Tout me paraît si loin maintenant. Je me suis mentie en me disant que vous étiez inséparable, lié par une fraternité sans faille. Je suppose que c'était pour me rassurer. Souffle-t-elle. Et... Tu n'es pas dans un palace ni dans une réception quelconque. Je suppose que tu lui a donner ton titre.
Ilya hoche la tête avant de la baisser, honteux. Il pensait que porter la couronne ferait le bonheur de Genya mais... Il s'en souvient à peine mais... Il est quasiment sur qu'elle n'avait pas l'air heureuse quand il a posé le grand manteau du tsar sur ses épaules. Quand il l'a couronné. Il avait juste l'impression de l'avoir enfermé dans une cage.
Comme si elle lisait dans son esprit, l'apparition esquisse un sourire et caresse doucement sa joue. Elle s'en sortira. Elle a l'âme d'une combattante.
Ilya hoquète, tentant en vain de retenir ses larmes.
J'ai été lâche, et... Elle souffre à cause de moi...
Les gras -glacés ? Chaleureux ?- d'Anastasia viennent enserrer son fils.une de ses mains vient caresser ses cheveux devenus si long. C'est trop pour le Stranaïte qui éclate en sanglots. Il laisse tomber sa tête sur l'épaule du spectre et pleure à chaude larmes. C'est de ma faute, Ilya... Si j'avais été moins bête... Elle marque une pause, puis reprends, hésitante. Ilya, il faut que tu m'écoute. Genya et toi... Vous n'êtes pas les enfants du Tsar. Vous n'êtes pas légitimes. Vous êtes peut-être des Rusalka mais cette couronne qui peusait tant sur ta tête...
Ilya recule doucement, incrédule, observant sa mère sans rien dire. Lui, un fils bâtard ? Devrait-il être faché du mensonge de sa mère pendant tous ce temps ? Ses lèvres tremblent, il cherche une réponse à tout cela mais sa mère continue son récit. Je voulais tellement leur donner de l'espoir, je pensais que les Stranaïtes bleus pouvaient gagner. Mais... Je n'ai pas d'excuse pour ce que j'ai fais. Je vous ai mis en danger tous les deux, tout ça dans l'espoir de nous faire gagner, de pouvoir vous offrir une vie meilleure. Et quand tout le monde nous a abandonné, j'étais désespérée... Personne ne m'aurait cru si j'avais dit la vérité. Je vous avais condamnés...
Une main vient caresser la joue d'Ilya qui a du mal à remettre les pièces du puzzle ensemble. Il peine à comprendre. Ce rêve – Est-ce vraiment un rêve ? - est vraiment étrange. Et si, pourtant, c'était vrai ? Qu'est-ce que ça changerait, Anastasia avait emporté ce secret dans sa tombe, il n'y avait que lui pour l'entendre.
Ilya, tes crimes... J'en suis en parti responsable. Tu n'avais pas le choix, tu n'as jamais eut le choix. Et c'est de ma faute.
Il secoue la tête, les joues couvertes de larmes et les yeux humides à en voir flou. Je... Ollie, il m'a rejeté. Il ne m'aime plus... Parce que j'ai tué...
Anastasia revient vers lui, le serre dans ses bras, doucement. Pourtant, ce n'est que du froid qu'Ilya peut ressentir. Cela a quelque chose de frustrant, ce qui fait redoubler ses pleurs.
Ilya, tu dois te pardonner à toi-même avant tout.
Je ne peux pas... Gémit-il.
Je crois en toi.
Il ne sait toujours pas combien de temps cet instant dure. Sa mère le serrant dans ses bras et lui pleurant. Mais le ciel a bien changé, l'aurore menace de poindre. Quelque chose d'autre se distingue dans la brume. Quelque chose qui fait de gracieux mouvements, qui fait danser la brume elle-même.
Il est bientôt l'heure de partir, Ilya. Finit par souffler le spectre en reculant.
Il hoche la tête, ses yeux sont rouges à force d'avoir pleurer et il se sent épuisé. Je vous aime, Ilya. Toi et ta sœur avez toujours été mes plus grands trésors. Je suis désolée de vous avoir fait tant souffert.
Le blond relève la tête et demande d'une voix faible.
Maman, qui était notre père ?
Anastasia secoue la tête, sourire amer aux lèvres.
Un soldat révolutionnaire. J'avais changé d'identité pour m'enfuir et je m'étais cachée parmis eux. Il était gentil, j'avais juste besoin de douceur et... Tout s'est enchainé si vite. J'ai dû fuir mais il m'a laissé deux beaux cadeaux. Je ne sais même pas si il est encore en vie. Et Dévorêve m'a arraché son nom de la mémoire. J'aurais voulu pouvoir t'en dire plus. Mais c'est de famille, il semblerait.
Ilya hoche la tête, pensif, ne sachant toujours pas comment prendre cette étrange nouvelle. Mais les brumes se retirent et l'arrache de ses réflexions. Anastasia devient de plus en plus... Transparente. Merci, Ilya, merci à toi et à ta sœur d'exister, de vivre. J'aurais aimé être là pour vous. Ilya, merci d'être en vie, de t'être battu pour survivre. Je t'aime et je t'aimerais toujours qu'importe ce que tu feras, ne l'oublie jamais. Tu as toute ma gratitude.
Ilya cligne des yeux, Anastasia a disparut, un battement d'aile attire son regard. Un étrange oiseau couleur lavande s'envole dans le ciel. Semblerait-il que son travail ici soit fait. Le Stranaïte regarde une dernière fois l'endroit où était sa mère auparavant et est stupéfait de trouver une Gracidée à l'endroit même où elle s'est « évaporée ».
Il vient cueillir la fleur d'une main hésitante.
Toujours sous le choc, serrant la Gracidée contre lui, il décide de rentrer dans « sa » mine. Il aura sans doute les idées plus claires demains. Puis, tout ça n'est sans doute qu'un rêve. Oui, un rêve des plus mélancoliques, c'est obligé.
Quel n'est donc la sa surprise, lorsque le soleil de midi s'engouffre dans la cave, de voir que la Gracidée ne s'est pas évaporée. Toutes ces révélations de la nuit causent en lui bien du tumulte. Mais il a prit une décision certaine :
Il va rentrer à la maison.
Chez Charlotte.
C'est sa seule et unique maison maintenant. Et il a besoin des siens.