Les Yeux dans le brouillard | event halloween

Pendant une année toute entière, Oliver avait anticipé avec joie de retourner au Festival de Doon avec ses amis. Ils se l'étaient promis : ils reviendraient tous les trois ensemble. Une promesse qu'il aura fallu rappeler au jeune garçon pour qu'il daigne sortir de chez lui.

Il n'était pas vraiment d'humeur à s'amuser. Pas depuis plusieurs jours. Pas depuis qu'il avait revu Ilya. A vrai dire, il passait ses journées à pleurnicher sans vouloir sortir. Les vacances tombaient à pic, sans quoi il aurait aussi tiré la gueule au lycée. Cette fois, il n'y avait que Finn et Teagan pour constater sa tronche de Kecleon.

Et Asa, aussi. Un ami de Finn. Il n'avait pas l'air méchant... Oliver n'était juste pas dans un bon état d'esprit pour faire de nouvelles rencontres, voilà tout.
Là où la rouquine s'était inquiétée - il lui avait bien sûr menti et dit que tout allait bien, le spectre n'était pas aussi compatissant. Peut-être qu'il essayait de lui remonter le moral, à l'assommer de vannes, à l'appeler "son repose-coude préféré", mais si tel avait été le cas, il n'avait pas réussi. En plus d'être triste, Oliver était désormais grognon. Une émotion qu'il cacha tant bien que mal derrière son masque de Skitty, assorti à celui qui le suivait à la trace.

Les pieds trainant dans la poussière, le blondinet semblait parti à marcher toute la soirée juste pour faire plaisir à Finn, comme si les souvenirs des derniers jours ne lui croulaient pas dessus. Alors, quand le brouillard se leva, trop épais pour y voir plus loin que son nez, il soupira discrètement de soulagement derrière son déguisement.
Festival annulé. Rien ne sert de tirer des feux d'artifices, de monter sur la grande roue ou d'essayer de pécher des Canarticho en plastique si l'air est opaque. Une bonne occasion de rentrer continuer ce qu'il savait faire de mieux - se morfondre, sans pour autant filer à la Galarienne.
Pauvre Finn... il semblait un peu déçu. Halloween était sa fête préférée, après tout. Mais Oliver ne s'inquiétait pas trop pour lui. Brouillard ou pas brouillard, il trouverait un moyen de jouer toute la nuit et de terroriser "les clowns", comme il les appelait. Avec ou sans lui. Probablement mieux sans lui.

Leurs chemins se quittèrent une rue plus tard. L'adolescent refusa l'offre de son amie de le raccompagner. Il avait Vendredi 13 pour le guider. Il n'habitait pas si loin que ça. Mais surtout, et ça il n'en dit rien, il avait envie d'être seul.

S'il avait su comme la brume s'épaissirait... il aurait peut-être changé d'avis.

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Oliver revenait sur ce qu'il avait pensé. Finn devait probablement adorer cet horrible brouillard. Non content d'être glacial, s'y promener ne mettait pas l'adolescent bien à l'aide. Tout le contraire, même : il se sentait... observé, par un millier d'yeux pourtant invisibles. Chaque pas fait dans cette purée de pois lui donnait l'impression de se perdre dans un marécage. Il ne savait pas où il était, se fiant uniquement au flair et à l'instinct de ce cher Vendredi 13.

Alors quand ce dernier s'arrêta pour feuler, Oliver déglutit. Il était terrifié, il ne pouvait pas dire le contraire. Ses genoux grelottaient, ses dents se serraient et des petites plaintes se perdaient dans sa gorge nouée. Il ne voulait pas se perdre. Pas encore... et avec ces voix autour de lui et le comportement agressif du chaton... il se revoyait dans Eagal, à attendre qu'on vienne le sauver ou l'achever.
Pas un souvenir des plus agréables, en soit.

Il se pince le bras, espérant se réveiller d'un cauchemar, car ça y ressemble bien. Un soir d'Halloween brumeux et hanté où il se promène seul dans les rues glauques de Doon ? Oui, c'est forcément un rêve, un très mauvais d'ailleurs. Mais son petit jeu n'aura servi à rien d'autre que de le faire souffler de douleur et regretter son geste. Sa peau, si facile à marquer, présentait la trace de ses ongles et il n'était pas plus réveillé qu'il ne l'était avant.
Merde. Voilà qu'il regrettait la présence de ses amis. Pourquoi avait-il fallu qu'il fasse la tête ce soir-là ? Parce qu'Ilya lui avait appris un lourd secret ? Parce que Finn était un peu plus taquin que d'habitude ? Il se maudissait d'avoir encore laissé ses émotions négatives prendre le dessus sur sa raison. S'il avait été moins con... il ne serait pas à la merci des spectres.

Quand, du coin de l’œil, il aperçut une silhouette, il resta figé. Devait-il être rassuré ? Ou encore plus inquiet ? Cette silhouette ne lui était en rien familière. Ça ressemblait à... un grand enfant, ou un jeune adolescent. À en voir les gestes qu'il faisait, il essayait d'attirer son attention... non, ça ne pouvait pas être à lui que l'on faisait signe. Et si c'était le cas... peut-être une farce d'un spectre ?
Il ne pouvait pas mentir : la petite force de Calendula l'avait rendu plus méfiant qu'il ne l'était. C'était mieux ainsi, avait dit maman, trop inquiète à l'idée qu'il ait passé du temps avec un sans-abri. De lui-même, il n'aurait pas bougé. Il serait resté assis dans la brume à trembloter en attendant que le brouillard ou le jour ne daigne se lever.

Vendredi 13, lui, ne l'entendait pas de cette oreille. Il galopa vers l'inconnu, sans laisser le temps à son maître de le rappeler. Il ne semblait pas vouloir l'attaquer... du moins, il ne grognait pas et sa queue ne battait pas comme un fouet comme elle le fait quand il s'énerve. Alors... une fois de plus, Oliver lui ferait confiance. De toute façon, c'était ça ou rester seul à avoir peur comme un con.

V-Vend-dredi, q-qu'es-ce que...

Le chaton s'était arrêté, bel et bien au pied de l'inconnu. Il n'avait pas l'air de le craindre, il le reniflait avec curiosité. Il aurait déjà essayé de le croquer s'il avait s'agit d'un Zorua déguisé. Peut-être pouvait-il se permettre de s'en approcher, alors. En plus... ça n'était peut-être qu'un autre gamin perdu comme lui.

Hum... b-bonj-bonjour ? J-je... t-t-tu as b-besoin d'aide ?

Même face à quelqu'un de plus jeune que lui, il peinait à le regarder dans les yeux et à lui parler sans rougir d'embarras. Cela lui rappelait sa rencontre avec Lily. Mais au moins, la nuit avait été moins effrayante ce jour-là.

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Des boucles blondes, des yeux bleus, un petit minois parsemé de taches de rousseur... en s'y attardant un peu, Oliver croyait se reconnaître dans ce jeune garçon. On aurait facilement pu les croire frères. Et... tristement, il n'était pas beaucoup plus grand que lui, alors qu'à l'évidence, il n'avait pas plus de treize ou quatorze ans.
Regarder dans le blanc des yeux sont sosie était une expérience fascinante, mais aussi terrifiante. Un gamin qui lui ressemble trait pour trait, Oliver l'aurait probablement déjà remarqué à Doon. Il resta silencieux, un peu confus, attendant éventuellement une réponse.

Une voix aussi hésitante que la sienne lui répondit. S'il ne bégayait pas, ce gamin parlait encore plus doucement, presque comme s'il avait peur d'être entendu. Sa voix craquait un peu, ce qui est ordinaire à cet âge, mais quelque chose disait à Oliver que c'était plutôt l'anxiété qui lui serrait les cordes vocales. Comme lui, il n'avait pas l'air bien serein ou sûr de lui. Pourquoi l'avoir appelé vers lui, alors ?
La réponse lui vint de façon détournée. L'histoire de cet étranger était familière, et il semblait le connaître. Sa mère prenait Oliver pour son fils... il n'en connaissait pas des centaines comme ça.

Em-Emil ? demanda-t-il dans un souffle à l'unisson avec le garçon. Ce dernier rougit, un peu embarrassé, et Oliver en fit de même. Les deux vinrent se gratter le bras pour palier à leur embarras, avant qu'il ne redouble en constatant leurs gestes jumeaux.

Que dire ? Que faire exactement, face à ce genre d'apparition ? Les Pokémon Spectre n'ont jamais été rares, à Doon, mais de réels fantômes humains ? Ce n'était pas le genre de choses que l'on voyait tous les jours. On en parlait comme des légendes, des évènements rarissimes au mieux. Et dans les films... ils étaient souvent de retour pour se venger. Le lycéen ne put se retenir de frissonner à l'idée. Pourtant, Emil n'avait pas l'air méchant. Loin de là, en plus d'être son portrait craché, il était aussi intimidant que lui - à savoir, pas le moins du monde.
Il n'était toujours pas certain d'être réveillé, malgré la douleur qui le picotait encore. Ou alors, était-il fou ? Ça ne l'aurait étonné qu'à moitié, puisque rien ne semblait aller droit dans sa tête. En répondant à une apparition, il craignait d'empirer son cas, mais...

Emil le regardait avec des yeux de Vivaldaim. Un regard suppliant de dire quelque chose, n'importe quoi. Le genre qu'il avait l'habitude de lancer à sa mère pour qu'elle réponde à ses questions quand il était plus jeune. Voilà Oliver bien honteux. Il n'avait pas réalisé combien de temps avait passé dans ce silence de mort. Probablement trop pour le pauvre enfant qui attendait certainement quelque chose de lui.

A-alors c'est... v-vraiment toi ? demanda-t-il d'une voix cassée, hésitante, toujours un peu frileux à l'idée de discuter avec un spectre. Celui-ci acquiesça. Que pouvait-il dire d'autre qu'il n'avait déjà dit ?

Un autre silence se passa, moins loin cette fois, juste le temps qu'Oliver parvienne à mettre ses idées en place. Ses lèvres avaient du mal à former les mots, il se sentait comme un Magicarpe hors de l'eau à ouvrir et fermer la bouche à répétition au fur et à mesure que les mots lui venaient et lui échappaient. Éventuellement, une question sortit, un peu malgré lui. Une question... vraiment pas délicate.

Il s'est p-passé q-q-quoi, av-vec p-papa ?

Il regretta immédiatement ses paroles et s'apprêta à s'excuser. Le pauvre Emil avait l'air peiné. Pourtant, il lui répondit avant que son neveu - une idée bien étrange pour lui - ne puisse se confondre en larmes et en excuses.

C'était un accident... murmura-t-il d'une voix morose. Oliver crut sentir un peu d'amertume, mais si tel était le cas, il la cachait bien. Il m'a poussé dans l'eau et... je sais plus, après tout était noir.

La silhouette d'une larme glissa sur sa joue. S'il n'en voulait pas complètement à son frère, il était toujours dévasté en repensant à sa mort. Il était si jeune, avait tant de choses à vivre encore. Face à lui, Oliver se sentait presque coupable d'être en vie. S'il avait pu, il aurait volontiers échangé sa place avec lui. L'avenir l'effrayait, mais Emil aurait aimé en avoir un, lui.

Le jeune garçon soupira. Les bribes de contexte qu'il avait pu saisir lors des disputes entre son père et sa grand-mère signifiaient bien ce qu'il craignait. Charles Dixon avait du sang sur les mains. Il comprit mieux pourquoi le nom d'Emil était tabou. Pourquoi on ne lui avait jamais explicitement expliqué qu'il était mort, ni comment. Pourquoi, aussi, on ne lui avait jamais appris à nager.

Pourquoi son père ne supportait pas de le regarder.

Il a... il a v-vraim-ment f-fait ça ?

La question d'Oliver n'était adressée à personne en particulier. Il ne regardait même pas l'enfant spectre dans les yeux quand l'avait formulée. C'était sa façon à lui d'accepter, petit à petit, la réalité. Son père... son père qu'il aimait de tout son cœur depuis toujours. Qu'il admirait pour son sérieux, sa force et son courage... avait tué son frère.

"Un accident", répéta Emil timidement. Et s'il avait commencé à s'en douter, les faits étaient durs à digérer. D'abord Ilya... puis son père. Est-ce qu'il était destiné à apprendre de lourds secrets sur tous ceux qu'il aimait ?

Tu sais, je ne lui en veux pas... intervint le garçon, comme s'il avait entendu les pensées de l'autre, au début, j'étais très en colère... et très triste. J'entendais maman pleurer et je ne pouvais rien faire... mais ça fait si longtemps... il est venu me voir, lui aussi et je sais qu'il est désolé. Il vient me voir chaque année, tu sais, il m'a déjà parlé de toi.

Un sourire hésitant se dessina sur ses lèvres, mais quand il n'obtint d'Oliver qu'un regard triste, il avoua.

Cette année, il n'a presque rien dit, celle d'avant non plus.
J-je sais. Il m-m-me d-déteste... soupira Oliver en retour.
C'est faux ! s'exclama le spectre d'une voix vive, enfin, je veux dire... c'est de ma faute... parce qu'on se ressemble trop. Il me l'a dit l'autre jour.

L'autre jour... Soraid, peut-être ? Il se souvenait du regard que lui avait jeté son père, avant de détourner les yeux comme s'il avait vu un fantôme. C'était peut-être plus littéral qu'il ne le croyait.

C'est p-pas ta f-faute, le corrigea Oliver, sans pour autant oser le regarder, il me d-déteste... p-parce que j-je suis p-pas assez "g-garçon" p-p-pour lui. Face à la mine confuse de l'enfant, il continua, J'ai peur de tout, je n'aime pas me battre... j'aime les robes et les princesses, j'aime les romans d'amour, et... j'aime un garçon.

Il pouvait bien se permettre de le dire à Emil, non ? Ce n'était pas comme s'il allait le répéter à qui que ce soit. En tout cas, il aurait aimé mentir... mais même après la confession d'Ilya, il ne pouvait empêcher cette sensation de chaleur dans son coeur en pensant à lui. Il voulait le revoir. Il voulait tout oublier et reprendre leur amitié (?) où ils l'avaient laissée. Mais c'était encore trop tôt. Il savait bien que cette part de lui qui demandait à pardonner son ami sur le champ n'était pas raisonnable.

Il ne s'attendait pas vraiment à une réaction de la part d'Emil. Après tout, non content d'être un ectoplasme, il était si discret qu'il l'aurait presque oublié. Il ne s'attendait pas vraiment à une réaction... et certainement pas à celle-ci. Bouche-bée, il le regardait avec un mélange de choc et... d'admiration.

O-oh... je... je crois que moi aussi... j'aimais les garçons... comme un aime les filles, tu vois...

Sa peau trop pâle sa teinta de rose à cette idée. Ce pauvre gamin n'en avait probablement jamais parlé à qui que ce soit. Si l'homosexualité était encore mal acceptée à cette époque, qu'est-ce qu'Emil aurait subi vingt ans plus tôt ? C'était sûrement mieux qu'il n'en ait jamais parlé à son grand frère. Ou peut-être qu'au contraire, il l'aurait fait changer d'avis.

Ha... un petit rire jaune s'échappa des lèvres d'Oliver à cette idée, j-je c-crois que j-j'aurais aimé t'av-avoir c-comme oncle.

Avoir un membre de la famille "comme lui". Un oncle qui lui aurait fait savoir, déjà à l'époque, qu'il n'y avait rien de mal à se déguiser en fille ou de chanter des chansons d'amour. Qui lui aurait expliqué qu'on peut aimer les garçons comme les filles, sans honte et sans peur d'Arkée. Il lui aurait épargné des années de confusion et d’autoflagellation.

J'aurais voulu te connaître aussi... j'ai jamais rencontré quelqu'un comme moi avant... avoua-t-il d'une voix mélancolique, mais on dirait plus que je suis ton petit frère que ton oncle, haha...

Un autre rire sans joie. Les deux avaient exactement le même. Il avait raison, après tout. Il était plus jeune que lui de quelques années, et ces années se voyaient reflétées dans leur différence de taille. Mais un petit frère...

J-j'en ai d-déjà un... un p-petit f-frère. J-je sais p-p-pas si... P-papa ne v-veut p-pas que-
Tu feras un bon grand frère, j'en suis sûr ! coupa Emil, cette fois avec plus de conviction. Son enthousiasme retomba bien vite. Juste parce que Charlie a fait une grosse bêtise... ça veut pas dire que tu feras la même chose. T'es pas comme lui...

Revoilà la même amertume. De ce qu'Oliver comprenait, Emil était plus rancunier pour la façon dont il avait été traité de son vivant que celle dont il avait été tué. Le laisser se noyer, c'était un accident. Le laisser se faire frapper par des brutes à l'école, le délaisser et l'insulter, ce n'en était pas un.

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Peut-on câliner un fantôme ? Oliver n'aurait jamais cru pouvoir répondre un jour à cette question, encore moins par l'affirmative. Pourtant, les bras qui l'enlaçaient semblaient bien réels. Éthériques, chauds et froids à la fois, comme s'il était là et lointain à la fois. Un sentiment définitivement étrange, loin d'être aussi agréable qu'une étreinte vivante mais... pourtant, il se surprend à se détendre et à rendre la pareille au spectre, ignorant son dos glacé. Il verse quelques larmes en silence... il sait qu'il ne reverra sûrement pas après ce soir et le regrette. Bien sûr, il ne pouvait rien y faire, mais comme il aurait aimé mieux connaître cet enfant. Comme il aurait aimé qu'il grandisse en un adulte qui aurait pu le soutenir dans sa vie... il le méritait.

... peut-être plus que son frère, mais Oliver chassa vite cette pensée amère de son esprit. Il en voulait à son père pour plus d'une chose, mais ne le haïssait pas pour autant.

Emil lui murmura quelques paroles d'encouragement en lesquelles Oliver n'osait trop croire, mais qui lui réchauffèrent quand même le coeur. Il lui dit que tout irait bien, et il s'y rattacha avec le peu d'espoir qu'il lui restait. Tout n'était peut-être pas perdu avec son père. Il avait toute une vie pour être un excellent grand frère pour Maxwell et... comment Emil connaissait-il le nom d'Ilya ? Une fois la surprise passée, Oliver songea que ce pouvoir de lire dans les pensées des gens n'était pas plus improbable qu'une âme revenant parmi les vivants pour un soir. Il essuya ses larmes et murmura en réponse :

Ou-oui... j-je f-f-ferais d-de mon mieux, p-promis...

Comme si les cieux avaient décidé que leur conversation était arrivée à son sommet, la brume commença à se dissiper, laissant les rues de Doon se dessiner. Bien vite, les bras d'Emil perdirent leur tangibilité, ne devenant plus que de la fumée glaciale autour de lui. Il desserra son étreinte désormais inexistante, comprenant comme son neveu qu'il n'en avait plus pour longtemps.

Ils ne se verraient probablement plus jamais en tête à tête, mais le jeune garçon promit : il veillerait sur Oliver autant qu'il le pourrait. Depuis le monde des esprits, ou le paradis, peu importe où allaient véritablement les âmes après leur trépas. Une pensée qui fit esquisser un petit sourire à l'adolescent malgré les larmes et le chagrin de ne pas pouvoir apprendre à mieux connaître celui qui aurait pu devenir un ami cher si la mort ne les séparait pas.
Il ne put lui adresser qu'un dernier signe de main à défaut de pouvoir le reprendre dans ses bras ou même lui serrer la poigne et le regarda se fondre dans l'air de la nuit. Il n'y avait plus de trace d'Emil, juste le souvenir d'une présence un peu réconfortante. Si Oliver n'avait aucun moyen d'en être certain, il espérait que le spectre avait eu raison, et qu'il pourrait vraiment veiller sur lui, l'accompagner dans sa vie même sans pouvoir le voir ou le toucher.

Ne restait plus dans les ruelles vides qu'un drôle d'oiseau violet esquissant les derniers mouvements d'une danse. Sentant le regard d'Oliver sur lui, il s'arrêta et effectua une courbette.

C'est... c'est toi q-qui a f-fait ça ? demanda-t-il, la voix un peu cassée.

Le Pokémon acquiesça. C'était... un Plumeline de type Spectre, n'est-ce pas ? Il en avait entendu parler ces derniers temps. Il ignorait cependant qu'ils étaient capable de ramener les morts à la vie pour quelques instants.
Oliver sourit. Un sourire triste, mais sincère. Il s'approcha de l'oiseau, s'accroupit et lui caressa doucement les plumes de la tête.

M-merci b-b-beaucoup... j-je p-pense... j-je p-pense q-que j'avais b-besoin d-de v-voir ça.

Il accepta les grattouilles et lui sourit une dernière fois avant de s'envoler et de disparaître pour de bon.
Avec cette rencontre encore fraiche dans son esprit, qui serait sûrement un souvenir indélébile, il continua son chemin. Il sentit une chaleur contre ses pieds. Vendredi 13 lui faisait quelques câlins pour essayer de sécher ses larmes.

C'est p-pas grave, V-Vend-dredi... j-je vaais b-b-bien, lui assura-t-il avec un sourire.

Le chaton roucoula, acceptant les mots de son dresseur, et fila devant lui pour lui montrer le chemin sur les quelques mètres restants, prenant très à cœur son rôle de guide et protecteur. Sur les derniers pas menant à la porte, Oliver hésita.

Devrait-il parler à son père de ce qu'il avait vu ? Lui dire qu'Emil ne lui en voulait pas pour l'accident ? Quelque chose lui disait qu'il lui ferait plus de mal que de bien... de même pour grand-mère, qui vivrait plus heureuse en restant dans le déni pendant ses derniers jours. L'adolescent soupira et fit tourner la poignée. Au final, cette rencontre resterait un secret pour lui tout seul.

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