Jour de Vie [solo]

L'accouchement avait duré presque toute la journée. Quand Zahra était rentrée à l'orphelinat, c'était le bazar, tous les orphelins qui ne s'étaient pas absentés pour Soraid étaient maintenant en train de courir dans tous les sens. Madame Nightingale avait accouché de triplets.

La pauvre...

Zahra était à peine rentrée que Monsieur Braveheart l'avait serré dans ses bras en pleurant. Il était heureux, si heureux. Elle n'avait jamais vu une personne aussi heureuse que ça. Et cette joie était contagieuse car elle se mit elle-même à danser la danse traditionnelle de Saba tout en chantant des louanges aux anciennes divinités. Pas qu'elle croit en ces derniers mais elle en connaissait que cette chanson traditionnelle.

Elle fut surprise de constater que des enfants et adolescents vinrent la rejoindre dans sa danse. Bien sûr, le jus de baie, le soda et les petits gâteaux circulèrent rapidement. On était presque en plein milieu de la nuit et presque personne ne dormait.

La Sabatéenne dansa jusqu'à l'épuisement, comme le voulait la coutume. Puis elle s'affala sur le premier fauteuil libre à sa portée et vida un grand verre de jus de Pêcha. Elle soupira et se rendit soudain compte de l'ironie malheureuse de la situation.

L'anniversaire des pauvres trois petits bébés se passerait en même temps qu'une journée morne où toute réjouissante était mal vue. Peut-être que Madame Nightingale fêterait leur anniversaire un jour en avance ou en retards. En tout cas, la Sabatéenne espérait que ce ne soit pas un mauvais présage. Elle avait beau rejeter Arkée, elle restait superstitieuse sur certains points.

Enfin, après le fiasco qu'avait été son Soraid, ça lui faisait du bien de retrouver un peu de bonne humeur. Vers deux heures du matin, le duo chaotique Gaylord-Hilda fit son entrée. On leur expliqua rapidement la situation. Si Gaylord eut les larmes aux yeux et bientôt aux joues tant il était bouleversé de joie, Hilda semblait soulagée.

Elle fit quelques blagues qui firent rire certains et froncer les sourcils à d'autres mais Zahra, elle, se mit à rire de bon cœur. Ce maudit jour des morts devenait le jour de la naissance et du renouveau. Tous semblaient avoir oublié leur deuil et tous étaient heureux, ensemble.

Même si certains avouèrent ne pas supporter les bambins, tous étaient ravis que tout ce soit bien passé et que les triplets aillent bien. D'ailleurs, Zahra avait tiré une de ses gueules en apprenant qu'il y en avait trois. Pauvre Madame Nightingale ! Quand les petits allèrent se coucher, Monsieur Braveheart sortit quelques bouteilles de bière. Zahra accepta avec joie.

Le liquide frais et alcoolisé la grisa quelques instants. Elle n'avait pas le goût de celle de Saba mais c'était une très bonne bière quand même. Braveheart avait du goût. La soirée se finit entre échanges d'anecdotes tandis que Gaylord s'endormait peu à peu dans les bras de son compagnon. Hilda et Hitomi étaient là aussi.

Cette dernière semblait un peu pompette, ce qui fit rire Zahra tandis qu'elle lui tapotait l'épaule amicalement.

Lanakila, Kokohio et Ohana. C'était le nom des enfants de Nightingale et de Braveheart. Enfin, officieusement, car les parents étaient bien conscient du risque lié au racisme et au harcèlement possible. L'ainée s'appellerait donc Proserpine, sa cadette Arachnée et le petit dernier porterait le nom chevaleresque d'Oswald.

C'était vraiment des noms un peu étrange. Hilda le fit remarquer, sans doute désinhibée par l'alcool. Braveheart eut un petit rire et haussa les épaules. Charlotte était écrivaine de contes de fées après tout, ce n'était pas si étonnant qu'elle trouve des prénoms excentriques à ses enfants. Zahra, elle, regardait dans le vide, un sourire béat aux lèvres tandis qu'Hitomi s'endormait contre son épaule. Elle était heureuse, tellement heureuse.

Contrairement à certains, elle irait sûrement passer une visite à Madame Nightingale et à ses bambins. Et comme si il pouvait lire dans son esprit, Braveheart lui demanda si elle voulait bien immortaliser l'instant de quelques photos des poupons qui grandiraient bien vite. C'est avec grand plaisir qu'elle accepta.

La discutions dura jusqu'à ce que le soleil pointe son nez à l'horizon. L'aurore teinta le ciel d'un rose doux et agréable au regard. La jeune fille s'endormit sur le canapé, n'osant pas bouger de peur de réveiller Hitomi. Personne ne vint la gronder pour cela.

Au diable Soraid et son aura de deuil. Aujourd'hui était un jour de vie.