Zahra Kamara

Histoire

1939, début de la Grande guerre mondiale. Saba, de par son lien colonial avec Galar, entre en guerre contre les régions orientales. Les soldats Sabatéens sont utilisés comme de la chair à canon, pas d’entraînement militaire, moins bien traités que les autres unités. Ce mépris laisse à Saba un goût amer, maintenant ruiné par la Guerre, le pays n'est qu'un dommage collatéral parmi tant d'autres. En 1948, la guerre d'indépendance se déclare et si Saba gagne la manche, son gouvernement restera instable jusqu'à l'intervention diplomatique de Strana en 1960. Unys dénonce un coup d'état dissimulé mais les faits sont là : Saba connaît enfin la paix.

Voilà, c'est en gros l'histoire de mon pays comme le retranscrive les livres. Pour ma part je ne peux pas vraiment témoigner de tout cela, ma mémoire est un trou noir. Je me rappelle seulement du centre où ils m'ont enfermé pour « me guérir ». Je ne veux pas m'en souvenir non-plus. J'étais apparemment ce qu'ils appellent un enfant-soldat. Mon village a été ravagé par une ethnie ennemie à la mienne et ils ont massacré les adultes pour enrôler les enfants. Je n'ai jamais revu mes frères et sœurs d'armes. Je ne me souviens même pas de leur visage pour être honnête.

C'est le professeur Baobab qui est intervenu en ma faveur, il avait d'autres plans pour moi et pour mes frères et sœurs. Il voulait nous réinsérer dans la société comme il disait, faire de nous des gens normaux, son programme était soutenu par Strana. Il fallait se purger de la drogue, apprendre que les pokémons n'étaient pas que des armes, calmer nos cauchemars la nuit. Tous ce que je me souviens de l'époque des enfants-soldats ce sont les cauchemars. Je tue, je torture, je me sens puissante. Mais je me rappelle de cette femme qui avait le même visage que ma sœur, que j'ai égorgée, je me souviens du manque de drogue terrible et des moments où l'on me « touchait » sans que je le veuille. Le professeur Baobab a été très patient avec nous et sans lui, je serais sans doute morte ou à la rue.

Après quelques mois à devoir se sevrer des drogues et à se débarrasser des cauchemars grâces aux méthodes « bizarres » du professeur Baobab, on a enfin pu se mettre à aller en classe, nous les plus sages. Je sais que certains de mes frères et sœurs ont quitté l'institut et ont décidé de devenir des voyous, certains sont morts comme ça d'ailleurs. Pour ma part, j'ai pu apprendre à lire et c'est aujourd'hui mon activité préférée. Je ne sais pas comment expliquer, c'est presque maladif mais ça m'aide à ne pas penser à ce qui fait mal. L'oubli est une bonne chose, je pense, l'unique souvenir que je garde de mon « service militaire » et un signe de Némélios inscrit au fer rouge sur la paume de ma main, le signe des « libérateurs ». C'est le nom qu'ils se donnaient.

J'ai rapidement dévoré tout les livres de poésie et de littérature que le professeur avait en sa possession alors il s'est beaucoup intéressé à moi. Il a dit que j'avais « les tripes pour m'en sortir », alors il m'a aidé à passer mes examens. Je dois avouer que je me suis laissée porter parce que je ne savais pas ce que je devais faire. Je ne voulais pas faire grand chose en particulier, puisque ma vie entière n'avait été dictée que par des ordres jusqu'à là. Mais maintenant que je savais lire, c'était différent, j'avais un contrôle sur ma vie. C'est juste que... Je ne savais pas quoi en faire du tout. Alors j'ai obtenu mon diplôme mais aux yeux du professeur, ce n'était suffisant. Il disait que Saba ne m'offrirait jamais le savoir dont j'avais besoin pour exprimer mon plein potentiel.

J'aurais pu aller à Galar ou à Unys mais comme nous étions en mauvais termes avec ces deux nations, le professeur Baobab a préféré m'envoyer à Keros. Il disait que deux nations s'étant battues contre l'égide de Galar se soutiendraient l'une l'autre. Je crois qu'il était utopiste, on me regarde mal pour ma couleur de peau et mes cheveux crépus. Je ne suis pas de la bonne couleur pour eux, qu'on ait lutté ensemble contre Galar ou pas. Je n'en ai pas grand chose à faire de leurs coups et de leurs insultes de toute façon. J'ai vécu bien pire.

Selon le professeur Baobab, les études à Saba ne couvraient que les sujets les plus basiques, il préférait que je commence par le lycée plutôt que par des études supérieures. Je n'avais de toute façon pas l'âge pour ces dernières. Il m'a également dit que je devais trouver ce que je voulais faire dans ma vie, facile à dire. Enfin en attendant, il m'a donné un appareil photo et m'a demandé d'étudier la faune locale de Doon, là où j'habite maintenant, sous l'égide de Madame Nighingale, une amie du professeur Baobab. Les autres élèves se moquent beaucoup de mon accent et de mon coté « intello » mais peu osent s'en prendre aux orphelins Nightingale, les répercutions sont terribles. Ou alors ils s'imaginent qu'elles le sont.

Keros est un endroit très étrange, j'ai découvert un lieu où la majorité des maisons avait l'électricité et l'eau courante alors qu'à Saba, seul les plus riches pouvaient se le permettre. J'ai vu les grandes constructions de Pryderi et j'ai prit des photos pour le professeur Baobab, parce que je n'avais rien vu de tel avant. Il y a aussi eut de très belles manifestations colorées en Juillet, je n'ai pas encore totalement comprit l’intérêt de celle-ci, si il s'agissait d'une coutume ou d'une nouveauté mais beaucoup semblaient outragés par cela. À l'orphelinat en revanche, c'était la fête, nous avons mangé des gâteaux et bu du jus de baie – et de l'alcool pour les plus grand mais chut. On m'a rapidement expliqué que c'était pour célébrer l'homosexualité, quand deux hommes ou deux femmes s'aiment. Je dois encore déterminer si je suis concernée par cela ou non.

La faune locale est aussi très différente de la notre, moins agressive. Et la bibliothèque régionale regorge de livres à lire, je m'y rends souvent avec l'autorisation de Madame Nightingale. Il m'arrive d'accompagner ma bienfaitrice à certains événements importants, surtout quand ils ont un lien avec Strana ou les anciennes colonies de Galar. Je désire prouver au monde que Saba peut s'élever parmi les grands, j’ignore si c'est vrai cependant, nous restons dans l'ombre de la puissante Strana. Mais on ne crache pas dans la soupe, quand je vois un officier à l'étoile rouge, je dis « merci ».

Pour ce qui est de mes études, je dois avouer que je me lasse vite de ce que nous apprenions au lycée. J'étais ennuyée par ce que les Kerosiens réservaient comme éducations aux femmes. Je me fiche bien d'apprendre la couture ou la gymnastique, je suis mauvaise dans les deux cas de toute façon. Le professeur Baobab m'a dit qu'il me considérait comme sa future assistante et c'est donc dans cette optique que j'étudie la faune des Highlands. Madame Nightingale a finit par me déscolariser à regret. Mais je compte bien lui montrer qu'elle a fait le bon choix. Mes carnets sont remplis de croquis et d'informations concernant les pokémons de Keros.

Mais ce soir, avant de dormir, Madame Nightingale est venue me voir. C'est rare qu'elle se déplace ces temps-ci, elle est proche de l'accouchement alors je me suis dis que ça devait être très important. Elle avait reçu une lettre du professeur Baobab et nous l'avons lu ensemble. Il me donnait une nouvelle mission, une mission assez déconcertante. Je devais me faire des amis. Mais je ne comprends pas vraiment l’intérêt de tout ça. Mais puisque cela paraît important pour Madame Nightingale et pour le Professeur Baobab, je veux bien m'y pencher. Mais je ne garantis rien...