Céleste Delacroix

Histoire

« Je chanterai de tout cœur, Les merveilles d'Arkée, mon Seigneur... »

Pourtant, Arkée ne t'as jamais aidé. Né dans une famille pauvre dans les bas-quartiers d'Illumis, bien loin de la célèbre Tour Prismatique, prématurément, chétif et fragile. Tu es né en avance, c'est pour cela que tout le long de ta cohabitation avec eux, tes parents te disaient que tu ne faisait jamais rien comme il fallait, d'abord en tant que plaisanterie puis en tant qu'insulte. Ton père, tu espères vraiment qu'il a au moins essayé de t'aimer lorsque tu étais nourrisson, qu'il a essayé de s'attacher à ce petit mâle tremblant et pleurant dans son berceau en espérant que le petit Flamiaou devienne un grand Félinferno. Peut-être qu''un jour, la lueur de l'affection brillait dans son regard. Mais pour être honnête, tu n'en sais rien.

« Il m'a ôté des ténèbres, Il m'a délivré de tout péché. »

Maudite chanson que tu connais par cœur à présent. Arkée ne t'as pas délivré, il t'as enchaîné. Tu étais né hors-mariage, pour une mère croyante comme la tienne, c'était une horreur sans nom. Oh, bien sûr, tes parents se marièrent rapidement mais tu continuais pour elle à faire tâche dans le paysage. Tu n'es pas sûr que tes frères et sœurs aient eut à subir ces heures entières passées à réciter le livre sacré tandis que ta mère te fouettait le dos à coup de ceinture, suppliant le tout-puissant de lui pardonné son pêché. Il te reste encore quelques cicatrices de cette période révolu. Tu détestes ces dernières, elles te révulsent, tu préfère encore les couvrir de fond de teint et d'autres artifices pour les faire disparaître. Jamais sur scène elles ne paraissent au grand jour.

« Je suis dans la joie, une joie immense, Je suis dans l'allégresse, Car Arkée m'a libéré... »

Arkée ne t'es jamais venu en aide, en effet. Ta famille était pauvre, tu étais illégitime aux yeux de ta mère, alors la naissance de ton frère fut le coup de grâce. Sirius était un bébé bien portant, sans problèmes de santé notoires, qui accapara bien vite la totalité de l'attention et de l'argent de tes parents. Tu pouvais encore manger à leur table et dormir dans ta chambre, mais tu te demandais pour combien de temps encore. Et tu eut raison de te le demander puisque dès que Sirius commença son parcours scolaire dans une école bien plus prestigieuse que la tienne - tes parents ayant économiser pour, tu fut livré à toi-même, on ne plaçait plus d'assiette pour toi à la table, on te permettait de rester dans ta chambre mais tu t'y sentais comme un étranger. Plus précisément un parasite.

« Car Arkée est fidèle, il ne m'abandonne jamais... »

Fidèle ? Foutaise, il t'abandonna malgré toutes tes prières, malgré les coups de ceinture de ta mère, seul geste qu'elle faisait encore « pour toi ». Malgré l’espoir que tu plaçait en lui, Arkée ne te tendit jamais la main. La faim te poussait à te rabaisser au niveau des sans-abris, à voler les restants de nourriture quand les regards étaient ailleurs et à fouiller dans les poubelles dans l’espoir d'y trouver des restes encore consommables. Combien de fois tomba-tu malade à cause de cela ? Plus d'une fois pour certain, mais encore et toujours, que tu sois fiévreux ou pas, tu étais forcé de réciter ce maudit livre et de supporter la douleur qui te déchirer le dos en entendant ta maudite mère demander le pardon d'Arkée.

« Car Arkée est fidèle, il ne m'abandonne jamais. »

Tu considéra bien vite le dresseur du créateur de toute choses comme un connard de première, avant de considérer tout simplement qu'il n'existait pas. Ou plutôt, ces deux idées se bataillaient dans ta tête. Mais tu en étais certain maintenant, tu ne méritait pas les coups et les insultes de ta mère, ni l'indifférence grandissante de ton père. Ni même les brimades qui ne tardèrent pas à tomber sur ton dos à l'école quand les gamins apprirent ta condition. Pas difficile : tu sentais mauvais la poubelle presque tous les matins. Puis les mots entre voisins se colportent vite, tu devins la risée de ta classe. Une honte pour tes parents. Silencieux, au fond de la classe, tu laissa chuter tes notes, toi qui étais auparavant élève modèle, en quête de reconnaissance. Maintenant tu n'attendais plus rien de personne. Et c'est à partir de ce moment que les professeurs te méprisèrent presque autant que leurs élèves.

« Je n'ai plus rien à craindre, Car Arkée m'a libéré. »

La Crainte justement, tu as vécu dedans pendant un bon bout de temps, ta mère ayant apprit pour tes piètres notes, ces crises redoublèrent et les heures de torture se firent plus longues, plus courantes. Tu refusa bientôt catégoriquement d'aller à la piscine avec tes camarades, ils se moquaient bien de toi et de ton dos balafré. Ta famille était « des cas sociaux » comme on disait, même les professeurs étaient de cet avis. Tu aurais vite prit une corde et un tabouret si Monsieur Leblanc n'avait pas débarqué dans ta vie comme un grain de sable dans l'engrenage tragique de ton destin. C'était le nouveau professeur de musique, c'est lui qui te força à te lever devant toute la classe pour chanter l'hymne de Kalos. Surprise générale : ta voix était belle. Belle mais trop féminine.

« Je te remercie, Arkée, pour toutes les grâces, dont tu me combles sans cesse »

Tu ne mets nullement sur le compte d'Arkée ta rencontre avec ce professeur de musique, il était aussi sévère que les autres professeurs mais contrairement à eux, il croyait en toi. Mais il croyait aussi constamment que tu gâchait ton potentiel. Il te força bien vite à intégrer la chorale de l'école. Étonnement, cela te fit du bien, beaucoup de bien. Contrairement à ce que tes parents te disaient en criant, parfois -souvent- ivres, tu savais faire quelque chose. Cela aurait bien put continuer, tu aurait pu rejoindre une école prestigieuse, obtenir des bourses et travailler dans un lieu huppé, un opéra par exemple. Mais tes parents ne suivirent pas, ta mère se contenta de te coller dans la chorale de l'église de ton quartier. Chanter devint alors une torture.

« Et qui m’éclairent, comme la lumière du soleil, par elles tu me montres le chemin sûr. »

Bien vite, trop vite, tes dix-huit ans arrivèrent et tu dut passer plusieurs tests pour déterminer si tu étais apte à passer le service militaire. Cela te terrifiait mais cet Arkée de malheur se joua de toi. Tu étais atteint d'anémie, disait-on. Ta santé avait toujours été fragile après tout. Tu ne servirait pas la nation, selon ton père, tu serais à jamais inutile. Ce n'est pas en chantant que l'on remplit son assiette ou que l'on sert à la société, gueulait-il en frappant du poing sur la table. Et la table devint bientôt ta tête. Un jeu morbide auquel Sirius se joint bien vite par imitation et désir de rester le préféré de son père. Car bientôt, ta mère donnerait naissance à un nouvel enfant et cette nouvelle terrifiait ton frère.

« Merci, Arkée, de m’avoir créée, de m’avoir appelée du néant à l’existence. »

Plus personne pour te soutenir, plus personne pour te laisser tranquille. Tous te regardaient de travers maintenant. Les voisins parlaient dans ton dos et on te regardait d'un œil mauvais quand tu faisait les poubelles. Les gentils voisins qui autrefois avaient pitié de toi et t'offraient de quoi te nourrir devinrent rapidement d'autre genre de bourreaux, colportant toute sortes de rumeurs à ton sujet. Et quand l'une d'elle arriva aux oreilles de ton père, il entra dans une rage folle. Les voisins marmonnaient entre eux que tu étais « une pédale » et allons savoir pourquoi, ton père goba l'histoire sans même se poser de question. Il aurait pu te jeter dehors mais il t'enferma dans ta chambre, sous les suppliques de ta mère. Elle voulait que tu prenne du temps pour réfléchir à tes péchés, et tu ne serait délivré de ta prison qu'une fois repenti, purifié. Tu fis ta première tentative de suicide.

« D’y avoir marqué ta divine empreinte, et de ne l’avoir fait que par amour. »

La suite des événements est un trou noir pour toi. Des cris, des disputes, des larmes. Prendre sa vie était un péché selon Arkée. Et tu avais osé commettre cet acte honteux. Ta mère était furieuse, elle te hurla au visage que tu ne méritais pas la grâce d'Arkée ni l'amour de tes parents. Tu fis bien d'autres tentatives, mais aucune ne fut fructueuse, ce maudit Arkée te refusait l'amour mais la mort aussi. Il se jouait de toi, comme si tu n'existait que pour souffrir. Tu pensais avoir atteint le fond du tunnel mais malheureusement pour toi, il y avait plus profond. Tout devient encore pire lorsque tu fit la rencontre de ton « premier amour ». Un jeune homme aux apparences tout à fait charmantes. Tu préfère ne pas se souvenir de son prénom.

« Merci, Arkée, pour le saint baptême qui m’a incorporée à la famille divine »

Définitivement foutu dehors, tu n'avais que chez lui pour te réfugier. Ton père te promettait la raclée de ta vie si tu osais repointer ton nez chez eux. Mais tu n'étais pas seul, hein ? Il te restait ce jeune homme que tu aimais corps et âme. Des deux, tu lui donna un peu trop. Même quand tu ne voulais pas vraiment le faire, il trouvait toujours les mots pour te convaincre. Tu étais un oiseau en cage pour lui, rien de plus. Loué pour ta beauté et ton chant, mais interdit de toute liberté. Était-ce vraiment mieux que chez tes parents au final ? Il se lassa bien vite de ta candeur et de ta gentillesse, de ta manie de toujours s'inquiéter pour lui par amour, de tout accepter par amour. Apparemment, ce n'est pas ce qu'il cherchait dans un couple. Il voulait que l'animal se débatte avant le coup de grâce. Mais ce n'était pas ton genre.

« C’est un don inconcevable et grand qui transforme nos âmes. »

Après avoir usé et abusé de toi, il te mit à la porte sans honte, en plein hiver. C'est à cet époque que tu rencontra Morganite. À l'époque où tu t'imaginais encore crever dans la rue. Mais c'est aussi à cet époque que tu fis la connaissance de Lloyd de Berthelier . Il était riche, adepte des arts et il venait de Keros. Son intérêt pour toi naquis alors que tu chantais dans les rues pour mendier ton pain. Le rouquin pensait qu'il y avait plus en toi que tu ne pouvais l'imaginer. Il devint donc ton mécène en quelque sorte. Il te ramena avec lui à Keros, tu laissait Kalos et Illumis derrière toi sans regret. Il te fit découvrir que des gens « comme toi » existaient, des gens qui ne te voulaient aucun mal. Pour ta part, tu pouvait te remettre à chanter.

« Merci, Arkée, également. Pour n'être qu'une connerie enfoncée dans la tête des enfants. »

Le Draining Kiss, la communauté queer, l'amour de Lloyd et de Lisbeth sa compagne. Tant de choses se passèrent à Keros. Des choses que tu as encore du mal à comprendre. Tu peine encore à accepter d'avoir le droit d'exister. Mais tu es là, tu chante et on t'écoute, on t'applaudit même. On te trouve beau, séduisant, attirant alors même que tu te grime en femme. Lisbeth t'a apprit bien des tours en la matière. Tu vis ta vie comme tu souhaitais toujours la vivre, tu crache sans honte à la gueule des prêtres, tu participe aux manifestations pour les causes les plus nobles. Tu n'aspire qu'à plus de liberté, d'amour et de paix. Mais tu sais que pour toi comme pour les gens qui te ressemblent un peu, le chemin est encore bien long. Tu sais qu'il faut faire attention où tu marche et tu sais que tu n'es pas le bienvenu partout. Mais ça n'a pas d'importance, tu te dis que demain est un autre jour rempli de promesses.

Et c'est comme si Kalos n'avait jamais existé.