Histoire

L’histoire d’Olympe c’est l’histoire d’un produit car la demoiselle n’est rien de plus qu’un outil pour faire vendre : faire vendre le régime en place, faire vendre la profession de coordinatrice auprès des jeunes filles, faire vendre des magazines aux jeunes hommes, faire vendre du maquillage aux femmes, faire vendre des actions aux vieux nobles.

Olympe a été créé de toute pièce et elle se complaît du flou qui l’entoure.

De la personne derrière la façade de poupée on ne sait rien et l’on croit tout, ainsi elle n’hésite pas à faire tourner en bourrique qui veut bien s’intéresser à elle. Son agence, une filiale d’Unys cherchant à s’implanter sur le marché Kérosien, raconte qu’elle vient de Doon, une si jolie fille si fragile, si douce, d’une telle ville ! Sauvée par la coordination où maintenant elle peut s’épanouir dans la gloire et les paillettes. Mais les habitants de Doon vous diront qu’ils ne l’ont jamais vu, quand bien même la télévision assure qu’elle a bien changé depuis qu’elle a été repéré. On entend de tout à son sujet, elle serait la bâtarde d’un producteur qui souhaite rentabiliser son infidélité, une princesse exilée d’une autre contrée, un homme efféminé qui les a tous trompé, une fille de Glenn que l’on aurait trop maquillé. Et selon son humeur, Olympe donne raison à la version qui l’amuse le plus.

Mais revenons à son histoire car Olympe, la création, est toute récente.

Lancée sur le marché au début de l’année pour toutes les raisons citées plus haut, elle fait sa première apparition en tant que nouvelle image d’une maison de couture spécialisée dans la coordination. De là on lui colle cette étiquette de coordinatrice qui ne doit rester qu’une étiquette, si on lui donne la carte pour que l’histoire tienne la route, Olympe n’est pas vraiment censé être une artiste.. Et pourtant.

On lui a assuré qu’elle n’avait pas réellement besoin de concourir, après tout il est plus facile d’orchestrer de fausses représentations que de faire confiance à l’étrange demoiselle. Mais elle a insisté, a dit qu’elle déchirerait son contrat si on ne la laissait pas essayer. Oh ils ont peur, peur de tout perdre, peur de ce qu’elle pourrait bien faire car elle n’est docile qu’en apparence. C’est un fait, Olympe aime le confort de sa petite vie inventée mais elle brûle aussi de tout envoyer valser. On la surveille, elle ne voyage jamais bien longtemps seule, a toujours des comptes à rendre. On cherche à l’apaiser à défaut de pouvoir la contrôler. Peut-être qu’un jour elle sera remplacée, quand ils seront lassés de ses humeurs changeantes, de sa fausse tranquillité. Peut-être devrait-elle se calmer, se montrer plus reconnaissante mais ce serait perdre le peu d’elle qui lui reste et ça, il en est hors de question.

Car à force de jouer un rôle, elle ne sait plus vraiment qui elle est, s’adapte à son public et change sa façon de parler pour coller à celle de son interlocuteur. Les artifices ont bien du mal à tomber et ce même lorsqu’elle semble sincère, le coin de ses lèvres se tord en un sourire qui laisse à penser le contraire. Honnête elle ne l’est avec personne et n’y échappe pas elle-même. Elle aime se voiler la face, que ce soit mentalement ou physiquement.

Et parlons-en, de son physique. Comme pour tout le reste, il a été méticuleusement conçu rien que pour son persona et comme pour tout le reste, savoir comment elle était avant est mission impossible. Effleurant le mètre cinquante, Olympe n’est pas bien grande mais ce n’est pas un soucis qu’elle dit, puisqu’au moins elle rentre parfaitement dans l’objectif des photographes. Elle porte souvent des chaussures plates style babies, bien plus confortables que les talons qu’on l’oblige à porter pour ses apparitions filmées. Son style reste le même depuis son lancement, on souhaite quelque chose de féerique, de très éthérique, on veut du mignon puis le mignon devient du joli et le joli se transforme en presque sexy. Puisque la carrière fonctionne bien ainsi, on n’insiste pas trop sur les contrats de la lingerie, ce qui ne les empêche pas de prendre des photos en apparence innocentes dont certains détails peuvent échauffer les esprits. Par ailleurs sa chevelure n'est pas vraiment en deux tons, ce sont des extensions magentas qui lui sont posées dans sa crinière brune pour créer cet effet, c'est qu'il ne faudrait pas inciter les jeunes à jouer avec les colorations. Ses cheveux sont pourtant un des traits qui font qu'on la reconnait aisément, ça et ses milliers de petits accessoires assemblés. On cache cependant beaucoup son visage derrière une grosse frange, un maquillage toujours plus dollesque, cette sorte d'accessoire en dentelle qui lui sert de masque. La raison derrière tout ça ? Encore une fois tout est sujet à interprétation, cacher ses défauts est une raison qui revient souvent et Olympe dira que c'est sans doute la plus vraie. C'est que ses iris sont trop rouges pour être celles d'un ange alors comme tout ce qui n'est pas bon pour le business, on évite de les montrer.

C’est tout un travail pour séduire un large panel de consommateurs, un travail qu’elle juge ennuyant, s’endormant à toute les réunions visant à comparer des données et améliorer son image. Elle comprend qu’elle est un investissement et que de ce fait, elle doit ramener de l’argent. Mais ce n’est pas une femme d’affaire, loin de là, Olympe veut bien jouer les marionnettes, préfère agir selon leurs dires plutôt qu’avoir à réfléchir. Elle en devient fainéante, se fatigue de la moindre décision.

Quand Olympe souffle ses bougies de six mois d’existence, elle a déjà perdu goût à bien des plaisirs de la vie. On craint qu’elle ne se tourne vers l’alcool ou la drogue, les hommes peut-être. Et effectivement Olympe fréquente quelques bars discrets, préfère la compagnie des femmes jusqu’à ce que ce soit trop vrai. Elle n’a pas le temps pour les amourettes ni pour un scandale alors elle amoindrie ses sorties. C’est peut-être ça au final qui la pousse vers les concours. Voilà un moment qu’elle en parle sans se lancer mais puisqu’elle ne sait plus comment vivre pour elle-même, elle se doit de faire vivre son personnage.

On l’a vendu comme une coordinatrice, un modèle de ce à quoi elles devraient ressembler mais voilà la réalité ne colle pas avec l’image que l’on veut afficher. Elle ne doit pas être trop musclée, c’est ainsi que l’été est rythmé par une bataille entre sa préparation physique à la coordination et les régimes ordonnés par son équipe. Elle a plus l’impression de reculer que d’avancer, est bien trop fatiguée par le peu qu’elle mange pour avoir la force de s’entraîner. Oh elle comprend qu’ils essayent de retarder ses débuts sur scène, histoire d’avoir le temps de se préparer au pire, de contrôler les pots cassés.

Olympe n’a aucune pitié, glisse au moment d’une interview sur ses projets concernant la rentrée qu’elle se lancera à ce moment dans la quête des rubans. Ses managers s’affolent, certains rigolent nerveusement mais leur égérie n’est pas encore une idole et ils cherchent à se convaincre que ça ne peut qu’être bénéfique pour eux, qu’elle concoure pour ce qu’elle vend. Alors une nouvelle réunion a lieu, une où Olympe ne dort pas, bien trop satisfaite de les avoir secoués. Elle se délecte de les voir aller dans sa direction même si, une fois de plus, elle se voit poser des obligations. Ses tenues doivent évidemment être de la marque pour qui elle pose, elle doit tourner les thèmes de façon à ne pas trop s’éloigner de l’image de son persona et ses pokémons lui sont choisis et offerts. Elle accepte. Ce n’est pas la liberté qu’elle cherchait en choisissant cette voie, juste une façon de rentrer un peu plus dans la peau de celle qu’elle habite depuis huit moins maintenant. Ils veulent une coordinatrice fée ? Pourquoi ne pourrait-elle pas l’être ?

Elle ne se demande même pas si elle en est vraiment capable, ne se rappelle même plus la dernière fois qu’elle a tenu une pokéball entre ses mains, si même elle en a déjà eu.

Et pourtant la voilà persuadée d’avoir eu un jour un Polichombr.. Ou bien s’agissait-il d’un Branette ? Ah, qui sait. Quand bien même ça aurait été vrai, ça ne colle pas à son image de petit ange rose bonbon. Alors Olympe fait ce qu’elle fait de mieux et abandonne cette petite pensée. Peu importe qui elle a été un jour et qui l’a accompagné, aujourd’hui elle est Olympe et Olympe est un tableau encore vierge qu’il ne tient qu’à elle de peindre de ses mensonges et d’en faire ainsi sa vérité.